Nom: Alexander E. Alfheim.
Âge: 47 ans.
Sexe: Masculin.
Race: Humain.
Orientation sexuelle: Bisexuel.
Physique:
Mon physique m'octroie ce que d'aucuns appellent une forte présence, le fait que ma carure et ma prestance attirent les regards et donnent une impression de majesté, ce qui est assez amusant à la première impression. Je mesure en effet un mètre quatre-vingt douze pour soixante quinze kilos, et j'arbore avec fierté les vestiges d'une musculature qui faisait de moi une vraie montagne de muscles. Mes cheveux sont longs, épais et noirs comme une nuit sans lune. Je les ai laissés pousser des années durant sans trop y faire attention, en les attachant dans une queue de cheval qui me permettait de ne pas être trop gêné. A présent, je les maintiens dans une longue tresse à l'orientale qui me descend facilement à l'arrière des genoux, laissant quelques mèches m'encadrer le visage et recouvrir mon front. J'ai conservé l'apparence juvénile d'un homme de dix-neuf ans, et mon visage est d'une symétrie parfaite. Même si je dois l'avouer mes traits se sont affinés au fil du temps, et que ma peau est devenue presque candide. Je m'efforce à garder un physique décent et une expression irréprochable, si bien que mes sourcils autrefois broussailleux sont maintenant fins et discrets, mettant en valeur mes yeux rouge vif. Si mon petit nez pointu peut donner la sensation que je suis hautain et méprisant, il suffit de quelques paroles s'échappant de mes lèvres pâles pour vous faire changer d'avis. Je n'ai pas la voix nasillarde d'un noble ni même un ton bourru de travailleur, bien que j'aie jadis cumulé ces deux emplois, en quelque sorte. Ma voix est suave, calme, reposante. Elle exprime chaleur, honnêteté et bienveillance.
J'ai laissé de côté tabliers, vestons et autres tuniques, et opté pour des tenues plus raffinées et adéquates à ma condition. J'ai pris soutanes et robes de prêtres, et je les ai retaillées, retouchées, réarrangées. J'en ai fait un petit haut noir me couvrant le buste, surmonté d'une capeline blanche. Je mets en valeur ces couleurs fades avec un collier d'or serti d'un grenat que j'ai poli moi-même. De grands bracelets d'or ornent mes avant-bras, également, et il m'arrive aussi de porter quelques chevalières et autres anneaux dont je m'occupe du sertissage. Je revêt avec toute cette panoplie un ample pantalon de tissu noir et des bottines de cuir à lacets, et me promène toujours avec un bâton de marche lorsque je suis en extérieur. Simple sécurité pour pouvoir me défendre en cas d'agression sans jamais transporter d'armes.
Caractère:
Je m'arrête, et je fais le point. Que suis-je? Un religieux. Pas un prêtre plat qui ne jure que sur des citations tirées de mille récits, non, je suis un passionné. Je suis le chef spirituel qui se montre autoritaire mais juste, ferme parce qu'on doit croire en lui pour garder la foi. Je ne suis pas d'un sérieux irréprochable non plus, j'aime à détendre l'atmosphère quand le solennel et le cérémonial deviennent trop pesants, quand le stress est palpable, quand les gens sont nerveux. J'aime rire. J'aime danser, faire la fête, boire, encore danser, toute la nuit. J'ai pris l'habitude d'éviter les ennuis pour ne pas avoir recours à la violence. Je refuse de me battre. Je refuse de tuer. Si je dois passer pour un lâche et faire l'intimidé, qu'il en soit ainsi.
Je sers ma Reine et je protège ses fidèles. Je jouis d'une liberté sans limite et je prie pour que Sa bienveillance m'atteigne. J'ai oublié les tourments du passé et l'appréhension du futur. Je vis dans le présent et je le vis bien. Je n'ai aucune crainte ni aucune ambition. Je saisis l'instant et je ne le lâche pas. J'ai aussi un grand attrait pour la beauté physique. Je suis superficiel, et alors? Ça ne m'empêche pas d'être cultivé et très habile de mes mains. Je suis une épaule sur laquelle se reposer, un dos derrière lequel se cacher, et des yeux sous lesquels on se repose sans crainte.
Histoire:
Mon histoire nous ramène plusieurs années en arrière, dans un petit royaume dont peu de gens se souviennent encore aujourd'hui. Isolé dans les montagnes, ses habitants étaient tous de rudes gaillards, bons vivants, travailleurs endurcis. Ce royaume était appelé Marluxia. Et il n'existait pas de terre aussi paisible dans quelque monde que ce soit. Depuis sa création, ce territoire n'avait connu ni meurtres, ni vols, ni trahisons ni larcins. Il avait été fondé il y a un peu moins de trois siècles de cela par le premier roi, Ezekiel, qui s'était exilé avec d'autres dans ces lieux éloignés pour mener une vie prospère, et depuis lors, sa famille a régné sur Marluxia avec bienveillance et générosité. Il n'existait pas de noblesse, à Marluxia. Il n'y avait que le roi, et son peuple. On y vivait de la chasse, de la culture que l'on partageait avec les autres, et de l'entraide que l'on s'offrait. Et lorsqu'il n'était pas affairé, jamais aucun monarque n'avait rechigné à se joindre à ses concitoyens pour travailler à leurs côtés. Car en ce royaume, le fruit du labeur était plus précieux que mille joyaux. Le dernier roi de Marluxia se nommait Clavius le Terreux. On lui avait donné ce surnom car il passait autant de temps au domaine royal qu'à la mine, et il en était très fier. Je me souviens de ses larges épaules et de ses mains calleuses. Je me souviens sa barbe hirsute qu'il tressait avec soin. Je me souviens sa voix bourrue et son rire puissant. C'était mon père.
