[FINI] La vengeance est un plat qui se mange brûlant [Suki Tetsuhiko]

Est-ce qu'elle était sérieuse? Elle-même s'interrogeait sur ce qu'elle venait de dire. Pactiser avec l'ennemi, pire, sa pire ennemie. Qu'elles soient toutes les deux cibles d'une horde de monstres sanguinaires, elle aurait un peu mieux comprit cette trêve mais là, il n'y avait pas un couteau sous la gorge? Alors pourquoi? Mélinda avait peut-être usé d'une fourberie ou sans le savoir user d'un argument de poids. Condamner des esclaves comme chaque jour sur Terra. Les Celkanes ne pouvaient malheureusement pas être partout à la fois. En plus de noms et de cibles, elles pourront sauver là où la situation est la plus urgente, si ce sont des enfants esclaves, des esclaves plus que torturées, il faut bien reconnaître que ce ne serait pas un luxe de sauver en priorité celles qui ont vraiment besoin de l'arrivée des Celkhanes. Même si ça veut dire pactiser avec le diable, Suki est bien forcée de passer par-là si elle veut sauver plus de femmes esclaves sur ce monde de brutes. À moins que demain les Celkhanes aient un renfort inattendu et qu'elles peuvent couvrir plus de terrain, pour le moment il faut bien faire avec les moyens du bord. Cette pute de vampire prenait un malin plaisir à remuer le couteau dans le dos en lui rappelant qu'elles avaient fait l'amour, évoquant même Kairi. Une vraie pute! Kairi était dans cet état à cause d'elle et de son incompétence, inutile de jouer avec ses nerfs car c'est déjà un miracle que la sergente ne lui ai pas sauté au cou pour la mordre à mort comme une bête féroce.

Plus le temps passait plus elle rêvait de son corps criblé de balles en tous genres, morte comme elle devrait l'être depuis quelques heures maintenant. Sa colère n'était pas facile à cacher et cela se voyait comme le nez au milieu du visage. Elle proposait même de garder certaines esclaves, la putain avait lu à travers son plan... Ce n'était pas un plan bien travailler et bien ficelé vu sa fatigue le peu de temps devant elle, il était évident qu'elle n'allait pas dire oui et que Suki la piège en ramenant un véritable paquebot volant pour emporter tout le monde et ne pas laisser une miette à cette connasse. De plus elle insultait déjà ses pauvres femmes et encore une fois, elle aussi. Si seulement elle pouvait la fermer! Oui... elle avait effectivement aimé cela et malheureusement, elle n'avait pas l'excuse de la drogue pour se dire qu'elle n'était pas elle-même. Elle avait fait tomber le masque ce soir-là mais ce fut pour Kairi et pour sauver sa vie. Tss, si elle aurait franchi les portes de la mort, elle n'en serait pas là aujourd'hui. Sa mâchoire se faisait de plus en plus serrer, ses dents risqueraient à force de se fissurer tellement la pression était forte. Si elle se lâchait, pas seulement Mélinda mais tout le monde finirait bien par entendre les nombreuses insultes qu'elle aurait à lui cracher ainsi que ses quatre vérités. La voir lui tourner autour comme un prédateur... elle avait envie de piéger le sol et la faire exploser à son prochain pas devant elle, tiens... Moins cruelle que les autres, c'est ce qui se disait mais elle n'avait aucune vraie preuve que c'est le cas.

« C'est ce que tu dis... »

Lâcha-t-elle simplement en l'observant. En tout cas c'est vrai, elle était sur un piédestal, mieux perché pour qu'elle puisse mieux lui loger une balle dans le crâne avec un fusil sniper. Face à sa dernière provocation, elle lui prouvait qu'elle était toujours prête à la tuer, peu importe la situation.

« Fourre ta putain de langue dans ma bouche et je me ferais une joie de la couper avec mes dents. »

C'était dit de façon si glaciale, ça aurait surement refroidi les ardeurs de la vampire en chaleur. Cependant, comme elle commençait à reparler, elle ne se privait pas pour ajouter une ou deux conditions à son tour.

« Il est hors de question en tout cas que tu prennes des jeunes esclaves ou que tu sépares des mères et leur enfant. S'il le faut, je te fous une balle en pleine tête pour que tu l'imprimes bien dans ton cerveau. Ta peut-être eut une enfance difficile, ça, je ne fais que répéter ce que tu m'as vaguement dit, alors privent pas les gosses de leurs parents, de leur enfance. »

Qu'est-ce que ça avait d'excitant de violer des gosses, d'en faire des putains? Suki avait toujours le visage d'Holie quand elle l'avait trouvée, allongé sur le ventre, sur le bureau de ce pervers, ce n'était pas le visage d'une enfant souriante qu'elle avait sous les yeux, même pas le visage d'une enfant, c'était celui d'une innocence brisée à tout jamais. Alors qu'elle garde sa queue et celle de ses client/es au chaud car vivant, jamais une enfant foutra les pieds dans son harem.

« Maintenant, si ta rien à ajouter, on peut quitter cette pièce. »

Bien sur, il restait des détails à régler mais pour se faire, Suki devrait déjà montrer sa faiblesse à ses supérieures et assumer cette honte pour le bien de sauver certaines esclaves, pas toutes malheureusement...

La petite Suki était aussi froide qu’un iceberg, mais Mélinda ne doutait pas une seule seconde ses motivations. Elle pouvait le voir dans ses yeux : Suki voulait la tuer, la massacrer, et la décapiter pour exhiber son scalp au-dessus de sa cheminée. La vampire ne se faisait aucun doute sur ce point, mais ce n’était pas pour autant qu’elle allait paniquer. Suki ne serait pas la première personne au monde à désirer sa mort. Elle n’avait proposé de l’embrasser que pour la taquiner, parce qu’elle savait que c’était le genre de propositions qui la mettraient en pétard. Suki fulminait sur place, mais accepta malgré tout, sous conditions, la proposition de Mélinda. La vampire en fut ravier, mais ne sourit pas, car les conditions exposées par Suki la troublèrent... À travers ses demandes, elle percevait chez Suki une représentation de sa personne qui n’était pas conforme à la réalité. Elle ne dit rien sur le coup, car elle mémorisa cette assertion, son cerveau se mettant à nouveau à carburer à toute allure. Suki finit par la rappeler à la réalité :

« Maintenant, si t'as rien à ajouter, on peut quitter cette pièce. »

Bras croisés, la vampire releva alors la tête, une petite moue venant traverser son visage. Ce qu’elle avait « vaguement » dit... Était-il possible que Suki ignore donc tout de l’enfance de Mélinda ? Qu’elle ne sache pas qui elle était vraiment ? Que son enquête sur elle ait été aussi parcellaire ? La Celkhane était prête à sortir, prête à en terminer pour de bon avec la vampire, mais cette dernière n’avait pas encore tout à fait fini.

