Le Général était mort, mais il était probablement encore trop tôt pour chanter victoire. Zaëlle, de son côté, s’était redressée, et entreprenait de suivre Hardos. Avec la mort de ce dernier, retraverser les différentes épreuves en fut pas particulièrement difficile. La Tekhane songea à recharger ses armes, se disant qu’ils ne sortiraient pas sans croiser d’autres saloperies. Ce serait autrement bien trop facile ! Ils remontèrent dans les hauteurs du temple, pour constater que les squelettes étaient désormais totalement inertes. C’était fini. Au moins pour eux. Restait maintenant à espérer que les Rejetés n’entreraient pas… Ceci ne fit qu’inciter Zaëlle à se dépêcher. Elle était blessée ici et là, avec quelques ecchymoses, saignait par endroits,
«
Tout ça, c’est trop calme… Ça ne me dit rien qui vaille » lâcha Zaëlle.
Elle ne fut effectivement pas déçue. Dans une pièce, une demi-douzaine de singes leur tombèrent dessus ! Ils n’avaient toutefois rien à voir avec les singes affectueux des jungles tekhanes. Leurs yeux démoniaques suffisaient à s’en rendre compte. Les singes bondirent furieusement sur eux, utilisant leur agilité, mais ils ne posèrent pas vraiment de difficultés. Zaëlle s’en persuada en pointant son arme vers l’un des monstres. Elle appuya sur la gâchette, et une partie de la tête du singe explosa. Néanmoins, un autre singe bondit dans les airs, utilisant sa queue pour s’accrocher à une espèce de lustre ancestrale, s’en servant pour frapper avec son pied la tête de Zaëlle. Elle chancela, et le singe planta ses dents dans le bras qui maintenait son pistolet. Poussant un cri de douleur, Zaëlle tomba à la renverse en lâchant son arme, et utilisa son autre main pour sortir un couteau,
«
Lâche-moi, saloperie ! »
Les yeux maléfiques du singe, ruisselant de rage, la regardaient, et elle sentait son sang s’échapper de ses blessures. Elle parvint néanmoins à sortir son couteau, et le planta dans la gorge du singe, qui poussa un faible couinement de douleur. Zaëlle le repoussa ensuite, et contempla sa blessure. Les longues dents de ce singe démoniaque s’étaient enfoncées dans sa peau, découpant sa combinaison. Furieuse, elle pointa son arme sur le singe qui l’avait mordu, et lâcha plusieurs balles supplémentaores.
«
’Fais chier ! » pesta-t-elle.
La blessure n’était pas vraiment superficielle. Zaëlle ne pouvait plus se permettre de traîner. Elle sortit une seringue, et se la planta dans le cou. La douleur en serait atténuée provisoirement, mais pas éternellement. Elle se dépêcha de partir, sans un regard pour les cadavres, et ouvrit une grande porte à double battant menant droit sur une espèce de salle circulaire. Il y avait au centre une table ronde, avec quantité de parchemins, de manuscrits, et de livres ouverts dessus. Intriguée malgré elle, Zaëlle inspecta les feuilles, et aperçut sur la gauche une porte défoncée, avec, à l’intérieur, une multitude de cages où des bruits s’agitaient… Comme si des choses tapaient contre les barreaux.
Sortant son arme, Zaëlle s’avança dans l’embrasure de la porte, et comprit d’où venaient les singes. Elle était visiblement dans une espèce de laboratoire, et pouvait voir quantité de singes frapper furieusement contre leurs cages, ces dernières tanguant sur place. Des singes aux yeux jaunes, qui luisaient furieusement. Dans des coins, rangées le long des murs, des tables avec des parchemins, des livres, et des produits chimiques se trouvaient là. Fronçant les sourcils, Zaëlle retourna vers la grande table, et consulta l’un des papiers. Il s’agissait probablement des notes du Général fou :
« 12 Février
J’ignore exactement ce qui se passe ici, mais, ce dont je suis sûr, c’est que ces artefacts drow nous aideront énormément dans mes recherches sur la génétique. Mitnik a bien fait de m’envoyer ici. Les archéologues ont découvert quantité de runes magiques encore actives, alors que tout indique que cet avant-poste a été abandonné il y a au moins des siècles ! La magie drow est vraiment fascinante… »
Fronçant les sourcils, Zaëlle trouva un autre papier.
