La blessure ne tarda pas, non pas à cicatriser, mais à ne lui procurer aucune douleur. Rayne hésitait entre deux options : suivre Rochefort, ou aller aider Reikus et les rebelles. Elle ne leur devait rien, et la cause de la résistance ne la motivait que peu. Pour elle, les rebelles étaient juste des gens affamés, et ne demandaient que du pain dans leurs écuelles. Qu’on leur donne ça, et la résistance cesserait bien vite. Elle ne pensait pas qu’ils avaient d’intime conviction, alors que, parallèlement, elle était sûre que le Commodore s’activait contre l’Antéchrist, et qu’il allait probablement chercher quelque chose dans le donjon lié à ce dernier. Peut-être que l’Antéchrist se planquait là-dedans, après tout ? Rayne se décida donc à suivre ce dernier, à la condition qu’elle le retrouve, ce qui, avouons-le, n’était pas particulièrement simple. Elle ne pouvait plus compter sur son sens sanguin pour pister Rochefort. Il y avait trop de monde à proximité. Elle avança rapidement, traversant le couloir poussiéreux. Plusieurs chemins se présentaient, mais ils étaient généralement obstrués. Elle avança le long du seul couloir possible, mais ce dernier était recouvert d’éboulis. Fort heureusement, Rayne put passer par une porte latérale, l’amenant dans une ancienne grande salle. Il y avait un meuble détruit, et un trou dans le plancher. Rayne entendit des grognements en contrebas, et, prudente, s’allongea en regardant.
Elle ne tarda pas à apercevoir des formes massives et silencieuses, ainsi qu’une odeur de putréfaction prononcée, et frémit en voyant des
goules, ainsi qu’un
graveir. Des créatures nécrophages, qui se nourrissaient de cadavres, et qu’on trouvait généralement dans les cimetières, ou près des charniers sur les champs de bataille. En trouver ici n’était donc pas spécialement surprenant. Le cimetière ne devait pas être loin, et les goules et les graveirs appréciaient les coins sombres. Se relevant lentement, Rayne essaya de ne pas faire de bruits. Le graveir était une variante améliorée de la goule. La théorie la plus en vogue était de considérer que le graveir était une goule génétiquement évoluée par des alchimistes ou des mages, ce qui expliquait pourquoi le graveir disposait d’une intelligence, certes primitive, mais supérieure aux goules, pouvant les contrôler. Il existait même des légendes prétendant qu’il existait des graveirs doués de parole, des graveirs éduqués par des individus, mais Rayne n’y croyait pas trop. Se relevant, elle s’éloigna de ce petit nid, espérant ne pas tomber sur eux.
Sa marche silencieuse se poursuivit à travers d’autres corridors assez aérés. Les plafonds étaient généralement hauts dans cette partie du donjon. Difficile de dire si une sortie se trouvait ou pas à proximité ; tout ce qu’elle pouvait dire, c’est que des goules se trouvaient à proximité. L’odorat des goules était très faible, et ils se reposaient exclusivement sur leur ouïe et leur vision. Ils ne l’avaient pas entendu, ce qui était plutôt une bonne chose. Malheureusement, Rayne avait perdu la trace du Commodore. Avec un peu de chance, peut-être qu’elle finirait par le retrouver… Elle ne désespérait pas d’y arriver, et finit par emprunter un petit escalier en colimaçon, très étroit. Les marches étaient petites, étroites, et elle atteignit el bas de l’escalier, une porte ne bois fermée. D’un coup, elle l’ouvrit… Pour tomber nez-à-nez avec Reikus. Ne le reconnaissant pas sur le coup, elle vit des formes, et crut aux soldats qui ‘lavaient attaqué. Ses lames jaillirent, avant que ses yeux ne reconnaissent le Dernier Inquisiteur.
«
Reikus ! lâcha-t-elle.
-
Mademoiselle Rayne ! lâcha ce dernier en retour.
-
J’ai bien failli vous découper… répliqua Rayne en rengainant ses lames.
-
Pardonnez moi, je ne savais pas que c’était vous. Ne vous inquiétez pas, ces messieurs ont acceptés de nous aider. -
J’en suis ravie, répliqua-t-elle, avant que Reikus ne remarque sa blessure.
