5 ans avant aujourd'hui- Désignation : Station Umojan...
- Fonction : Poste minier indépendant, Nouvelle base d'opération des rebelles de Raynor...
- Statut : En activité, (officiellement abandonné depuis un an)...
- Situation : 83 Km de la ligne de front Tekhane la plus proche...
67 Km de la ruche Formienne la plus proche...
Ramener tout le monde à la base a été un sacré merdier. On y a passé le reste de la journée et entre le ballet des navettes médivacs et celui des médic, on a passé tout notre temps à distribuer de la nourriture et des couvertures aux esclaves libérés. Et putain, il y en a tellement qui sont dans un état triste à voir que ça me révolte. Mais je suis aussi le premier à admettre que je ne peux pas soigner ça à coup de fusil Gauss.
Finalement, quand je tombe d'épuisement dans ma cabine, je suis rejoins par Matt qui, malgré un bras en écharpe à cause de sa blessure viens me faire son rapport d'un air sombre. Et le bilan est catastrophique pour une opération qui était censée se passer tout en douceur.
La vallée de Juarez a été réduite à l'état de no man's land, on y a déversé suffisamment d'obus, de missiles, de balles et de roquettes pour qu'il y pousse du plomb pour les dix prochaines générations. Et on a ainsi fait un trou du genre assez conséquent dans nos réserves de munitions. L'infirmerie compte six cent soixante-douze blessés chez nos propres troupes. Ceux qui ont pu être atteints à travers leurs armures de marines ne seront plus bon à rien avant un bon moment et il leur faudra un traitement lourd. Mais le pire ce sont les deux mille quatre cent quarante-quatre morts tombés dans les premiers instants de l'embuscade de Juarez et les minutes qui ont suivis.
Je dois être le pire commandant de toute l'histoire de l'armée Tekhane. J'ai fait tuer ou blesser un tiers de mes hommes sur leur premier engagement sérieux avec un maffieux local. Et tout ça pour quoi ? Nous avons embarqué pas moins de six mille trois cent vingt-et-un esclaves. Bon sang, il y a pratiquement un esclave par soldat encore en état de fonctionner. Ils sont partout dans le camp, affamés, assoiffés, certains sont drogués, tous sont peu ou prou blessés.
Matt continue à me déblatérer les rapports et je fini par lever la main.
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J'ai bien compris, on a pas les moyens logistiques de s'occuper d'autant de monde. Constate-je amèrement.
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je n'ai pas dit ça commandant, me corrige Matt plus doucement.
J'ai juste dit que nous ne pouvions pas tous les prendre en charge indéfiniment. Les blessés légers et ceux qui ne sont pas esclaves depuis longtemps pourraient être reconduits à la frontière assez facilement. Nous pouvons leur céder une semaine de vivre maintenant que...-
Maintenant que mon assaut merdique en a tué autant... Complète-je avant qu'il ne trouve une excuse bidon pour notre soudain regain au quota de matériel/homme.
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Commandant, ce n'est pas votre faute. Si Orlan n'avait pas trahi, ça aurait été un très bon plan.-
Va dire ça à Arnold, à Fénix, ou aux milliers d'autres que j'ai fait massacrer ! Crache-je en me sentant sortir de mes gonds.
Matt s'arrête. Il me connaît depuis assez longtemps maintenant pour savoir qu'on ne peut pas me raisonner quand je suis dans cet état d'esprit.
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Vous devriez vous reposer commandant. La nuit porte conseil il paraît.Tu parles que je vais me reposer...J'ai trop de morts sur la conscience. Là ce soir je sais très bien que je ne pourrais pas dormir.
J'ouvre ma cantine de campagne et en sort une bouteille de Whisky que j'enfourne dans mon gilet avant de sortir. Le camp est en pleine effervescence malgré l'heure tardive et les médics vont probablement continuer à courir jsuqu'au matin avec mes conneries. Si j'avais une supérieure, elle m'aurait probablement fait fusiller pour un tel échec.