« 39 Mai
MITNIK ! MITNIK ! MITNIK ! MITNIK ! MITNIK ! MITNIK ! TU ME PAIERAS ÇA, MITNIK ! COMMENT AS-TU PU ME FAIRE ÇA ?! »
Zaëlle fronça les sourcils. «
39 Mai » ? Ce type avait l’air sacrément atteint. Elle chercha d’autres papiers, d’autres notes, et en trouva une sur une table.
« 21 Mars
Les expériences sur les singes avancent vite. Les mutagènes fabriqués à partir de la magie drow ont produit d’excellents résultats sur le sujet Bêta-Douze. Il est malheureusement à regretter une forte agressivité… En réalité, je pense que le mutagène agit de manière irréfléchie sur les hormones. C’est ce qui ressort de l’expérience de séparation entre Bêta-Dix et Bêta-Onze. Ce problème d’accroissement hormonal entraîne une jalousie viscérale, une agressivité meurtrière… Il est temps de mettre fin à la ligne des Bêta, et d’améliorer le mutagène… J’en ai sûrement assez pour faire plaisir à Mitnik.
Je ne peux qu’espérer que ce dernier saura se montrer clément. Lors de notre dernière réunion, il a exigé des résultats convaincants. J’espère qu’il sera satisfait par ce que je lui montrerai. J’ignore ce que Mitnik recherche dans ces ruines, et ce qu’il fabrique, mais c’est assez fascinant. »
Zaëlle poussa soudain un cri de douleur, sentant des spasmes remonter le long de son corps.
«
On a pas le temps pour ça… On fout le camp ! »
De ce qu’elle arrivait à comprendre, le Général était un ancien scientifique qui avait été trahi par Mitnik, et qui avait fait des expériences sur les singes. Ces derniers commençaient à s’échapper en renversant leurs cages, avant de les poursuivre. Zaëlle était naturellement loin de se douter que, là encore, tout avait été organisé par les services d’Anaulriina, par l’entreprise qu’elle dirigeait. La folie progressive de Mitnik était le résultat d’une intoxication lente utilisée par les Drow travaillant pour cette dernière, et c’étaient eux qui s’étaient débrouillés pour que cet alchimiste arrive aux services de Mitnik, et trouvent dans cet avant-poste des ruines drow. Le manque de connaissance que les espèces du Dessus avaient sur celles du Dessous, notamment les Drow, étaient ici un plus. Cet avant-poste drow était entièrement fictif, et n’avait jamais existé. Il était bien trop près de la surface pour convenir aux exigences des Drow, et on ne trouverait jamais dans un avant-poste drow des runes drow, ou des parchemins. N’importe quel Drow un tant soit peu cultivé savait pertinemment cela, mais on savait dans le fond très peu de choses sur les Drow.
Zaëlle et Hardos parvinrent de leur côté à sortir du temple, et coururent rapidement sur le sol, retournant vers le véhicule militaire. On pouvait entendre les Rejetés grogner et hurler, s’attaquant au temple. Le Général était mort, les monstres pouvaient désormais s’en prendre à ce dernier. Zaëlle et Hardos parvinrent sans difficulté près de la voiture, et, alors que Zaëlle allait se faufiler à l’intérieur, sentant la douleur revenir rapidement, un Rejeté sauta brusquement sur le toit de la voiture, faisant trembler cette dernière. Zaëlle n’eut pas le temps de réagir qu’elle vit le Rejeté rugir avant de la frapper du revers de la main à la tête. Sous le coup, la Tekhane tomba au sol, et le Rejeté bondit sur Hardos, tandis que d’autres ne tardèrent pas à débarquer. Zaëlle tenta de se relever, mais se reçut un coup de pied en plein milieu du dos. Un coup surpuissant, qui la fit hurler de douleur lorsqu’elle entendit plusieurs craquements singuliers. Un immense Rejeté la souleva comme un fétu de paille, poussant un hurlement, et la balança contre un pilier. Zaëlle n’eut pas le temps d’hurler qu’une main s’écrasa sur sa gorge comme un étau de fer. Elle vit la face haineuse du Rejeté, et les deux mains du monstre s’agrippèrent ensuite à chacune de ses joues, et commencèrent à tirer, s’enfonçant dans sa chair.
