«
Judica me, Deus, et discerne causam meam de gente non sancta ab homine iniquo et doloso erue me. Quia tu es, Deus, fortitudo mea : quare me repulisti ? Et quare tristis incedo, dum affligit me inimicus ? »
D’une voix affaiblie, le Cardinal priait. Agenouillé dans sa chambre, torse nu, yeux clos, mains jointes et tendues devant un autel, il priait depuis maintenant deux heures, répétant sans arrêt les mêmes psaumes. Le sang s’égouttait de ses plaies moribondes, des coups qu’il s’était lui-même infligé. Et il continuait, imperturbable, à prier, entendant depuis son balcon les cris de douleur, une mélopée funeste qui remontait dans ses oreilles.
«
Emitte lucem tuam et veritatem tuam -
AAAAAAAH ! Nooooooonnn… !! -
Ipsa me deduxerunt, et adduxerunt -
Haaaaaaaaaaa !!! -
Et introibo ad altare Dei, ad Deum qui lætificat juventutem meam. »
Les cris redoublèrent d’intensité, mais émanaient désormais du couloir. Mais rien n’arrêterait le Cardinal de prier. Rien ne saurait l’en empêcher. Malheureusement, la fin du psaume, et il ne se sentait plus la force de continuer à trouver un autre psaume.
«
Spera in Deo, quoniam adhuc confitebor illi, salutare vultus mei, et Deus meus. -
Hey! Non, ne… Aaaah ! -
Arr... -
Spera in DEO, quoniam adhuc confitebor illi, salutare vultus mei, et DEUS MEUS !!! -
Sto… AAAAHHH ! -
Il faut l’empêcher de… AAAAAAAHHHH ! -
Spera in DEO !!! Quoniam adhuc CONFITEBOR illi !!! Salutare vultus mei, et DEUS MEUS !!! DEUS MEUS !!! -
Dieu ne vous entend pas, mon Père. Dieu n’entend personne ici. »
Sarcastique, la voix venait de parler dans son dos. Le Cardinal s’interrompit, mais ne tourna pas la tête. Le gêneur semblait mâchouiller quelque chose. On entendait ses dents rentrer en contact avec... Avec
quelque chose, mais l’homme n’aurait su dire quoi. Et ça ne l’empêcha pas de continuer à prier, répétant, comme un leitmotiv, le dernier psaume.
«
Spera in Deo, spera in Deo, Spera in Deo, SPERA IN DEO !!! -
Êtes-vous devenu également sourd, mon Père ? Cela fait des années que Dieu ne vous entend plus... »
La forme était alors dans le dos du Cardinal, et le souleva, l’attrapant par la gorge. Une force implacable souleva l’homme, qui avait perdu la vue. Il essaya de se libérer de cette prise, et l’individu balança alors comme une plume le corps du vieillard, l’envoyant s’écraser sur le sol, où son dos craqua. La forme s’abaissa alors vers un petit carnet qui avait été ouvert devant le prêtre, et la saisit.
«
Votre vieux carnet... Il vous accompagne depuis le monastère, n’est-ce pas ? Pourquoi le conserver, alors que votre foi vous a aveuglé ? -
La Foi ne m’a jamais aveuglé, démon ! C’est mon arrogance qui m’a aveuglé ! -
C’est une manière de voir les choses... Ne soyez pas triste, Cardinal ; vous avez eu une belle vie. Toutes ces vies que vous avez sauvé, ces femmes que vous avez secouru, ces serfs que vous avez protégé... Un parcours exemplaire. Vous êtes probablement l’un des rares cardinaux qui croient vraiment en ce qu’il prêche. Sans doute parce que vous n’êtes parti de rien. Vous avez su résister à toutes les tentations. Votre position de cardinal vous permettait pourtant de bénéficier d’un palais, de robes luxueuses, mais vous les avez constamment refusé. -
La Foi n’a nul besoin de parures… -
C’est pourtant elle qui vous a perdu. Votre manque d’humilité, votre conviction profonde... La fierté est l’apanage des puissants, Cardinal, et vous êtes puissant. Les possessions matérielles ne vous intéressent pas, mais votre croyance profonde, vos convictions religieuses intenses, ont fait de vous un fanatique. -
Non. Non, non, non, non ! Tu parles avec la bouche du Serpent ! -
Vous vous êtes cru insensible à toute forme de corruption ! Et vous avez corrompu votre âme ! Mais, dans le fond, vous n’avez rien à vous reprocher. Ce n’était pas entièrement de votre faute. Manipuler les émotions humaines est quelque chose de tellement enfantin... -
Qu’insinues-tu, démon ? -
Votre Dieu est faible, Cardinal. Les miens sont plus forts. Il m’a été facile de vous leurrer, de vous aveugler en utilisant votre foi. La magie sacrée est l’apanage des êtres purs, et rares, de nos jours, sont ceux qui peuvent se targuer de vraiment la maîtriser. Et c’est tant mieux. Néanmoins, il suffit d’un seul utilisateur des arcanes sacrés pour pouvoir contrer les plans de ma Famille. Une chose que je ne saurais tolérer. -
Qui… Mais qui êtes-vous ?! -
Peu importe qui je suis, car toi, tu n’es plus rien. »
Et ce fut tout. La conversation s’arrêta là, et la créature plongea sur le Cardinal, plantant ses crocs.
