Ça avait été une très bonne soirée. Une soirée aussi inattendue qu’agréable. Félicia avait fait une très bonne connaissance, et elle s’apprêtait maintenant à aller cambrioler quelqu’un. Elle se faisait un peu l’effet d’être ces espèces de faux pirates qui pirataient des systèmes informatiques afin d’en montrer les failles à leurs exploitants. Elle avait l’adresse d’Aoki, et, chez elle, dans ce studio qu’elle quitterait bientôt, Félicia entreprit de changer, sans tenir compte des miaulements des multiples chats errants qui venaient fréquemment chez elle. Elle se débarrasse de ses vêtements, se transforma, et enfila sa tenue en cuir, s’observant dans un miroir. Elle était nerveuse, anxieuse, excitée. Des frémissements parcouraient tout son corps, et elle soupira.
*Reste calme, ma grande ! Ce costume ne me boudine pas, j’espère ? Non, c’est idiot, il me va comme un gant...*
Elle grommela, et posa sur ses yeux son fameux masque, remontant ensuite sa fermeture Éclair à hauteur de ses seins, afin d’offrir à son corps un décolleté plongeant. Elle s’observa dans le miroir, se demandant pourquoi elle s’était posée cette question. Sans prétendre être narcissique, Félicia savait qu’elle était belle. Sa beauté était autant une arme qu’un fardeau. Elle s’observa, tout en se demandant si Aoki ne s’était pas jouée d’elle, et si elle ne lui avait pas donné une fausse adresse. La femme avait semblé sincère, mais les femmes avaient un talent naturel pour la duperie ; la Chatte Noire en savait quelque chose.
*Le meilleur moyen de le savoir, ce sera sans doute d’y aller...*
Sortant de sa chambre, elle attrapa ses clefs, et sortit. Elle rejoignit sa moto, et démarra, roulant vers l’adresse donnée par Aoki. Seikusu était une ville animée. Même la nuit, il y avait de nombreuses boutiques ouvertes, des voitures, des lumières, et des badauds. La ville semblait ignorer le sommeil, mais le périphérique était, fort heureusement, peu rempli. Félicia put ainsi rouler à vive allure, et atteindre l’adresse. C’était bien un immeuble. Il n’était pas très grand, par rapport aux gratte-ciel. Elle compta, repérant le septième étage, et choisit ensuite de garer sa moto.
La porte d’entrée était fermée, et la Chatte Noire n’avait pas le badge magnétique permettant d’entrer. Elle trouva néanmoins sur l’interphone le numéro d’appartement de sa charmante blonde, et en eut un large sourire. Elle ne lui avait pas menti ! Contrairement aux immeubles new-yorkais, il n’y avait pas non plus d’escaliers de secours dans le coin, par où elle aurait pu grimper. Félicia décida donc de grimper par d’autres moyens. Elle sauta sur la poubelle d’un immeuble adjacent, qui était plus petit. Une espèce d’épicerie avec un entrepôt de stockage dans le même bâtiment. Elle grimpa sur le toit de la structure à l’aide d’une gouttière, puis observa l’immeuble où vivait Aoki. Sa proie...
Félicia prit son élan, et sauta dans les airs, s’agrippant à un petit muret. Elle devait bien être au troisième ou au quatrième étage, et elle longea le muret vers la gauche. Le vent la faisait trembler, mais il n’était pas suffisamment fort pour la renverser. Ses seins raclaient contre la paroi, et la Chatte Noire entendit alors des sons. Une musique sourde, qui s’échappait d’un autre versant de l’immeuble. Continuant sur sa progression, elle ne tarda pas à identifier l’origine du son : une espèce de fête que des jeunes organisaient. Ils avaient ouvert les fenêtres, et de la lumière s’échappait, tandis que des airs de reggae s’échappaient de la pièce. En se rapprochant, Félicia sentit également une odeur très forte. Ça devait fumer sec là-dedans. Elle jeta un bref coup d’œil par une fenêtre. Une chambre. Des jeunes, environ vingt ans ou moins, qui étaient écroulés par terre, à sniffer de la cocaïne, devant une télévision où deux jeunes tentaient vainement de jouer à un jeu vidéo. L’une des femmes portait un curieux cosplay.
La Chatte Noire alla sur le balcon. Le salon comprenait d’autres jeunes, mais la fête semblait se terminer. Ils étaient tous affalés, à fumer en silence. Passer en plein milieu était toutefois risqué, mis elle n’avait pas spécialement envie de grimper jusqu’au toit. La Chatte Noire décida donc d’entrer par une autre fenêtre, petite et étroite, et qui menait à la salle de bains. Elle passa les bras en premier. Une femme gisait dans la baignoire. Une lolita gothic, qui cuvait son vin en dormant.