Je passe les gars du poste de sécurité extérieur en leur faisant un signe qu'ils me renvoient. J'ai une putain d'envie d'être seul et je m'éloigne du camp, profitant que la nuit a amené une température glaciale sur le désert pour resserrer mon blouson en vieux cuir élimé sur mes épaules, l'un des seuls cadeaux de Sierra qui ait survécu à ma réincorporation dans l'armée. Je n'ai même plus une photo d'elle, ni de Mélissa, notre fille.
Une fois que je me suis assez éloigné, je me pose sur un rocher et arrache le bouchon de liège de la bouteille avec mes dents avant de siffler une longue gorgée de Jack Daniels. Le liquide ambré me brûle la gorge avec une chaleur réconfortante. Moi qui voulait jouer les héros, moi qui pensait faire ma révolution dans mon coin. Ben c'est râpé ! Je suis le dernier des crétins à y avoir cru. Je suis encore plus crétin d'avoir pensé que je pouvais mener autant d'hommes en n'ayant jamais dépassé le grade de sergent.
Je bois jusqu'à tard dans la nuit, ressassant mes idées noires jusqu'à tituber sur le chemin du retour, vers mon lit où je m'effondre deux heures avant que mon réveil ne vienne me réveiller. Je me sens suffisamment mal pour justifier un tour à l'infirmerie, mais je me contente de m'envoyer un litre de flotte derrière la cravate et de m'avaler une bonne aspirine avant de passer sous la douche et de faire une toilette complète. J'ai douze mille pauvre bougres dehors qui attendent que je fasse quelque chose. Ma personne n'a aucune importance à côté de toute cette masse de gens. J'ai pris le fardeau de les commander. J'ai un devoir envers eux et m'y soustraire serait de la lâcheté. Et s'il y a bien une chose que je refuse qu'on grave sur ma tombe c'est "il est mort d'une balle dans le dos parce qu'il n'a jamais fait front".
Je ressors de ma cabine de douche avec ce fichu costume d'officier que Matt aime tant, lavé, rasé, peigné, du moins comme j'ai pu et je me dirige tout droit au centre de communication.
On a un jeune qui travaille dans ce domaine depuis qu'il a sept ans. À l'armée il était relativement anodin, mais sur les réseaux sociaux, il est le redoutablement connu "Mr. Universe". Sa devise : Personne ne peut arrêter le signal. Tout va quelque part et je vais partout.
Je lui tombe dessus au moment où il prend son service, une tasse de café à côté de lui.
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Amène tes fesses gamins, faut que je fasse passer un message.Il me regarde, une moitié de petit pain en main, l'autre dans la bouche, l'air complètement sur le cul.
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Hu meffave bou gui ? Me demande-t-il la bouche pleine.
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Le monde entier, grogne-je en guise de réponse.
Je passe une bonne partie de la matinée à expliquer au gosse ce que je veux et on se met d'accords sur un principe qu'il appelle "la vidéo virale" auquel je pige rien si ce n'est que mon message va passer en se répandant à travers les réseaux sociaux et les sites de streaming en ligne. Et que comme tout le monde regarde la télévision via Tekhnet, ben mon message devrait être vu partout à un moment ou a un autre. Du moins si j'ai bien tout pigé.
On installe une table dans une salle vide, je pose une simple chaise derrière. Le plus dur est de trouver un fond pour que les autorité puissent pas savoir où on est. En désespoir de cause, j'emprunte une grande bannière que mes rebelles ont fait pour se marrer et on l'arrange pour qu'elle soit bien plate derrière moi. Le gamin est fan, moi pas. Quand je vois la chaise avec la grosse bannière en arrière-plan, je trouve que ça fait seigneur Ashnardien en train haranguer ses troupes à ne pas faire de quartier.
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Je suis prêt commandant, me dit le petit génie depuis derrière son écran de portable, la caméra numérique HD braquée sur moi.
