Le
Royal Metropolis était un casino assez élégant, se composant d’une immense pièce avec plusieurs mezzanines. Il y avait des rangées de machines à sous, mais elles n’intéressaient pas vraiment la Terranide. Avançant au milieu de robes luxueuses, de nombreuses et belles femmes puissantes, Rouge rejoignit une table. Elle était une femme plutôt petite par rapport aux autres, mais personne ne l’avait repoussé à l’entrée. Elle était venue avec sa combinaison de cuir, les robes ne lui allant pas, et s’assit à l’une des tables de tarot. Il y avait trois autres participants, donnant lieu à une partie à quatre. La table comprenait aussi un croupier, qui se chargeait surtout de comptabiliser les points. Rouge sortit la mise de départ, une série de jetons. Elle avait dépensé une bonne partie de son salaire en jetons, mais c’était plus fort qu’elle. Elle avait le démon du jeu.
Le tarot était un jeu qui se jouait avec au moins trois joueurs. La configuration idéale comprenait quatre joueurs. Au-delà, on avait coutume de considérer que le tarot n’était alors que pour s’amuser. Dans ce jeu, chaque joueur recevait une série de cartes classiques, allant de l’As au Roi, l’As n’ayant aucune valeur spécifique. A ces cartes classiques, il fallait rajouter les 22
Atouts composant la seconde partie du tarot. Il s’agit de 22 cartes numérotées de 1 à 21, la 22
ème carte désignant l’Excuse, une sorte de joker. L’objectif du tarot était, en fonction de son jeu, et en prévision du chien, une réserve de six cartes établie pendant la distribution des jeux, de gagner un certain nombre de points. Le nombre de points à gagner dépendait du nombre de Bouts disponibles dans son jeu. Un jeu de tarot comprenait trois Bouts : le « Petit » (l’Atout 1), le 21 (l’Atout 21), et l’Excuse. La voisine à côté de Rouge distribuait rapidement les cartes, trois par trois, formant progressivement le chien. Si elle se loupait dans sa distribution, il y avait
mal donne, et elle perdrait 10 points. Une fois les cartes en main, chacun devait se prononcer pour savoir s’il prenait ou si elle passait.
Observant son jeu, Rouge vit qu’elle avait du potentiel : six Atouts, mais aussi des têtes (Valet, Cavalier, Dame, Roi), dont 2 Rois, et 3 Dames. En continuant à observer son jeu, elle vit qu’elle avait également deux Bouts. Se sentant en veine, elle annonça donc qu’elle prenait. Il y avait plusieurs manières de prendre : on pouvait prendre «
une petite », ce qui signifiait que la mise, en cas de victoire, serait faible. On pouvait aussi prendre «
une pousse », et «
une garde ». Au-dessus de la garde, on pouvait annoncer «
le chelem », qui était très risqué, mais qui rapportait gros. Il fallait en effet réussir les différentes levées sans jamais en perdre une seule. On pouvait annoncer le chelem, ce qui permettait, à la fin de la partie, de bénéficier d’une prime écrasante de 400 points, ou le réussir sans l’annoncer, ce qui ramenait la prime à 200. En revanche, l’annoncer, et le perdre, équivalait à une lourde pénalité de 200 points.
«
Une pousse », annonça Rouge.
Les autres joueuses passèrent, et elle retourna le chien. Six cartes. Quatre merdes, un Atout, et une tête, en la présence d’un Valet. Rouge les récupéra, et commença à ranger son jeu. Dans le tarot, les points étaient comptabilisés par duo, et dépendaient surtout des têtes. Un valet rapportait 2 points, un cavalier 3 points, une dame 4 points, et un Roi 5 points. Un Bout rapportait également 5 points. Ayant 2 Bouts, Rouge devait réussir à cumuler un score de 41 points. Pour le reste, il suffisait ensuite de jouer en respectant quelques règles assez simples :
- Celui qui commence la levée place une carte d’une couleur et d’un signe spécifique. S’il joue Pique, les autres joueurs doivent obligatoirement jouer Pique, sauf s’ils n’ont pas de piques dans leurs jeux. Dans ce cas de figure, ils sont obligés de jouer leurs Atouts. S’ils n’ont plus d’Atouts, ils peuvent alors jouer n’importe quelle carte, tactique permettant de se défausser. On pouvait par exemple, avec cette technique, sauver un Roi qu’on n’arrivait pas à placer ;
- Quand un joueur commence le tour avec un Atout, les joueurs ont l’obligation de jouer des Atouts qui sont toujours de valeur supérieure. Ainsi, si un joueur place l’Atout 13, un autre joueur ne pourra placer aucun Atout inférieur à cette valeur.
- Un Atout est plus fort que n’importe quelle carte classique, à l’exception de l’Excuse. L’Excuse est un joker permettant de se protéger, mais ne permet, en aucun cas, de gagner des cartes. Dans ce cas, si le joueur qui a sorti l’Excuse a perdu la levée, il doit donner une carte de son tas au choix à l’équipe adverse.
Jusqu’à quatre joueurs, le tarot se joue à 1 contre tous. Rouge était donc seule contre les autres, et commença à faire son chien, défaussant six cartes de son jeu. Elle ouvrit ensuite en Cœur, plaçant le Roi de Cœur. La joueuse à côté d’elle lança le 2 de Cœur, l’autre le 7 de Cœur, et l’autre le 10 de Cœur. Rouge récupéra le pli, ayant 6 points dans cette levée. Elle joua ensuite Carreau, ayant peur que sa Dame de Cœur ne soit bouffée par celle qui avait posé le 10 de Cœur.
Rouge devait faire 41 points pour réussir la partie. Elle en fit 47, gagnant donc la partie de 5. Le croupier nota les points, et le jeu se poursuivit. La partie continua, jusqu’à ce que l’une des joueuses finisse par se coucher, n’ayant plus un seul jeton. Plusieurs spectatrices les observaient. Si Rouge préférait le tarot au poker, c’était parce que, selon elle, le tarot était bien plus stratégique. Il fallait avant tout analyser les cartes, le jeu, afin de deviner où étaient les coupes, combien d‘Atouts il restait, et élaborer une stratégie en fonction de ces différents critères. Tout rentrait en compte dans le tarot, y compris la position des joueurs. Celui qui se tenait juste derrière le joueur qui avait pris disposait d’une place centrale. Le plus important, dans ce jeu, n’était pas d’avoir le plus de cartes possible, mais le plus de
têtes possible.
La Terranide continuait à jouer, prenant quand elle estimait avoir bon jeu, jusqu’à ce qu’un nouveau joueur entre en jeu. Elle releva la tête... Pour y voir le vampire. Il était finalement venu. Elle se permit de sourire, amusée. Le mâle était le seul représentant de son sexe.
«
Bienvenue », glissa-t-elle simplement, en face de lui.