Excursion polaire [Deisui] FINI... Ah non, à suivre en fait !

Après quelques explication sur les systèmes à courtes portées, que j’avais choisis car elle serait moins affecté par le probable magnétisme de ce territoire, nous nous étions enfoncés dans ce pays de glace. Au bout de quelques heures de marches je devais m'avouer un peu fatigué, tant de par les efforts faits plus tôt que de par le froid qui bien qu'encore supportable commençait à pénétrer dans les vêtements. Au moins la densité de la neige faisait que progresser était relativement aisé. Je guettais de fait un abri où nous pourrions nous reposer, lorsque soudainement une autre menace se manifesta, des terranides affiliés aux ours... Ce n'était pas bon du tout cela. J'ignorais que ce territoire possédait des habitants, mais encore plus qu'il s'agissait d'habitants aux mœurs belliqueuses ! Ces derniers nous fixaient avec hargne et nous avait déjà encerclé. Je me mettais dos à Linda, mais je devais avouer ne pas être rassuré, même avec mes lames en main. Ces saleté risquait d'être des plus robuste,s mais ne plus ils étaient bien plus nombreux et sur leur territoire. En somme tout semblait sceller notre sort, lorsque soudain un terrranide plus massif et âgé que les autres s'avança avec un étrange calme vers nous, avant de nous parler dans un étrange langage...puis face à notre incompréhension il s'exprima en langage commun.

"Vous, Faites demi tour immédiatement... Ces terres ne sont pas pour vous. vous y mourrez, et la terre sacrée ne peut admettre le fardeau des cadavres."

Bon sang il fallait qu'on soit tombé sur un truc bizarre, un culte particulier ou une croyance tribale allait savoir, mais toujours était il que cela ne me plaisait guère ,et j’imaginais que c'était encore moins le cas de Linda . De fait j'essayais de chercher un compromis;

"N'y a t-il rien qu nous pouvons faire pour prouver que nous sommes assez fort pour survivre en ces terres ?"

Il s'avança alors encore d'un pas le regard empli de défi.

"Me battre au combat ! Vous prouverez ainsi à tous votre force."

C'était idiot, même le plus habile des guerriers pouvaient très bien périr dans une tempête de neige. Enfin soit puisqu''il n'y avait pas le choix je me tournais brièvement vers Linda.

"Bon... ça m'a tout l'air d'être un duel, je m'en charge ou tu veux t'amuser ?"

A vrai dire je n'étais pas vraiment rassuré. La moindre déchirure dans notre tenue thermique compromettrait  tout ! Et comme pour rajouter à l'ambiance le meneur des terranides ajouta une précision.

"Si j'emporte le combat , mais que vous persistez à vouloir pénétrer sur nos terres, ma troupe vous tuera sur place. Cela ne changera rien à votre sort et empêchera un sacrilège !"

Rien de tel que des menaces de mort pour réchauffer l’atmosphère !

En un éclair nous étions dos à dos. Mais alors que mon compagnon avait tiré ses armes, je ne pouvais pas faire de même puisque j’étais enfermée dans cette combinaison. Mon seul atout était ma force, que je ne contrôlais malheureusement pas. En résumé, nous étions bien mal barrés. Le chef du groupe s’avança vers nous et nous parla dans son langage. Comme nous ne comprenions rien, il répéta, non sans une certaine irritation, dans la langue commune. Il parla de terre sacrée et de mort.

Quand Deisui tenta une négociation, le Terranide proposa un duel. Il affronterait l’un de nous deux dans un combat singulier. Il restait, de mon point de vue, un problème majeur : que ce soit Deisui ou moi, la fatigue et les éventuelles blessures empêcheraient probablement le duelliste d’aller plus loin dans ces terres.

Mon ami humain me demanda si je voulais m’en charger. Evidemment, ça semblait être une bonne idée au vu de nos capacités respectives, mais j’espérais que ma force se décuplerait au bon moment. Je m’avançai donc vers celui qui allait être mon adversaire et déclamai d’une voix forte et claire :

-Je suis Linda Croc, de la meute louve Raïto. En mon nom et au nom de mon compagnon de voyage, je combattrai pour le droit de fouler ces terres.