« Je n’ai pu dormir dans un vrai lit qu’à l’âge de dix-sept ans, lâcha-t-elle simplement. Tu ne sais donc rien de mon enfance, Suki ? Comment peux-tu prétendre me connaître, si tu ignores tout de moi ? »

C’était une question purement rhétorique. Mélinda s’avança un peu, décroisant les bras, et se mit à préciser un peu le contenu de sa pensée, à évoquer son passé :

« Mon grand-frère m’a violé à l’âge de cinq ans, en me sodomisant. Il le faisait sous le regard de mon père, qui riait de bon cœur, et me fouettait à chaque fois que je pleurais, ou que je le suppliais. Je n’avais pas le droit à une chambre pour dormir, rien de plus qu’une petite cellule plongée dans l’obscurité, avec un seau pour faire mes besoins, et aucun vêtement. Rares étaient les fois où on m’autorisait à prendre des douches, et c’était toujours dans de l’eau sale. Diable, ferait-on couler un bain pour la petite Mélinda ? Vois-tu, si mon père avait juste eu un peu d’amour pour moi, un tant soit peu d’affection, aussi faible qu’elle soit, il m’aurait tué... Mais il me haïssait, tout simplement. Il ne voulait pas que je meure, il voulait que je souffre. Je suis née en tuant ma mère, Suki. Un enfant non désiré, car mon père avait déjà un héritier, une naissance difficile, qui a emporté ma mère. Pour mon malheur, j’avais réussi à survivre, en emportant avec moi la beauté de ma mère. Je n’ai jamais connu le moindre câlin durant mon enfance, jamais la moindre caresse, le moindre sourire d’affection... J’étais le pire qui puisse être, un enfant qui avait commis un matricide. Je baignais dans le sang dès ma naissance. »

Elle planta son regard dans les yeux de Suki, silencieusement, ménageant une courte pause, avant de reprendre :

« Il y a des enfants dans mon harem, des enfants en bas-âge... Je crois que tu devrais aller faire un tour dedans, ma belle. Mon harem ne propose pas de pédophilie, contrairement à d’autres harems. Les enfants sont éduqués par les autres servantes, éventuellement par leurs parents s’ils en ont, afin de me servir, et d’être prêts, une fois que leur désir se sera éveillé, à honorer leurs obligations. »

Mélinda haussa ensuite les épaules.

« Tu t’obstines à voir en moi un monstre, Suki, mais, sur bien des côtés, je suis beaucoup plus magnanime que toi. J’accepte les hommes, et aucun de mes protégés n’est battu, ni entraîné à devenir une machine à tuer. Ceux qui me rejoignent ont peur seul but d’apprendre à manier le désir. Ce ne sont pas des hommes de mort, comme toi, mais des hommes d’amour, des femmes de beauté et de rêve, qui enchantent les nuits de leurs partenaires. Il n’y a rien de répréhensible là-dedans. »

Elle crut alors bon de conclure, et rajouta donc :

« J’ai été privée de mon enfance, j’ai été privée du réconfort d’une mère... Je suis la mère de substitution des orphelins qui viennent à moi, mais je trouve qu’il n’y a rien de plus beau que de voir une mère serrer son enfant dans ses bras pour lui donner le sein. N’es-tu pas d’accord ? Ou trouves-tu plus attirant de faire sauter la cervelle d’un esclavagiste en te reposant simplement sur tes convictions ? »

Mélinda venait l'empêcher de partir en ouvrant la bouche, commençant à déballer son passé devant la Celkhane. Cette dernière s'étonnait que son ennemie n'ait pas cherché à tout connaître de sa naissance à ce jour. Mais qu'elle se fiche de son passé? Certes, elle avait appris certaines choses, des choses que bons nombres de gens peuvent avoir accès avec plus ou moins de facilité mais Suki n'était pas de celles qui cherchaient dans toute la merde qu'elle a pu chier pour trouver son point faible. Mélinda Warren était un vampire mais elle restait simple à tuer. Ce n'était pas un démon à qui ont devrait d'abord couper un bras, lancer une invocation, puis de l'eau bénite et faire trente-six tâche avant de le voir enfin tomber pour de bon. Un bon chargeur vidé en pleine tête et ça serait étonnant de la voir se plaindre d'un mal de crâne horrible. La regardant sans la moindre honte, elle levait un peu sa tête à cause de sa taille en lui disant simplement la vérité.

« Je me fiche de ton passé de bébé ou de petite fille Mélinda. Ce n'est pas contre une gamine que j'ai envie de passer mes nerfs mais contre une vampire qui tient un harem. »

Oui, pourquoi ça l'intéresserait de savoir à quel âge elle a eu sa première dent de lait qui soit tombé? En quoi cela va l'aider à vouloir tuer l'objet de ses cauchemars? Au mieux, elle avait commencé à fouiller dans son passé quand elle a commencé à grimper les échelons de la société Ashnardienne. Mais étant parti sur sa lancée, la vampire commença à lui raconter son enfance, dans les grosses lignes du moins. Ennemie ou non, c'est vrai que Suki ne souhaitait pas ça, même à cette conne de Mélinda. Violer un enfant est une des choses qu'elle déteste voir ou apprendre. Surtout maintenant, ce simple aveu lui remettait en mémoire la façon dont elle avait trouvé Holy et l'excuse minable de cet esclavagiste qu'elle avait défoncé le crâne. Le père de Mélinda n'était qu'un être abject et quand bien même la naissance d'un enfant emporte avec malheur la vie de celle qu'il a aimée, est-ce une raison de la détester? Mélinda n'était pas le diable après tout? Quoi que... Quand bien même ce serait le cas, elle n'a pas pris de couteau et ouvert les entrailles de son frère ou d'un autre par pur plaisir. Difficile à croire de la part de Suki mais elle imaginait Mélinda comme une petite fille heureuse si jamais sa mère aurait été de ce monde et qu'elle n'aurait pas vécu tout cela. Leur rencontre aurait même ne jamais avoir lieu mais ça, elle ne le saura jamais.

