De recevoir un bisou de Lissandre sur la joue, Camille en est tout retourné. « Oh, ma Lissandre, je te suivrai au bout du monde. Demande-moi n'importe quoi, et ta Muse le fera pour toi ».
Même plus le moindre ressentiment envers Maki, elle n'est qu'un objet que Lissandre utilisera, au contraire de Camille, sa Muse, qu'elle magnifiera.
Et, le coup de grâce, c'est quand le réceptionniste du love hôtel les gratifie d'un « Bonjour Mesdames ». Camille s'en amuse même ; ce gros vicelard doit regarder ses fesses onduler sous la jupe en cuir, alors il en rajoute, maîtrisant soudain très bien la marche sur talons hauts. Nul doute que ce pervers ira se branler dès qu'il pourra. « Mon pauvre bonhomme, si tu savais ce qu'il y a sous ma jupe... ». Peu importe, c'est comme l'ultime verrou qui saute. « Je suis une femme, pour tous, et surtout pour toi, Lissandre ».
Quant à elle, Lissandre ne semble pas se soucier de l'individu, comme si elle ne se doutait pas qu'être ainsi moulée de rose attirerait les regards aussi. « Tiens, elle avait besoin de Maki pour la soutenir, et voilà qu'elle court presque dans les escaliers ! ».
Ces escaliers qui offrent à Camille d'admirer pour la première fois le galbe fessier de Lissandre, « Elle est juste parfaite, j'espère qu'elle saura aussi s'offrir à sa Muse ».
Et aussi de découvrir pour la première fois le galbe fessier de Maki, « Elle en impose, mais pas sûr qu'elle soit aussi réservée que ça ».
Ces découvertes ne sont rien face à la stupéfaction de Camille, lorsqu'il entre dans la chambre de Lissandre. Il en reste bouche bée, juste capable d'un « Oh ! » admiratif. « Une bonbonnière pour un bon rose » songe-t-il.
Camille n'avait jamais vu de tels lieux. Rien que ce lit rond, qui trône tel le cœur de tout, Lissandre posée dessus telle un bijou dans un écrin. Camille la regarde, elle a à la fois ce côté femme enfant et ce regard malicieux, comme un mélange d'innocence et de sensualité. Presque de lubricité, avec tout ce que ce mot englobe d'intensité. Presque que de perversité même, positivement bien sûr, car le cerveau de Lissandre doit être occupé à imaginer mille et une situations.
Et des situations, il pourrait s'en créer ! Camille reste longtemps à regarder le gag ball et les menottes, et tous les petits accessoires ; il en a si souvent rêvé, mais il a toujours eu peur de se trouver livré à quiconque, homme ou femme d'ailleurs, qui pourrait abuser de la situation au delà de l'admissible.
Il voit aussi le regard de Maki comme bloqué là. « A quoi pense-t-elle ? Ferait-elle usage de sa force ? ». Il ne peut imaginer que Maki découvre un tel univers, qui n'existe que dans l'imaginaire des étudiantes japonaises, et dans les dessins qu'on cache sous l'oreiller.
Tout comme il s'étonne de ne pas trouver le moindre accessoire rappelant le membre masculin. Etrange! Il en existe tellement, de formes, de tailles, de couleurs, qu'une chambre de love hôtel devrait en être pourvue. Et, vu comme Lissandre a su trouver l'œuf vibrant "Hum, ce serait le moment de la surprendre!" au milieu de ses propres sextoys, elle ne peut ignorer cela.
Tout est comme fait pour Lissandre ici, dont la seule présence de la caméra indique qui fait quoi, et même ce qui pourrait s'y passer. Camille reconnaît les feuilles gribouillées, avec élégance contrairement à ses notes griffonnées, et aussi l'ordinateur à côté.
« Regarde-t-elle des films porno banals, pour dire ça oui, ça non ? Ou ai-je enfin trouvé celle qui pense autrement, qui pense comme moi ? Oui ben, je me voyais metteur en scène, et là me voilà presque actrice. Tu te rends compte, Camille, où tu te mets ? ».
Pourtant Camille rêve de découvrir le secret de cet écran, mais non ; c'est Lissandre qui décide, chaque chose en son temps.
Chaque chose, même les plus incompréhensibles. Que peut faire un piano là, en plus dans une chambre dédiée au sexe, et même avec un tabouret bizarre qui ne colle pas ? On dirait comme un de ces trucs où on range le non-présentable, au point que Camille croit presque y déceler les boucles d'un harnais de strapon.
Et celle espèce de balançoire, que fait un truc pareil dans une chambre rose, où il y a plus souvent des ébats que des jeux d'enfant, Pourtant, il doit y avoir une raison, mais mystère, d'autant plus qu'elle semble avoir une sorte de télécommande, avec des câbles pour la descendre.
Les miroirs sur les murs en seraient presque rassurants, mais ils renvoient aussi l'expression du visage de Maki. « Je ne suis pas lesbienne », avait-elle dit. Pourtant, elle est venue, elle est enfermée dans cette chambre. Elle a semblé fascinée par les menottes. Pour les mettre ou les recevoir ?
Camille essaie de percer ses sentiments. Elle semblait comme soumise à la petite étudiante à lunettes. Mais là, « Avec les doutes qu'elle semble avoir eus sur moi, je me demande ce qu'elle est capable de faire. Lissandre l'a-t-elle choisie pour en faire ce qu'elle veut envers moi? ».
Les yeux de Maki, après avoir manifesté la surprise de la découverte, semblent sans cesse aller d'un endroit à l'autre, d'un accessoire à l'autre, comme pour tout mémoriser, comme pour tout imaginer. Elle n'est plus vraiment la petite étudiante docile et méprisée.
Il y a même un décalage incroyable, entre une réalisatrice moulée de rose avec un œuf vibrant entre les jambes, une femme élégante cachant un secret sous sa jupe de cuir, une étudiante en uniforme désuet dont les pensées demeurent mystérieuses. « Eh, mais c'est Lissandre qui mène la danse ».
Camille la regarde, les yeux dans les yeux : « Je comprends pourquoi tu voulais venir ici, c'est juste sublime. Je suis toute à toi », lui dit-il, plus féminine que jamais, fièrement dressé sur ses talons, les jambes un peu écartées, les mains sur les hanches, la menue poitrine gonflée autant que possible. Et, la fixant plus intensément encore : « à toi de faire de moi ta Muse », comme par provocation, par défi, mais surtout par envie.