Le Rejeté fit preuve de sa force surhumaine, et ne tarda pas à proprement décapiter Zaëlle. Il arracha sa tête de son corps, et brandit cette dernière en poussant un rugissement victorieux, comme une espèce de trophée, tandis que le corps sans vie de Zaëlle s’écrasait mollement sur le sol.
«
Voilà qui va bien nous rapporter trois points d’audience songea le Drow avec un léger sourire.
-
Beurk ! s’épouvanta Luna.
Qui pourrait aimer voir ça ? -
Les jeunes Tekhans, principalement », répliqua le Drow.
Le Drow tenait dans sa main la tête dégoulinante de sang de Zaëlle, et planta ses dents dans une joue, en arrachant une partie, l’avalant comme une côte de porc, avant de jeter la tête sur le sol, et de frapper avec ses poings son torse. Ce fut ensuite que la tête du Rejeté explosa. Des myriades de points rouges se mirent à pointer, et des balles frappèrent les Rejetés, tandis qu’un grondement terrifiant se faisait entendre. La cavalerie, comme à son habitude, arrivait en retard. L’espèce d’immense foreuse qui avait sauvé Hardos des araignées apparut à nouveau, ses immenses projecteurs éclairant la zone. Les tourelles de défense automatiques avaient tiré avec une précision exemplaire. Les munitions de Zaëlle, qui avaient un calibre de 13mm environ, n’étaient pas suffisantes pour percer la carapace solide des Rejetés. Celles des mitrailleuses automatiques faisaient environ 50mm. Suffisantes pour couper un corps en deux. La foreuse s’arrêta rapidement, et des hommes en armure en jaillirent, avant de voir le cadavre de Zaëlle.
«
Officier à terre ! Je répète : officier à terre ! Procédons à l’extraction du civil ! Remuez vos putains de culs, les gars ! »
Deux soldats marchèrent rapidement vers Hardos, le soulevant, et le conduisirent dans la foreuse. Les Rejetés, après la surprise initiale, se mirent en effet à attaquer massivement la foreuse, sautant sur le toit, frappant les côtés, s’acharnant sur les vitres solides. Ils arrachèrent l’une des mitrailleuses, et la foreuse fit un demi-tour rapide, avant d’essayer de s’éloigner. Hardos, de son côté, fut amené à l’arrière de la foreuse, où les soldats s’entassaient. Au centre, une image tridimensionnelle montrait le Commandant Nella.
«
Qu’est-ce qui se passe ? Je veux des explications immédiatement ! -
Nous sommes attaqués ! »
Des coups puissants s’abattaient sur le plafond, et l’une des trappes permettant d’aller sur le toit fut arraché d’un coup sec, montrant la face hideuse d’un Rejeté.
«
Ils sont entrés ! Feu à volonté ! -
Bandes d’enfoirés !! -
HAAAAAAAAAAAAAAAA ! »
Un chaos de balles se mit à rugir vers le plafond, mais les Rejetés bondirent à l’intérieur, s’abattant sur les soldats. La foreuse, de son côté, tanguait dangereusement, et la communication avec le Commandant fut rompu. A l’avant du cockpit, un Rejeté avait réussi à briser la vitre, et sa main attrapa le chauffeur de la foreuse par le col, le soulevant. La tête du chauffeur heurta le plafond, et il perdit le contrôle de son véhicule, qui longeait un ravin. La foreuse partit sur la droite, et tomba dans le ravin. Elle rebondit sur les rocailles, décrivant une série de tonneaux, avant de s’écraser dans les profondeurs du ravin, se découpant en deux. Certains hommes furent largués hors de la foreuse quand elle fut ouverte, allant s’éclater contre les rochers, ou parvenant par miracle à survivre, tandis que la foreuse, quant à elle, termina sa chute spectaculaire en explosant contre le sol. Un champignon de flammes s’éleva dans les airs, avant de disparaître, laissant place à un incendie sinistre.
Près d’un cadavre, une radio lançait un appel désespéré :
«
Ici… Nella… ‘Me recevez ?... ‘Port… Explications ! »