Leur regard se fixait, chacune semblait défier l'autre avec un simple regard, se faisant face comme lors d'un duel. Le premier coup pourrait bien être le dernier alors prudence.

« Sur ce point-là, je te rejoins en cette rare occasion. Je préfère de loin voir une famille heureuse que venir me faire chier à courir des putains de pédophiles et vendeur d'humains! Mais quand je pose les yeux ailleurs, que ce soit à Ashnard, à Nexus et j'en passe, même s'il m'arrive de voir des familles heureuses, des mères qui serrent dans leurs bras leurs enfants, je vois aussi des enfants enchainés qui cherchent désespérément leur parent du regard et inversement, des parents paniqués qui savent ce qui risquent de leur arrivée mais qui s'inquiètent quand même pour leur enfant. Avant de me traiter de monstre, moi, ainsi que toutes les Celkhanes, pense à un truc Mélinda. Qui est le monstre? Celle qui voit tout ça mais reste bien confortablement dans son harem à songer à qui elle va acheter ou baiser ou bien celles qui se lèvent et viennent retirer toutes ses vies des mains de leur « propriétaire »? Oh oui, on est des monstres à les tuer et les maltraiter mais qui a commencé le premier? Je doute fort que des enfants aient réussi à foutre un collier autour du cou d'un adulte pour le rouler dans la boue et le violer. »

L'éternel débat entre une Celkhane pure souche et une Ashnardienne qui défendait les traditions de son peuple et du bien fait de l'esclavage. Elle va encore sortir que c'est la loi du plus fort, c'est la vie, dans son harem, c'est différent mais à écouter les esclavagistes, c'est toujours différent chez eux. Ils n'esclavagisent que les criminels, ils sont bien traités en réalité, ce n'est pas eux les propriétaires, ils ont tous une bonne excuse et rare sont ceux qui ont des couilles pour avouer leur crime.

« Crois-moi, j'en suis sincèrement désolé pour ton connard de père. C'est pas en me disant tout cela que je risque de retourner ma veste et faire comme si on ne s'était jamais rencontré. Mais comme je te l'ai dit, ton passé en tant que martyr ne m'intéresse pas. C'est ce que tu es devenue que je déteste! Et va pas croire que tu es une sainte sous prétexte que quelques gosses sont bien traitées et, ou avec leur parent dans ton harem que c'est fini. Tu finis quand même par les prostituer. Alors en allant dans ta logique, je vois mal quelle mère serait fière de voir sa fille écarter les jambes pour se faire prendre par un gros porc de noble Ashnardien! »

Qu'on soit d'accord, même faire la pute pour une beauté en or, ça serait mal vu. Suki était une mère aussi, enfin, légalement, bientôt et elle sait qu'elle ne pourra qu'être fière dans plusieurs années de la voie suivie par Holy mais vendre son corps fait partie des choses où elle sera obligée d'agir et dire stop. Il n'y a pas de honte à aimer cela mais de là à en faire un métier, ça non. Mais pour en revenir au passé de Mélinda, si les Celkhanes avaient été opérationnelles lors de sa naissance, si elles s'étaient déjà alliée à Tékhos, obtenant armes et moyens de transport, auraient-elles pu sauver Mélinda? Malgré son apparence de jeune fille, Mélinda devait bien avoir des années derrière elle. C'était peut-être pour ça aussi qu'elle refusait d'abandonner face aux Celkhanes... Elle ignorait quelle âge elle avait vraiment mais les vampires étaient aussi connus pour leur longévité... Elle observa Mélinda en haussant un sourcil.

« Simple curiosité et soi franche, tu nous haïs, nous les Celkhanes car nous n'avons pas pu venir te sauver étant jeune? Si nous aurions pu intervenir à cette époque, tu penses que tu serais resté de quel côté? Vers celui de femmes qui auraient pu te trouver une véritable famille aimante et vivant en paix où bien tu aurais souhaité rester sur Terra et commencer une nouvelle vie à Tékhos? »

Elle redoutait un oui mais à l'époque où Mélinda avait vécu cela, les Celkhanes étaient un peuple vivant sur l'archipel simplement, voulant déjà partager avec les autres leur paix et leur façon de vivre mais les Celkhanes de type soldates sont en réalité assez récente. Elles n'ont même pas un siècle à dire vrai. Si ça se trouve, si elles auraient pu agir à cette époque-là, Mélinda aurait pu être une Celkhane heureuse... et non celle qu'elle était aujourd'hui. Mélinda était libre de choisir sa réponse mais elles laissaient toujours le choix aux esclaves, Tékhos ou Caelestis. Et pour les hommes, à part les petits garçons, ils pouvaient se débrouiller et selon la troupe, elles pouvaient les déposer ailleurs que les laisser au milieu des cadavres. Elle était quand même curieuse d'entendre le point de vue de Mélinda à ce sujet?

« Simple curiosité et sois franche, tu nous hais, nous les Celkhanes car nous n'avons pas pu venir te sauver étant jeune ? Si nous aurions pu intervenir à cette époque, tu penses que tu serais restée de quel côté ? Vers celui de femmes qui auraient pu te trouver une véritable famille aimante et vivant en paix où bien tu aurais souhaité rester sur Terra et commencer une nouvelle vie à Tékhos ? »

De quel côté... L’image fit sourire Mélinda, qui se mit alors à s’avancer, lentement. Visiblement, son histoire avait troublé Suki plus qu’elle n’osait se l’avouer. La vampire le comprenait, et elle n’avait rien à cacher. Son histoire était authentique, et s’éloignait des circuits manichéens que Suki connaissait : le riche esclavagiste, le bourgeois descendant d’une famille de bourgeois, et qui ne s’était jamais posée de questions sur ce qu’il faisait. Mélinda avait eu un parcours différent : née esclave, elle était finalement devenue ce qui, alors qu’elle était humaine, lui avait semblé être le pire des cauchemars, et la plus horrible des situations. Comment expliquer un tel retournement de situation ? Comment le justifier ? La Celkhane peinait à dissimuler son trouble, ce que sa question exposait. Elle faisait donc sourire Mélinda, qui se mit à marcher autour de Suki.

