Il me regarde, sous sa capuche. Il m'amuse, et je m'amuse aussi d'avoir quelqu'un qui me regarde sans arrêt. J'avais seulement envie de cela. Mais pourquoi faut-il qu'il parle ? C'est agaçant. Cette sinistre voix ressemble à un soupir venu du plus profond de sa gorge.
« Puisque nous allons passer le reste de nos existences respectives ensemble, j'aurais quelques questions à te poser.
- Des questions ? D'accord, je t'y autorise. Ce n'est pas comme si cela allait me coûter énormément.
- Quel est donc ton véritable nom ? Et depuis combien de temps existes-tu ?
- Je suis Alma Lane, et j'ai 19 ans, tout simplement. Tu devrais le savoir, depuis hier.
- Rien n'est jamais sûr, avec vous, les humains.
- Mais je ne suis pas qu'une simple humaine, je te rappelle. Je suis une humaine avec des pouvoirs. Et avec toi, je suis même une humaine avec une créature puissante à ses côtés. C'est enrichissant, d'ailleurs, d'avoir son serviteur venu de l'outre-monde. »
Je l'agace, je le sens. Il n'aime pas que je lui rappelle que je suis sa maîtresse et qu'il est mon esclave. Mais peu importe, j'aime cette sensation de pouvoir sur une telle créature.
« Et tu es une femme, c'est bien cela ?
- Ca doit aussi se voir ! Je suis une femme, bien entendu ! Avec ma belle peau de pêche, mes longs cheveux blonds avec un peu de rose aux pointes, mes lèvres pulpeuses et mes... avantages visibles. J'ai une silhouette divine, de longues jambes fines, épilées comme il se doit, et je ne te parle même pas de mes belles fesses qui font baver tous les hommes. Qui serait donc incapable de dire si je suis une femme ? Et puis, mis à part mes horribles tenues d'écolières, mes vêtements sont toujours tout ce qu'il y a de plus provoquant : tunique à jupe avec un décolleté saillant et des fesses bien moulées. Seules une vraie femme porterait ce genre de vêtement. Et aussi ma petite collection de bijoux fantaisistes : pour les poignets, le bras, le cou, le ventre, les hanches... j'adore ce genre d'attirail, je trouve que ça ajoute un charme exotique à ma personne.
- Un charme exotique ? Qu'entends-tu par là ?
- Allons, tu comprends très bien : les hommes aiment ce qui est séduisant, mais d'avantage ce qui est séduisant et qui vient d'un autre pays. Et quand on est comme moi, et qu'on souhaite plaire par tous les moyens, on joue avec tous les artifices. Mais bon, je ne m'attends pas à ce que tu saisisses mes paroles : je ne pense pas qu'un type habillé en moine, avec une horrible cape à capuche brun-gris sale et trouée par endroit, puisse saisir tous les aspects de ma beauté.
- J'ignore vraiment ce que les humains trouvent d'attirant dans cette exubérance de couleurs et de formes.
- Cela ne m'étonne qu'à moitié. Quand on a la gueule cagoulé toute la journée, et qu'on traine une faux à la con derrière soi, comme un fantôme traîne son boulet, on peut pas vraiment être au courant des dernières modes, n'est-ce pas ? »
Sentir son agacement résonner dans mon coeur... quelle voluptée.
« J'ai pris le temps d'observer ton coeur, également. Tu es pleine de défauts purement humain.
- Comment cela, des défauts ? Alors là, tu mens ! Je suis tout ce qu'il y a de plus parfait : je suis gentille, attentionnée, délicate. J'aime aider ceux qui ont besoin d'aide, j'aime faire rire les autres, ou même simplement discuter.
- Ce que tu aimes surtout, c'est sentir que les gens te sont redevables, qu'ils te considèrent comme leur chance dans leur vie. Tu aimes soumettre ceux qui te résistent, et punir ceux qui te manquent de respect en les rabaissant en public. Tu aimes par dessus tout le pouvoir et la domination. Tu aimes avoir toujours raison, et tu ne supportes pas avoir tort.