Une idée effleura alors mon esprit. Une idée folle, une idée dangereuse. Mais l’effleurement devint contact et l’idée s’ancra dans ma conscience sans vouloir s’en détacher. Avec un sourire, je défis mes habits thermiques, retirant également mon inhalateur. J’avais froid, mais avec un peu de chance le combat ne serait pas trop long. Et au moins, je ne risquais pas d’abimer ma tenue. Et enfin, dernier argument pour cette folie que je faisais, gagner le duel dans ces conditions n’en prouverait que d’autant plus ma force.

Je souriais face à la déclaration de mon amie, mais au fond de moi j'avais peur. Bien sûr je connaissais ses aptitudes, bien que j'essayais toujours de l'empêcher d'en faire usage, de la protéger alors qu'elle pouvait très bien le faire elle-même... Mais cet adversaire était sans nul doute un adversaire d'un tout autre acabit que les pillards que nous avions affrontés. Déjà il était lié à l'ours, ce qui lui procurait sans doute une force et une endurance hors norme, mais en plus il était avantagé par le terrain. Enfin  il n'était probablement pas à prendre à la légère vu s maîtrise. Vu leur organisation ces terranides me faisaient penser à une tribu, or dans les tribus le plus puissant était le chef, et le chef était celui qui prenait la parole, c'était celui qui défiait.

Enfin au moins une part de ce qui les différenciait des peuples "civilisés", était l'observation stricte de tradition et une certaine forme d'honneur. Ainsi il laissa tout son temps à Linda pour se présenter, ma compagne de route me surprenant par ailleurs par la prestance avec laquelle elle se présenta. Elle se défit ensuite de ses habits thermiques. Sur le coup je ne songeais même pas au bon choix que j'avais fait en prenant des vêtements thermiques qui pouvaient être passés par-dessus une autre tenue, car il s'agissait d'un pari risqué. Certes au moins sa tenue thermique serait toujours utilisable si elle gagnait le combat, mais le froid allait sans doute l'handicapait bien davantage que son adversaire. Il allait donc lui falloir conclure le combat en vitesse.

De fait il était encore une fois que les coutumes de ces peuples les pousse à donner lieu à un vrai combat et non pas à s'esquiver jusqu’à ce que le froid ait eu raison de l'adversaire. Au lieu de cela il poussa un rugissement sauvage une fois que Linda fut prête, et rapidement s'élança vers elle. Il ne semblait nullement ralenti par la neige et le froid, il prenait appui exactement de manière à ne pas déraper, et plus important encore... Il frappait pour gagner, il frappait pour blesser, pour tuer... Autour d'eux un cercle était formé, un cercle que je dus rejoindre les bras croisés, serrant les dents malgré moi alors que je ne pouvais détourner mon attention du combat, espérant que face à cette charge Linda réagirait efficacement.

Personne ne m’avait interrompue, personne ne m’avait empêchée ni d’agir ni de parler. J’eus donc le temps de finir ma présentation. Le nom « Raïto » désignait bien ma meute, mais ce n’était pas une sorte de nom de clan comme on aurait pu le croire. C’était un mot qui signifiait « nulle part ». Ma meute était au milieu de nulle part, et je n’avais nulle part ailleurs où aller. C’était, la signification réelle de ce que j’avais dit : je ne venais de nulle part et je n’allais nulle part. En un seul mot j’avais résumé ma vie. Mais je me doutais que j’étais la seule à comprendre, à moins qu’ils n’aient quelques notions de langage mêlé loup/humain.

On me laissa aussi enlever ma tenue thermique sans m’interrompre. Puis mon adversaire hurla et chargea. Je ne perdis  pas de temps. Poussant brusquement les vêtements qui me gênaient, j’esquivai la charge avec agilité et souplesse. J’allais devoir conclure ce combat avant qu’il ne commence vraiment, et pour ça j’avais ma petite idée.

La prochaine attaque fut la mienne. En l’espace d’une seconde j’étais sur le Terranide et je lui plantais mes crocs dans le cou. Mes griffes allèrent lacérer ses épaules tandis que je m’agrippais à lui de toutes mes forces.

