SANS-NOM
Le Sans-Nom commençait à voir le tableau, et la manière dont toutes les pièces du puzzle s’agençaient. Fort-Hiver avait été construit avec l’aide des Tekhanes, il y a probablement des siècles de cela, afin de dissimuler l’existence d’une faille dimensionnelle, reliant Terra à une dimension particulièrement sinistre. Les ordinateurs présents, la configuration du bunker, faisaient penser à l’ancien système de sécurité tekhan, celui dont on retrouvait des traces dans les bunkers souterrains abandonnés des Badlands. Le temps avait passé, et il était probable que, malgré la présence du Monolithe, plusieurs monstres s’étaient parfois échappés du bunker, et avaient été capturés, puis enfermés dans des cages. Il devait donc assurément y avoir un système de sécurité automatique, système qui avait été désactivé par Cassandra Tates. Le Sans-Nom continuait à réfléchir, et à analyser ce qui s’était passé. Un virus très perfectionné, le ParaMexis 3.0, avait été implanté. En soi, il était impossible que les Ashnardiens aient conçu ce virus, car ils dépassaient, et de loin, leurs compétences informatiques. Par conséquent, outre Miranda et Cassandra Tates, il y avait assurément d’autres personnes impliquées, et sûrement des Tekhanes. Elles avaient du fournir le Paramexis 3.0, ainsi que les informations sur ce bunker de sécurité.
*
Mais pourquoi des Tekhanes et des Ashnardiens chercheraient à ouvrir cette faille ?*
Si le Sans-Nom avait répondu à la question du «
Comment », et partiellement à la question du «
Qui », il restait encore une question d’importance : «
Pourquoi ». Il lui fallait encore réunir des éléments d’informations, et, pour l’heure, le Sans-Nom devait poursuivre dans le bunker. Depuis le moniteur, il parvint à accéder à un plan du bunker. Ce dernier s’étalait sur quatre étages souterrains, le Monolithe se trouvant au troisième niveau. Le quatrième était une sorte de niveau d’évacuation menant dans les grottes. Il était d’ailleurs probable que le bunker avait été construit à partir des grottes. Le Sans-Nom continuait à envisager les différentes hypothèses, quand les Celkhanes revinrent auprès de lui.
«
Je vais me rendre au Monolithe. »
Il ne tenait pas à converser plus que nécessaire avec elles, mais il savait qu’elles ne le lâcheraient pas. Il sortit de la pièce, et s’enfonça dans un couloir sombre, jusqu’à atteindre un escalier. Il le descendit lentement. L’endroit était désert, sombre, et assez oppressant. L’escalier conduisit à un long couloir, que l’homme suivit. Sa combinaison brillait dans la nuit, et il avait ses radars et ses détecteurs actifs. Cependant, les Nécromorphes avaient déserté la zone du bunker. L’homme s’approcha d’une porte. Elle coulissa sur son passage. L’alimentation du bunker avait souffert. L’éclairage ne fonctionnait plus, et ils débarquèrent dans un réfectoire... Rempli de cadavres.
*
Voilà qui est intéressant...*
Il y avait de nombreux cadavres, assez frais. Le Sans-Nom s’approcha de l’un d’eux, et tâta son pouls. Il cherchait à déterminer la cause de la mort. Ils n’avaient pas été massacrés par des Nécromorphes, mais ils étaient bel et bien morts. Il comprit rapidement l’origine de la mort, en voyant des traînées de sang derrière des cadavres, et de nombreux impacts de balles... Ainsi que quatre tourelles de défense automatique dans les coins.
«
C’est un piège ! » s’exclama-t-il.
Il eut à peine le temps d’appuyer sur un bouton de sa console que les tourelles se mirent à rugir.
MIRANDA
«
C’est un piège ! » entendit-il le Sans-Nom s’exclamer, ce qui la fit sourire.
