MÉLINDA WARREN
Suki Tetsuhiko... Comment oublier cette petite teigne qui lui était tombée dessus comme une furie ? Mélinda était alors à Tekhos, achetant, en toute illégalité, des esclaves. Une simple illégalité fiscale... Elle savait que la femme à qui elle achetait des esclaves le faisait en toute discrétion, pour éviter de payer les taxes. Elle était tombée dans un piège organisé par les autorités tekhanes afin de démanteler l’esclavage illégal. Il y avait plusieurs Celkhanes avec les Tekhanes : la douce et petite Kairi, ainsi que Suki. Ces deux folle dingues hystériques avaient poursuivi Mélinda jusque dans le métro ! Mélinda avait réussi à kidnapper Kairi, et avait proposé à Suki un long chantage, qui avait finalement les trois femmes à faire follement l’amour, et à réveiller, aussi bien chez Kairi que chez Suki, mais surtout chez la première, leurs pulsions d’esclaves. Clémente, elle les avait laissé dans sa chambre d’hôtel, alors qu’elle aurait tout à fait pu les supprimer.
*
Et maintenant, je me retrouve dans la situation inverse... Ma grande bonté me perdra...*
Elle était encore trop blessée pour se déplacer. Le monstre ne l’avait pas loupé, mais elle sentait le doute dans les yeux de Suki. Liana était désœuvrée. Tout pouvait arriver si Suki tirait, et Mélinda était convaincue que Liana lui sauterait dessus pour la tuer, que ce côté sauvage chez les nekos se réveillerait. Akira aussi entrerait dans une rage noire, et risquait d’utiliser ses pouvoirs aquatiques pour faire s’évaporer toute l’eau dans le corps de Suki, ce qui équivaudrait à une mort. Si elle mourrait, Mélinda aurait au moins la satisfaction de voir son agresseur être emportée avec elle. Une maigre consolation, mais toujours préférable à rien du tout. La vampire ne disait rien, consciente que la haine farouche que Suki éprouvait pour elle était avant tout dirigée contre elle-même. La Celkhane s’en voulait d’avoir succombé, d’avoir laissé Mélinda lui faire l’amour, et d’avoir
adoré ça. C’était sa fierté qui la dictait. Elle se refusait à admettre qu’elle avait pu prendre son pied au pieu avec une esclavagiste, incarnation, pour ces petites femmes endoctrinées, du Mal absolu.
La vampire sentait le temps se suspendre, lorsqu’une autre femme approcha. Une sorte de Suki en plus mâture, qui réussit à la convaincre de ne pas tirer. L’autre Celkhane s’adressa ensuite à elle, qualifiant au passage les esclavagistes de «
pourriture ». C’était gratuit, et, ma foi, ça faisait toujours plaisir à entendre ! Elle ne dit rien sur le coup, dévisageant les deux femmes, lorsque l’autre Celkhane demanda si elle n’avait pas un endroit «
sûr ». Ceci fit sourire Mélinda.
«
Tu débarques d’où, toi, ma grande ?! lâcha Mélinda, railleuse.
S’il y avait un endroit sûr dans tout ce putain de château, tu ne crois pas que j’y serais déjà, au lieu de discuter avec deux cinglées ?! »
Face au danger, Mélinda n’était pas du genre à supplier, ou à se laisser faire. Elle avait trop subi pendant qu’elle était humaine, et avait compris une chose. Ce qui excitait le bourreau, le sadique, ce n’était pas tant de faire souffrir sa victime, c’était de l’entendre
gémir. Cette mentalité avait forgé la nouvelle Mélinda, la Mélinda vampirique, perverse jusqu’au bout des ongles.
«
Pour votre gouverne, mes petites poupées plastiquées en armure moulante, mon harem, que vous n’avez probablement jamais visité, est un endroit charmant et sympathique, un petit bout de paradis où cohabitent un peu plus d’une centaine d’esclaves, au bas mot. Ils y vivent en paix, en harmonie, mangent à leur faim, dorment, et sont anesthésiés de bonheur... Comme tu peux t’en douter, Suki », lâcha Mélinda en plantant son regard d’émeraude dans celui de la Celkhane.
Où est-ce que Mélinda voulait en venir ? A quelque chose de très simple, et, tandis qu’elle parlait, sa main caressait la nuque de Liana, qui pleurait doucement, follement nerveuse.