- Je n'ai jamais tort.
- Et surtout, tu es très égocentrique.
- Ferme là donc ! Tu ne sais rien de moi.
- Oh si, je sais beaucoup de chose. Je sais même que tu détestes ta mère, plus que quiconque, pour ce qu'elle t'a fais, t'a infligé comme fardeau.
- Là, tu fais erreur : je lui suis reconnaissante. Si elle n'avait pas couché avec cet homme, je ne serai pas née avec cette capacité de te soumettre à mon bon vouloir. Maintenant que j'ai une créature plus forte qu'un humain à ma botte, je compte ne pas changer.
- Mais quel est donc ce pouvoir dont tu es si fière ?
- Te souviens-tu de ce baiser que je t'ai demandé ? Et bien, lorsque j'embrasse une créature, tout en formant un pentacle avec ma langue, alors j'oblige cette créature à m'obéir, à me suivre et à me respecter. Elle devient ma chose. Et si je souhaite la conserver aussi longtemps que je le désir, je n'ai qu'à le laisser embrasser mon tatouage, et alors, la magie s'opère : il ou elle devient mon esclave jusqu'à sa mort, voir même après sa mort.
- Tellement prévisible, en plus de cela. Manipulatrice, orgueilleuse, tellement humaine qu'on se demande vraiment comment tu pouvais être si sûre de toi, au point de m'avoir invoqué.
- Je suis très joueuse : j'aime mettre en jeu gros, pour gagner gros. Quitte à perdre la vie, autant risquer de gagner la jackpot. C'est pareil avec les gens : lorsque j'ai envie de quelqu'un, homme ou femme, je n'hésite pas à sortir le grand jeu.
- Il y a encore une chose que je m'explique pas : comment as-tu reçu ce don ? Et ce tatouage ? Tu parlais d'un homme, et de ta mère, c'est bien cela ?
- Bien, je vais te raconter cette histoire. Mais tu as intérêt à bien me suivre. Durant son trente-deuxième printemps, ma mère fut laissée seule dans son petit appartement par mon père, qui s'en alla rejoindre une des poufs qu'il tentait d'engrosser à la place de son épouse. Bien entendu, ma mère n'ignorait rien, mais faisait comme si. Ce soir-là, donc, elle reçu la visite d'un homme qui se présenta comme un ami d'enfance. Elle l'accueillit dans sa maison et lui proposa un café, ce que l'homme ne put refuser. Et durant leur conversation sur le bon vieux temps, une tempête éclata dehors. Elle osa donc lui proposer de rester pour la nuit, et l'homme ne se fit pas prier. Et en pleine nuit, il entra dans sa chambre et lui fit l'amour, avec le consentement totale de ma pute de mère. Mais l'homme, après l'avoir engrossée, se transforma, devenant une sorte de grand homme aux cheveux blancs et au teint mâte, avec des lunettes en forme de flamme sur les yeux. Il dit alors à ma mère : "Tu enfanteras de mon successeur : il aura le pouvoir de soumettre à sa volonté toute créature qu'il voudra. Je reviendrai le chercher dans quarante années, et je l'emmènerai vers son destin. Et toi, tu lui révèleras cette histoire lors de son quinzième anniversaire ! Et tu mourras ensuite !"
- Etrange histoire..
- Sauf que tout s'est réalisé : neuf mois plus tard, je naissais avec un tatouage sur le bras gauche, et durant mon enfance, je découvrais mon pouvoir. Amusant de manipuler tous les garçons du jardin d'enfant. Et puis, ma mère me raconta cette histoire lors de mon quinzième anniversaire avant de se suicider sous mes yeux. Depuis, j'ai appris à maîtrisé mon pouvoir plus efficacement. J'ai aussi compris l'intérêt de mon tatouate, et j'ai utilisé ses capacité pour devenir cette femme séduisante et incroyablement désirable que tu as en face de toi. J'ai pus avoir tous les hommes et toutes les femmes que je désirai, avec ce pouvoir, même si je trouve plus amusant de les prendre dans mes filets par mes charmes. Le seul inconvénients de cette histoire, c'est que je dû rester avec mon salaud de père depuis le suicide de ma génitrice.