Il avait été fidèle à la réputation des Sans-Nom. L’engager avait peut-être été une erreur, mais Miranda ne pensait pas qu’un seul homme ferait la différence. Naturellement, comme elle l’avait escompté, lui et les siens avaient compris qu’ils s’étaient faits avoir, et que sa présence permettrait simplement de résoudre d’un coup plusieurs problèmes. Miranda voulait effectivement détruire Caelestis, mais ce n’était pas sa seule motivation. Si elle avait activement participé à l’élaboration de tout ce projet, c’était pour satisfaire à d’autres impératifs. Elle se tenait alors dans une salle de sécurité auxiliaire du bunker, d’où elle contrôlait tout, conformément aux plans de fonctionnement du bunker. Elle avait détecté une intrusion dans le système informatique, et avait utilisé les caméras de sécurité pour trouver deux petites Celkhanes égarées ici, ainsi qu’un Sans-Nom. En fouillant dans le système, il avait rapidement compris pourquoi Cassandra Tates avait été réquisitionnée par Miranda. Ses talents de voleuse lui avaient permis de s’infiltrer dans le bunker, et de prendre le contrôle du système de sécurité, sans que le personnel sur place ne la repère.
Bien que ce bunker soit ancien, il n’avait jamais été abandonné par les Tekhanes, qui y avaient toujours laissé une petite équipe, afin de surveiller l’activité du Monolithe. Pour les tuer, il avait suffi d’atteindre qu’ils mangent au réfectoire, où l’essentiel de l’équipe était réunie. Les tourelles de défense avaient été reprogrammées, et avaient fait un carton. Et Miranda venait tout simplement de les réactiver, afin qu’elles massacrent les Celkhanes et le Sans-Nom.
*
Simple, rapide, et efficace.*
Le Sans-Nom avait cependant réagi suffisamment vite pour créer un bouclier qui le protégeait, lui et les deux Celkhanes, mais il s’était fait toucher. Les balles rugissaient contre le bouclier. Des puissantes balles perforantes le mettaient à rude épreuve. Ce n’était plus qu’une question de temps avant que ces trois gêneurs ne soient supprimés. Tout ce que Miranda avait à faire, c’était se délecter du spectacle.
ESPADA
Conrad devait retenir cette maudite Celkhane. Espada aurait probablement du la tuer dès qu’elle l’avait vu, mais son esprit avait été concentré par autre chose. Elle recherchait le trésor de Sire Hiver : une orbe magique, qu’elle avait trouvé. Et puis, la Celkhane ne l’inquiétait pas. Elle était, comme Conrad, des données accessoires. Sans intérêt. Tandis que la Celkhane se démenait avec le Nécromorphe, Espada continuait à se concentrer. Cette orbe était un fragment issu du Monolithe, une pièce centrale, et il fallait une puissante magicienne comme elle pour réussir à en saisir toutes les subtilités. La magie vibrait intensivement autour d’elle, mais elle émanait de l’orbe, l’orbe qui se réveillait, et qui émettait une vive lueur rouge. L’appareil magique flottait dans les airs, face à Espada, et se défendait. Des éclairs rouges filaient vers elle, malmenant ses glyphes et ses sorts de protection. Toute la pièce tremblait dangereusement, des lézardes se répandant le long des murs. Sa peau vint également se craqueler, des lignes de sang se formant sur ses joues, et le long de son dos. La douleur éclata dans son corps, mais elle ne lâcha pas prise. L’orbe se défendait.
Elle tourna alors la tête, en voyant que la Celkhane était venue à bout de Conrad, qui gisait en morceaux derrière elle. Il avait tenu moins longtemps qu’elle ne l’aurait espéré, mais ce n’était pas grave. Elle tendit la main vers la Celkhane, et des tentacules rouges jaillirent de chacun de ses doigts. Ils étaient aussi fins que des lames, et filaient vers la Celkhane. Ils l’évitèrent de peu, heurtant sa combinaison, la déchirant comme du beurre, avant de s’écraser contre le mur, le fendant.