Je me battais rarement, et ce n’était jamais par plaisir. Je n’aimais pas faire du mal, et de même quand je chassais je veillais toujours à faire souffrir ma proie le moins possible. Mais là, c’était différent. Je devais lui faire mal sans le tuer. Je détestais ça. Le seul autre moyen aurait été de le plaquer au sol et de l’immobiliser, mais mon corps d’adolescente ne me le permettrait pas.

Comme escomptait, Linda usa de sa petite taille et de son agilité comme d'un avantage. Tout d'abord pour esquiver, ensuite pour se jeter sur  son adversaire, auquel elle n'avait aucun mal à se jeter et à se tenir. Alors fut versé le premier sang, les griffes de Linda prouvèrent une fois de plus leur efficacité la peau, pourtant robuste de son opposant se déchirant sous ses lacérations acharnées, et ses crocs étaient parvenu à saisir la gorge de son adversaire, commençant à y mordre férocement.

Mais je ne souriais pas, j'observais avec gravité...Et inquiétude. Certes les blessures qu'elle allait lui infliger ne seraient pas négligeable, mais ses crocs n'étaient pas assez grand pour causer une blessure mortelle au Terranide...Et ce dernier n'allait pas se laisser faire. Agrippée comme elle était, elle n'avait aucun moyen de s'échapper, hormis en le relâchant et cela il ne lui en laissa pas le temps. La saisissant par les cheveux il a tira violemment en arrière pour la forcer à relâcher sa gorge puis, avec toute sa force il essaya de la frapper au niveau du cœur, afin de lui ôter son souffle...Mais ce qui m'inquiétait le plus était son regard. S'il gagnait et que j'acceptais de tourner les talons je m'en tirerai vivant, mais ça ne serait visiblement pas le cas de Linda, il ne s'imposait aucune limite. S'il gagnait il le ferait sans doute en la tuant, et je savais que Linda était assez bornée pour ne pas accepter de perdre.

Néanmoins je ne disais pas un mot, je ne faisais que serrer les dents. J'aurai aimé l'encourager, lui dire qu'elle ne devait pas se retenir, mais je savais que le moindre mot venu de l'assistance pouvait déconcentrer les combattants, surtout que les autres Terranides observaient un silence respectueux. Moi-même j'avais déjà profité plusieurs fois d'un petit mouvement de têtes causé par un appel enthousiaste, un dernier geste du cou avant que je ne tranche ce dernier...Et je n voulais pas qu'il arrive la même chose à Linda. Elle pouvait gagner... Elle DEVAIT gagner !

Sur une échelle de 1 à 10, le niveau de morsure du froid sur ma peau était de 4. C’était encore tout à fait raisonnable. Je pouvais continuer.

Par contre, s’en prendre à mes cheveux pour me mettre à terre c’était de la triche ! Bon, pas vraiment en fait, mais je préférais me conforter dans cette idée stupide et puérile pour ne pas penser à autre chose. Pour ne pas penser à ma défaite imminente. Car oui, je commençais à croire que j’avais très peu de chances de gagner. Pire encore, dans le regard de mon adversaire lorsqu’il essaya de me porter un coup à la poitrine ne laissait aucune place au doute : il allait me tuer.

Alors que j’évitais le coup, un peu à la dernière seconde, mon regard croisa brièvement celui de Deisui. J’y lus de l’inquiétude. Je sentais qu’il voulait dire quelque chose mais qu’il se retenait. Je lui en étais reconnaissante, d’ailleurs. Mieux valait qu’aucun mot ne vienne perturber ce duel, ça pourrait finir très mal. Enfin, aucun mot humain. Rien ne m’empêchait de…

Je parvins à m’écarter du Terranide suffisamment longtemps pour pouvoir hurler. Rugir, plus précisément. Un énorme rugissement de lion qui disait « Je n’abandonnerai pas ! »

Déstabilisé, il se figea. Une poignée de secondes. Le temps qu’il me fallut pour le plaquer au sol à l’aide de ma queue et m’assoir sur lui, une main sous la gorge, griffes sorties, montrant les crocs.

-Et maintenant ? Ai-je gagné, ou dois-je vous tuer pour cela ?

Niveau de froid : 8. Je tremblais de tous mes membres. J’espérais de toutes mes forces qu’il abandonnerait là.

