MIRMIRION
C’était une pirate. Et une salope qui avait forniqué avec la sorcière. Éprouverait-il des remords à la tuer ? Bien au contraire, il s’en sentait soulagé. Tant pour des motifs personnels que sociaux. D’un simple point de vue personnel, Mirmirion avait toujours apprécié quand les femmes courbaient l’échine devant lui. Et, de manière plus générale, il appréciait quand on s’inclinait devant lui, quand on avait
peur de lui. C’était, pour lui, l’incarnation la plus pure et la plus noble du pouvoir. Et que cherche un individu dans la vie ? Le pouvoir. Tout simplement. En tant que seigneur féodal, Mirmirion aimait se balader parmi ces gens, et voir les pécores s’incliner devant lui. Il aimait profiter de ce pouvoir, de ce pouvoir chèrement acquis. Mais, s’il était gratifiant de dominer les pécores, c’était encore plus excitant de dresser des femmes. Chez lui, aucune femme ne se rebellait contre lui, que ce soit sa propre épouse, dont le seul objectif était de lui fournir descendance, ou ses nombreuses maîtresses. Toutes le craignaient et respectaient sa virilité majestueuse. Les fermières adoraient quand il venait dans leurs granges, il dépucelait les jeunes mariées, et se fâchait quand il voyait que les jeunes mariées n’étaient pas vierges. C’était une atteinte à son plaisir personnel, mais aussi aux saints préceptes de l’Ordre. Combien de mariages avait-il annulé pour cause de «
corruption morale » ? Alors, quand il tombait sur des homosexuels... De sales pédés ou des putes de gouines, Mirmirion, par principe, les tuait. Kelly était une gouine. Une grosse salope qui avait forniqué avec les ennemies de l’Ordre, ces sales putes de sorcières qui méritaient toutes de finir sur un bûcher, avec leurs sortilèges, et leurs fêtes rituelles où elles copulaient avec des démons.
Et, d’un point de vue social, Kelly était une pirate. Une voleuse, une contrebandière, qui grignotait la part du gâteau, qui s’attaquait à des commerçants honnêtes. Un mode de vie en-dehors de ce que l’Ordre préconisait. Mirmirion, en tant que Champion de la Cupidité, abhorrait les voleurs. Qu’il soit lui-même un voleur avec ses impôts écrasants, et ses nombreuses taxes indirectes, ne lui traversait jamais l’esprit. Sa seigneurie était extrêmement sévère envers les voleurs, et des peines lourdes étaient prévues pour les mineurs. Pour les majeurs, le vol était sanctionné, soit par les galères, soit par la peine de mort. La pendaison, si le juge était un tant soit peu clément, mais, si Mirmirion assistait à la séance, on ordonnait généralement un dépeçage en public. Il n’avait donc aucune raison d’épargner Kelly.
Quand il lui était tombé dessus, après son affrontement contre Kiriko, il avait donc attaqué cette dernière. Elle avait beau être rusée, elle ne s’était pas attendue à tomber sur lui. Elle avait essayé de lui échapper, mais Mirmirion était un prédateur-né. Chez lui, il traquait souvent des femmes qui, ne comprenant pas leur chance d’être chez lui, essayaient de s’échapper dans la forêt. C’était même parfois un jeu de chasse auquel il s’adonnait avec des prisonniers. Il leur laissait dix minutes pour s’enfuir, puis, avec ses vassaux, il les traquait. Un jeu très divertissant. Tuer Kelly, tuer la salope, lui avait rappelé ce délicieux moment. Et c’était encore plus gratifiant qu’il l’avait fait devant un public. Comme si Dieu, dans son infinie générosité, avait voulu lui montrer qu’il était sur la bonne voie. Va, mon Enfant, je te montre le Chemin.
*
Amen.*
Un gouffre de plusieurs mètres les séparait. Même le champion du monde du saut olympique ne pourrait le franchir. Mirmirion avait toujours sur le tranchant de sa lame le sang de la salope, qui allait dévorer les rats. Il releva la tête vers Kiriko, voyant que cette dernière était folle de rage... Et, curieusement, dans la rage, elle était toujours aussi belle. Le bouffon costumé, le fétichiste du chocolat, tentait inutilement de la raisonner.
*
Il aurait juste suffi qu’elle accepte de sucer ma queue pour être en vie... Qu’elle reconnaisse la supériorité du sexe masculin, de notre virilité...*
Milka tenta de poser une main vers Kiriko.
«
Gente dame, il faut... »
Kiriko bondit alors au-dessus du gouffre, atterrissant pile devant Mirmirion, qui en écarquilla les yeux.
«
Mais que... ?! Comment est-ce... ?! »
Il n’eut pas le temps de terminer sa phrase que Kiriko, méconnaissable, semblant comme en transe, se rua vers lui.