«
Tu m’ennuies, poussière ! Dégage ! » hurla alors Espada.
Elle se concentra encore, et envoya une puissante onde magique qui frappa de plein fouet la Celkhane, et pulvérisa le mur. Tout le donjon sembla se mettre à trembler, alors que les piliers qui le soutenaient se fragilisaient. Le toit se mit à souffrir, sous l’effet de l’orbe, et finit par se désagréger, avant d’exploser. Depuis l’orbe, un immense rayon rouge jaillit vers le ciel, et transperça les nuages. Le choc magique fut d’une telle intensité qu’Espada en fut repoussée. Des éclairs rouges jaillissaient tout autour de l’orbe. Espada se mettait à en trembler de peur. La vision était féérique, et elle se protégeait avec un bouclier contre les éclairs. L’un d’eux atteignit alors Conrad, le frappant de plein fouet, et ses yeux morts s’illuminèrent alors, devenant rouges phosphorescents, tandis que son corps sembla encore se régénérer. Lentement, Conrad se reconstituait, et semblait encore plus impressionnant, alors qu’il se relevait.
Autour de l’orbe, le sol s’était affaissé, formant des lézardes.
«
Ça.. Ça fonctionne ! » s’extasia Espada.
Elle se mit alors à cracher du sang, et comprit quelle avait sans doute du un peu trop forcer. Mais, quoiqu’il en soit, l’orbe avait réussi, et était en train d’épuiser toute sa magie. Il lui fallait juste tenir.
MÉLINDA WARREN
La Celkhane ne tarda pas à répondre à Mélinda. Elle était plus modérée que Suki, ce qui, à vrai dire, ne dérangeait pas beaucoup la vampire. Nerveuse, elle avait besoin de se défouler, et de penser à autre chose qu’à ces monstres horribles, ou à son frère qui avait sauté dans le vide, emportant avec lui l’un des affreux monstres qui avaient tenté de la tuer. Quoi de mieux pour s’occuper l’esprit que d’avoir une petite dispute avec une Celkhane ? Finalement, Léo, après une naturelle provocation, vint lui poser une question. Mélinda y répondit assez rapidement, en haussant les épaules :
«
C’est dans l’ordre des choses, tout simplement. »
Elle développa assez rapidement, poursuivant :
«
Les humains sont faits pour être privés de liberté. Ce n’est pas une question de domination d’une race supérieure, mais quelque chose d’instinctif. Je crois que la soumission est inscrite dans vos gènes. Même en l’absence d’autres espèces, les humains ne peuvent rien faire d’autre que d’avoir des relations de pouvoir entre eux, et de se soumettre à quelqu’un qui apparaît comme clairvoyants, sages. Les Dieux vous ont conçu ainsi, pour plier le genou, et pour prier. La liberté est un mot creux pour vous. Même toi, qui prétends combattre ceux qui oppressent la liberté, tu ne fais qu’obéir à des ordres. »
Mélinda haussa les épaules.
«
La légitimité de l’esclavage ne pose pas de problèmes particuliers. Les humains sont conçus pour obéir. Leur liberté se consiste à se trouver un bon Maître... Ou, en l’occurrence, une bonne Maîtresse. Vos tentatives pathétiques de soigner Kairi sont inutiles, car elle a accepté sa véritable situation : celle d’être une dominée, de suivre les ordres. Elle a tout simplement pleinement admis ce principe, alors que vous, mes chéries, vous vous cachez derrière des idéaux et des mensonges creux. La vérité, c’est qu’il n’y a aucune difficulté à ... »
Mélinda n’eut pas le temps d’achever, car les murs se mirent à vibrer dangereusement. D’intenses tremblements qui la surprirent, alors que des lézardes se formaient sur le plafond.
«
Mais... Mais qu’est-ce qui se passe ?! »