Vaelh s'était joyeusement mis en route dès qu'il eut été libéré, filant à la suite de ses nouveau allié jusqu'à percevoir les voix braillardes et disgracieuses des soldats de Raven. Il suivit leur bref échange dans un calme qui le surpris lui même, au point de lui faire froncer les sourcils. Et, dès qu'il se fut rendu compte qu'il aurait normalement dû être consumé par la haine rien qu'en entendant leur voix, un courroux violent enfla dans tout le corps du Démon. C'était même d'avantage qu'un courroux : un rouge mélange d’irascibilité, d'injustice, de fureur et de folie. Là dehors, celles qui avaient seulement oser s'imaginer faire du mal à Vaelh respirait encore. Ce simple fait lui semblait parfaitement impossible. De même qu'un humain ne peut pas voler de lui même, pas plus qu'une pierre peut flotter, personne n'aurait dû être en mesure de le blesser, de l'enfermer, et de manquer de le tuer.
Tardive, cette révélation pressa son cerveau démoniaque pour en extraire une essence haineuse. A l'horizon de sa conscience, royaume chaotique où ciel et terre ne restent jamais bien longtemps au même endroit, le Démon senti une vague approcher. Noire et vermeille, le tsunamis n'était que sang et mort. Il s'élevait si haut que plus rien d'autre n'existait. Où que regarde le Démon en lui, il n'y avait plus que ce sang qui demandait à être versé, cette mort qui exigeait d'être donnée. Tout à une échelle telle que même la psyché hypersensible de Vaelh ne parvenait pas à comprendre l'ampleur d'une telle émotion.
Une insignifiante étincelle de perplexité fit que le mâle resta sur place, fixant ce mur de folie liquide lui foncer dessus. Il était encore si loin, mais son ampleur invraisemblable donnait l'impression qu'il était tout proche. Le temps lui même était bloqué derrière, ainsi le Démon ne parvint pas à savoir s'il resta là une seconde ou une vie avant d'être heurté par la vague.
La rage vint d'abord, entière et magnifique, destructrice et mortelle. Vaelh se senti éclater à cause d'un tel volume d'émotions qui le remplit. Ses fragments dérivèrent dans un océan ultra dense où ils furent réduit en une poussière qui se retrouva charriée sur quelque chose d'oublié, esquissant ainsi rien de moins que la mémoire de Vaelh avant qu'il ne s'incarne dans le monde des mortels.
Ainsi se souvint-il.
Ou du moins se rendit-il compte.
Il n'avait jamais vécu dans le monde des mortels. Jamais vraiment. La fureur qui le martyrisait à présent était ni plus ni moins que celle qu'il savourait aux Enfers quand quelque chose le contrariait. Il se souvint aussi de la force, de l'infinie puissance de tout ce qu'il avait ressenti, chez lui. Et il se rendit compte que tout ce qu'il avait éprouvé parmi les mortels était bien trop pâle en comparaison. Le simple fait de se souvenir déverrouilla quelque chose en lui, une porte sur une partie de lui même qui s'était atténuée lors de son transfert d'un plan à l'autre. Avide, la poussière pulvérisée qu'il était devenu se rua jusqu'à cette porte qui s'entrouvrait pour la faire éclater, pour qu'en jaillisse les facettes les plus extrêmes de lui même.
Et enfin, depuis ce qui lui sembla être une éternité, il fut complet.
*
**
Le trouble du Démon n'avait en faite duré qu'une poignée de secondes pendant laquelle il s'était simplement tenu la tête en grognant et en se laissant glisser contre un mur, comme si une terrible migraine lui labourait le crâne. Et dès que le mal fut passé, il cligna des yeux pour Réellement savourer son environnement pour la première fois.
Même de nuit, chaque nuance de couleur lui apparaissait avec une telle force de contraste que ses yeux en larmoyaient d'extase. Au milieu de ses larmes, il eut même la certitude de voir les sons de la nature et des humains danser dans l'air pour tracer une trame qui s'enroula tout autour de ses tympans pour les comprimer jusqu'à la limite de leur point de rupture. Les fragrances de cette endroit vinrent le ravager, l'enivrant au point qu'il dû poser ses mains sur ses genoux. Et dès que ses doigts touchèrent le tissu de ses vêtement, il grinça des dents tant le plaisir qu'il ressentit suite au simple fait de sentir chaque fil de tissu le secoua.