-
Mais, vous êtes blessée, est-ce que ca va? -
Ce n’est qu’une égratignure… -
J’ai des bandages, laissez-moi vous aider. -
Ce n’est pas… » commença Rayne, avant que quelque chose ne l’interrompe.
Un grondement, des bruits de pas. Les
gardes ! Reikus se reprit aussitôt, et ordonna aux rebelles de se dissimuler derrière des portes à côté. La Dhampir se mordilla les lèvres. Les goules disposaient eux aussi d’une espèce de sixième sens, un sens nécrophage, qui les amenait toujours près des cadavres. Si on se mettait à tuer, ils sentiraient la putréfaction, et viendraient… Néanmoins, ce n’est pas comme si Rayne avait le choix. Rochefort était introuvable, et sa seule piste restait donc les rebelles. Il fallait donc les aider contre les soldats. Le plan de Reikus ne paraissait pas mauvais, mais il fallait aussi tenir compte du fait que les rebelles n’étaient pas des soldats entraînés, contrairement à ceux qui venaient. Le Capitaine Dalbert lui avait l’effet d’un militaire de carrière, un peu prétentieux, mais sa dextérité avec son arbalète prouvait qu’il savait se battre.
*
Il suffit de les voir pour constater qu’ils sont paniqués… Combien fuiront ou se rendront quand les hostilités commenceront ?*
Rayne, de son côté, choisit de se dissimuler en hauteur, utilisant son grappin pour s’accrocher à une poutre qui avait l’air solide, avant d’atterrir sur un lustre, atterrissant délicatement. Le lustre était grand et grinçait dangereusement, menaçant de se rompre, mais c’était justement ce que la Dhampir recherchait. On ne tarda pas à voir les torches du groupe de soldats. Un petit contingent avec, en tête, des lanciers et des spadassins. Les arbalétriers fermaient la marche. Les soldats avaient également l’air assez nerveux, et le Capitaine Dalbert menait la marche. Rayne se sentit prête à bondir. Le couloir était assez étroit.
«
MAINTENANT ! rugit Reikus en jaillissant de sa cachette.
-
Embuscade ! » hurla le Capitaine.
Dans un rugissement, les rebelles jaillirent, portent des dagues et des haches. Rayne bondit alors en l’air, et, sous ce poids subit, le lustre se renversa. Il tomba et s’écrasa sur plusieurs soldats. Les carreaux fusèrent, fauchant un soldat, mais aussi deux rebelles. Rayne bondit dans la mêlée, et ses lames tranchèrent, envoyant voler une tête et un bout de bras. Les armures en métal étaient résistantes, mais les lames de Rayne avaient été travaillées dans l’obsidienne. Elle vit une épée jaillir vers elle, et la para avec ses deux lames, utilisant l’une de ses jambes pour bondir en l’air, faisant en somme une espèce de salto. Ses talons aiguilles en métal frappèrent l’homme à la tête, sans vraiment le blesser, mais le déstabilisant. Rayne se remit ainsi rapidement sur ses pieds, et enfonça sa lame dans le ventre de l’ennemi. Sans attendre plus longtemps, elle tourna sur elle-même, récupérant sa lame, et trancha les deux mains d’un soldat qui avait levé son épée, ne le laissant pas le temps d’hurler, ses lames revenant pour lui arracher sa tête. Elle lâcha alors son grappin qui fila entre deux hommes en armure, attrapant un arbalétrier par le cou, et elle tira d’un coup sec sur son filin. L’arbalétrier poussa un cri en s’envolant, et renversa les deux soldats. Deux arbalétriers pointèrent alors le bout de leurs armes sur Rayne, qui, mûe par un réflexe soudain, sauta en l’air en écartant les jambes, évitant les carreaux.
Si la bataille se passait plutôt bien de son côté, c’était un peu plus discutable pour le reste. Dalbert avait rapidement réagi, et ses carreaux avaient atteint deux autres rebelles, tandis que ses talents à l’épée lui avaient permis de repousser ses adversaires.
«
Tenez bon, Messieurs, tuez ces couards ! »
Pendant ce temps, dans d’autres recoins du château, les goules se mirent à grogner, commençant à sentir une odeur bien connue. Ils se déplacèrent alors rapidement, sentant l’excitation d’une bataille, l’odeur de la mort et de la souffrance, ainsi qu’un bon repas en perspective.