Après ce tendre baiser chocolaté, Shizuka se sentait toute chose. Ses lèvres frémissaient suite à ce contact, et, une fois le repas terminé, elles se trouvèrent dehors, main dans la main, le cœur de Shizuka continuant à bondir dans sa poitrine. Son père lui avait toujours répété qu’elle était trop timide, et qu’elle était une femme pleine de qualités. La guérisseuse ne l’avait pas dit à sa chérie, mais, après les tueries au Temple de la Lune, pendant des années, elle avait suivi une pédopsychiatre, afin de guérir de son traumatisme, de son agoraphobie, et de sa peur des autres, ainsi que du contact. La pédopsychiatre avait fini par considérer qu’il faudrait un long traitement, et, comme Shizuka n’avait aucun problème au niveau de ses résultats scolaires, sa mère avait décidé d’arrêter de payer cette spécialiste. Maintenant, Shizuka allait se marier avec la Princesse... Marchant dans le couloir, elle peinait à y croire. C’était comme vivre un conte de fées, un rêve éveillé ! Une simple paysanne, qui se mariait avec une Princesse... Est-ce qu’on ferait un conte de fées sur elle plus tard ? Elle ne savait pas comment y penser, mais cette idée l’excitait énormément. Elle, la simple guérisseuse, sans aucune ambition, qui marchait main dans la main avec la Princesse d’Edoras... Oh, il ne fallait pas croire que Shizuka sortait avec Hinata juste parce qu’elle était la dirigeante du royaume, mais... Et bien, cet élément était important, mais il avait, en réalité, plutôt tendance à repousser Shizuka. Hinata aurait-elle été, comme elle, une simple paysanne, que Shizuka ne se serait pas sentie aussi gênée de la sentir dans la main. Était-elle vraiment à sa place ici ? Hinata avait beau lui assurer que oui, Shizuka avait encore des doutes.
Finalement, son aimée lui demanda de bien vouloir l’attendre ailleurs, lui laissant carte blanche. Shizuka sortit de ses silencieuses pensées, et acquiesça en hochant la tête. Elle allait lui faire un baiser, mais Hinata réagit plus rapidement, déposant sur sa joue un baiser, avant de s’éclipser. Shizuka n’avait pas eu l’occasion de l’embrasser sur les lèvres, et, si elle avait été plus ferme, elle l’aurait attrapé par la main pour l’embrasser sur les lèvres.
*
J’ai peur d’être un boulet pour elle... Je me vois mal assister aux conférences de ministres, ou devoir la soutenir sur des choix difficiles...*
Shizuka avait du mal à réagir sous la pression, et, à la simple idée de se retrouver au Conseil de la Princesse, elle en avait des suées. Elle se mit à marcher, s’aventurant le long des couloirs du Temple de la Lune, croisant quelques servantes, les saluant rapidement en hochant la main, rouge comme une pivoine. La nuit était en train de s’abattre sur Edoras, et elle n’était toujours pas rentrée à l’Académie... Shizuka n’avait aucune affaire particulière ici, et, en fait, elle réalisa qu’elle n’était pas sortie de la journée du Temple de la Lune. Demain, il faudrait qu’elle aille prévenir l’Académie que la Princesse allait bien, puis sans aucun doute aller voir ses parents. Ils étaient habitués à ce que Shizuka ne vienne pas plusieurs soirs, comme elle restait au sein de l’Académie, mais elle avait maintenant quelque chose à leur dire... Et elle imaginait volontiers leurs réactions. Son père serait ravi de voir qu’elle s’était trouvée une copine, sa mère aurait un point de vue plus cartésien, en se disant qu’il ne fallait pas tomber sur un glandouillard qui voudrait les ruiner... Sa grande sœur se demanderait si Shizuka était toujours vierge, et Chikako... Il était probable que Chikako ne comprendrait guère l’importance de cette nouvelle, et que, comme elle n’avait pas vu sa grande sœur depuis plusieurs jours, son premier réflexe soit de se blottir dans ses bras.
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Le pire, c’est qu’il ne faudra pas que je leur dise qui est ma dulcinée...*
Hinata voulait leur faire la surprise, et Shizuka avait du mal à ne pas tout dire envers son père. Là encore, elle marchait sans trop savoir où elle allait, et ses pas finirent par la conduire devant la chambre d’Hinata. Shizuka s’arrêta devant sa porte, clignant des yeux, et se rappela ce qu’elle lui avait dit... Shizuka pouvait aller ici si elle le voulait, et, même si la femme lui avait donné expressément son accord, Shizuka hésita un peu. Diable, c’était la chambre de la Princesse ! Sa main s’approcha du loquet de la porte, et elle la posa dessus, mettant plusieurs minutes, avant de finir par rentrer.
Vide et silencieuse, la chambre était éclairée par quelques bougies, et elle entreprit d’en allumer d’autres, puis s’assit timidement, pendant quelques minutes, sur le rebord du lit. Elle avait vécu tant de choses aujourd’hui qu’elle sut alors ce qu’elle devait faire. La guérisseuse sortit alors, puis fila dans la chambre qu’on lui avait initialement alloué le temps qu’elle guérisse la Princesse. Ses affaires personnelles étaient toujours là, et elle sortit son journal intime, puis fila dans la chambre de la Princesse, s’assit devant un bureau, et entreprit de le remplir.
Sur la couverture du journal, on pouvait lire :
« Les aventures de Shizuka
5ème Volume »
C’était l’une des rares leçons de sa pédopsychiatre qu’elle suivait : coucher par écrit ce qui lui arrivait, afin d’extérioriser ce qu’elle pensait, et pouvoir les rationaliser. Elle avait déjà rempli quatre cahiers, qu’elle conservait précieusement dans ses affaires, et que personne ne pouvait lire... Pas même ses parents ! D’une main fébrile, elle entreprit donc de remplir des pages vierges, afin de coucher sur papier tout ce qui venait de lui arriver...
...Mine de rien, elle avait bien des choses à raconter.