Démone & Dragonne, A-t-on oublié le donjon ? [Vehenee Kixellwe]

[iframe=55,29]https://www.youtube.com/embed/Q86OWDz8uOI[/iframe]

Tessia aimait bien Ashnard, capitale de l'empire du même nom. En temps qu'empire basé majoritairement sur des alliances avec des démons, elle y était mieux accueillie qu'en bien des endroits sur le reste de Terra. Quant à la Terre, elle n'en parlait même pas. Ici, elle pouvait librement si elle le souhaitait, reprendre sa vraie forme pour se promener en ville. Mais pour des raisons de praticité, et surtout pour éviter que le premier venu ne lui fasse du gringe sous le simple prétexte qu'elle fut une démone de la luxure, elle conservait son allure de simple humaine.

Elle avait profité des vacances de la "golden week" au Japon pour venir faire un petit séjour en Ashnard. Et comme une fois n'est pas coutume, elle avait emmenée avec elle Sakura, la sœur jumelle de Rin. Celle-ci passait en règle générale plus de temps avec sa sœur qu'avec elle, mais cette fois la jeune fille aux cheveux mauves avait pris l'initiative de lui demander des vacances d'un genre un peu particulier. Des vacances où elle serait réellement une esclave des plaisirs.

Tessia y avait un peu rebuté dans un premier temps. Même sans papier officiel certifiant que Sakura fut son esclave, se comporter comme tel dans un endroit où l'esclavage était légal n'était pas pour la mettre à l'aise. Mais les lois régissant la propriété étaient si strictes que pratiquement personne dans la ville n'osait toucher ce que l'on pensait la propriété d'une autre.

Aujourd'hui, Tessia était sortie seule, laissant une Sakura épuisée par sa soirée d'hier à l'hôtel où elle louait une suite. L'avantage d'avoir la vampire Mélinda Warren dans ses contacts lui avait permis de trouver une excellente hostellerie en ville qui lui avait fait un rabais plus que substantiel sur leur meilleure chambre en apprenant sa nature démoniaque. Une adresse qu'elle n'aurait pu avoir autrement qu'avec de la chance sinon.

Elle déambulait donc sur la place du marché, jetant divers coups d'œil aux étalages, cherchant des souvenirs à ramener à ses enfants sur Terre, sa fille naturelle et sa fille adoptive, deux jeunes succube de presque le même âge dont elle s'occupait avec un bonheur maternel non feint. Et puis aussi, elle voulait ramener des souvenirs à Rin et Ayako, ses deux autres soumises. Sans compter Shiro, l'infirmière du bâtiment, l'une de ses meilleures amantes et plus grandes amies.

L'endroit était noir de monde à l'heure actuelle, aussi bien de personnes venues faire leur épicerie et déambulant entre les étalages de nourriture. Il y avait aussi bien des gens du commun que des nobles ou encore plus fréquemment, des esclaves de toutes origines, reconnaissables à leurs colliers autour du cou ou à d'autres signes bien visibles.

Derrière les étalages se trouvaient les échoppes, centres d'artisanats à l'années où les commerçants proposaient les produits manufacturés à la main les neuf dixième du temps. Que ce soit poterie, chaussures, vannerie, bronze et autres choses, tout ici avait cette patine du "fait main" qu'appréciait énormément la démone.

Tout en consultant un étalage, elle remarqua le passage en trombe d'une jeune créature dont certains attributs lui firent penser à une dragonne. Elle se retourna pour suivre la silhouette du regard et fut frappée de constater que la créature semblait à peine poser le pied au sol, elle semblait plus portée par le vent qu'elle soulevait sur son passage, faisant flotter ses vêtements de soie blanche et pure dans son sillage comme si elle était habillée d'un nuage bardé de chaînettes de métaux précieux.

Elle vit la créature se cacher précipitamment derrière une pile de tonneaux à l'entrée d'une ruelle et la succube fronça les sourcils, très intriguée. L'instant d'après, deux énormes gardes à moitié dragons se frayèrent un chemin dans la foule en agitant de large vouges, vociférant comme mille diables.

Elle les vit contourner l'échoppe où elle se trouvait et jeter un coup d'œil dans la rue transversale où la jeune demi-dragonne s'était engoufrée. L'un d'eux se tourna vers elle.

- Avez-vous vu passer…

- Une demi-dragonne vêtue de blanc ? Demanda Tessia avec un sourire poli.

- C'est cela !

- Elle a filé comme si elle avait le diable aux trousses dans cette direction, indiqua la succube avec un air poli aux gardes draconiques.

Elle les regarda partir en courant dans l'allée avant de s'accouder aux tonneaux mine de rien. Il ne leur fallut pas longtemps pour tourner dans une autre allée. La démone sourit alors pour elle-même en se penchant par-dessus les tonneaux pour y regarder la jeune créature qui devait avoir tout entendu.