Il finit quand même par se redresser, hagard. Ses tout premiers instants de véritable conscience furent pour les deux femmes, Silkes et Elenwë. Et même si ces deux dernières avaient été aveugles, le changement qui s' était opéré chez le Démon aurait pu leur apparaître comme une évidence. Le mâle en face d'elles n'était ni plus fort, ni plus rapide qu'avant, pas plus qu'il avait à présent accès à une puissance magique divine. Il s'était simplement souvenu comment être authentiquement lui, pour le meilleur et pour le pire. L'or chatoyant de ses yeux les dévisagea un bref instant, comme si Vaelh peinait à reconnaître les deux beautés, jusqu'à ce que sa sensibilité retrouvée lui permette d’appréhender des facettes de l’attrait de ces deux femmes dont jamais personne n'avait eu conscience, pas même elles.
C'est à cette instant qu'il se jura de leur en faire voir de toutes les couleurs.
Le sourire qu'il produisit juste après, modeste en comparaison de ceux qu'il leur avait servit jusqu'ici, eut largement de quoi les faire frissonner. Il reflétait autant le mal que le bien, la stabilité et le chaos. Les promesses qu'il sous entendait était infinies mais toutes nuancée d'excès. Au final, ce simple sourire en révéla plus sur Vaelh que ne l'aurait n'importe quel discours : il n’était pas foncièrement mauvais, pas plus qu'il avait établi une frontière entre les bien et le mal. Seul comptait l'intensité de chaque expérience de la vie, agréable ou terrible. Et cette philosophie...
-Je vous la démontrerait.Paradoxalement, même si le fait de s'être retrouvé lui même lui avait apporté une ébauche d'équilibre, il semblait encore plus instable qu'avant. On lisait dans ses yeux que sa quête vers le plaisir était devenu quelque chose de plus qu'essentiel ; qu'il fallait vite qu'il se trouve de nouveaux plaisirs sous la peine d'en souffrir.
Plus que jamais, il évoquait le monarque exilé de son lointain et insensé royaume. Mais sa majesté daigna tout de même répondre à la question qu'on lui avait poser, sa voix venant masser jusqu'à la conscience de quiconque voulait bien s'y abandonner :
-Je trouve cela très dommage de devoir me séparer de notre nouvelle amie qui, non contente de nous avoir sauvé, nous a régalé de ses charmes. Je suis sûr que l'envie de croquer ses courbes est au moins aussi forte que celle de Silke, hm ? Lâcha-t-il dans l'ombre d'un sourire taquin.
Mais nos appétits, à moi et ma compagne de route, devront bien attendre puisque nous séparer semble la meilleurs option. Il marqua une brève pause, faisant quelque pas, frissonnant de plaisir à la simple sensation de la brise sur sa peau, des vibrations de sa propre voix et de toutes ces idées de jeux qui lui passaient par la tête ainsi que par celle de ses deux alliées.
-Les femmes restées dans le camps vont forcement remarquer quelque chose ne va pas à un moment où un autre. Ainsi, il faut qu'une force reste ici pour les réduire au silence, tout en capturant ce camp pour couper quelque voix de ravitaillement qu'il puisse être. A partir de ce même camp, vous pourrez tendre une embuscade à la prochaine force de Raven qui viendra par là, vous ferez donc d'une pierre deux coups. Quant à Silke et moi...Le regard qu'il lui coula, lui aussi plutôt subtile, souligna de manière intéressante les agréables tourments que le mâle réservait à l'intéressée.
-Son pas étant aussi léger que le miens, nous allons suivre Raven, oui. Nous vous baliserons une piste sûr, tout en prenant conscience de l'ampleur de l'armée de votre notre ennemie commun. Arriver à cette endroit, « Beaulierre », avant eux, sous-entend qu'il faudra vraiment ne pas trainer. Et mieux vaut partir maintenant, avant que la fatigue n’alourdisse trop ce corps mortel qu'est le miens. Il me coûte de l'admettre, mais être un mortel est... Si fatiguant... Il se mit en route immédiatement après.
-En avant et haut les cœurs ! Qu'on m'indique la route et que Silke passe devant, qu'elle me guide que je la suive et profite de la vue de ses hanches. J'imagine déjà d'ici la glorieuse orgie de festivité que j'organiserais après le fantastique dénouement de cette quête !Il glissa plus bas :
-A vous qui m'avez fait me réveiller, je vous devrais bien de nombreux plaisirs.