Clavius et sa femme Elizabeth eurent deux enfants, et j'étais l'ainé. Je suis né au début de l'automne, lorsque les feuilles des grands arbres commencent à jaunir. Je ne saurais donner la date exacte, à Marluxia la saison avait plus d'importance que le jour même. On avait l'habitude de dire lorsqu'on donnait notre âge, "j'ai 17 printemps", ou "j'ai 25 hivers". Mon père venait d'avoir vingt étés lorsqu'il m'a eu, et ma mère fêtait bientôt ses dix-neuf hivers. Mon frère cadet, Ulrich, est né environ neuf saisons après moi. Et comme le veut la coutume de Marluxia, le plus jeune héritier devait accéder au trône. Jamais je ne l'ai jalousé, jamais je n'ai ne serait-ce qu'effleuré l'idée de lui ravir sa place. J'étais son frère, son ami, son complice. Nous grandîmes comme tous les enfants de Marluxia, apprenant à cultiver, à couper du bois, à chasser tout en préservant les espèces. Et lorsque nous avions besoin de repos, nous observions avec intérêt notre père manier la pioche, dégageant les débris lorsque l'énergie nous revenait. L'érudition n'était pas le fort de Marluxia, mais personne n'y était sot pour autant. Tous étaient lettrés, et mon frère et moi lisions tous les soirs avant de dormir. Des contes, des romans, mais aussi des documents relatant de faits passés, qu'Ezekiel avait amenés avec lui, qui avaient été conservés, recopiés et gardés à la bibliothèque du royaume. La bibliothécaire était d'ailleurs la seule personne à n'avoir qu'un seul et unique travail, mais elle voyageait souvent et revenait toujours avec de nouveaux ouvrages. Elle était la seule à quitter souvent le royaume, mais elle était toujours accueillie à bras ouverts. Ulrich et moi l'aimions bien.
Le temps passait et mon frère et moi devînmes de jeunes hommes. Nous travaillions et passions notre temps avec ceux de notre âge, et rentrions tard après avoir terminé nos soirées dans les tavernes. Ulrich tenait mieux l'alcool que moi, et il arrivait souvent qu'il me ramène à la maison à demi assoupi sur son dos. Nos parents ne nous en voulaient pas pour ça. Mon père était friand de festivités en tout genre, et ma mère ne disait rien tant que nous étions capable d'aller au turbin le lendemain. Elle connaissait heureusement de bons remèdes contre la gueule de bois. C'est à cette époque-là que j'ai rencontré Serena. Elle était serveuse, chasseresse, et assistait parfois son père à la forge. Ses gestes gracieux et ses yeux d'un vert intense m'avaient séduit. C'était une femme magnifique, aux courbes généreuses, aux cuisses robustes et à la verbe cinglante. J'adorais glisser mes doigts dans sa chevelure d'encre aux boucles délicates. Je passais bien des soirées à lui faire la cour sous le regard amusé de mon petit frère. Je l'aimais. Dieux, que je l'aimais. Un jour, alors que nous étions seuls à contempler les cieux et à discuter sur le toit de la scierie, je lui ai demandé sa main. Ce n'était pas préparé, mais ce n'était pas irréfléchi non plus. J'aimais Serena et je voulais partager ma vie avec elle. Je voulais fonder un foyer avec elle. Et plus que tout, je voulais élever des enfants à ses côtés. J'aime à me souvenir cette douce et silencieuse soirée. Parce que, cette nuit-là, elle a dit oui.
Son père Edwald me donna sa bénédiction, et mes parents furent tout aussi enthousiasmés d'apprendre mon mariage prochain. Ulrich, quant à lui, me dit juste avec un demi-sourire que c'était le juste déroulement des choses, ensuite de quoi il rit à mon expression indignée. Le royaume était en fête, alors que je m'apprêtais à la chasse: à Marluxia, lorsqu'un homme se marie, il doit chasser un gros gibier et porter sa peau lors de la cérémonie. En tant que veste, manteau ou cape. Plus la fourrure de l'animal était douce, plus le mariage était heureux. Plus grand monde n'y croyait, mais la tradition était belle et toujours respectée. Pendant ce temps, la femme devait confectionner sa propre robe. Serena et moi avions plaisanté sur le fait qu'elle était plus douée pour la chasse que pour la couture, et moi l'inverse. Elle m'avait alors proposé de venir à la cérémonie en robe, tandis qu'elle reviendrait avec un long manteau en peau de loup-garou.
