Le bref aperçu qu’Alice avait eu du harem lui avait permis de comprendre que c’était un endroit très diversifié, et très cosmopolite. En un sens, il était fascinant de voir que c’était dans l’un des endroits les plus improbables au monde (un désert relativement reculé et peuplé de créatures dangereuses) que Tinuviel avait choisi de s’installer, et ce avec un indéniable succès. Du peu qu’Alice avait vu, elle avait compris que le harem était très riche. Au cours de ses voyages, Tinuviel avait dû acquérir une considérable fortune. La femme lui parla alors de ses puissantes relations, évoquant différents noms et royaumes qui, pour la plupart, ne signifiaient pas grand-chose aux yeux d’Alice.
Les Contrées du Chaos formaient des régions particulièrement vastes, où, malgré les incursions ashnardiennes, de nombreux royaumes continuaient à vivre, et avoir une carte du monde précise était assez difficile. Les « faubourgs du Nord » n’évoquèrent ainsi pas grand-chose à Alice, car ce n’était pas vraiment un nom de royaume, plutôt une sorte de zone géographique qui, vu le nom, faisait figure de carrefour commercial, probablement à proximité des richissimes et solides Royaumes nains, des royaumes plantés dans d’épais massifs montagneux au nord de Nexus.
Silvermoon, en réalité, lui parlait. Cette cité était un peu comme Elistarnis, si ce n’est que, aux dernières nouvelles, Silvermoon était en déclin. Rares étaient, en réalité, les royaumes elfiques qui n’étaient pas en déclin. Globalement, deux schémas se dessinaient : soit les royaumes elfiques ouvraient leurs portes aux autres espèces, et étaient alors progressivement submergés, comme Nexus l’avait, historiquement, été, soit ces royaumes se refermaient sur eux-mêmes, et devenaient alors des vestiges du passé. Rares étaient les royaumes qui avaient réussi à trouver un juste milieu. Pour autant, ces royaumes existaient. Le Bosquet de Nexus en était la preuve. Au moins, Tinuviel n’avait visiblement pas d’amantes originaires du Bosquet.
Akila et Sameeha, de même, n’évoquaient rien pour Alice, tout comme Eurycide, même si l’idée d’avoir un Empire de zombies avait de quoi faire frémir, la nécromancie étant, après tout, affiliée à la magie noire. Alice écouta donc silencieusement, puis sourit quand Tinuviel indiqua qu’elle était au centre de cette toile d’araignées de relations.
« Et bien... Je ne me serais jamais doutée que tu puisses être aussi puissante, Tinuviel, même si je n’en suis pas surprise. »
Elle était sa Maîtresse, après tout.
« De mon côté, j’envisage de développer le commerce à Sylvandell, notamment en exploitant les grottes souterraines. Ces dernières renferment des gisements miniers importants, et j’ai eu ouï-dire que les Vaporéens seraient intéressés, car pensent y trouver du Solsticium. »
Vapeur était une nation qui était technologiquement en avance par rapport à Ashnard ou à Nexus, un colosse aux pieds d’argile, car, tout en ayant la capacité de faire voler des cités, ils étaient dépendants à une ressource énergétique précise : le Solsticium, un minerai magique très rare, qu’eux seuls savaient exploiter et raffiner. Or, les gisements vaporéens n’étaient pas éternels, et, pour se renouveler, Vapeur n’avait pas d’autres solutions que de se tourner vers les autres nations. Nexus, notamment, mais aussi Sylvandell. Sylvandell, en effet, avait de précieux gisements.
« Et je suis amie de Mélinda Warren... Qui a fondé un clan, maintenant. Je pense que l’idée de reconstruire la cité d’Akila et Sameeha lui plaira, car elle a beaucoup d’argent, et cherche à investir. Pour le reste... Tu comprendras que je frissonne à l’idée d’un Empire de morts-vivants, ça sonne un peu... Apocalyptique à mes yeux. Et, quant à Abigaëlle, je pourrais également l’aider... Enfin, Sylvandell a avant tout des troupes à fournir, mais quelques dragons dorés sont toujours une aide précieuse. »
Ce n’était bien sûr que des paroles prononcées sur un lit, et qui n’auraient donc jamais pu valoir un quelconque accord militaire, mais le fait est qu’Alice savait que, malgré tous ses désirs, Sylvandell restait, fondamentalement, une puissance militaire. Le royaume n’était pas connu pour ses gisements ou pour ses produits culturels, mais pour ses redoutables dragons dorés, un véritable cauchemar pour n’importe quelle armée, la mort venue du ciel.
Alice sourit alors, et alla se nicher contre l’épaule de son amante, déposant un baiser sur sa peau.
« Je suis en tout cas ravie de faire partie de votre grande famille, Maîtresse... »