- D'où cette colère envers elle... Et moi dans tout cela ?
- J'ai longtemps réfléchis à l'histoire de ma mère, et quand j'y ai finalement cru, je me suis dis qu'il serait bon d'avoir un serviteur puissant à mes côté, au cas à mon véritable géniteur viendrait me chercher plus tôt. Alors je t'ai invoqué, comme dans les film d'horreur : rituel avec bougie, offrande et tout le tin-tsoin. Et je t'ai finalement piégé comme il faut.
- Cela me semblait bizarre, aussi : en échange de ton âme, j'avais juste à t'embrasser. Surtout que moi, un seigneur de la mort, je n'aurai jamais dû consentir à cette demande. Quelle idiot j'ai été !
- Et cette erreur a amené ta perte : tu es désormais ma chose, mon esclave, mon serviteur. D'ailleurs, je dois avouer avoir été surprise la première fois que je t'ai vu : je m'attendais à ce que tu apparaisses comme un beau jeune homme, séduisant, l'air sombre, le regard plein de mystère, avec un smoking et une cravate. Mais je suis malheureusement tombée sur le pauvre bougre habillé de guenille, avec des mains de squelettes tenant une faux blanche ivoire, et une capuche sur le visage qui m'empêche de savoir à quoi tu ressembles.
- Et tu devrais en être heureuse : tu ne tiendrai même pas deux secondes à la vue de mon visage. Tu en mourrais littéralement de peur, c'est la plus grande force à nous autres, les seigneurs de la mort. Les mourants, capables de voir notre silhouette, nous laisse leur âme si nous leur montrons notre visage.
- Mais j'y pense, à part te vanter, tu sais faire quelque chose de ton corps recouvert d'un sac à patate ?
- Je peux agir dans le monde physique sans que personne ne le sache. En général, je le fais avec discrétion : si quelqu'un doit mourir, je chercherai quelque chose pour provoquer un accident, comme une poulie qui casse et laisse tomber un frigo sur sa tête, ou un pneu qui crève et le camion qui fonce sur l'homme. Mais je peux tout à fais tuer directement, en tranchant avec ma faux.
- Mouais... tu t'en serviras juste pour me protéger, de cette capacité. Je n'ai pas envie d'attirer l'attention des flics sur moi... enfin, quoique... des hommes en uniformes...
- Reste bien consciente que je ne t'obéis que parce que je le dois. Je suis toujours un seigneur de la mort.
- Mais heureusement, je suis la seule à pouvoir te voir et à communiquer directement avec toi. Personne ne t'aideras, dans ce monde, et personne n'aimerai t'aider, de toute manière. Que tu le veuilles ou non, tu combattras pour moi, mourras pour moi. Tu feras tout ce que je t'ordonne, sans poser de questions, et rien de ce que tu pourras faire changera cela. J'ai hâte de voir ce dont tu es capable pour satisfaire mes moindres désirs.
- Ne soit pas trop imbu de toi-même, pauvre jouvencelle : dès que tu me tourneras le dos, je te transpercerai de ma faux.
- J'ai bien peur que cela n'arrive jamais. Mais maintenant, j'ai une question : que dirais-tu si je t'appelai Pupuce ? »
Cela lui déplaît clairement... Parfait, il s'appellera donc désormais Pupuce.
~~Je me suis permis d'écrire ma fiche en conversation entre Alma et son serviteur. J'y ai mis normalement toutes les informations demandés. S'il manque quelque chose, n'hésitez pas à me le signaler.~~