Il faut tout de même préciser que j'étais bien plus massif, à l'époque. Vêtu d'une tenue de chasse et portant à la ceinture deux tomahawks, un couteau de chasse dans la botte et l'arc de Serena dans le dos, je partis seul dans la forêt. Il me fallut une heure avant de trouver une piste, que je suivais en me mettant toujours à l'abri du vent, au couvert des buis et autres fourrés. Je ne savais pas reconnaitre parfaitement les empreintes animales, mais je savais deux choses: mon gibier pesait son poids, vu la profondeur des empreintes, et se déplaçait à quatre pattes. Je traquai ma proie jusqu'à trouver sa tanière, un grand renfoncement dans un talus qui descendait en profondeur. Je m'y faufilais avec prudence et silence, une flèche encochée dans l'arc. De l'intérieur me parvenaient des relents nauséabonds d'excréments et de viande avariée, en plus de l'odeur bestiale. Mon gibier était carnivore, et s'était installé ici depuis un bon moment déjà. Je m'enfonçais dans les ténèbres de ce boyau étroit et puant sans hésiter une seconde. Arrivé dans un passage plus large qui devait être l'antre de la bête, j'aperçus dans la pénombre deux yeux jaunes qui me fixaient dans un grognement sourd. Je décochai ma flèche, et le manquait. La bête se ruait sur moi, et je tournais les talons. Me précipitant à l'extérieur de son repaire, la mort aux trousses, je fis volte-face dès que ma sortie, dégainant les deux tomahawks. C'était une créature à couper le souffle. Un smilodon d'une blancheur immaculée, planté en face de moi les babines retroussées, exhibant ses longs crocs aiguisés. Ses yeux d'or me pénétraient, son pelage semblait soyeux. C'était lui ou moi, et j'étais plus que déterminé: Serena méritait que j'arbore une telle parure à notre mariage. A peine la bête bougea la patte que je m'élançai vers elle en rugissant, pour l'intimider et surtout pour refouler la peur qui me prenait le ventre. J'avais beau être musculeux, ce fauve l'était aussi. Son croc perça mon trapèze, et se logea dans ma clavicule, m'arrachant un cri de stupeur. Quant à moi, j'avais réussi à enfoncer les deux lames dans sa gorge. Il continuait de remuer faiblement sa dent dans ma plaie. L'autre frottait contre mon omoplate. L'éclat de ses yeux s'éteignait dans de discrets glapissements. La douleur me lançinait, mais je restai parfaitement immobile, attendant que la créature ne rende son dernier souffle. Puis je lâchai enfin mes armes, et lui prenait la tête pour extraire son long croc de ma chair sanguinolente. Chaque mouvement de mon bras me faisait mal. Néanmoins je tirai mon couteau de ma botte, et dépeçait l'animal en appuyant sur ma propre blessure dès que ma main gauche était disponible. Une fois la peau récupérée, je la roulais sous mon bras et rentrai. Mon travail ne s'arrêtait pas là, il me fallait la nettoyer, la traiter et la réarranger. Ce ne fut que tard dans la soirée que je rentrai, et m'occupais enfin de ma blessure.
Deux jours plus tard, la cérémonie avait lieu. J'arrivai sur la grand place bordée de spectateurs. J'étais vêtu d'une veste de jeune marié, longue et noire aux manchettes élargies, et de tassettes qui servaient aux mariage dans ma famille depuis Ezekiel. Sur mes épaules, la fourrure d'un blanc pur me donnait grâce et majesté, et la capuche faite avec la tête rempaillée de la bête était repliée dans mon dos. A Marluxia, on était habitués à la peau d'ours ou de loup qu'on soignait pour rendre le pelage doux. Mais la peau de grand fauve était plus rare. Je faisais preuve d'humilité, m'avançant vers le centre, auprès de mes parents et de mes beaux-parents. Serena arriva à son tour depuis l'opposé de la place, et je perdis la notion du temps devant tant de magnificence. Elle s'était fait une longue robe vert foncé et décolletée, dont les avant-bras et la ceinture étaient ornés de plumes de paon. Elle avait coiffé ses cheveux noirs en un chignon orné, et bouclé ses cheveux. Son cou était paré d'un pendentif avec un croc de loup, et une broche dorée ornait son buste. Elle s'approchait, et je restai sans voix. J'avais la bouche bée, mais je ne m'en étais rendu compte que lorsqu'elle avait calé son index sous mon menton en souriant pour me la refermer. Mes parents me regardaient, amusés. Nous nous promîmes l'un à l'autre, et les festivités commencèrent. Ulrich y rencontra Thélia, mais leur relation ne dura pas plus d'un soir. J'étais marié. J'étais heureux. Notre nuit de noces fut bien consommée, mais Serena nous pensait trop jeunes pour enfanter maintenant. Je n'avais que dix-sept ans, et elle quinze, après tout. Nous avions le temps devant nous. Tellement de temps...
Le destin ne nous aura laissé que deux ans. Jusqu'à ce que ce fléau ne s'abatte sur le royaume. Jusqu'à ce que la mort ne nous sépare. Jusqu'à ce qu'Ashnard ne détruise Marluxia. Si ce que j'ai appris par la suite, même eux n'avaient pas prévu cette attaque. Ils voulaient installer dans les montagnes un camp fortifié qui leur permettrait de ravitailler des troupes dans le défilé vers Nexus. Mais ils ignoraient l'existence de Marluxia. Alors ils ont fait table rase. J'ai vu ces créatures apporter haine, colère et violence à mon peuple pacifique. J'ai vu des hommes et des bêtes massacrer d'innocents chasseurs, piller leurs maisons, brûler leurs récoltes et leurs réserves de bois. J'ai vu des monstres sortis de nulle part faire s'écrouler mon univers. J'ai vu la fumée s'élever des restes de la bibliothèque. J'ai voulu lutter pour sauver mon monde, et je me suis vu échouer. J'ai vu mon impuissance face à des êtres dont la simple existence me dépassait. J'ai vu mon père s'interposer pour me sauver, se faire battre. J'ai vu le rempart de son dos percé par les lances et les griffes. Je me suis réfugié dans la demeure royale, avec ma mère, mon frère et ma femme. J'étais terrifié. Et quand ils sont entrés, mon frère et moi leur faisions face, presque étranglés par la boule d'angoisse de notre gorge. Notre voix en était devenue rauque. Je voulais protéger ce que j'avais de plus précieux, ma famille. Et j'ai lamentablement échoué.