Je prend les papiers que j'ai passé une bonne partie de la matinée à écrire moi-même. Matt aurait probablement mieux rédigé ça que moi, mais je tenais à ce que ce soit mes mots à moi qui soient dit pour que je puisse les prononcer plus facilement et aussi ne pas en avoir honte plus tard.
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Qu'on en finisse ! Dis-je en m'asseyant derrière la table et en me redressant.
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Trois... Deux... Un... Action ! Me dit le petit avant de lancer l'enregistrement.
Je reste deux secondes sans voix, à fixer la caméra avant de me reprendre.
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Bonsoir, bonjour, ou peu importe l'heure à laquelle vous verrez ceci. Pour ceux qui ne savent pas qui je suis, mon nom est James Raynor. Je suis citoyen de Tekhos, j'y suis né, j'y ai grandi et j'y ai passé l’essentiel de ma vie. Mais aujourd'hui, si je suis devant vous c'est pour faire un triste constat. J'ai tenté, toute ma vie durant, de me faire une place dans cette société. J'y ai travaillé dur, je l'ai protégée et j'ai versé mon sang pour elle. Et que m'a-t-elle donné en échange ? La réponse est simple : rien. Elle est même pire : elle m'a tout prit. Mes proches, mon travail, ma liberté et presque ma vie.Je marque une pause pendant laquelle je bois un peu d'eau dans un verre en plastique avant de reprendre. Je regrette déjà de ne pas avoir de prompteur pour m'aider à réciter ce foutu discours. Un rapide coup d’œil sur mes notes me fait repartir.
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Comme vous j'aime la paix, j'aime la tranquillité et le confort que nous apporte notre société. J'aime la sécurité que nous apporte la répétition du train-train quotidien. Je suis tout comme vous à une exception près. J'en ai plus qu'assez qu'on me mente. J'en ai plus qu'assez de fermer les yeux et de tourner la tête dès que quelque chose qui ne devrait pas être là s'y trouve. Pour ceux qui ne l'ont pas encore compris, je parle de la corruption. Ce cancer qui ronge nos institutions et notre industrie. Cette chose si ancrée dans nos mœurs qu'elle semble en être devenue naturelle. Ce relent putride qui nous suit et nous accompagne partout tout au long de nos vies n'est rien de moins que l'odeur des cadavres sur lesquels nous bâtissons notre grandeur. Des fondations si bancales que nous préférons continuer à regarder l'abysse sans vouloir songer qu'on pourrait un jour y terminer.Je marque une nouvelle pause, histoire de marquer mes propos.
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Il y'a de cela plusieurs semaines, j'ai été emprisonné sur un motif juste. Mais mon officière-commandante avait tellement peur de perdre la face si je dénonçais ses sales magouilles devant un tribunal qu'elle a préféré me faire disparaître dans une chambre d'interrogatoire afin de m'éliminer à sa façon, de me faire taire à jamais. J'ai refusé de crever comme un rat simplement parce que j'avais le malheur d'avoir fait semblant de ne rien voir ! Des camardes, des amis fidèles m'ont fait sortir de là avant que j'expire mon dernier souffle. Ils voulaient que je m'enfuie. Que je quitte le pays. Mais, comme je le dis souvent, Tekhos, tu l'aime ou tu la quitte. Et j'aime mon pays ! Ce soir-là j'ai décidé de ne plus fuir ! Ce soir-là, j'ai décidé de sortir la tête de mon trou et de regarder en face ce qui m'avait amené là où je suis. Ce soir-là, j'ai réalisé que le système et les appuis de mon officière la couvriraient et me feraient disparaître. Mais la justice est une notion qui n'a pas disparu dans mon cœur ! Si certains la retournent et la traficotent pour la grimer comme des maquignons, mois je l'ai prise au pied de la lettre ! Code pénal : article 15, légitime défense : Quiconque, de manière contraire au droit, est attaqué ou menacé d'une attaque imminente a le droit de repousser l'attaque par des moyens proportionnés aux circonstances; le même droit appartient aux tiers !Je laisse un nouveau moment de silence s'étendre.