« Ton compliment implicite me va droit au cœur, Suki, mais sache que, à cette époque, ton bel archipel n’existait pas. J’ai plusieurs siècles d’existence. Je suis née peu de temps après la Guerre Civile d’Ashnard, si tu veux tout savoir... Quelques mois après que l’Empereur Fou ait été banni. Ton État est beaucoup plus récent. »

Caelestis avait été fondée à la suite d’un désaccord entre des Tekhanes au sujet de la politique de neutralité prônée par Tekhos. Des Celkhanes renégates avaient décidé de fonder Caelestis, un archipel volant composé de six îles, et qui, en volant dans le ciel, échappait à la loi tekhane, et à sa politique de neutralité. Quand Caelestis avait été fondée, Mélinda était déjà une esclavagiste depuis longtemps établie.

Tout en continuant à marcher, Mélinda aventura brièvement un doigt en se tenant dans le dos de Suki, caressant le pourtour de son armure, à hauteur de l’épaule.

« Et puis, les armures comme ça, même si c’est affreusement sexy, ce n’est pas pour moi. Je ne vous hais point, Suki. Si c’était le cas, je ne t’aurais jamais laissé repartir, et je t’aurais emmené, toi et Kairi, dans le plus infâme des bouges terrans qui existent. Tu ne le comprends donc pas ? »

Mélinda avait joint ses mains dans son dos, un sourire angélique sur les lèvres.

« Tu me prêtes des sentiments qui n’existent que dans ta tête, des inventions de ton esprit pour justifier la haine irrationnelle que tu me portes. Ce n’est pas de la haine que je ressens à votre égard, Suki. Au mieux, vous m’exaspérez par votre philosophie simpliste et biscornue... Au pire, vous m’effrayez par cette même philosophie absolutiste, qui vous permet de justifier toutes les exactions possibles, dès lors qu’elles sont commises au nom d’un intérêt supérieur. Vous me faites penser à l’Inquisition, prête à commettre les pires actes au monde, au nom de Dieu... Et j’ai tendance à avoir peur de ceux et celles qui veulent me détruire. »

La vampire décroisa les bras, et s’écarta un peu. Elle venait tout de même de faire une assez grosse révélation, en avouant que Suki l’effrayait... Mais, en un sens, c’était humain... Bien qu’elle ne soit pas humaine. Suki voulait la tuer, et avait les moyens de le faire.

« Que crois-tu donc, Suki, hein ? Que j’ai vraiment eu le choix ? Je n’étais pas censée finir comme je le suis... La vengeance envers mon père, c’est tout ce qu’on m’a donné. On m’a transformé en vampire pour m’insérer dans un échiquier politique, afin de supprimer l’un des derniers soutiens du Roi Fou. J’ai été désignée pour tuer mon père, et on m’a donné son harem, dans l’espoir que je me coulerais, et que ce bâtiment serait repris par les rivaux de mon père. J’avais une sainte horreur de l’esclavage quand j’ai repris ce harem. J’étais comme toi, Suki. Je voulais libérer toutes les esclaves martyrisées par la démence de mon père, dont l’esprit avait été corrompu par la folie du Roi Cramoisi. Et tu sais pourquoi j’ai décidé de reprendre son activité ? Pourquoi j’ai décidé, contre toute attente, de reprendre le flambeau ? »

C’était une question rhétorique. On pouvait sentir le ton de Mélinda s’accélérer, au fur et à mesure qu’elle parlait. Elle ne tarda pas à répondre à sa propre question, car Suki n’aurait jamais pu y répondre toute seule, et aucune de ces suppositions n’aurait été la bonne. L’avarice de Mélinda, son goût pour l’argent, sa luxure... Tout avait une raison fondamentale.

« J’étais seule... Rien de plus qu’une enfant qui avait peur du noir. J’avais passé ma vie dans une petite cellule noire avec un seau en bois pour seul meuble. Je ne voulais plus de ces haillons, je ne voulais plus de ces cellules grises... Je voulais pouvoir goûter à la joie d’un vrai lit, d’un vrai repas, à des caresses, des câlins... Mais ne vas pas croire que tout cela n’était qu’égoïsme de ma part. J’aurais pu les libérer, et, même avec ma peur d’être seule, je l’aurais fait... Mais le sort qui attendait ces pauvres hères n’était pas celui de la félicité promise. Si mon harem avait coulé, si j’avais décidé de ne pas devenir une esclavagiste, tous ces gens, ces misérables et ces esclaves, ces gens qui m’avaient soutenu alors que je croupissais dans ma cage... Ils auraient fini entre les mains de bourreaux, ils auraient été torturés par des esclavagistes cruels, ou envoyés dans des camps de travail, condamnés à travailler comme des forçats. Alors, je les ai protégés... Je leur ai offert une vie de rêve, j’ai partagé ma fortune. Les cellules ont été transformées en magnifiques chambres, avec des dorures, des broderies, je les ai parés de beaux atouts. C’est elles qui ne voulaient pas être libres, Suki. C’est elles qui m’ont demandé de les protéger. »

Mélinda s’était retournée, en la dévisageant, sans aucune réelle lueur d’agressivité dans le regard.