- Bonjour jeune demoiselle, enchantée de vous rencontrer, lui souhaita-t-elle d'un air amusée. Je me nomme Tesssia Alexanders, et vous ? Votre surnom c'est "À la garde" ? La taquina-t-elle gentiment.

Tirée de son nid douillet, elle se laissa choir. Mais ne trouva pour la réceptionner, que l’air chaud du désert. Il était sec et rêche, et risquait de l’abîmer. Heureusement il se contenta de la porter. Fuyant, glissant, poussée par ce vent, sans se retourner elle avançât inlassablement. C’est dans une bourrasque qu’elle s’engouffrât dans la citée aux effluves épicées. Elle s’insinuât entre les bonnes et mauvaises gens, sans porter de jugement. Un effleurement ici, un frôlement là, il s’en fallut de peu qu’on brusquât. Un instant une main se tendit vers elle, pour la saisir, l’attraper, la retenir, et surement la faire souffrir : d’une simple virevolte elle l’esquiva. Sa longue course enfin cessa, lorsqu’elle trouva refuge entre deux formes rondes.

Une fois encore une main se tendit vers elle, mais celle-ci lui fit parvenir un courant d’air pour la soulever et l’attirer à elle. La petite plume se laissa emporter et s’échappa du doux décolleté de Tessia pour rejoindre les doigts délicats de Vehenee.

-   Ho ! Une plume, une petite plume duveteuse. Elle vient d’un oisillon. Mais lequel ? Il y a tant d’espèces que je dois découvrir.

Vehenee assise entre deux tonneaux, venait de se retourner et, levant la tête vers la femme qui la toisait de haut, avait aperçu une plume lovée entre les seins de la belle. Elle avait fait glisser un filet d’air pour la recueillir dans sa main, et n’avait plus d’yeux que pour cette petite plume entourée de mystères. Perdue dans ses pensées, son regard brillant analysait chaque détail de la plume, menant l’enquête pour déterminer à quel oiseau elle avait appartenu. La frange de ses cheveux mauves masquait à demi ses yeux pour Tessia. La succube pouvait cependant voir son petit nez recourbé se rétracter pour humer les effluves parvenant de son fin trésor. Les cornes, flexibles, de la semi-dragonne se mirent à se dresser très légèrement, faisant miroiter et tinter ses atours dorés : elle venait surement de trouver un indice olfactif. Alors qu’un rayon de soleil passa sur Vehenee faisant scintiller d’or ce qui semblait s’apparenter à des grains de beauté sur ses épaules, elle présenta la plume dans ce rai de lumière pour estimer sa transparence. La belle soupira, déçue et posant la plume dans sa paume, elle fit une fine de moue de ses petites lèvres boudeuses et émit un léger souffle pour rendre sa liberté à sa captive. Elle murmura pour elle-même d’un ton évasif :

- Tant d’années passées à contempler le même horizon alors qu’il y avait au-delà tant de terres à explorer. Des mondes et des peuples… pourqu…

Elle réprima ses dernières pensées, se sachant observée et soupirant, elle se redressa avec  grâce, lentement. Elle n’arrivait guère plus haut que la poitrine de la femme qui semblait attendre une réponse à ses questions avec plus ou moins de patience.  Mais Vehenee, mordillant sa lèvre inférieure, pris encore le temps de pencher la tête sur le côté pour vérifier ce qui se passait dans la place derrière elle.

- Vous m’avez rendu un service pas tout à fait honorable, Tessia Alexanders. Vous avez mentit à deux respectable gardes royaux de mon peuple, ceux-ci ne l’oublieront pas. Et bien que je vous sois gré de m’avoir aidé dans ma fuite, la prudence m’incite à m’interroger sur vos motivations : êtes-vous, vous-même, une personne honorable Tessia Alexanders ?

La voix douce et suave de la dragonne avait d’envoutant qu’elle s’échappait d’une bouche souriante et inspirait l’apaisement. Mais le regard bleu perçant, plus humain peut être, de la jeune femme, ne semblait pas être prêt à attendre que les réponses soient dites, il scrutait déjà toutes celles qu’ils pouvaient déduire par la simple observation.

Tessia regarda la jeune créature derrière ses tonneaux, remarquant à peine la plume qui, outrageusement, se fraya un chemin jusqu'à son décolleté. Elle n'en prit conscience que quand son interlocutrice  leva une main gracieuse de sa direction et qu'un souffle chaud la décolla de son buste pour la guider jusque dans le creux des mains de la jeune hybride draconique.

La démone écouta avec attention la phrase à l'étrange formulation de la fugitive qu'elle avait couverte quelques instants plus tôt. Elle la trouva d'un côté assez enfantine et de l'autre par la même occasion, très curieuse. Mais cette notion de "devoir" dans la phrase la laissa un peu songeuse. Cependant, elle n'avait pas assez d'éléments pour la décrypter.