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Cette nuit-là, j'ai appliqué la loi, sans passer par les alinéas, les tribunaux et les instances à qui on m'aurait retiré avant que je puisse même ouvrir une plainte.Je me penche vers la caméra.
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Pour cela, la justice, la vraie, devra me juger comme il convient.Je reviens à ma position initiale.
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Après avoir fait acte de mutinerie, je me suis échappé et je suis tombé sur quelque chose de dégoûtant. Un trafic parmi ceux de la pire espèce qui soit. Un homme du nom de Juarez qui se livrait, sous le nez des autorités d'Anachore, à un trafic d'esclaves illégaux ! Et vous savez le pire ? Tout le monde s'en fichait. Pourtant ce n'était pas inconnu dans le coin, oh non ! C'était même un secret de polichinelle ! Mais personne ne bougeait alors qu'il enlevait des touristes, des officières, des travailleuses, des citoyenne Tekhanes en pleine possession de leur citoyenneté et de leurs droits pour les asservir complètement hors du circuit légal ! Je n'aime pas l'esclavage et j'espère qu'un jour il sera aboli ! Mais je supporte encore moins les ordures qui se cachent derrière des autorités qui ferment les yeux au fur et à mesure que l'argent s'accumule sous leurs bureaux ! Tout cela devait cesser ! Quelqu'un devait mettre bon ordre à tout cela. C'est pourquoi, hier, en ce cinq de novembre, je suis allé moi-même et mes mutins faire fermer boutique à cet odieux criminel et ce de manière définitive ! Je fais une autre pause pour boire un peu d'eau.
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Je m'adresse maintenant aux autorités ! J'ai ici, avec moi, plus de six mille civils asservis illégalement pendant des années, torturés et violés sans la moindre pitié ! Ces gens sont le peuple que vous avez juré de servir et de protéger ! Ces gens ont besoin de votre aide ! Je vous les remettrais en même temps que je me rendrais en échange d'un procès équitable afin qu'éclate la vérité et que justice soit rendue ! Je ne suis pas votre ennemi. Je veux juste que notre société ouvre les yeux sur le merdier qu'elle a laissé s'entasser dans son arrière-coure et que nous prenions enfin le balais pour nettoyer ça avant de finir noyé dessous ! Bordel, je suis même prêt à le passer tout seul s'il le faut ! Mais pour pouvoir balayer j'ai besoin d'un balais ! Si la société est consciente de ce qu'elle a besoin, elle m'en fournira un. Sinon, ce sera à moi de me le procurer et alors je nettoierais la merde à ma manière. Je ne te veux pas de Mal Tekhos, je veux juste t'aider autant que mes mains le peuvent. James Raynor, terminé.Le garçon coupe l'enregistrement. Il me parle de rajouter un petit chant patriotique derrière, mais je m'y oppose. Je ne suis pas l'état, je n'ai pas le droit d'employer son hymne pour mes messages personnels.
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Balance-moi ça sur Tekhnet, que les politicardes rigolent un coup. Moi j'ai un appel à faire...Il me faut de longues minutes pour retourner me changer. Je me sers un verre de whisky et fini par décrocher mon téléphone et composer le numéro que l'autre gonzesse rousse m'a donné.
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C'est Jim... J'ai fait ce que vous demandiez. C'est votre tour maintenant. Quand et où pour les esclaves ?Intérieurement je savais que je signais mon arrête de mort. Mais reculer maintenant revenait à dire que mes hommes s'étaient battus et étaient morts pour rien si je devais laisser crever de faim tous ces ex-esclaves juste parce que j'avais merdé. Je devais payer le prix de mes erreurs et prendre mes responabilités.
Et déjà, la vidéo était partagée partout, Mr. Universe faisant son boulot comme pas deux. Personne ne peut stopper le signal une fois qu'il est lancé. Et une fois que l'information est passée, les petits malins de Tekhnet savent toujours comment la retrouver et se la refiler.