« Et c’est ce que je continue à faire avec leurs descendances... Quand bien même vous auriez été là à cette époque, je n’aurais jamais laissé ces femmes entre vos mains. Qu’auriez-vous fait de leurs frères ? De leurs enfants ? Vous les auriez séparés ? Envoyés où ? Dans des endroits qu’elles ne connaissent pas ? Dans les usines de Tekhos, où elles auraient respirés du soufre à longueur de journée en s’asphyxiant les poumons ? Ne me fais pas rire avec ton prétendu paradis, Suki. La terre promise n’existe pas. Caelestis est incapable de se projeter autrement que dans le conflit et dans le rapport de force. Ce n’est pas étonnant, si la plupart des esclaves que vous libérez deviennent elles-mêmes des tueuses, traquant les démons que nous sommes. Je ne vous aime pas, car votre idéologie encourage la haine et la mort, et toute idéologie qui encourage la haine de l’autre est à chier, peu importe les justifications qu’elle y trouve. »

Cette fois, la vampire avait beaucoup parlé, et se racla lentement la gorge, avant de secouer la tête.

« Et je les condamne à se prostituer, c’est un fait... Mais je pense qu’elles préfèrent ça à l’idée de devenir des tueuses comme toi. Et puis, les rares qui sont définitivement hostiles à cette idée trouvent toujours des occupations secondaires. Je suis bien connue pour abandonner très difficilement mes protégés. Je leur offre un avenir sûr, stable, radieux, et la protection de pouvoir vivre paisiblement. Tout ce qu’elles ont à faire, en contrepartie, c’est coucher avec des hommes et des femmes. Ce n’est pas ce qu’il y a de mieux, mais chacun y trouve son plaisir. Si tu penses qu’elles sont si mal traitées que ça, Suki, tu n’as qu’à venir dans mon harem. C’est avec plaisir que j’y accepterais ta belle petite bouille. »

Était-ce une nouvelle provocation ? Ou quelque chose d’autre ? Mélinda avait passé de longues minutes à se confier, à expliquer ses choix, et à les justifier. Pour elle, tout lui semblait être logique.

« Aucun regret pour le baiser ? » conclut-elle alors.

Suki venait de lui poser cette question sans trop d'arrière-pensée? Une simple curiosité après en avoir appris un peu plus sur l'enfance de sa pire ennemie. Mais en revanche, où l'avait-elle complimenté? Même indirectement? Elle se faisait des idées celle-là encore! Où était ce fichu compliment? Dans son crâne de tarée encore? Sous prétexte qu'elle lui pose une question où elle ne menace pas de la tuer, elle la complimente? Et puis quoi encore?! Ce n'est pas fini de se droguer?! Une chose est sûre en tout cas, elle n'aimait pas la voir tourner dans son dos de la sorte. Elle restait beaucoup trop sur ses gardes avec Mélinda pour croire que ce n'était qu'une simple discussion. Elle se méfiait, de peur qu'elle tente un truc louche. Elle serrait ses poings quand elle passa les mains dans son dos mais elle l'avait à l'œil, il lui restait suffisamment de magie à présent pour éviter une mort directe si elle l'attaque, elle aura de quoi se défendre sur le coup mais ensuite? Car entendre de la bouche de cette dirigeante de harem qu'elle ne la haïe pas, elle sa pire ennemie? C'était une insulte pour Suki qui ne se privait pas pour lui rappeler à la moindre occasion qu'elle ne l'aimait pas mais alors, pas le moins du monde! Au moins, même si elle se moquait d'elles – les Celkhanes – en prétextant qu'elles l'exaspérait, elle en était aussi effrayé... Mouais, elle se rattrape un peu mais ce n'est pas ça qui rattrape son autre insulte.

« Ne nous compare pas à eux. »

Elle sortait cela comme une langue de serpent. Ces idiots ne sont que des idiots avec leurs idées. Caelestis est bien différent mais comme partout, Mélinda ne garde que les grosses lignes et les idées reçurent. Des femmes qui veulent libérer les esclaves en ne gardant avec elles que les femmes, se fichant des hommes. La vampire continua de lui parler de ce qu'elle aurait aimé faire de ce harem, de la façon dont elle voyait Caelestis et du reste. Toujours les mêmes rengaines. Les gens – plutôt les esclavagistes – les craignent sans même les connaître, quelle idée! Elle conclut sur deux choses qu'elle refusait, la première étant de mettre les pieds dans ce harem, si elle fait cela, ce ne sera que pour libérer ses pauvres filles, la seconde étant de fantasmer sur elle. Une véritable trainée celle-là!

« Arrête de fantasmer sur moi! » la mit-elle en garde face à ce comportement. Elles étaient véritablement opposées, Suki était sérieuse dans tout ce qu'elle faisait alors que Mélinda donnait l'impression d'être trop sûre d'elle et parfois enfantine. « Tu es comme les autres, tu sais de nous que les rumeurs qui circulent sur nous. Tu serais surement surprise de savoir qu'il y a des hommes sur Caelestis? Nous les haïssons mais qui somme-nous pour interdire un petit garçon de suivre sa mère? »

Oui bon, c'est vrai qu'ils étaient élevés comme des futas, plutôt des shemale mais ça ne change pas grand-chose, peu de personnes voyaient la différence. Ce n'est pas elle qui fixe les règles après tout. Puis avec l'âge, ils subissent de quoi devenir une femme, véritable, sous l'apparence du moins – au moins de quoi éviter d'avoir une trop forte pilosité déjà. Le reste était en option.

« Comme tout le monde, tu répètes ce que tu entends mais tu ne sais rien... Si demain tu entends que les Celkhanes ont des ailes d'Anges, tu vas les croire? Toutes les femmes sauvées ne sont pas destinées à devenir militaire. Certaines cherchent à se venger et obtienne une formation militaire, soit, mais d'autres cherchent à éviter tout cela en trouvant un travail normal, à vouloir élever sa famille. Crois-tu que nous somme là que pour distribuer des armes comme des bonbons à des enfants? Tu ne sais rien, Mélinda Warren. »

Sur la fin, son regard méprisait la vampire. Ça parle beaucoup mais ça parle surtout pour ne rien dire. Il y avait du vrai dans tout cela, certes mais aussi du faux. Quoi qu'il en soit, maintenant que les choses semblaient finies avec ce... marché, elle avait du mal à l'accepter quand même. Elles pouvaient retourner voir les autres, pour les Celkhanes, tenter de retrouver les restes de Bear et une éventuelle trace de Crow? Elles n'avaient aucune nouvelle d'elle après tout. Mais avant de se diriger vers la porte, il y avait une chose qu'elle devait confier à son adversaire car elle était quand même dans le lot, deux ennemies avec un ennemi commun apparemment.

