Miya soupira de soulagement lorsqu'elle vit enfin Ryuga entrer : elle avait vraiment eut peur qu'il ne lui soit arrivé quelque chose. Le voir, à peu près en forme, la rassura. Leurs regards se cherchaient, sans jamais se croiser. Ryuichi surprit son petit manège, et désigna le policier d'un doigt qu'il avait décollé de son verre.
- Vous voulez le rejoindre ?
Miya sursauta et sourit au mafieux. Elle s'apprêtait à répondre, mais il la devança :
- Je vous vois souvent, tous les deux, danser, flirter, sans jamais aller jusqu'au bout.
Il posa son verre. Le bras quitta la banquette pour entourer les épaules de la chanteuse. Elle avait espéré, bien qu'il soit un futur chef de mafia, que ce soit un homme bien, qui la laisserait rejoindre son compagnon. Certes, ils n'avaient aucune relation officielle. Mais Miya n'avait pas cessé d'aller vivre chez Akira pour rien. Elle gardait ses belles paroles du style "plus jamais amoureuse" quand elle s'engueulait dans le miroir, avant de mettre le parfum qu'il aimait tant, un prétexte comme un autre pour qu'il enfouisse son visage dans le creux de son cou, de mettre ses longues boucles d'oreille contre lesquelles les larges mains remontaient, nouvelle excuse pour l'un comme pour l'autre pour un nouveau contact. Amoureuse ? Elle n'en était en fait pas complètement sûre. Mais elle savait qu'elle aimait sa présence, et tout ce qu'ils partageaient.
Bref, Miya avait pensé que Ryuichi était un homme bien. Le bras qui entoura ses épaules et l'attira un peu plus contre lui, puis la main qui se posa sur la cuisse de la jeune femme l'en dissuada. Avec un sourire de charmeur, il se pencha à son oreille :
- J'avais pensé obtenir les mêmes faveurs. Mais contrairement à ce moins que rien, je ne vous laisserai pas sur votre faim.
Il déposa un chaud baiser dans le cou de Miya, mais elle le repoussa avec un rire nerveux et en rapprochant son épaule de son visage.
- Vous êtes très bel homme, Sazuki-san. Mais je dois décliner votre... offre.
D'un geste gracieux, elle retira les mains du jeune homme de son corps et se leva. Mais il la saisit par le poignet, se leva pour murmure à son oreille, à nouveau :
- Si vous ne voulez pas d'ennuis, et si vous ne voulez pas que je fasse fermer ce bar, je vous conseille de réviser votre réponse. Votre flic pourrait en pâtir d'une balle bien placée.
Cela pouvait paraître étrange, mais Miya ignora ce qu'était une "balle" - enfin, elle se doutait que ce n'était pas le même genre de balle que celles avec lesquelles elle jonglait autrefois. Hélas, Miya avait son sale caractère. Elle dégagea son poignet et le regarda droit dans les yeux :
- Si vous fermez ce bar, vous ne me reverriez jamais. Et si vous faites du mal soit à Pablo, soit à ce client, je vous traquerai, et croyez moi, je suis rancunière. En moins de deux minutes, vous me supplierez de vous tuer. A bientôt, Sazuki-san, et passez une bonne soirée.
Miya ignorait aussi ce qu'étaient les armes à feu, et la mafia. Elle se dirigea vers le comptoir après une courbette malgré tout respectueuse. Elle entendit un déclic de la table qu'elle venait de quitter et se retourna. Ryuichi la pointait de son revolver.
- Revenez, Miya. Ce sera mon dernier avertissement.
- Non, Sazuki-san. Je suis une femme libre.
Et il lui tira dessus, dans le ventre.
C'était donc ça, la "balle" qu'il avait réservée à Ryuga ? Le souffle coupé, même si techniquement elle n'avait plus besoin de respirer, elle croisa les doigts sur la blessure de son ventre. Ses jambes se dérobèrent sous elle, sa tête tourna légèrement. Elle mourrait ? Impossible ! Elle refusait d'abandonner Ryuga. Miya soutint d'une main sa blessure, et malgré sa vue légèrement brouillée, elle se dirigea vers l'arrière du comptoir. Elle entendait à peine Ryuga : est-ce qu'il hurlait sur ces mafieux, ou lui murmurait-il à l'oreille ? Elle n'aurait pas su le dire. Elle se traina jusque derrière le comptoir en gémissant.