Elle accepta son bras et ils se remirent en route dans le vent glacial. Heureusement, les rayons de soleil réchauffaient quelques peu l’atmosphère.
« Vous pensez vraiment que je vous impose l’équivalent du traité de Versailles ? J’espère que mes réclamations sont cependant moins exigeantes que celles qui furent imposées à l’Autriche-Hongrie ! »
Elle plaisantait. Elle se doutait bien qu’il avait juste utilisé ce terme pour plaisanter. Elle voulait lui rendre la pareil. Elle enchaîna :
« Quand à Platon, il est certain que vous avez un avantage non négligeable sur lui, William – elle fit une pause dans ses propos – Vous, vous êtes en vie ! »
Ils marchèrent en silence, avançant sur le bas-côté de la route que peu de voitures semblaient empruntées. Ils devaient représenter un couple fort atypique. Lui, en costume au prix exorbitant, elle, en tenue du XIXe siècle. Plus mal assortie, c’était difficile à imaginer. Cela continua à faire sourire Marine. Elle se moquait bien de ce que pouvait dire les gens à son propos, elle s’en fichait. Etant donné son peu de contact avec la société, ce que celle-ci pouvait penser d’elle était le dernier de ses soucis.
Ce qui la gênait peut-être davantage, était le fait que maître Dolan, lui, était un personnage public et important. Au vu de sa maison, de son costume, de ses employés, de sa voiture, il était certainement un avocat de renommé. La jeune femme ne voulait pas lui porter tort. Néanmoins, elle se dit qu’il avait fait le choix de l’accompagner et qu’il en avait mesuré les conséquences si on les voyait ensemble.
Il leur fallu trois quart d’heure pour rejoindre l’hôtel où elle occupait une chambre. Il se situait en périphérie de la ville. Ils arrivèrent devant une bâtisse aux murs à la peinture écaillée et qui avait connue des jours meilleurs. Même le mot « hôtel » n’était que partiellement visible. Marine, arrivée depuis peu en ville, n’avait pas les moyens de se payer mieux. Mais les chambres étaient tenues propres et elle n’en demandait pas plus. Malgré tout, on pouvait croiser de temps à autre un ou deux cafards qui se baladaient mais rien de méchant. La jeune femme connaissait bien pire. Dormir dans la boue, dehors, sous la pluie, entourée de vermines, ça n’avait rien d’agréable. A côté de ça, cet hôtel passait pour un palace à ses yeux.
Elle lâcha le bras du juriste devant la double porte dont l’une, en verre, était partiellement brisée.
« Merci de m’avoir raccompagnée, William – elle enleva la veste de ses épaules, la plia et la tendit à l’homme de loi – Merci pour votre veste. Je crois que s’est là que nous nous disons au revoir. Nous aurons peut-être l’occasion de nous recroiser à la bibliothèque. Dans tous les cas, merci William de m’avoir permis de voir votre collection »
Elle passa sous silence les incidents qui avaient succédés à cette visite. Inutile de rappeler de mauvais souvenirs encore bien frais dans leur mémoire à tous deux.