« Concernant cette soirée, sache que nous ne sommes pas à l'origine de ces monstres. Notre but était de libérer des monstres que les gardes auraient pu repousser en usant leur tête. Nous avions pour but de libérer des monstres classiques mais quelqu'un a apparemment changé les codes ce qui a libérer aussi les monstres et le monolithe par la même occasion. Quelqu'un a essayé de nous faire porter le chapeau en tuant de nombreux esclaves mais comme tu as pu le voir et le vivre, tu étais sur la liste de celles qui devaient mourir par « notre » faute. La coupable est morte malheureusement mais elle ne devait pas être seule à tirer les ficelles. Une marionnette voulant jouer avec des marionnettes, trop de fils pour que cela tienne sans que des nœuds se forment selon moi. Reste à savoir qui a eu idée de ce spectacle macabre? »

Vu le nombre d'innocents qui sont mort, Suki ne comptait pas les laisser rire dans l'ombre et comptait bien les tuer à la moindre occasion, tant qu'elle a les preuves. Des innocents morts, une voire deux Celkhanes tombées au combat, ça faisait beaucoup. Oui, elle se fichait des esclavagistes.

« Ton frère devrait pouvoir prouver ce que j'avance, il était là à combattre les monstres quand on a tenté de reboucher le trou avec le monolithe. Si tu parvenais à trouver des informations sur eux, je serais curieuse de les entendre... »

Maintenant, si elles sont d'accord, elles peuvent retourner retrouver les autres...

Les Celkhanes, ne haïssant pas les hommes ? Quand Suki partit sur cette voie-là, Mélinda sentit une onde de scepticisme s’emparer de son esprit, avant que même Suki ne finisse par rectifier le tir : oui, bien sûr que les mâles étaient haïs, mais il y en avait sur Caelestis ! La vampire était amusée face à une telle hypocrisie. Elle savait que le comportement viscéralement antimasculin des Tekhanes était un gros point noir dans les relations internationales avec d’autres puissances. Là aussi, il y avait un peu de mauvaise foi, car les Ashnardiens et les Nexusiens, s’ils n’étaient pas sexistes à ce point, n’en restaient pas moins racistes, notamment à l’égard des Terranides. Sur ce point, les Tekhanes ne pouvaient toutefois par leur jeter la pierre, car elles toléraient aussi l’esclavage, l’encourageaient, et transformaient les Terranides en rats de laboratoire pour les firmes pharmaceutiques ou les laboratoires de recherches. Mélinda n’était pas dupe : elle savait très bien que Caelestis n’était qu’une immense industrie de guerre, une île flottante qui avait pour devise nationale l’éradication des esclavages, et dont la ligne politique se réduisait à abolir l’esclavage par la force. Pour Mélinda, malgré la présence d’un Conseil, Caelestis restait une junte militaire.

Suki lui indiqua alors que les Celkhanes n’avaient rien à voir avec les évènements qui venaient d’arriver ce soir. Elles auraient été manipulées par d’autres personnes pour supprimer les esclavagistes... Mais qu’étaient-elles venues faire ici ? Mélinda n’était pas dupe. Suki lui indiqua qu’elles étaient venues pour libérer des monstres « classiques », mais c’était bel et bien dans l’intention manifeste d’espérer que ces monstres tuent des esclavagistes. Tout n’était qu’hypocrisie et mensonges dans la bouche de la Suki. C’était une chance qu’elle avait un beau petit cul ; cet argument, pour Mélinda, était bien plus parlant que son discours, qui sonnait faux.

« Ton frère devrait pouvoir prouver ce que j'avance, renchérit Suki, il était là à combattre les monstres quand on a tenté de reboucher le trou avec le monolithe. Si tu parvenais à trouver des informations sur eux, je serais curieuse de les entendre... »

Oh, rien que ça ? Mélinda pencha la tête sur le côté, comme si elle était surprise, croisant les bras sous sa poitrine.

« Serais-tu donc en train de me proposer une alliance, ma petite perle ? Des informations en échange de... Hum... »

La vampire se contenta d’un léger sourire pervers, une lueur amusée dans le regard. On pouvait croire qu’elle prenait tout avec humour, mais c’était mal la connaître. L’esprit de Mélinda était un esprit très calculateur. Il le fallait bien, pour être une esclavagiste. Elle ne pouvait pas compter sur sa puissance ou sa force physique, et, face aux autres esclavagistes, ou à ses antagonistes comme les Celkhanes, elle préférait donc miser sur sa beauté, ou sur son intelligence acerbe.

« Et tu as raison, Suki... En un sens, reconnut Mélinda. Il est vrai que nous, Ashnardiens en général, esclavagistes en particulier, voyons toi et ton petit peuple comme un troupeau de mercenaires assoiffés de sang qui se voilent la face en attaquant les symptômes, plutôt que les causes. Cependant, ne viens pas me faire croire que votre comportement à l’égard des hommes n’est pas condamnable. Soyons honnêtes, ma petite beauté : vous n’êtes peut-être pas que des militaires sur votre archipel, mais vous vous identifiez par opposition à l’esclavage. Si vous êtes venues ici, originellement, c’est pour casser de l’esclavagiste, pas pour discuter météo. Et, si vous n’aviez pas été affaiblies par des évènements inattendus dans votre plan, vous auriez mis votre plan à exécution en le poursuivant, et en nous abattant tous d’une balle en pleine crâne. Ne le nie pas, je le lis dans ton regard : vous êtes venues pour nous massacrer, et, accessoirement, pour essayer de sauver les esclaves que les mosntres que vous avez libéré n’auraient pas encore dévoré... Comme ça doit être dur pour toi, de te retenir de ne pas me sauter dessus... »

Mélinda lui sourit, en évitant de se rapprocher davantage.