*Ça ne me rajeunit pas, tout ça... Mais j’ai passé l’âge pour ces conneries. Maintenant, je m’infiltre ne douce dans les appartements.*
Atterrissant dans la salle de bains, la Chatte Noire regarda dans l’entrebâillement de la porte, et se faufila. Elle déverrouilla la porte, l’ouvrit, et sortit dans le couloir. Elle avait l’étage d’Aoki, et son numéro d’appartement. Félicia monta donc par l’escalier, grimpant rapidement, et atteignit le couloir, ainsi que la porte. Elle était naturellement fermée, et la Chatte Noire n’eut pas d’autres choix que de la crocheter. Elle sortit ses rossignols, et les utilisa sur la serrure. Elle était de bonne facture, mais la Chatte Noire était une experte. La porte ne tarda pas à s’ouvrir, et Rex, le chien d’Aoki, ouvra l’œil.
Félicia n’avait pas oublié la présence du chien, tout comme celle du chat, et elle sortit alors un petit sac en cellophane, et l’ouvrit, le déposant devant la porte. Curieux, le chien s’approchait de la porte, et elle déposa le sac, comprenant un morceau de viande. Prudent, Rex s’approcha lentement, montrant les dents, et Félicia s’éloigna de la porte. Le flair des chiens était beaucoup plus développé que les humains, et l’odeur appétissante de la viande le tenta. Il renifla le morceau de viande, ne sentant pas le somnifère que Félicia avait mis dessus. Quelques gouttes efficaces, qui envoyèrent Rex sombrer sur le sol. La Chatte Noire le ramena dans l’appartement, et ne tarda pas à voir le chat d’Aoki, qui miaula, et fila se cacher.
*Ça, c’est un bon chat...* songea Félicia, amusée.
Elle déposa le chien endormi sur un tapis, marchant silencieusement. Le chat s’était faufilé derrière un meuble, et la Chatte Noire alla refermer la porte. Il lui fallait maintenant trouver le collier d’Aoki. Vu comment cette dernière avait eu l’air excitée, il était probable que le collier soit dans sa chambre, avec elle. Vu les regards craintifs du chat vers une porte, elle en déduisit que c’était par là. La Chatte Noire s’avança sur la pointe des pieds. La porte était fermée, et elle hésita. Il y avait sûrement une sécurité, comme un détecteur de mouvements. On en fabriquait au collège. Dès qu’on ouvrait la porte, une alarme se déclenchait.
La Chatte Noire manquait de précautions. Elle choisit donc d’aller sur le balcon, et s’approcha de la fenêtre d’Aoki, comprenant que sa chambre était verrouillée. Il n’y avait pas de détecteur de mouvements, mais une chaise bloquait la porte. Impossible de passer par là, et il n’y avait que deux entrées. Outre la porte, Félicia pouvait passer par la fenêtre, mais ceci reviendrait à abîmer cette dernière. Néanmoins, elle n’avait aucune autre solution. Hésitant, Félicia s’attaqua à la fenêtre, faisant un petit trou, et rattrapa le verre.
*Il va falloir que je lui achète un nouveau carreau...*
Félicia écarta pour de bon les rideaux recouvrant la fenêtre, son bras à l’intérieur, et ouvrit la fenêtre. Elle sauta alors sur le sol, tombant sur un tapis, afin d’étouffer les bruits de ses pas. Sur place, elle referma les rideaux, et s’approcha des meubles. Elle fouilla le bureau, mais ne le vit pas, et alla inspecter l’armoire, trouvant un coffre, mais ne vit rien non plus. Son regard se tourna alors sur le lit...
*A sa place, je l’aurais mis le plus près possible...*
La Chatte Noire s’avança vers le lit, et croisa le visage endormi d’Aoki. Un sourire de plaisir traversait ses lèvres, et elle dormait seule ! Pas de petit ami, donc... Tant mieux ! Elle regarda le cou d’Aoki, mais sans voir le collier. Était-elle dans le lit ? Félicia hésita, maintenant très proche d’Aoki, mais son regard oscillait surtout entre les seins d’Aoki et son sourire. Elle se mordilla les lèvres, et posa l’une de ses mains sur le matelas. Aoki n’allait pas tarder à se réveiller, et Félicia releva sa main, la posant sur le cou de la femme, remontant le long de sa joue, et alla l’embrasser sur les lèvres, s’allongeant un peu plus sur le lit.
Le corps de Félicia la trahissait, et elle se mettait à ronronner. La Chatte Noire était alors assise sur le lit, et embrassait Aoki, avant de tendre son autre main sous l’oreiller. Sa main remontait le long de celle d’Aoki, et elle sentit alors, entre ses doigts, le collier. Souriant, Félicia interrompit légèrement son baiser, et récupéra le collier. Alors que les yeux d’Aoki s’ouvraient, Félicia déposa le collier sur les lèvres d’Aoki, le laissant tomber le long de son cou, et parla d’une voix douce et faible :
« Bonsoir, ma belle... Tes lèvres étaient tellement attirantes... »
Félicia s’écarta alors d’elle, se laissant tomber à côté d’elle, allongée, afin de ne pas trop la déranger. Difficile de dire si Félicia avait perdu ou gagné. Elle avait trouvé le collier par hasard, mais elle laisserait à Aoki le soin de décider.