*
* *
Face au golem, Rayne n’en menait pas large. Les coups du golem avaient fait disparaître Reikus, l’amenant dans des étages inférieurs, et le golem s’était alors rué sur Rayne, manquant de peu de l’écraser. D’une roulade, Rayne avait évité la ruade du golem, et lança à tout hasard son grappin sur son dos. L’arme métallique ne se planta même pas contre la cuirasse du golem, rebondissant dessus. Le golem termina sa course en pulvérisant l’une des colonnes, faisant trembler le plafond. Il se retourna en grognant, et courut à nouveau, faisant trembler le sol. Ne pouvant rien faire, Rayne esquiva à nouveau, mais le golem infléchit désormais sa course, la poursuivant, et abattit son poing sur elle. Rayne évita de justesse le coup en faisant basculer tout son poids sur son dos, relevant les jambes, bondissant en l’air pile au moment où le poing s’abattit.
S’envolant dans les airs, Rayne posa un pied sur l’un des piliers, qui fut parcouru de lézardes alors que le sol défoncé explosait, et s’en servit comme appui pour bondir vers la tête du golem, à découvert. Elle utilisa alors son autre pied, le bandant en arrière, et le lâcha, l’envoyant frapper de plein fouet la tête du golem, pile entre les deux yeux. Sous la puissance de l’impact, le golem sembla tanguer sur place, et Rayne en profita pour courir. Le golem se remit malheureusement bien vite, et frappa avec le pied le sol, provoquant une longue fissure qui fit tanguer la Dhampir. Elle bondit en l’air, sentant les colonnes exploser derrière elle.
*
Le seul moyen de vaincre ce géant est de faire tomber sur lui le plafond...* réalisa Rayne.
A force de dégommer les colonnes, le monstre gigantesque fragilisait en effet énormément la structure du donjon. Il fallait jouer là-dessus pour espérer en finir avec lui, et c’était ce à quoi Rayne tenta de s’appliquer. La Dhampir vit le golem la poursuivre, et s’élança à nouveau, rejoignant des colonnes. Plus le golem en détruisait, plus le plafond se fragilisait, et elle se débrouillait pour rester à proximité d’une porte de sortie, utilisant son agilité légendaire pour éviter les coups. Un seul coup au but, et c’en était en effet fini de la Dhampir. Partant de là, il valait mieux faire preuve de prudence ! Les poings du golem, ses coups, étaient proprement terrifiants. Il était très rapide, réactif, et Rayne essayait de l’énerver en frappant sa tête avec son grappin, faisant des sauts de côté.
En réponse, le golem frappa avec ses deux poings sur le sol, continuant à fragiliser les piliers qui l’entouraient. Il manqua in extremis de saisir Rayne à plusieurs reprises, et parvint au bout d’un moment à attraper son grappin. Il la tira alors vers lui, et elle vit son autre main filer vers elle. Pour survivre, Rayne tendit ses deux lames, les croisant pour faire office de bouclier. Elles absorbèrent en partie la puissance du coup de poing, mais Rayne se reçut malgré tout le coup dans le ventre, et vola sur place, s’écrasant contre le mur, crachant du sang, sentant tout son corps hurler de souffrance. Ce golem était terrifiant. Comme n’importe quel golem, d’ailleurs. Pour réussir à en créer un qui soit aussi parfait, il fallait avoir affaire à un alchimiste extrêmement talentueux.
