Les hommes étaient nerveux. Ils avaient l’habitude de faire des esclaves, mais il s’agissait généralement de Terranides, ou de fermiers isolés, pas… Pas des Paladins d’Haven ! Il y avait de quoi être inquiets, car c’était clairement une clientèle rare. Néanmoins, les Ashnardiens leur offriraient beaucoup d’or, et, somme toute, c’était préférable au fait d’affronter la Chasse Sauvage. Guillaume avait soigneusement choisi d’éloigner la plupart de ses hommes, ne conservant qu’avec lui ceux dont il était sûr que, comme lui, ils ne verraient aucun problème à faire affaire avec le Professeur. Dans sa cage, Vesa cherchait une solution, mais elle n’en voyait pas beaucoup. Les chaînes étaient faites pour retenir des ours, et elle ne pouvait pas se servir de sa magie, du fait de la présence d’obsidienne. La situation était donc autant critique que rageante, car Vesa était énervée d’être dans une position si fâcheuse face à de tels amateurs. Une bande de trafiquants et d’escrocs ! Elle s’était fait avoir comme une bleue, en accordant à ce baron corrompu une confiance qu’il ne méritait pas.
*
Mais qu’à cela ne tienne, je n’ai perdu qu’une bataille, pas la guerre !*
Vesa n’était pas une Paladine d’Haven pour rien non plus. Nue, humiliée, sous le regard libidineux de criminels, elle ferma les yeux. L’un des geôliers était en train d’avoir une bonne érection, et n’hésitait pas à la narguer.
«
J’ai tellement envie de les baiser, ces salopes… Les femmes-soldates, c’est vraiment le pied, mate-moi ce boule ! -
Tu connais les ordres… -
Ouais, ouais, j’dis juste que c’est dommage, putain ! De si beaux lots comme ça, merde… »
Encore une fois, Vesa resta silencieuse, tout en se concentrant. Une main tapa brusquement sur la cage, et elle entendit un rire gras et grossier.
«
Tu médites, salope ? Les Ashnardiens vont bien s’occuper de vous deux, vous verrez, héhé ! »
En réalité, Vesa affrontait l’obsidienne. Les gens l’ignoraient souvent, mais l’obsidienne n’annulait pas vraiment la magie. En réalité, un cristal d’obsidienne
absorbait la magie proche, de sorte qu’on ne pouvait pas user de magie. Mais, pour autant, on pouvait surcharger les cristaux d’obsidienne, surtout de mauvaise qualité. Pour ça, il fallait néanmoins de la préparation et un certain talent… Ce que Vesa avait. L’essentiel, c’était de ne pas perdre son calme, en émettant continuellement des flux magiques, jusqu’à saturation du cristal.
Le temps fila donc, tandis que les gardes, s’impatientant, allaient et venaient, parlant entre eux, commentant la région, ou la présence de la Chasse Sauvage.
«
La guerre arrive, moi, j’vous l’dis ! -
Encore ces vieilles lunes ? Ces superstitions de paysans… Si le Professeur t’entendait, mec… -
La Chasse n’arrive jamais sans raison, elle renifle la guerre, la violence, les grandes épidémies ! »
De Nexus à Ashnard, la terreur de la Chasse Sauvage était la même partout. On disait qu’elle était annonciatrice de grands maux, guerres violentes, épidémies de peste… Que ce soit vrai ou non, les villageois et les gens de basse extraction y croyaient fermement. Une telle légende confirmait en tout cas la dangerosité de la Chasse Sauvage. Vesa les laissait parler, pendant que dehors, l’aube se levait. Des gouttes de sueur commencèrent à perler le long de son front, mais elle pouvait sentir les vibrations magiques du cristal contre sa poitrine.
Les premières lueurs de l’aube perlaient quand les gardes, à moitié endormis, furent réveillés par des cris venant de l’extérieur.
«
Qu’est-ce que… ? »
L’homme s’approcha de la fenêtre, essuya plusieurs carreaux du revers de la manche, et vit un homme qui courait, le visage ensanglanté. L’un de ses complices, qui se retourna brusquement, brandissant une arbalète vers les hauteurs, et décocha vainement un carreau, qui loupa sa cible… Une monstrueuse bête qui s’abattit sur lui. Un hurlement terrible déchira alors l’air, glaçant le sang, tandis qu’un bec se planta dans le cou de l’homme, et déchira sa peau, faisant jaillir une fontaine de sang.
«
Bordel de merde… !! -
’Fais chier, putain !! »
Les bandits avaient reconnu un redoutable
basilic, qui déploya brusquement ses ailes ne poussant un long hurlement, puis bondit en avant, et atterrit sur le toit de la cabane, avant de taper furieusement dessus, faisant tomber quelques brindilles et de la poussière.
«
Merde, merde, il est affamé ! »
Étonnant croisement entre le dragon et le serpent, un basilic tait un adversaire dangereux, qui pouvait cracher des jets d’acide depuis sa gueule, et bondir sur ses proies avec une vitesse sidérante. Il était indéniablement redoutable, et, comme les autres créatures de la région, perturbé dans son fonctionnement normal par la présence de la Chasse Sauvage. L’un des gardes se dépêcha de récupérer une arbalète qui traînait sur une table, et la leva, pendant que son comparse avait récupéré une épée.
Paniquant sur place, un troisième choisit alors de filer par la porte.
«
Qu’est-ce que tu fous ?! -
J’veux pas mourir, putain !! »
Visiblement terrifié par la présence du basilic, l’homme ouvrit la porte, et sauta au sol, puis courut à toute allure vers la forêt. Le basilic hurla alors, et s’élança brusquement dans les airs, filant vers sa cible. Tout en courant, l’homme se retourna, et trébucha sur une branche. Cependant, il ne toucha pas le sol, car, au même moment, les serres du monstre se posèrent sur son dos, se plantant dans sa chair. Le basilic se releva ensuite, et s’envola, retournant vers la cabane, et hurla encore, avant de cracher un jet d’acide.
Le jet fusa droit vers la porte, que l’un des deux malfrats tentait de refermer. Il allait la fermer quand le jet fusa, et plusieurs gouttes passèrent dans l’interstice, touchant l’homme aux doigts et au visage, le faisant hurler de douleur. Le basilic lança ensuite le corps de l’autre brigand, celui qui avait tenté de le fuir, sur le toit. L’homme passa à travers, et s’abattit sur la cage de Maud, s’écrasant ensuite devant elle, son corps rempli de sang… Mais il avait surtout lâché une dague, qui tomba à côté de Maud, luisant sur le sol, pendant que le basilic tournait autour de la cabane, poussant de terribles hurlements haineux…