Ils nous ont balayé comme de vulgaires moustiques. Et ils m'ont pris ma mère, et Serena. Ulrich avait employé toute sa force pour intervenir, et s'était fait battre. Je les ai vus emmener mon frère avec eux. Leur chef était resté avec moi. J'ai craché ma rage et je lui ai sauté au visage. J'ai réussi à lui crever un œil avant qu'il ne reprenne l'avantage en me rouant de coups, puis m'emmener à mon tour dans la pièce adjacente. Il m'a forcé à regarder ce spectacle horrible. Ma mère, ma femme, abusées puis égorgées. Mon frère, le bras gauche cassé, lui aussi abusé, percé au ventre par une lame épaisse et déjà gluante de sang. Puis vint mon tour. Ils voulaient m'humilier et me tuer, moi aussi. Du moins, c'est ce que je pensais. Que je vivais mes derniers instants alors que ces monstres entraient en moi. Que j'allais flancher, et vomir à cause de ce qu'ils m'enfonçaient dans la bouche. Je pleurais. Mais je n'étais plus en état d'émettre le moindre son. Le regard vide, je me débattais, cherchant un semblant d'espoir, usant de mes dernières forces en essayant vainement de me dégager. Je voulais vivre. Pourquoi? Je n'en savais vraiment rien. Tout le monde était mort. On laissait leurs cadavres. La mort était calme, ma femme était en paix, malgré que je me fasse souiller à quelques mètres de son cadavre nu. Mourir était une échappatoire. Je m'abandonnais à mon triste sort.
Ils en avaient fini avec moi, et j'étais traversé de spasmes de terreur. Je gisais par terre, impuissant, pataugeant dans leurs sécrétions diverses. J'attendais qu'elle vienne. La faucheuse et son linceul d'obscurité. La face grêlée qui me sortirait de ce cauchemar. Elle n'est pas venue. Parce qu'ils avaient vu clair dans mes yeux sans éclat.
J'avais été souillé, j'avais tout perdu et je voulais mourir. Mais comme si mon supplice n'était pas assez grand, ils avaient décidé de m'épargner. Leur chef se mit à scander des mots dans une langue que je ne connaissais pas, et me regarda en souriant, alors que ses hommes quittaient la pièce. Il m'expliqua alors ce qu'il venait de faire. J'étais prisonnier de ce monde, je ne pouvais plus mourir. Mais je ne pouvais plus vivre pleinement non plus, percevant la douleur plus intensément. Et le pire, c'est ce qu'il me dit pour conclure. Je ne pouvais plus dire sincèrement "je t'aime" à une femme, sous peine de la voir périr dans l'instant. Toutes les femmes veulent savoir qu'on les aime, vous comprenez ce que cette incapacité signifiait? J'étais piégé dans une vie immortelle sans amour. Qu'avais-je donc pu faire pour mériter tel châtiment? Était-ce ma sentence pour lui avoir pris un œil, en essayant désespérément de sauver ma vie? Épuisé, je sombrais dans l'inconscience.
Je me réveillais quelques heures plus tard, la joue trempant dans mon propre vomi. Les corps de Serena, de mon frère et de ma mère avaient disparu. Dans un état second, je me dirigeais vers le torrent qui longeait la lisière de la forêt, et m'y jetais, nu. Toute cette eau n'aurait su laver cette saleté que je ressentais sur moi. Je n'étais pas sûr d'agir vraiment consciemment, car après cette baignade qui avait sans doute duré deux heures, je rentrais comme si de rien n'était, et m'habillai. Lorsque ma lucidité me revint, j'étais dans la forêt, en train de marcher sans savoir où j'allais ni même de quelle direction je venais. Il me fallait quitter ces monts. Partir loin, très loin, de peur que les fantômes du passé ne se jettent sur moi. Je me dirigeai donc vers le bas de la montagne. C'est alors que j'ai croisé la route de la bibliothécaire, surprise de me voir aux frontières de Marluxia. Elle fit un feu et nous nous restaurâmes, alors que je lui expliquai tout. J'en fus le premier surpris, les faits coulaient de ma bouche de façon fluide. Je racontais tout en détail, sans un sanglot, sans que mon ventre ne se serre, sans que les nausées ne me prennent, comme un automate qui énonce sans animosité. Un devoir de mémoire? Un besoin de limpidité? Pas vraiment. Dans l'instant, je ne ressentais absolument rien. Mon inconscient n'accusait tout simplement pas cette réalité.
Pourtant, et comme si j'avais fondu en larmes, elle m'avait pris dans ses bras dès la fin de mon récit, pour me conforter et me consoler. Je ne comprenais pas. Je refusais de comprendre.
A dire vrai, j'étais complètement perdu. Je ne savais pas où aller, et je ne tenais pas à partir. Je voulais rester là et me laisser mourir. Mais je ne pouvais pas, je ne pouvais plus. J'étais coincé dans un monde que je ne connaissais pas et dont je ne voulais pas faire partie. Pire, je savais très bien que le monde ne voulait pas de moi non plus.