Le costume de Rayne était déchiré par endroits, et le golem s’avança vers elle. Elle nota alors que les piliers étaient extrêmement fragilisés. Tout comme le plancher ! C’était sa chance ! Le golem leva le poing vers elle, et Rayne lui sourit lentement.
«
Viens, gros enfoiré... »
Le poing du golem s’abattit, et Rayne roula sur la gauche. Le poing pulvérisa le mur, et l’impact fit s’envoler la Dhampir. Ce fut néanmoins plus que suffisant. Cette ultime onde de choc eut raison de la résistance du pilier à proximité, qui s’effrita et s’effondra. Par un effet de réaction, les autres piliers s’écroulèrent, et Rayne eut tout juste le temps de bondir en avant pour éviter de tomber avec le golem et un morceau de la pièce. Le golem fut englouti dans les débris, et des volutes de poussière jaillirent sur des dizaines de mètres. Rayne crut devenir aphone. Tout le vieux donjon sembla vaciller sur lui-même. Couverte de poussières, en sang, Rayne se retourna, souriant, et tendit alors deux doigts d’honneur vers la pièce qu’elle venait de quitter.
«
Va te faire enculer, salopard !!!! clama-t-elle, avant de soupirer.
Ah putain... »
Rayne s’accorda une brève pause de quelques secondes, soupirant longuement, avant de se relever, s’agrippant à la rambarde. Il était temps d’en finir avec cette histoire.
Dans les profondeurs du vieux donjon, sous des tonnes et des tonnes de gravats, de blocs de béton, et de rochers, le golem était enseveli. Ou presque, car ses doigts remuaient lentement et faiblement.
*
* *
Rayne atterrit dans les cachots du Château-Lerouge, et sentit l’odeur de soufre. La révolte avait dégénéré en anarchie totale, et elle ne tarda pas à comprendre pourquoi. Des goules traînaient dans les cachots. Ils avaient dévoré les prisonniers et les gardes. Rayne s’avança à travers les cellules, légèrement sonnée, ayant toujours un peu de sang qui s’écoulait de ses plaies, et atterrit dans une espèce de grande pièce centrale. La salle de torture, où plusieurs goules dévoraient plusieurs cadavres. Rayne ne pouvait pas le savoir, mais il s’agissait des prisonniers que Reikus avait libéré. En s’approchant, elle attira l’attention des goules, qui relevèrent la tête en la voyant, avant de se rapprocher.
«
Ça ne s’arrêtera donc jamais... » soupira Rayne.
Poussant des grognements de plaisir, les goules se rapprochèrent de la Dhampir, qui releva ses lames. Elle avait un peu récupéré du combat contre le golem, et fondit sur les cibles. Les golems n’avaient pas la moindre chance. La Dhampir était énervée, et fondit donc dans la mêlée. Elle trancha des bras, découpa des ventres, planta son grappin dans la gorge d’un golem, s’en servit pour envoyer ce dernier s’écraser sur d’autres, et, en quelques minutes, dans une orgie de giclements de sangs et de morceaux de corps, Rayne se trouva au cœur d’un impressionnant carnage.
Elle sortit alors des cachots, pour voir que les gardes avaient barricadé les portes d’entrée. Les soldats n’étaient toutefois pas là, et on voyait à la place une longue traînée de sang. En la suivant, Rayne arriva dans la salle à manger, et eut un rictus de dégoût. Il y avait ici un autre charnier. Toute une bonne partie de la garde royale avait été massacrée, et pas par les goules. Ceci confirma ce qu’elle pensait : l’Antéchrist. L’Antéchrist était là, et s’était fait plaisir ! Grommelant, Rayne sortit de la salle de réfectoire, et monta l’escalier.
La Dhampir débarqua ainsi dans les derniers étages, et aperçut, par des chambres, toute l’ampleur du désastre. Le Château-Lerouge brûlait intégralement. Des cadavres gisaient par terre, dans les rues, éventrés, dévorés par les monstres. Il n’y avait pas que des goules, mais également des espèces de petites harpies volantes ressemblant à des démons, et qui fondaient sur les villageois, tels des oiseaux démoniaques de mauvais augure.
