Plutôt que de lui répondre clairement, Tessia opta pour une métaphore, tout en jouant avec le corps d’Alice. Docile, la jeune femme se laissait faire. La soumission... On aurait pu écrire des livres entiers sur ce curieux phénomène, quand on voyait tous les paradoxes qu’il entraînait. Alice, appelée à diriger un pays, pouvait parfois faire preuve d’une redoutable fermeté... Et, parfois, comme en ce moment, elle était aussi douce qu’une brebis, aussi fragile que le plus délicat des agneaux. Tout en filant sa métaphore militaire, Tessia lui fermait les yeux, et la contraignait à s’asseoir avec elle. Silencieuse, Mélinda laissait Tessia parler, tout en se demandant quel était le rapport entre son histoire et sa proposition.
Il était évident que Mélinda avait voulu s’approcher des services de cette femme. C’était aussi, pour elle, une manière d’éliminer une possible concurrence en se l’adjoignant. Restait à voir si Tessia voudrait accepter de la rejoindre, car, honnêtement, Mélinda ne savait pas grand-chose sur elle... Et, en fait, Tessia semblait en savoir plus sur elles qu’inversement. La vampire était bien évidemment curieuse, et impatiente de connaître le véritable avis de Tessia. Ce rapport avec l’armée ? Elle finit par lui avouer que, si Alice avait accepté de la suivre, c’était parce qu’elle avait eu confiance en elle... Et c’était bien pour ça que Mélinda trouvait cette femme compétente, non seulement au regard de critères purement esthétiques, mais aussi parce qu’elle était talentueuse... Expérimentée, très certainement, mais elle avait aussi réussi à instinctivement amener Alice à lui faire confiance. Mélinda ne pouvait pas passer à côté d’une telle offre, surtout si elle était une succube. Elle lui parla ensuite plus franchement, souhaitant avoir l’avis de la vampire sur ce qu’était la soumission, tout en ceinturant la belle Alice, qui soupirait, les joues rouges, sa tête nichée dans le creux du cou de Tessia, son crâne servant d’appui pour le menton de la professeur.
Mélinda s’humecta les lèvres, et laissa passer quelques secondes, réfléchissant à ce qu’il convenait de dire.
« Je suis une esclavagiste, oui... Et je conçois ma fonction comme... Hum... Une sorte de ‘‘mère de famille’’. Mon harem, c’est une exploitation très personnelle, et, mes esclaves, ce sont ma famille. Ils sont un peu comme mes enfants. Je les guide, je les protège, je les encourage, je les éduque... Ils me font confiance, et je leur fais confiance. »
C’était, fondamentalement, aussi simple que ça. Mélinda croyait fermement à ce qu’elle disait, elle croyait fermement être une femme juste. Elle n’était pas comme la plupart des esclavagistes, voyant juste dans l’esclavagisme une forme de domination violente et brutale. Ce n’était pas le point de vue de Mélinda, ni sa manière de fonctionnement. Elle marcha un peu, laissant Tessia jouer avec Alice, qui se tortillait dans ses bras, et utilisait ses mains pour caresser les poignets de l’enseignante.
« Ce que je vous propose, c’est un poste qui vous convient... Soit comme dresseuse, soit comme... Autre chose. La confiance... Vous avez bien fait de mettre le doigt dessus, Tessia, car je considère qu’elle est à la base de toute relation reposant sur la domination et sur la soumission. Je pense, voyez-vous, que les êtres humains ne savent pas quoi faire de leur liberté, et qu’ils ont continuellement besoin de quelqu’un pour les conseiller, pour les guider, et pour les protéger. Libres, ils gaspillent cette liberté, soit en la restreignant d’eux-mêmes, soit en n’en faisant rien d’utile. Ici, sous mon autorité, mes filles sont, non seulement protégées des agressions du monde extérieur, mais elles peuvent aussi contribuer à quelque chose qui les dépasse, à quelque chose de plus grand qu’elles : une famille. Alice, elle, reste un cas particulier... Ce n’est pas l’une de mes esclaves, même si elle aime bien que je la traite ainsi. »
Mélinda se rapprocha un peu de Tessia, sa robe ondulant le long de ses jambes au fur et à mesure qu’elle marchait.
« Tout ce que vous pouvez proposer sera utile... Et, en retour, je pourrais vous aider, selon ce que vous avez envie. Que ce soit bien clair, je ne souhaite pas vous enchaîner à mes pieds. Et vous n’êtes pas forcée de me répondre tout de suite, bien entendu. Si j’ai accepté de vous voir, c’est pour voir si l’opinion que je me faisais de vous, soit celle d’une femme suffisamment talentueuse pour que ma petite Alice lui fasse confiance, était bonne... Et elle l’est. Je n’ai pas pour habitude de tourner autour du pot. Maintenant, si un temps de réflexion vous est nécessaire, ou si vous voulez en savoir plus sur moi... Je suis disposée à satisfaire toutes les questions que vous pourriez vous poser. »
Mélinda tâchait d’être la plus ouverte possible. Difficile de lire dans l’esprit d’une succube. Déguisée en Terrienne, Tessia semblait habituée à masquer ses pensées et ses émotions. Inutile de vouloir l’asservir, elle restait une démone, et Mélinda était bien placée pour savoir qu’il ne fallait surtout pas froisser leur susceptibilité.