*
Sorcellerie !*
Par réflexe, Mirmirioon bondit en arrière, la lame tranchant dans le vide, et il sortit la sienne, sa lourde claymore, avant de frapper le katana de la jeune femme. Les deux lames se croisaient. Il avait déjà affronté cette femme, mais c’était une toute autre adversaire qui se dressait devant lui. Mue par la rage, elle l’enchaînait avec fureur, son katana jaillissant dans tous les sens. Mirmirion peinait à suivre. Les mouvements de cette femme étaient tout simplement
surhumains. Le katana semblait aussi léger qu’une plume dans ses mains, et elle était surtout extrêmement rapide. Mirmirion avait du mal à suivre. Elle trichait ne utilisant sa magie, et il fut blessé à plusieurs reprises, se repliant dans la galerie, jusqu’à sentir les ouvertures.
*
Elle n’a pas l’habitude d’utiliser sa magie, c’est son corps qui pompe... Et il s’épuise... Deux pour le prix d’une. Seigneur, je vous aime.*
Il parvint ainsi à répondre, à imposer son rythme, et finit même, suprême jouissance, par la frapper. Elle tomba sur le sol, stoppée dans son élan, brisée, et il s’avança lentement, un sourire sur les lèvres. Kiriko... Kelly... Deux noms de salopes, deux salopes, deux putes qui allaient crever. La nature était bien faite. Il s’avança lentement, la voyant ramper. Mirmirion avait une érection, il bandait fort, et releva la tête. L’abruti au Chocolat n’était plus là. Dommage. Il sortit sa claymore.
«
Crève, salope. »
Mirmirion abattit sa lame, mais la femme le dévia. Elle avait abîmé son armure, coupé l’une de ses précieuses cornes. Savait-elle combien cette armure coûtait ? Bien plus que son justaucorps violet de prostituée ! Il grogna, énervé, et leva sa lame, la brandissant au-dessus de sa tête. Il poussa un cri et l’abattit de toutes ses forces, mais tapa dans le vide. Sa claymore heurta le sol, et il regarda autour de lui.
«
Mais que... ?! Où... Où est-elle ? Où ? Où ?! »
Ce... Ce devait être une blague, forcément ! Elle était disparue dans une volute de fumée, et il sentit alors, venant de cette fumée qui disparaissait, une délicieuse odeur enivrante. Une odeur qui ne laissait présumer aucun doute sur son contenu.
*
La succube...*
Il serra le poing, furieux.
«
FOUTUES SALOPES DE MERDE !! » tonna-t-il.
MILKA
Milka, inutilement, avait essayé de la raisonner, de lui suggérer de l’affronter ensemble, mais elle était en proie à une telle rage qu’elle l’avait totalement ignoré. Le valeureux chevalier au Chocolat l’avait vu franchir le gouffre, et il avait alors tenté de faire le tour, cherchant une sortie pour la secourir. Une femme était morte devant ses yeux, mais il ne voulait pas qu’une autre meure. Certes, il savait que Kiriko était forte, mais il ne pouvait s’empêcher de se sentir comme une sorte de chevalier protecteur avec elle. C’était son rôle, son devoir, que de la protéger. C’était puéril, certes, mais il avait été éduqué ainsi, dans une île où les femmes avaient un poids, et où les hommes, pour les séduire, devaient souvent accomplir leurs quatre volontés. Les femmes s’occupaient en effet de la fabrication du chocolat, étaient donc les prêtresses de Cac-Ao, leur Dieu tout-puissant.
Et, alors qu’il revenait vers Mirmirion et Kiriko, une force l’avait téléporté ailleurs, le surprenant tellement qu’il s’était emmêlé les pieds dans la cape, chutant lourdement sur le sol, décrivant une série de roulés-boulés avant de s’écraser contre un mur. Se relevant, surpris, il avait regardé autour de lui, ne reconnaissant plus rien, et regardait autour de lui, paniqué, jusqu’à voir quelqu’un s’approcher. Il fut soulagé en reconnaissant Kiriko, et s’approcha d’elle.
«
Gente dame ! Je suis tellement soulagé de vous revoir ! »
Il voyait clairement, à l’expression de Kiriko, qu’elle était frustrée, mais elle semblait indemne, même si son visage témoignait qu’elle avait reçu un coup.
«
Nous rendrons justice à votre amie, soyez-en sûre ! Ce vil gredin recevra la récompense qu’il mérite ! »
C’était une promesse que l’homme se faisait. Le sol se mit alors à trembler, les murs à vibrer.
«
Mais... Même si j’ignore qui nous a transporté, il nous vaut mieux sortir rapidement. »