«
Quelle horreur... »
Rayne entendit alors du bruit au-dessus, et grimpa rapidement. Elle atteignit ainsi les quartiers du Cardinal, et vit une autre vision de cauchemar. Dans le couloir, il y avait du sang et des corps partout. Tous les Commodores. Ils avaient beau être forts, l’Antéchrist les avait massacré. Le sang des enfants devait lui donner une force incroyable... Elle entra dans la chambre du Cardinal, et haussa les sourcils. En voilà au moins un qu’elle ne regretterait pas ! Le Cardinal était mort, et même bien mort. On avait ouvert son ventre, afin de le pendre par ses intestins. Entendant un gémissement, elle tourna la tête, et aperçut un Commodore, qui gisait à côté. Rayne se rapprocha de lui, et entreprit de retirer son heaume. Il crachait du sang, et elle vit une grosse tâche à hauteur de son ventre.
«
Qu’est-ce qui s’est passé ? Qui vous a fait ça ?! -
Le... Le... Le Diable... réussit à haleter ce dernier.
Si... Si rapide... Rien... Rien ‘pu... »
Un râle de douleur traversa alors le corps du mourant, qui cracha du sang de sa bouche, vomissant le liquide écarlate. Son corps se mit alors à tressauter, et Rayne s’écarta. Il était trop tard pour lui. Rayne sortit rapidement de la pièce, et monta à nouveau des marches. Elle le sentait. L’Antéchrist était encore là ! A proximité ! Elle en était sûre ! La Dhampir courut donc, rejoignit le prochain escalier, aperçut un cadavre qui gisait en plein milieu, et atteignit la chambre de la Reine...
... Et se reçut un coup de poing en pleine figure. Elle eut à peine le temps de comprendre que des mains la saisirent, et l’envoyèrent heurter le mur, tandis qu’une lame se glissa sous sa gorge.
«
Où est le Duc ?! »
Reprenant ses esprits, Rayne reconnut la voix du Capitaine Dalbert, et aperçut alors, sur le lit, le cadavre de la duchesse. Elle gisait, nue, en plein milieu, un énorme couteau planté dans le dos, le sang filant tout le long du lit, formant une grosse flaque autour. Dalbert semblait fou de rage, et Rayne sentit l’haleine du vin.
«
Je... Je ne sais pas, Dalbert... Je le recherche également... »
Dalbert ne dit rien, mais desserra sa prise, se refusant à regarder le cadavre. Rayne se massa la gorge en se rapprochant. Elle était morte. Indéniablement. Ce qu’elle avait pris pour un couteau était en réalité une épée. Celle du duc. Elle s’était enfoncée dans le corps de la duchesse, transperçant le lit. Un coup un peu trop violent pour un simple homme...
«
Elle... Elle voulait le quitter... Elle voulait quitter cet enfer, et moi aussi... Quand l’émeute a éclaté, j’ai quitté le donjon avec un petit détachement de soldats, malgré sa demande, et, quand je suis revenu... Mon Dieu... Tous ces morts... -
Et le duc ? -
Ce monstre a filé ! J’ai refusé de le croire, je me suis rattaché à mon devoir... Je... C’est de ma faute, tout ça... En partie... -
L’Antéchrist est à la poursuite du duc ! Où se trouve le duc ?! -
Sûrement en route pour Nexus... Avant même que l’émeute n’éclate, il était parti. A l’heure qu’il est, il doit être hors du comté. »
Était-ce pour ça que l’Antéchrist avait massacré tout le monde ? Pour exprimer sa rage ? Et si c’était le duc qui avait tué la femme ? Rayne contempla le corps plus attentivement, et crut voir des traces de doigts sur son cou, comme si on avait essayé de l’étrangler. L’Antéchrist était ensuite passé par là, et avait du chercher à maquiller la scène...
«
Inspectons la chambre du duc... Il a peut-être laissé des indices... -
Elle est fermée. Condamnée, plutôt. Je n’ai pas réussi à l’enfoncer. -
La chambre a bien un balcon, non ? -
Oui, mais... -
Alors, je n’ai plus qu’à l’escalader. -
Ce serait du suicide ! »
Rayne ne répondit pas, allant sur le balcon. Le balcon supérieur était assez haut, et elle lança son grappin. Ce dernier se planta contre ce dernier. Elle tira un peu dessus, constata qu’il était solide, et commença alors à escalader. S’agrippant au grappin, elle se hissa, utilisant ses pieds pour avancer. Il y avait de fortes bourrasques de vents, et elle pouvait voir, sur le sommet du donjon, de nombreuses harpies démoniaques flotter dans les airs, semblables à des vautours. La Dhampir continua à grimper, lentement et prudemment, le vent plaquant ses cheveux. Elle finit ainsi, au bout de plusieurs minutes, par atteindre le balcon, et s’agrippa à l’une des colonnes soutenant la rambarde, quand elle entendit à l’intérieur de la pièce une voix.
