À travers cette question, Neferia exprimait son envie, son rêve, son idéal utopiste d’un monde unifié par le souffle des dragons. Crystal pouvait le comprendre. Les dragons étaient de puissantes créatures, et, dans la mesure où certains pouvaient développer une conscience et une intelligence poussée, on était en droit de se demander pourquoi les dragons ne dominaient pas déjà le monde. Effectivement, même l’arrogante Tekhos, avec sa technologie très avancée, ne pourrait guère tenir éternellement contre les hordes de dragons. Les interrogations de Neferia étaient donc légitimes, et Crystal se mit à déambuler un peu, déployant lentement ses ailes.
« Tes questions sont légitimes, Neferia. Je ne peux pas me prononcer sur l’avenir, mais, en ce qui concerne le passé des dragons... »
C’était un grand sujet, bien que peu débattu, vu qu’il existait très peu de théoriciens s’étant penchés sur le passé des dragons. Pour autant, il existait quelques études, notamment publiées par l’Université de Nexus, qui étaient très intéressantes en la matière. Toutefois, au-delà des études, Crystal en savait quelque chose, car elle était elle-même la fille de Xygga.
« On dit que les dragons sont des créatures nées avant même l’époque du jurassique, des dinosaures... L’Ancien Monde, et on va même jusqu’à dire que les dragons ont été parmi les premières espèces intelligentes à avoir exister, quand Terra n’était qu’une immense boule de magma en fusion. On dit que les dragons sont nés suite au choc entre notre planète et un astéroïde, qui aurait, dans les gravats, déposé des œufs, ou des embryons, qui ont réagi avec la chaleur. Les dragons seraient ignifuges car ayant grandi dans un environnement entièrement volcanique. »
À l’origine d’une planète, il y avait un ensemble de nuages, de gaz, des poussières, qui se formaient progressivement, par le biais de lois physiques et chimiques, certes, mais aussi du fait du hasard... Et de multiples heurts entre des planètes minuscules, qui se fracassaient entre elles, explosant ensemble. Et, au fur et à mesure de ces impacts apocalyptiques, les planètes parvenaient à survivre, à grossir, et à enfler. « Ce qui ne me tue pas me rend plus fort », avait affirmé un philosophe terrien. Cet argument trouvait une grande application dans l’espace, où les collisions entre astéroïdes avaient permis aux planètes suffisamment grandes d’évoluer, de s’améliorer.
Crystal poursuivit ses explications :
« Ces dragons ont dû s’enfuir quand un autre astéroïde s’est écrasé à la surface de Terra, et se sont réfugiés dans les profondeurs de la planète... Du moins, pour les plus puissants d’entre eux. Puis, avec le temps, la planète s’est formée, et a piégé ces anciens dragons. Soit morts, soit endormis à jamais, en attendant le jour où ils reviendront. Des dragons immenses, gargantuesques, dont le souffle balaierait un pays tout entier. Je le sais, Neferia, car mon père, Xygga, est l’un de ces dragons-rois. »
C’était une incroyable histoire, que Crystal lui conta, lui parlant de cette période où Terra n’était que feu et soufre, il y a probablement un bon milliard d’années. Terra s’était ensuite recouverte d’eau, et les dragons, pour fuir une atmosphère toxique et mortelle, continuellement balayée par des collisions avec des astéroïdes, s’étaient donc réfugiés.
« Sans eux, notre race n’a cessé de se dégrader, et, même avant, les dragons-sires étaient très rivaux entre eux. Il faut bien comprendre qu’ils ont grandi à une époque où eux seuls pouvaient survivre, et se dévoraient entre eux. Et, même maintenant, les dragons sont tout simplement trop fiers pour pouvoir s’allier avec d’autres. Le seul moyen de les unir serait de réveiller un dragon-sire, mais... Crois-moi, ce ne serait pas une bonne chose. Une petite dragonne comme toi n’attirerait guère la sympathie de Xygga, qui détruirait tous ceux qui ne sont pas à la hauteur de ses espérances. L’empathie et la pitié ne font pas partie des principes de vie des dragons, Neferia. Si tu connais la pitié, c’est parce que tu es, comme moi, partiellement humaine, et que c’est notre humanité qui tempère notre comportement belliqueux et guerrier. »
Voilà pour le cours d'Histoire... Et aussi pour la leçon de morale et de psychologie dragonique !