« Vous êtes manipulées à chaque fois que vous allez tuer des esclavagistes, ma belle. Penses-tu vraiment que ce sont vos fusils d’assauts et vos armures sexy qui mettront fin à des pratiques millénaires répandues dans le monde entier ?! L’esclavage est la conséquence des guerres, la conséquence des injustices sociales, la conséquence de mentalités racistes véhiculées depuis des siècles... Dégommer une ferme esclavagiste ou deux, ce n’est qu’un coup d’épée dans l’eau. Si tu veux changer les choses, ma belle, il faut être un peu plus subtil que ça. Je me moque de savoir qui vous a manipulé, qui s’est jouées de vous. Je regrette vos pertes, mais, en toute honnêteté, dans la mesure où toi et ta petite bande de culs bien moulés avaient pour objectif de me tuer, je ne crois pas que je verserais une quelconque larme pour eux. »

Autant être honnête, après tout.

« Et, par ailleurs, si je te haïssais, toi ou ton peuple, je vous aurais conservé comme esclave, toi et la petite Kairi. Mieux, même, j’aurais laissé des hommes te violer en série, et je t’aurais exhibé comme un phénomène de foire. Je ne suis pas le monstre que tu te décries. Je lutte tout autant contre l’esclavage que toi... Toi en sautant sur tout ce qui bouge, moi en essayant de faire changer les pratiques de ce milieu. »

Pour Mélinda, il n’y avait plus grand-chose d’autre à dire... Ou presque. Alors qu’elle envisageait de partir, elle rajouta, en tournant la tête sur le côté :

« Néanmoins, je mènerais mon enquête là-dessus, ma petite Suki d’amour... Mais, si j’ai des informations, comment puis-je te contacter ? Tu me passerais ton adresse mail pour que je t’envoie des mots doux ? Je signerais ça ‘‘ta Nemésis adorée’’, ou alors... ‘‘Ta belle vampire qui te fait des griffes partout’’ ? Tu en penses quoi ? Ou alors, tu comptes venir dans mon harem ? Je te promets de te réserver une place toute chaude près de moi pour te divulguer toutes mes informations. »

Imaginer Suki dans son harem... En vérité, voilà qui pouvait être très amusant !

Ce n'était déjà pas simple à elle pour le dire mais il est vrai que son pire adversaire avait été la cible en même temps que les Celkhanes et les autres esclavagistes ici présent. Déjà qu'elle a dû supporter d'accepter cette « aide » de sa part afin de sauver un maximum d'esclaves. Mais bien entendu, même ici, cette conne de vampire avait le don d'agacer la Celkhane en un rien de temps sur tout et n'importe quoi. Une fois encore en commençant par débattre sur Caelestis, à l'entendre, elle avait toujours raison et elles, elles n'étaient que des moutons qui suivaient le troupeau! Elle a la mémoire courte, Caelestis a tenté par bien des façons au début de montrer à ses tarés que l'esclavagisme, c'est le mal mais ils n'entendent rien, ne voient rien, ne disent rien et après ils s'étonnent de les voir débarquer armée! La méthode douce ne marche pas alors forcément, la méthode forte était là pour leur montrer leur argument. Elle en avait marre de parler avec elle de ça, elle avait l'impression de parler à un mur! Un mur qui se fout de sa gueule en plus! Elle fait bien de ne pas trop s'approcher car Suki avait ses limites et elles étaient franchies depuis longtemps. Mais l'entendre dire qu'elle menait le même combat qu'elle... trop c'est trop.

« Te fout pas de ma gueule!!! Tu veux changer les trucs de l'intérieur? Alors retires-toi les doigts du cul et tape du poing sur leur putain de table et leur montrer ce qu'ils refusent de voir ou de croire! Votre esclavagisme ancré dans l'histoire, faut arrêter cette connerie et maintenant! Je me fous de vos guerres, vous faites ce que vous voulez mais pourquoi c'est forcément les plus faibles et ceux qui n'ont rien à voir qui souffre à cause de vos histoires?! Vous vous plaignez de notre présence, de nos méthodes, libérer les esclaves et vous ne nous trouverez chez vous qu'en touristes! »

Et encore. Mais bon, même en changeant les choses de « l'intérieur », même en vendant son putain de cul, Mélinda n'arrivera à rien. Et dans un sens tant mieux, elle refuse de lui être redevable mais bon, si cela pourrait vraiment permettre de cesser l'esclavagisme... faudrait-il encore qu'il y ai vraiment cette lueur d'espoir de sa part. 

Elle et ses putains de surnoms... Sa Suki d'amour... Il n'y a que Rinako qui peut l'appeler comme ça alors qu'elle ferme sa gueule avant qu'elle ne la tue vraiment cette putain de vampire! Si elle arrive à lui faire détester les surnoms de Rinako... elle va être son pire cauchemar! Ouvrant sa main vers elle, un éclair fila sur le mur pour en abimer la pierre près de Mélinda et elle ne fit rien pour cacher que c'était elle qui avait lancer le sort... toute façon, elles étaient deux dans cette pièce donc...

« Va te faire foutre par ton harem! »

Cela dit oui, comment gardé contact pour tout ça? Elle n'avait pas le choix que de risquer sa place et déjà en parler au Conseil sinon elle va passer pour une traitresse... Mais bon, elle avança en bousculant Mélinda devant la porte.

« Je te contacterais moi-même. »

En espérant qu'elle ne devra pas lui remettre un portable dans son harem, elle va vite voir rouge face à tant d'esclaves au cerveau lavé par cette gourde. Retournant auprès des autres, tout le monde semblait attendre leur retour mais comme les deux étaient de retour, personne n'était donc mort. Suki retourna auprès de ses camarades en s'isolant dans un coin. Elle avait de nouveau été faible... elle se haïssait pour ça! Elle s'adossait à un mur en se laissant glisser. La petite kitsune était venue vers elle avec deux Celkhanes pour prendre de ses nouvelles. Mais pour le moment, elle préférait glisser un mensonge qui n'en était pas totalement un.

« Je suis crevée... où en est la recherche des autres membres? Des survivants? »

Peu de chances de revoir Crow apparemment mais les recherches continuaient, de même pour les potentiels survivants. Elle avait trouvé cette petite cacher sous un lit donc il devait y en avoir d'autres de cacher. Sans demander quoi que ce soit, la petite renarde prit place à côté d'elle en la câlinant ce qui eut au moins le mérite de la faire sourire en posant un bras autour d'elle.