Impossible que ce soit le duc, puisque ce dernier était parti. Elle se hissa alors prudemment, et se cacha dans un coin. Une forme était à l’intérieur, près du bureau, et semblait assez agitée, éparpillant des papiers. La Dhampir s’agenouilla, tourna la tête, et aperçut la porte barrée... Dalbert n’avait probablement pas du insister, par dépit, car le meuble qui la bloquait pouvait facilement être poussé, pour peu qu’on ait une force physique suffisante. Rayne cessa toutefois de s’intéresser à la porte, mais plutôt à l’homme, assez nerveux, qui consultait des papiers.
«
Parti ! Parti ! Parti ! Parti ! Je ne peux pas y croire ! Il est parti ! Il a osé fuir ! Non... Non, pas après toutes ces années ! Je ne saurais le tolérer ! Je le retrouverais, oui... Oui, il ne doit pas être loin, et il retrouve sûrement Black à Nexus... Je pourrais l’avoir ici, oh oui, oh oui, oh oui, et alors... »
Rayne sortit alors de sa cachette, et avança vers l’homme, qui sursauta en la voyant. Il remit ses lunettes en place, ne semblant pas en croire ses yeux.
«
Vous ?! Mais... -
Oui… Moi. -
Ce… Mais comment ? -
La porte était fermée… Je suis passée par un autre chemin… -
Oui... Oui, certes, oui, j’avais... J’avais besoin de réfléchir sur tout ça... Le duc est parti ! Parti, alors que son peuple est en train de mourir ! -
Comment ai-je pu être aussi aveugle ? -
Hein ? Que... Que voulez-vous dire par là... -
Quand je suis partie, quand j’ai quitté le fort, j’ai rencontré l’un des hommes de Black... Je lui ai alors demandé s’il se souvenait d’un certain Raymond Marlowe... Un détective fouineur... »
*
* *
Il avait hoché la tête, semblant réfléchir, mais il avait déjà la réponse à la question.
« Marlowe... Ah, c’était un sacré emmerdeur, ce mec ! Du genre tenace, à fouiner dans la merde et tout ça. J’peux vous le dire, il a fait flipper Black comme une grand-mère estropiée. Héhé, Raymond était une souris qui défiait un tigre. J’crois qu’il y a une connerie biblique dans ce genre-là, non ? Enfin, Black était pas du genre à s’emmerder, et il avait laissé le soin à Kriv de sortir les poubelles. C’est toujours comme ça qu’y dit. ‘‘Hey, Kriv, y a un p’tit con qui me les casse ; j’crois que l’temps est venu de sortir les poubelles.’’ Bien sûr, on sortait pas vraiment les poubelles, hein ! Bref, toujours est-il que Marlowe, aussi intègre qu’il soit, n’était qu’un simple homme. On savait tout sur lui, putain de merde : là où qu’y créchait, là où qu’était sa piaule, en somme, avec sa foutue bonne femme, et son gosse... On savait là où qu’y bossait, le temps qu’y mettait, et on aurait pu le zigouiller à n’importe quel foutu moment. Mais Kriv voulait que ça soit un putain d’exemple, parce que mon Dieu, sortir les putains de poubelles tous les trente-six du mois, c’est d’un chiant ! » *
* *
«
Elle s’appelait Charlène... Elle n’avait que deux mois... -
Ne prononcez pas son nom... -
Marianne... Nous avons cru que vous n’aviez qu’une femme, mais, en réalité, vous aviez aussi une fille... Et, quand vous êtes rentré chez vous... -
LA FERME ! »
Devenu furieux, Raymond se rua vers Rayne, qui s’attendait toutefois à ça. Elle le frappa au ventre avec le pied, le frappa à la tête, et l’envoya atterrir sur le bureau, mais Raymond se défendit avec talent, et poussa Rayne, avant de lui sauter dessus. Rayne se laissa tomber sur le sol, levant son pied, et se servit du sol comme d’un appui supplémentaire pour faire basculer par-dessus elle le corps de Raymond, l’envoyant heurter le lit. La Dhampir se releva alors, et fit jaillir ses lames, prête à égorger Raymond...
... Quand la porte s’ouvrit brutalement.