Cette femme voyait clair dans mon esprit. Elle me parla d'une amie à elle, à qui elle rendait souvent visite. Ladite amie s'était retirée sur une île au large des côtes, et vivait seule, en ermite. Elle me proposa d'aller la voir, et de lui demander asile. Elle était du genre renfrognée, mais si j'avais besoin de me couper du monde, elle serait mon seul refuge. La bibliothécaire m'expliqua alors l'itinéraire à suivre, me donna quelques pièces pour le trajet et me décrit le marin que je devais trouver une fois la mer atteinte. Elle ne m'accompagnerait pas, elle voulait retourner à Marluxia. Elle voulait voir, témoigner, et récupérer tout ce qu'elle pourrait. Elle se sentait le besoin d'en voir les décombres, et d'écrire l'histoire du royaume perdu de Marluxia. Perdu... Ce jour-là, nos chemins se séparèrent, et jamais nous ne nous sommes revus.
J'ai voyagé pendant des jours, faisant étape dans les villages et autres hameaux, sans demander mon chemin lorsque je doutais, sans parler à personne d'autre qu'aux aubergistes, même lorsque je me joignais aux caravanes des marchands. Je restai seul, emmuré dans mon silence. Pourquoi j'y allais? Parce que c'était un but, alors que je n'en avais plus. Une maigre illusion que ma vie avait toujours un sens. Je suppose qu'au vu de ma carrure et de mon air distant, je passais sans doute pour un demeuré, un simple d'esprit. A y repenser, je souris. Ça n'avait aucune importance. Quand j'eus enfin atteint la ville portuaire, il me fallut une journée entière de recherches pour mettre la main sur le marin qui voyageait de temps en temps vers l'île. L'homme connaissait bien la bibliothécaire de Marluxia, et n'allait là-bas que pour l'y mener. Il me raconta sur le trajet que c'était elle qui lui avait appris à lire, et qu'il lui était redevable pour ça. Mais quand je lui posai des questions sur la femme qui vivait seule sur l'île, il ne m'appris pas grand chose de plus: une ermite, un peu grognon. En posant pied sur ce territoire éloigné de tout, je ne savais presque rien de mon hôte. A supposer qu'elle en fut une. Le capitaine m'expliqua alors qu'il passerait me voir une fois tous les mois, mais qu'il m'attendrait près du bateau aujourd'hui: il ne savait pas plus que moi si j'étais le bienvenu ici.
J'avais à peine fait une quinzaine de mètres qu'elle arrivait devant moi, le pas rapide. Une femme filiforme, raide comme un piquet, la quarantaine, des boucles sombres lui encadrant le visage. A ma vue, elle haussa légèrement les sourcils, et demanda à mon accompagnateur qui j'étais, d'un ton plat. Je n'ai jamais su quelle première impression je lui avais donné. Et je ne le saurais sans doute jamais. Toujours est-il que quand le marin lui expliqua qui j'étais, elle daigna m'accorder un peu de son temps. A nouveau, je racontais tout: la chute de Marluxia, le massacre de ma famille, même mon viol. Mon récit n'était plus aussi monocorde que la première fois, et je fus même secoué de sanglots qui me firent hoqueter. Elle ne me réconforta pas. Elle ne fit même pas semblant d'être affectée. Mais elle m'autorisa à vivre chez elle. Pas avec elle, mais chez elle. Je gagnerais mon toit et ma croûte en travaillant pour elle, l'aider au potager, remonter l'eau du puits, chasser... J'en étais capable. Le capitaine fut ravi de me voir accepté, et, comme elle ne l'avait pas mentionné, il me donna son nom: Magdalyn.
Au début, elle ne m'adressait plus un mot. Elle m'observait, certes, mais rien de plus. Nous étions rarement ensemble, mais je sentais son regard sur moi chaque fois que nous passions du temps l'un avec l'autre, dans le potager, et au déjeuner. J'avais accès à sa bibliothèque, et y passait la majorité de mon temps libre. C'est seulement au bout de six mois qu'elle daigna m'adresser la parole, alors que je lisais sur la terrasse. Elle était remontée, et je ne sus la raison que lorsqu'elle ouvrit la bouche: elle trouvait ma vie pathétique, car elle était vide de sens. J'allais lui donner raison, mais elle m'interrompit sèchement, en disant que je n'avais même pas cherché à en retrouver un. C'était vrai. Je ne vivais plus, je me contentais d'exister. Combien de temps ça durerait? Je continuais de tromper l'ennui avec des tâches monotones, et je passais ma vie d'immortel à me mentir pour oublier les temps passés. J'étais vulnérable car je n'avais plus personne à protéger. J'étais encore jeune, et la colère m'est montée sans que je ne réfléchisse davantage. Je n'avais pas de leçon à recevoir d'une ermite qui vivait sans et ne faisait rien. J'étais dans le faux.
Magdalyn m'expliqua alors qu'elle avait passé sa jeunesse dans l'insouciance, l'excès et le plaisir. Qu'elle en avait négligé sa famille, et que la maladie les avait emportés alors qu'elle n'avait rien vu venir. Et puis du jour au lendemain, elle a été abandonnée, et s'était retrouvée sans foyer. Elle s'était alors exilée ici pour faire pénitence auprès de la Déesse mère. Magdalyn était devenue une prêtresse d'Héra. Et tous les livres qui figuraient dans sa bibliothèque avaient été apportés par notre amie commune, qu'elle avait connue plus jeune et qui était la seule personne qui lui était désormais liée. Je maudis ma stupidité. Je n'étais pas le seul sur cette île à avoir tout perdu. A ce moment-là, j'aurais pu partir, et reconstruire ma vie ailleurs. Mais Magdalyn m'a pris sous son aile. Elle voulait m'apprendre à protéger un être cher. Elle voulait me donner un but.
