Tout devait avoir une fin, et même cette intermède, aussi agréable soit-il, n’y faisait pas exception. La première fois de Rayne avec une Slime resterait dans ses annales, mais parvenir à maintenir l’intégrité des tentacules aqueux était difficile, bien trop difficile. Ses orgasmes à répétition n’aidaient pas. Sa partenaire avait beau dire que c’était instinctif, ce n’était pas vraiment le cas pour Rayne, qui devait se contrôler pour maintenir le rythme. Ses tentacules aqueux explosaient tous en rythme, envoyant de l’eau partout, et Rayne se sentit défaillir. Sensation de vertige. La tête qui tourne. Du flou dans les yeux.
« Oh put... » entama-t-elle.
Elle ne put achever, sentant ses jambes la lâcher. Elle glissa dans l’énorme flaque, et fut rattrapée par la Slime. A partir de là, Rayne se sentit partir. Elle tendit sa main en l’air, essayant de parler, de bredouiller des choses, mais sa propre voix lui apparaissait hachée, comme fatiguée. L’eau se mit à l’entourer, ses paupières devenaient lourdes, trop lourdes pour qu’elle arrive à les soutenir. Ses muscles étaient engourdis, et elle sentait sa mouille, ou tout simplement de la flotte, s’échapper de tous les pores de son corps. Son organisme éliminait l’eau en trop en suant abondamment. Rayne se mit à sombrer, et se sentit partir très loin. Le harem... La Slime... Kagan...
*Je ne sais même pas comment elle s’appelle...*
Ce fut la dernière pensée consciente de Rayne avant que les ombres ne viennent l’assaillir.
* « Cours ! »
Et elle courrait. Les arbres étaient mauvais, sombres, dans cette nuit noire. Les branches formaient de dangereuses griffes qui l’écorchaient. Elle trébuchait sur le sol, ses pieds heurtant des racines. Elle tomba sur le sol, tenta de se redresser, mais sans y parvenir. Son pied... Son pied était coincé dans la racine ! Elle se retourna, tirant dessus, essayant de se libérer, mais sans y parvenir. Elle essaya sans y parvenir, tira à s’en écorcher les ongles, à gémir et à soupirer. Elle continua à tirer sur la racine qui formait comme un nœud sur sa cheville.
Une panique sans nom envahissait son âme. Elle devait courir ! Il fallait fuir ! Fuir quoi ? Elle l’ignorait, mais ne se posait même pas cette question. Fuis, Rayne, fuis ! Les éclairs se mirent alors à tomber, et Rayne crut percevoir des figures grotesques. Tournant la tête, elle contempla les troncs, et, quand les éclairs virent, elle vit, avec horreur et effroi, qu’on avait sculpté des corps dans les troncs... Ou qu’on avait réussi à glisser des corps à l’intérieur. Des visages meurtris, fatigués, la regardaient. Severin... Sa mère... Elle essaya à nouveau de se libérer, et se rappela qu’elle avait toujours avec elle ses lames. A partir de là, trancher la racine ne fut pas trop difficile, et elle put à nouveau courir.
Elle traversa la forêt, aperçut un petit lac éclairé par un rayon de lune où une Slime se baignait, n’en tint pas compte (elle ne savait même pas comment elle s’appelait !), et préféra courir. Elle continua à courir jusqu’à entendre des chiens aboyer dans la nuit, et s’arrêta sur le coup. Elle savait où elle était, elle savait où elle se trouvait. Elle pouvait sentir le soufre, l’odeur du feu, et, plus elle s’avançait, plus elle entendait le crépitement des flammes. Elle vit finalement les hautes langues de feu, des torchères gigantesques qui brûlaient dans la nuit. Alors, Rayne comprit qu’elle ne fuyait pas. Oh non, elle était en train de se dépêcher pour arriver à temps. Alors, Rayne se mit à nouveau à courir, plus rapidement cette fois. Elle entendait les pleurs et les sanglots émanant de l’église en feu, et se refusait à admettre qu’il ne soit trop tard. Elle remonta le long de la rue principale, partit sur la gauche, à côté de la boulangerie, longeant une petite impasse où elle avait jadis frappé un jeune garçon qui lui tirait les couettes (elle avait eu des couettes à un moment de sa jeunesse ; dingue, non ?). Là, elle rejoignit une autre rue. Les cadavres étaient partout dans la rue, leurs corps égorgés inondant les pavés. Un chariot de marchandises était en feu dans un coin, les caisses éventrées, les cadavres de plusieurs pommes à proximité (ce détail l’avait choqué, que l’un des tueurs de Kagan prenne le temps de manger une pomme en massacrant des villageois). Elle avait filé entre deux bicoques, et avait rejoint la sienne, en bout de rue. Une petite ruelle sinueuse, avec quelques silencieuses gouttières. C’était un village très reculé, où seul le maire avait une voiture, une vieille bécane pétaradante qui se faisait doubler par n’importe quel cheval.
La porte de l’entrée de cette petite maison avec un grenier et deux pièces était explosée.
« Non... Non, non, non, non !! »
Rayne redoubla l’allure, et atteignit la porte d’entrée. Elle se glissa à l’intérieur, et vit le cadavre brisé sur le lit. La cheminée était condamnée. La Dhampir s’approcha, muette, du cadavre de sa mère, et la retourna. Elle était couchée sur le ventre, et, quand elle la tourna, les yeux vitreux du cadavre la fixèrent, et sa défunte mère parla sur un ton sentencieux :
« Tout cela est de ta faute. »
Rayne perçut alors une ombre derrière elle, et se retourna... Mais, comme à chaque fois, il était trop tard. Elle vit une ombre noirâtre, et une main vint emplir son champ de vision.*
Rouvrant violemment les yeux, Rayne se redressa d’un bond, en sueur, et sentit la lumière du soleil l’agresser à travers une fenêtre aux rideaux ouverts. Elle était dans un confortable lit, et manqua tomber. La mémoire lui revint rapidement. Le harem... Tinuviel... Les ombres... Lyrinda... La Slime...
*Où est-ce que je suis ?*
Elle tourna la tête à gauche et à droite, agressée par la lumière. Le soleil ne lui était pas mortel, mais la lumière n’était quand même pas très agréable, pour elle qui avait une vision plutôt nocturne. Elle secoua la tête, se protégeant les yeux, et alla se rallonger... Et sentit alors qu’elle n’était pas seule. Tournant la tête, elle vit qu’elle se tenait dans un lieu en compagnie d’une femme noire, qu’elle avait visiblement réveillé... Et qu’elles étaient visiblement nues.
« Lyrinda ?! »
Qu’est-ce qu’elle faisait dans sa chambre ? Est-ce qu’on avait conduit Rayne ici, plutôt que de la laisser dormir dehors comme un vulgaire clochard, ou est-ce qu’elle s’était traînée dans cette chambre ?