«
Bien des esclavagistes ashnardiens ne m’apprécient pas, et sont bien plus menaçants que deux minettes blondes avec des motivations et une culture générale dignes des Télétubbies. Si vous connaissiez un peu mieux la ‘‘pourriture’’ esclavagiste, vous sauriez qu’il existe plusieurs couches, et que je fais partie d’un courant esclavagiste en faveur d’une limitation des sévices corporels sur les esclaves. Si je meurs, donc, toutes mes belles chéries finiront entre les griffes de seigneurs démons. »
Le dilemme était posé, et Mélinda le résuma :
«
En d’autres termes, si vous me tuez, vous condamnerez plus d’une centaine d’esclaves aussi innocents et sensibles que ma petite Liana à une vie de souffrances dans les forges et les mines impériales, une vie si horrible que la mort apparaît comme la seule et unique récompense possible. Maintenant, tandis que vous faites fonctionner ce qui vous fait office de cervelles, je vais me remettre sur pied, et me nourrir. »
Mélinda se pencha un peu, se désintéressant alors totalement des deux Celkhanes, pour se préoccuper de Liana. Elle attrapa cette dernière, et planta ses crocs dans sa nuque, se mettant à boire son sang. Liana gémit faiblement, mais ceci eut pour effet de la calmer, tandis que la blessure de la vampire se mit à cicatriser.
CONRAD
«
Mais que fait-on par là ? Nous sommes éloignés des autres... -
Même ma magie n’est pas illimitée. Je ne pourrais indéfiniment repousser les Nécromorphes. Il faut trouver un moyen de fermer la brèche. -
La brèche ? Les Nécromorphes ? Mais de quoi donc parlez-vous ? Je ne comprends rien... »
Espada ne répondit pas, avançant devant lui. Conrad la suivait, nerveux. Il avait une envie phénoménale de pisser, mais se disait que le faire serait mal perçu par Espada, qui pourrait tout à fait l’abandonner. Et il ne tenait pas à errer seul une seconde dans cet endroit infernal, sinistre. Parfois, des monstres, qu’Espada appelait les
Nécromorphes, débarquait de chambres latérales. Elle utilisait alors sa magie pour les tuer, et lui priait... Ce qui était curieux, car Conrad était un athée convaincu. Mais c’était souvent dans les expériences extrêmes que la foi, soit disparaissait, soit apparaissait.
Ils avançaient dans les étages supérieurs du donjon principal de Fort-Hiver, et il y avait également de nombreux cadavres. Conrad n’avait aucune arme, rien d’autre que son costume blanc froissé. A Ashnard, il était un
dandy qui était en affaires avec une société esclavagiste. Un petit boulot simple. Il s’était porté volontaire pour ce colloque, y voyant un moyen de faire ses preuves dans ce marché impitoyable... Et peut-être aussi une occasion de culbuter quelques femmes. Au lieu de ça, il avait failli finir avec les tripes à l’air, et était sauvé par une énigmatique magicienne.
«
Bordel, mais je ne comprends vraiment pas, là... -
Les quartiers de Sire-Hiver doivent contenir un miroir magique. Je dois m’entretenir avec mes camarades, afin d’évacuer les civils, et pouvoir neutraliser la menace nécromorphe. »
Voilà qui était déjà un peu plus clair ! Mais qu’entendait-elle par
Nécromorphes ? Ça ne lui disait absolument rien ! En même temps, ce n’était pas vraiment le genre d’histoires qu’on utilisait pour séduire les étudiantes à l’université. Le duo avançait.
«
Je perçois une présence magique... lâcha alors Espada.
-
Ah bon ? -
Une femme... »
Le duo arriva devant le bureau de Sire Hiver, et ils virent une femme en tenue moulante noirâtre, incroyablement
bandante selon les propres termes de Conrad, qui était sur le sol, avec des menottes dans le dos. Tendant une main vers elle, Espada sonda les pensées conscientes et proches de son esprit ensommeillé, et obtint son identité.
«
C’est une Celkhane... Crow. Elle est la responsable de l’escouade qui est venue ici. »
Et ce fut tout. Espada entra dans le bureau, se désintéressant complètement d’elle.
«
Hey ! On ne peut pas la laisser là ! -
Cette femme est une ancienne esclave, comme la plupart des commandos celkhans. Elle a été endoctrinée pour haïr les gens comme vous. A votre place, elle vous laisserait crever la gueule ouverte. »
Conrad connaissait les Celkhanes, comme tout bon marchand d’esclaves. Ainsi donc, elles étaient derrière tout ça ? Naturellement, ceci remettait pas mal de choses en perspective. Il retourna la femme. Elle était sonnée, et, avec ses menottes, Conrad ne donnait aucune chance à cette dernière contre les Nécromorphes. Il vit que la fermeture Éclair de sa combinaison avait été légèrement abaissée, et qu’elle avait visiblement été battue. Conrad s’humecta les lèvres. Espada avançait lentement dans le bureau, et il commença à donner des petites gifles sur la joue de la femme.
«
Réveillez-vous... Bordel, réveillez-vous ! »
Aucun résultat manifeste. Conrad décida d’employer une autre méthode, après quelques secondes de réflexion :
«
TU VAS BOUGER TON GROS CUL, HEY, SALOPE !! »
La fin justifiait les moyens.
«
Vous comptez ameuter tous les Nécromorphes, ou quoi ? -
J’essaie de la réveiller ! Vous pensiez bien que je ne le pensais pas ! Elle a un superbe cul... -
Sombre crétin. »