Je lâchais un bref soupir de soulagement quand elle évita le coup, si elle l'avait reçu de plein fouet le combat se serait achevé ici. Il  y avait ainsi de nouveau un statut quo, du moins si on ne prenait pas en compte le froid, car le terranide était nettement avantagé en cela et je pouvais voir Linda commençait à tremblé... Mais cette faiblesse disparut brusquement quand de sa gorge monta un cri, un rugissement, qui résonna à travers la plaine gelée, et cette fois le terranide n'y était pour rien...

Ce cri venait de Linda et c'en était presque inconcevable. Comment un corps aussi menu pouvait pousser un tel cri ? Je l'ignorais, mais ce qui était certains ce qu'elle était y était parvenu et que je ne fus pas le seul à être surpris. Son adversaire, malgré toute sa bestialité fut quelque peu décontenancé... Trop et il tomba au sol avant de se ressaisir, et il fut à la merci de Linda, alors qu'un sourire orné me lèvres, et que les regards des autres terranides fut parcourue par la crainte.

Le combattant l'avait compris d'ailleurs il avait perdu...Mais il devait aussi voir que Linda faiblissait, que le froid commençait à la meurtrir, il pouvait la faire attendre, l'amener à perdre... Mais il  hocha doucement la tête, me permettant par là même de soupirer de soulagement.

"Oui... Tu as gagné, vous avez le droit de passer..."

Je n'attendais pas plus longtemps pour prendre la tenue thermique de Linda et la lui donner; je fis même plus, l'aidant à l'enfiler, me moquant bien du fait qu'elle puisse s'en offusquer, vu son état, vu l'engourdissement qu'avait dû provoquer le froid l'empêcherait s'habiller aussi rapidement que nécessaire, et quand besoin était je me moquais bien des bondieuseries. Les terranides aidèrent pour leur part leur combattant et s'éloignèrent quelque peu, continuant à nous fixer, attendant sans doute que nous franchissions la limite.

"Ça va aller Linda ?"

La reddition du Terranide ne se fit pas attendre. Soulagée, j’enlevai mes griffes de son cou et reculai pour le laisser se relever. Je ne sentais presque plus mon propre corps tellement j’avais froid. C’est à peine si je me rendis compte que Deisui était là avec ma tenue thermique, qu’il m’aida à remettre. En d’autres circonstances j’aurais un peu protesté, pour la forme, mais là j’étais juste bien contente qu’il me donne un coup de main. La chaleur de la tenue mit un certain temps à arriver cependant, et pendant ce délai je continuais de trembler.

La question qui parvint à mes oreilles lupines était un peu floue, et le temps que mon cerveau gelé l’éclaircisse il devait bien s’être écoulé cinq secondes. Je hochai simplement la tête. Pendant le combat, le mouvement m’avait un peu préservée du froid, mais maintenant que j’étais immobile ce dernier reprenait ses droits et me faisait payer pour lui avoir échappé.

-J’ai assuré…?

Ma question, prononcée à mi-voix, montrait clairement l’état dans lequel j’étais : mon cerveau tournait tellement au ralenti que ma « part adulte » s’était mise en hibernation. Je me blottis contre Deisui dans l’espoir de me réchauffer un peu. Je n’avais pas la force de marcher, et à peine de tenir debout.

Une fois l'ardeur du combat Linda n'était plus que l'ombre d'elle même...Cela je le vis tout d'abord à son absence de protestation alors que je lui enfilais sa tunique, qui n'allait pas tarder à la protéger du froid , mais pour autant n’alliât pas lui rendre les force qu'elle avait perdu durant ce combat. L'idéal aurait alors été de rentrer, car dormir dans un tel milieu aurait été suicidaire, mais je me refusais  à rendre vain les efforts qu'elle venait de faire... Et ainsi alors qu'elle m'adressait sa question je me forçais à lui adresser un sourire.

"Oui...Bien sûr..."

Mon regard parcouru alors l’assemblée des terranides. Leur demander de l'aide ne servirait à rien. Bien au contraire ce serait avouer une faiblesse qui pourrait le amener à revenir sur leur décisions. Pour autant nous ne pouvions pas rester sur place, et de fait je pris la seule voie qui s'offrait à moi.  Je m'enfonçais plus avant dans les plaines gelées, prenant Linda dans mes bra,s la serrant contre moi pour lui procurer autant de chaleur que possible.