Elle vit la jeune créature continuer à l'ignorer pour le moment en s'intéressant de plus près à son trésor, l'admirant sous toutes les coutures, le humant. Elle en profita pour détailler de plus près ce petit être fugitif et fut pour le moins contente de ce qu'elle y vit. Elle était d'une beauté rare et exotique, le genre de créature qui ferait plus que fureur sur l'étal d'un marchand d'esclaves. Elle semblait une délicate petite chose évadée d'une quelconque prison de verre où elle aurait été exposée pour sa beauté. Elle la vit soulever sa trouvaille à la lumière du soleil et soudain sa mine devenir plus gave, prendre une allure boudeuse, avant de finalement relâcher sa plume et la rendre aux vents.

Sa seconde phrase lui indiqua une partie de ce qu'elle s'était doutée, la petite chose avait bien grandi dans un endroit dont elle ne devait pratiquement jamais être sortie. Mais aussi que visiblement la demoiselle était du genre lunatique et rêveuse, laissant aisément les questions de son esprit parvenir jusqu'à sa bouche, oublieuse du monde extérieur comme s'il ne la touchait que peu. Une attitude somme tout très hautaine, faisant penser à une noble, ce qui renforça son impression de jolie petite chose enfermée dans sa cage de cristal et cherchant à s'en évader pour une raison assez simple de curiosité naturelle.

La troisième fois, la jeune créature draconique se releva et la regarda avec curiosité, penchant la tête de côté pour également regarder derrière elle. Elle la devina se mordille la lèvre aux mouvements de celle-ci, une moue des plus adorables aux yeux de la succube et qui excita brièvement son envie de posséder cette jolie chose pour elle-même.

Elle parla ensuite, lui disant qu'elle lui avait rendu un service, mais remis en cause l'honneur de celui-ci, ce qui fit sourire la démone. Son sourire s'élargit encore en entendant la jeune demoiselle l'interroger sur ses motivations et sur le fait qu'elle soit honorable ou non.

- Voici qui est plutôt cocasse de votre part jeune demoiselle, gloussa la succube. Une fugitive qui demande à celle qui la couvre si elle est honorable ? Je crains que vous n'ayez de vous-même répondue à votre question jeune fille. De même que je serais amusée de découvrir qu'elle est votre version de l'honneur quand on essaie d'échapper à… Je dirais, vos garde du corps ? Proposa la démone en se tournant dans la direction où ceux-ci avaient disparus.

Elle laissa la jeune femme regarder ses longs cheveux bruns lui descendant au milieu du dos malgré la queue-de-cheval qui les retenait en arrière sur sa tête. Elle portait son pull bleu deux-tons par-dessus son chemisier blanc et sa longue jupe couleur crème. Sa tenue très habituelle, confortable ce qu'il fallait pour qu'elle s'y sente à l'aise et une tenue faisait suffisamment "vieille fille" pour lui donner cet air de maturité que ses élèves cherchaient normalement chez des femmes bien plus âgées. Malgré tout, cette tenue presque rebutante du point de vue du sex-appeal gardait un côté sexy sur elle, lui donnant pour de nombreuses personnes un petit air de fruit défendu. Mais comment empêcher une démone du sexe de paraître désirable, même sous forme humaine ? S'il existait une méthode, Tessia n'avait jamais ressenti le besoin de la chercher.

Elle rajusta ses lunettes sur son nez et se tourna à nouveau vers son interlocutrice.

- Souhaiteriez-vous me faire part de votre conclusion quant à notre honorabilité réciproque mademoiselle ? Demanda Tessia avec le genre de petit sourire rassurant qu'elle utilisait fréquemment pour encourager ses élèves à lui répondre.

Elle écouta la réponse avec attention et hocha la tête, un léger amusement se glissant sur ses lèvres et modifiant un peu son sourire.

- Je constate que j'ai affaire à une interlocutrice dont la raison ne fait pas défaut. Mais je soulignerais une légère épine à cette belle rose, vous savez mon nom et j'ignore toujours le vôtre. La politesse serait-elle différente là d'où vous venez mademoiselle ? Car ici, elle exige habituellement que l'on se présente après avoir reçu la pareille de la personne avec qui l'on converse.

Elle se rapprocha un peu et repris d'une voix plus suave.

- À moins que vous ne préféreriez que je vous trouve un nom ? Ainsi vous conserverez votre anonymat et j'aurais également un moyen de vous désigner, proposa-t-elle en levant la main pour glisser son index et son majeur sous le menton de la jeune fille et en caresser fugacement le dessous de celui-ci, le poussant à remonter un peu pour que la succube puisse mieux voir le visage de son interlocutrice.

Une caresse au demeurant bien anodine, mais qui de la part d'une inconnue pouvait avoir toutes sortes de significations…