« Essayer de lui trouvé des vêtements ou au pire des cas un drap, propre, pour elle. »

Le délicieux sang de Suki bouillonnait dans ses veines, comme un volcan en éruption. Un sourire amusé sur les lèvres, Mélinda se demandait si cette dernière n’allait pas la tuer sur place. Elle pouvait sentir toute l’hésitation de la Celkhane, qui alla jusqu’à user de sa magie. La vampire n’était pas impressionnée. Ce n’était pas une humaine qui allait la menacer, et, si elle en avait eu le temps, elle l’aurait encore provoqué, en lui demandant si elle était prête à lui faire l’amour, si elle annonçait la dissolution de son harem. Après tout, n’avait-elle pas dit que les esclavagistes seraient bien accueillis à Caelestis, dès lors qu’ils abandonneraient leurs esclaves ? Elle n’en fit cependant rien, laissant plutôt Suki réfléchir à un moyen de la contacter. En réalité, Mélinda n’avait absolument aucune envie d’utiliser les Celkhanes, mais, si cette technique lui permettait d’en capturer une ou deux, elle ne serait pas contre... Et, si Suki était dans le lot, ce serait encore mieux. Elle trouvait cette femme un peu trop insolente, et un peu trop... Ingrâte. Mélinda aurait tout à fait pu faire d’elle et de Kairi ses esclaves personnelles. Si Suki était libre de massacrer à la pelle des esclavagistes supplémentaires, ce n’était que parce que la vampire l’avait laissé faire en ce sens. Sans doute un excès de bonté de sa part... Sa gentillesse finira un jour par la perdre. Suki n’avait en tout cas aucune envie d’aller dans son harem, ce qui fit sourire Mélinda.

*Aurait-elle peur d’y prendre goût ? Mon harem n’est pas une plantation, et mes fouets ne sont pas aussi tranchants que ceux des champs de maïs...*

Les plantations fermières et les exploitations agricoles étaient un véritable abattoir pour les esclaves, qui travaillaient toute la journée, mourant parfois à la tâche, dans l’indifférence généralisée de leurs maîtres, qui passaient leur temps à fouetter les esclaves pour avoir de meilleurs rendements. Parfois, ceux qui étaient trop lents, ou qui ne ramenait pas assez de nourritures, étaient torturés en public, de différentes manières. On pouvait les attacher à un poteau et leur fouetter le corps jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de peau sur leur dos, ou les attacher à un gibet en les privant d’eau pendant plusieurs jours, afin de servir d’exemple aux autres, si on avait beaucoup d’esclaves en stock. Mélinda savait tout ça, mais elle estimait son action plus efficace que Suki, qui ne contribuait qu’à faire souffrir davantage les esclaves qui restaient dans les fermes.

Mélinda finit par sortir, à son tour, sans savoir si elle reverrait Suki un jour... Mais, rien que pour voir son joli cul remuer dans son armure, elle serait prête à tenter le Diable... Cependant, la prochaine fois, Suki apprendrait où serait sa place. En attendant, elle alla voir Liana. Cette dernière était avec Ayumi, et se câlinaient mutuellement. Elles étaient inquiètes du sort de leur Maîtresse, et furent donc rassurées de voir que cette dernière était toujours en vie. Mélinda leur caresse la tête.

Ensuite, les choses se déroulèrent sans heurts.

La tempête diminua progressivement, et les Celkhanes choisirent de partir, alors que les Ashnardiens s’approchaient. Dans les jours et les semaines qui suivirent, on fouilla le château de fond en comble, et les cadavres de Celkhanes furent découverts dans les décombres. Cependant, la gestion du sinistre fut confiée à un inspecteur impérial venant directement du cœur de l’Empire, sous l’autorité directe du Conseil Impérial. Il ordonna d’incinérer les cadavres des Celkhanes en même temps que les monstres, et consulta toutes les auditions, puis choisit de censurer les références aux Celkhanes. L’Empire ne voulait pas que Caelestis soit impliquée dans cette histoire, car il ne voulait pas se discréditer et rendre public le fait qu’une bande de jeunes femmes écervelées avait pu tuer plusieurs de ses esclavagistes. Assez rapidement, les différents civils furent renvoyés chez eux.

Quelques jours après encore, des Tekhanes vinrent à Fort-Hiver pour surveiller l’intégrité du bunker et du Monolithe, et, juridiquement, l’Empire décida de racheter le fort, et d’en faire une propriété impériale. Les éventuels ayants-droits furent dédommagés, et, pour compenser le coût de cet achat, l’Empire taxa davantage les grands propriétaires terriens ashnardiens, qui, pour améliorer le rendement, fouettèrent davantage leurs esclaves, pendant des semaines, jusqu’à pouvoir payer l’impôt provisoire.

Parallèlement, les esclavagistes morts retrouvèrent preneurs auprès d’autres membres de leurs familles, et, après quelques semaines de flottement, les activités reprirent dans les différentes propriétés. Le système était résistant. Il en avait vu d’autres, et il savait s’adapter pour rebondir. Fort-Hiver fut condamné par des runes magiques, par des dalles de béton, et, au cours des prochains mois, il fut en grande partie détruit par les Ashnardiens, les pierres et le mobilier servant à renflouer les caisses de l’Empire, ou à fortifier d’autres structures. Il ne resta plus que le bunker, et le Monolithe, sur lequel des mages ashnardiens travaillèrent encore pendant des mois, essayant de déterminer vers quelle dimension parallèle cette structure menait, et quelle ancienne civilisation l’avait construite. Les résultats de leurs recherches furent étudiées à huis clos par le Conseil Impérial, qui décida de ne pas les transmettre au public, et choisit plutôt de les faire disparaître dans les interminables archives impériales.

Mélinda, quant à elle, retourna à Ashnard, et choisit d’oublier toute cette histoire en organisant une orgie spéciale, qui dura toute une semaine. Elle ignorait si elle reverrait un jour Suki.

Son petit doigt lui soufflait cependant qu’elle n’avait pas encore fini d’entendre parler de Caelestis et de Suki Tetsuhiko.

FIN