Elle m'a alors formé à la magie, et avouons-le, j'étais un apprenti plutôt minable. Mes pensées cartésiennes et ma difficulté à assimiler ce que je peinais à comprendre n'ont pas aidé dans le processus. J'y mettais cependant beaucoup de volonté, me plongeant dans tous les livres traitant de magie, et le temps passant j'en vins à apprendre l'école de protection. Ma progression était si lente qu'il me fallut pas moins de neuf ans pour arriver à une maîtrise totale de mes boucliers, qui assuraient une défense impénétrable. Et alors que ses cheveux blanchissaient et que ses rides se creusaient, je n'avais pas pris une seule ride. Néanmoins, ma musculature imposante n'était plus qu'un souvenir, et mon expression creuse était devenue celle d'un élève attentif et obéissant. J'étais prêt à affronter le monde, et à mener une nouvelle vie. Je suis resté avec elle. J'ai vécu sur l'île douze années encore.
A son contact, je m'étais comme converti. Je m'étais adapté à son mode de vie, à sa pensée, et j'ai fini par partager ses croyances. Alors c'était décidé, je voulais devenir un prêtre d'Héra à mon tour. Magdalyn me rappela avec son ton habituel qu'elle protégeait les femmes et le mariage, et qu'Hestia, la Déesse du foyer, correspondait sans doute plus à mes idéaux. Mais j'avais été marié. Et plus jamais je ne pourrais connaitre les joies de partager un lit conjugal. Ma décision était réfléchie, et j'étais bien plus mûr que le jour où, jeune et perdu, j'avais débarqué chez elle pour combler le vide de mon existence. A nouveau je me fis son élève, et elle m'apprit avec une telle ferveur et une telle fermeté que j'en percevais toute sa passion de religieuse. Je comprenais plus facilement, mais ses critères étaient plus rudes. J'apprenais tout ce qu'il y avait à savoir sur ma nouvelle Déesse: son ascendance, sa descendance, ses exploits, ses déboires, ses relations en Olympe. Je retenais chaque cérémonie, chaque fête religieuse, chaque parole qu'il fallait prononcer durant chaque évènement, et me plongeait avec avidité dans les écrits relatant du mythe de la Reine des Dieux. J'apprenais par coeur le moindre mot à prononcer dans les prières, fussent-elles quotidiennes ou occasionnelles, et m'accordait une heure de méditation, seul dans ma chambre, chaque soir avant de dormir. Plus qu'une envie impulsive ou une simple perspective d'avenir, le culte d'Héra était devenu pour moi un mode de vie et une vraie passion. Tous les jours et sans aucun répit, je me vouais à la piété.
Lorsque je quittai l'île, j'étais âgé de quarante automnes. Magdalyn était âgée, et sa santé se dégradait de plus en plus. Cependant elle m'avait chassé comme un étranger, après vingt et une années passées auprès d'elle. Je n'étais pas dupe pour autant. Elle ne voulait pas que je la voie faiblir, ni que j'assiste à ses derniers instants. Je respectai ce choix.
L'homme qui m'avait ramené à la civilisation n'était pas le marin que je connaissais, mais son fils. Il peinait à concevoir que l'homme qu'il avait embarqué à son bord semblait moins âgé que lui d'au moins cinq ans. Je n'ai pas voulu lui éclaircir l'esprit. J'avais besoin d'un nouveau départ. J'ai ensuite voyagé pendant deux mois en tant que prêtre itinérant, simple voyageur qui prêchait la bonne parole et trouvait son gîte et son couvert dans la charité du peuple. J'étais assez gêné je l'avoue, en tant que Marluxien, de dépendre des autres. Ce n'était pas de la fierté mal placée, mais je m'efforçais de rendre service à mes hôtes du mieux que je le pouvais. J'avais beau bénéficier de la générosité de mon prochain, je ne considérais pas mon activité de prêtre comme une contrepartie. J'avais été habitué à rendre la pareille par des tâches manuelles, et non des apports spirituels. Ma destination était Nexus: je ne la connaissais qu'au travers des romans et autres livres, mais cette ville me fascinait. Bien sûr, je ne me faisais pas d'illusions sur la beauté des lieux que les romanciers exacerbent, et j'avais appris auprès de Magdalyn qu'un poète pouvait même trouver de la magnificence dans un caniveau.
