Neferia n’était pas contente, mais c’était comme ça. Crystal ne cherchait nullement à la vexer, simplement à lui expliquer les choses. Le Thu’um était une magie profonde. On l’appelait « La Voix », et il y avait bien des manières d’interpréter cette appellation. Une première interprétation, classique, consistait à se dire que le Thu’um s’appelait ainsi parce qu’il fonctionnait à l’aide de la voix, d’ondes sonores amplifiées formant des sorts magiques. Cette théorie initiale laissait cependant place à une autre interprétation, pour qui le Thu’um devait plutôt s’interpréter comme étant « La Voie ». Dans cette logique, le Thu’um désignait alors l’accomplissement profond d’une personne, et ne pouvait pleinement se réaliser que si cette personne était en phase avec elle-même, et si elle comprenait qui elle était vraiment. C’était une théorie assez abstraite, que les académies négligeaient souvent, car, de manière générale, la magie n’était pas aussi restrictive. Cependant, le Thu’um était une magie particulière, uniquement réservée à certaines personnes... Aux Dovahkiin, ou aux dragons. Pour autant, tous les dragons ne maîtrisaient pas le Thu’um, et, soit c’était instinctif pour eux, soit ça ne l’était pas. La conclusion à en tirer était simple : Neferia connaissait le Thu’um parce qu’elle était une Dovahkiin, soit l’Enfant du Dragon. Autrement dit, pour pleinement être une Dovahkiin, elle devait comprendre qui elle était. Tout ça était un peu compliqué, même pour Crystal, et cette dernière l’envoya donc se coucher.
Boudeuse, Neferia ne lui dit rien, et fila dans sa chambre, tandis que Crystal, elle, choisit de s’asseoir au milieu du salon, et de méditer. C’est de cette manière qu’elle dormait... Elle s’absorbait dans le Thu’um, ce qu’elle avait jadis fait pour essayer de retrouver les échos de son père, de Xygga, puis, quand elle avait compris qu’elle ne pourrait plus jamais l’entendre, son objectif avait été d’entendre les échos du magicien qui l’avait scellé, Ezaldur... Ou quel que soit son nom. Ce faisant, son corps se reposait, car seul son esprit partait, s’immergeant dans les profondeurs du Thu’um, dans les courants de la magie, dans une autre réalité, dans un monde fonctionnant avec ses propres règles et avec sa propre logique. Tout était différent ici, tout était atténué, venant de loin.
Elle ne sentit pas Neferia se rapprocher ou se coller à elle... Du moins, elle le sentit, mais venant de loin, come une sorte d’onde, de perturbation. Crystal rappela à elle son esprit. Ses cercles de perception magique étaient étendus à chaque fois qu’elle était dans cet état, mais elle n’avait senti aucune menace de la part de Neferia, ce qui expliquait pourquoi ses cercles n’étaient pas en état d’alerte. Cependant, Crystal pouvait aussi craindre qu’ils n’aient été court-circuités par un mage plus talentueux qu’elle.
Crystal revint donc à elle... Et constata que la personne ayant perturbé sa concentration n’était autre que Neferia, en petite culotte, qui était venue se blottir contre elle, le bébé tigre dans ses bras.
*Hum...*
La femme-dragon devait bien l’admettre… C’était inattendu. Sa main se déplaça naturellement, et alla caresse les longs cheveux de Neferia, tandis qu’elle fermait les yeux, se plongeant son passé corporel… Si son esprit n’était pas là, son corps, lui, l’avait été, de même que ses sens, et elle n’avait plus qu’à remonter dans son passé proche pour découvrir ce que Neferia lui avait dit. Elle comprit ainsi que la jeune femme avait du faire un cauchemar. C’était une femme arrogante, mais Crystal avait raison : son arrogance ne servait qu’à masquer sa souffrance... Sa souffrance d’être privée de ses parents, une souffrance que Crystal avait du réveiller en lui disant que Neferia ne haïssait pas les humains, et était différente de ce qu’elle pensait être.
« Alors, repose-toi, ma belle... »
Crystal n’allait pas la repousser, elle comprenait sa souffrance.
« Ne plus avoir de parents... Je sais ce que ça fait. »
Même quand on avait un père aussi cruel et ignoble que Xygga, le perdre était toujours une perte dans son cœur... Une perte qui justifiait pleinement son souci de retrouver celui qui était responsable de ça.
« Ce ne sont pas les humains que tu hais, Neferia... Ce sont ceux qui t’ont enlevé tes parents.#
Elle ignorait si elle l’entendait... Mais, dans le fond, ce n’était pas bien grave.
Demain était un autre jour.