J'en étais que plus émerveillé lorsque j'entrai dans cette merveilleuse cité. J'en parcourrai les rues animées dans mes vêtements de voyageur, muni d'un bâton de marche. Je ne portais dans mon sac que quelques livres, et un peu d'argent que des fidèles m'avaient généreusement donné. Vous pensez sans doute que je cherchais le temple dans lequel je devais exercer. C'est faux. J'étais arrivé en début d'après-midi, et je flânais de-ci de-là, découvrant la ville avec un certain enthousiasme. Sur le marché, j'avais assisté aux enchères d'esclaves sans y participer, ne concevant pas l'idée de payer si cher pour que quelqu'un exécute les tâches à votre place. Magdalyn m'en avait parlé et j'avais fait preuve d'ouverture d'esprit, mais les sommes colossales qui passaient de main en main me laissaient coi. Le soir, j'avais logé dans une auberge à deux rues du temple dans lequel je me rendrai le lendemain matin. Comme je m'y attendais, les hommes étaient très minoritaires parmi les religieux. Mais les disciples de la Reine étaient tout de même nombreux, et le temple en question était fort imposant et vaste. Je me suis annoncé à un prêtre comme un pèlerin souhaitant entrer dans les ordres, ce qui était partiellement vrai, puisque mon apprentissage n'avait rien eu d'officiel. Il me conduit alors au bureau de la Grande Prêtresse, et sa vue m'amusa: on aurait dit Magdalyn à cinquante ans, avec une expression plus douce et une coiffure plus complexe. Après les présentations et autres salutations distinguées, elle me posa une série de questions, afin d'évaluer mes connaissances et ma capacité à officier en tant que prêtre. Toutes mes réponses étaient claires et concises, et je me laissais emporter avec ardeur chaque fois qu'elle me demandait des précisions. Mon savoir l'impressionnait et j'en étais plutôt fier. J'avais été accepté, d'elle et de tous les autres, et à partir de ce jour, j'ai vécu au temple sous la protection de ma Déesse.
Ce n'était pas une vie difficile, et je m'y plaisais vraiment. Magdalyn m'avait habitué à des horaires rudes qui se partageaient le temps de mon apprentissage et celui des travaux manuels, comme la chasse ou l'entretien du potager. Les prêtres avaient plus de temps libres, et la plupart de mes soirées étaient disponibles. Alors comme j'entretenais mon esprit et ma foi en journée, je m'adonnais à quelques exercices physiques avant d'aller dormir, pour garder une constitution décente. J'étais assez apprécié des autres religieux, et nous avions souvent de longues discussions autour de Sa Majesté, et, avouons-le, de certains fidèles qui venaient au temple. Ma capacité à utiliser mes connaissances sur les écrits m'a vite permis de présider les cérémonies -non sans une certaine angoisse au début, je dois l'avouer-, et de devenir de plus en plus sollicité. Au bout de quatre ans, lorsque la maladie l'emporta, je fus nommé à la succession de la Grande Prêtresse.
Contrairement à ce que j'imaginais, cette fonction était moins contraignante: j'étais certes plus demandé et officiais à bien plus de cérémonies, mais je pouvais reléguer les tâches aux autres prêtres du temple. Je n'abusai cependant jamais de mon autorité, et allai toujours au devant des problèmes qui s'abattaient sur le temple. Ma magie de protection s'est révélée fort utile à de nombreuses reprises: les impies, les ivrognes, la mafia. Je m'efforçai par le dialogue à ce qu'aucun camp ne subisse de pertes humaines, et j'y arrivai à chaque fois. Tout s'est calmé du jour au lendemain.
C'était le début du printemps. Une après-midi où je méditais dans mes appartements. Tout indiquait que c'était une journée comme les autres, et pourtant, tout a changé. Encore. Une prêtresse était venue m'annoncer qu'un homme avait demandé à me voir, d'urgence. Je me suis alors installé à mon bureau, la main posée sur quelques textes, arborant le regard conciliant qu'un religieux accorde aux âmes en détresse. Il est entré. Il est entré, et je me suis figé. J'étais face à un fantôme.
J'avais peur que mon esprit ne me joue des tours, mais non.Cet homme était un Marluxien, musculeux, fier, la quarantaine passée. Je le connaissais. Je le connaissais bien. J'essayai de prononcer son nom, mais en vain. Seuls quelques bruits s'extirpèrent de mes lèvres. Je l'avais reconnu au premier coup d’œil. Ulrich Alfheim. Mon petit frère.
Et il me souriait. Avec ce sourire enfantin qu'il arborait autrefois. Pourtant les rides qui le creusaient et la longue cicatrice qui lui barrait la joue me montraient qu'il avait lui aussi beaucoup vécu, et que le Prince de Marluxia était loin derrière lui. Ma bouche bée se muait peu à peu en un sourire ravi. Je me suis levé d'un coup. Mon frère était en vie. On est descendus au café du coin et on a discuté. Longtemps. On avait vingt-cinq ans à rattraper. C'est lui qui a commencé.
Il m'a expliqué que non, la lame qui l'avait transpercé ne l'avait pas tué. Qu'il s'était réveillé dans une pile de cadavres nauséabonde. Des gens que l'on connaissait. Et qui n'étaient plus que de la viande pourrissant au soleil. Il m'a raconté comment il s'était extirpé de là, et comment il avait rampé sur le sol, effrayé par la mort, alors que sa blessure suintait. C'était elle qui l'avait sauvé, la bibliothécaire. Elle l'avait recueilli, pansé ses blessures, nourri. Et quand il fut remis d'aplomb, ils étaient venus ici, à Nexus. Là, parce qu'il avait besoin d'argent pour refaire leur vie, il était entré dans la pègre locale. Il avait vécu avec la bibliothécaire, que la vieillesse avait fini par emporter. Voilà pourquoi elle n'était jamais venue nous voir, Magdalyn et moi. Ulrich, lui, avait gravi les échelons dans le milieu. Il ne me cacha pas un instant que oui, il avait du sang sur les mains. Qu'il avait dû tuer. Que des hommes étaient tombés sous ses ordres. Sa réalité était dure. J'étais l'immortel, mais c'était lui qui avait survécu à toutes ces pertes, ces dernières années. Ma vie aurait aussi ces côtés sombres. Je ne le souhaitais pas. Mais j'en étais certain. Il avait récemment pris la tête de la plus grande famille de Nexus. Et il avait placé mon temple sous sa protection. Avec des yeux rêveurs, il m'expliquait qu'il était tombé amoureux. D'une tueuse à gages qui avait manqué de l'avoir à plusieurs reprises. Ils jouaient au chat et à la souris depuis des années, me disait-il. Il l'avait un jour aidée, il lui avait rendu la pareille. "Elle a une vie pourrie, j'aimerais la sortir de là", qu'il me disait. "Quand j'aurais le total contrôle des bas-fonds, je demanderai sa main. Tu nous marieras, hein?". C'était un homme mûr qui rêvait comme un enfant. Là-dessus il n'avait pas changé. Il aspirait à l'amour pur et véritable. Quand je lui ai demandé son nom, il m'a répondu qu'elle se nommait Vittoria. Juste Vittoria.
"Vi?"
Il avait répété comme s'il l'avait aperçue, juste avant qu'une flèche ne lui traverse la gorge. Ses yeux me lancèrent un regard surpris, alors que sa tête heurtait le sol, puis ils s'éteignirent. Je regardai la direction d'où venait la flèche, mais le soleil qui décroissait sur les toits m'éblouit. Parfait contrejour. Je me retournais alors vers le cadavre d'Ulrich. Aucune larme, aucun cri ne m'échappa. J'avais fait mon deuil des années auparavant. Un fantôme était venu, m'avait fait sourire, et s'était évaporé. Il ne saurait jamais tout ce que j'avais vécu, ni pourquoi je demeurais si jeune. Parce qu'il était mort. Comme les autres. Sauf moi. Je me suis détourné et je suis parti. Je n'ai jamais cherché à retrouver cette Vittoria. Il ne l'aurait pas voulu.
Mon sommeil fut troublé dans les jours qui suivirent. Des souvenirs ressurgissaient et bouleversaient mon esprit. Je rêvais le dos robuste de mon père, les yeux émeraude de Serena, et ses lèvres que je ne pouvais plus embrasser. Ulrich jeune, et son sourire innocent, Ulrich vieux, et ses yeux qui rêvaient d'amour. Magdalyn, et ma mère, qui veillaient sur moi de loin. Chaque fois que je les approchais, il disparaissaient. Et je restais esseulé et triste, à courir sans savoir où j'allais, écoutant les voix des morts que jamais je ne retrouverais. Edwald, la bibliothécaire, tous partis. Et je me réveillais chaque fois en nage, plus épuisé que la veille. Ces images m'assaillaient dès que je fermais l’œil, encore et toujours, ce même rêve qui se répétait inlassablement.
La seizième nuit, une chose changea. J'avais cessé de les poursuivre, en sachant que je ne les retrouverai pas. Je suis resté assis au milieu de nulle part, à attendre de me réveiller. Comme ce jour où j'avais été maudit, déchu et souillé, vingt-cinq ans auparavant, j'avais la ferme envie de mourir. Il y a des personnes, vous savez, qu'on ne veut pas survivre. Les gens ont cet égoïsme de vouloir partir le premier pour ne pas souffrir, même si ça implique que les autres souffrent à leur place. Ma mère est revenue. Elle était vêtue d'une longue robe noire qui trainait derrière elle. Elle m'a pris dans ses bras, et m'a réconforté avec une voix qui n'était pas la sienne. Et j'étais resté assis dans ses bras, à l'écouter.
Je n'avais pas ma place à courir vainement après des fantômes. Pas plus que de me lamenter sur des souvenirs. Peu importait le fait que je dusse vivre éternellement sans revivre l'amour mutuel. J'étais en vie. Et même si c'était dur, je devais vivre. Parce que je n'avais pas le choix, et que je devais oublier. Cette malédiction n'en était qu'une que parce que je l'avais prise sous cet angle. J'avais une longue existence, le don de pouvoir vivre plusieurs vies. Du jour au lendemain, je pouvais disparaitre et être quelqu'un d'autre. Pourquoi tout gâcher?
Cette femme n'était pas ma mère. Pas plus qu'elle n'était sortie de mon imaginaire. Mais lorsque j'ai voulu lui demander qui elle était, je me suis éveillé. A partir de là, j'ai changé mon quotidien. Pas un nouveau départ, je m'offrais juste ce que j'avais déjà: la liberté. J'allais où je voulais, quand je le voulais. J'ai pris des initiatives, ne respectant plus à la lettre les traditions, j'ai bouleversé les habitudes. Faire ce qu'on veut quand on veut, sortir, vivre comme jamais. Être immortel et faire comme si j'allais mourir demain. Faire la fête, boire, danser. Je foutais en l'air les cérémonies et leur ton solennel en racontant tout et n'importe quoi. Et curieusement, alors que je développais un franc-parler que certain qualifieraient de dérangeant, nous recevions davantage de fidèles au temple.
Mon nom est Alexander Ezekiel Alfheim. Je suis le Grand Prêtre d'Héra à Nexus, et je ne répondrai de mes actes que devant Sa Majesté.
Situation de départ: Expérimenté.
Autres:
- Je peux créer des barrières et des sphères de protection, avec des effets différents. Je suis constamment entouré d'une barrière invisible qui me protège des assauts mentaux, et peut utiliser à loisir une barrière argentée me protégeant des attaques physiques, une dorée pour les éléments, et une bleutée pour les magies. Je peux aussi créer des barrières ultimes de couleur écarlate, mais leur création demandent de mon sang.
- Si vous avez lu la fiche d'une traite et entièrement, je vous admire.