Néanmoins je ne pouvais me permettre de marcher trop longtemps avec un tel fardeau sur les bras, il allait me falloir m'arrêter un instant ou l'autre. Brièvement je caressais l'espoir de pouvoir trouver un abri, mais c'était peine perdu. Cela n'existait tout simplement pas dans ces terres gelées, blanches et lisses à pertes de vue. Ainsi je m'arrêtais finalement lorsque les terranides ne furent plus visibles et alors je ne me laissais tomber à genoux. Ce n'était pas un abandon, il me fallait juste accomplir quelque chose que j'étais incapable de faire en me tenant debout. Soutenant toujours Linda d'une main je cherchais dans mes effets pour en tirer un poche nutritive, que je plaçais de manière à ce que ma comparse puis en profiter dès que possible, espérant que cela la réchaufferait et lui donnerait quelque forces. Lorsqu'il me sembla percevoir une réaction de sa part je lui demandais doucement.

"Tu penses pouvoir continuer ?"

J’avais un peu moins froid au fur et à mesure que ma tenue thermique agissait, mais j’avais toujours du mal à sentir mes membres engourdis. Et j’étais fatiguée. Je sentais une blessure  dans mon dos, j’avais dû me la faire en tombant.

Soudain, je ne sentis plus le sol sous mes pieds. Deisui me portait. Il marcha, moi dans les bras, sur plusieurs mètres, pendant un temps qui parut infini à mon cerveau s’efforçant de se remettre en marche. Je ne bougeais pas. Le moindre mouvement pouvait déséquilibrer mon ami, et je n’étais pas encore en état de marcher, je le savais.

Il n’y avait rien à l’horizon. Rien que de la neige, de la glace à perte de vue. C’était beau, mais aussi un peu déprimant. Mais j’y étais. J’étais là, dans cet endroit hostile, comme Shad y avait été avant moi. Sauf qu’elle ne s’était pas fait porter…elle avait marché, seule, dans ce froid à la limite du supportable. Elle avait résisté et tenu jusqu’au bout, alors que moi j’avais laissé tomber !
"Pas question !"

Je me remis en mouvement. Je me rendis alors compte que nous étions arrêtés. Deisui me demanda si je pouvais continuer. La réponse était presque évidente au vu de mon état, et pourtant…

-Oui. Pardon de t’infliger ça…

Je fis une tentative pour me lever, assez infructueuse. La deuxième réussit cependant, et je parvins à tenir debout toute seule. Je souris.

-On peut continuer. Enfin, si toi tu peux, bien sûr.

Je lui adressais un maigre sourire alors qu'elle s'excusait. Il n'y avait pas de quoi mais au moins reprenait elle des forces et ainsi je la laissais essayer de se relever, une fois en vain, la seconde fois avec succès, à mon grand plaisir. nous allions encore pouvoir quelque peu progresser au moins. Me redressant alors à mon tour je riais doucement face à sa pique, y répondant d'une voix exagérément bravache alors que je reprenais la marche.

"Je crois que tu me sous estimes Linda ! Ce n'est pas moi qui me suis fait porter !"

Après un bref éclat de rire suite à cette gentille moquerie je repris la parole, d'une voix un peu plus douce.

"Et puis... Tu t'es excusé, mais crois moi c'était mieux ainsi. Maintenant que j'y pense, avec ce froid mes lames se seraient brisés au premier choc, et à mains nues je ne pense pas que j'aurai fait le poids face à lui. Contrairement à toi. C'était vraiment un joli combat !  Qui plus est, soyons honnête, sans habits ma résistance au froid est clairement moindre que la tienne, je n'aurai pas tenu dix secondes sans tenue thermique."

Je me retenais alors de dire que le résultat des expériences qui l'avaient affectés avaient de bon côtés visiblement. Au lieu de cela je me taisais, car je savais que ce commentaire aurait pu être douloureux tant pour elle que pour moi et, de fait, je préférais me taire et m’abîmait dans la contemplation des plaines gelées, constatant alors quelque chose.

"Le vent semble accélérer... On risque d'être pris dans un blizzard et il n'y a pas le moindre abri... Je propose qu'on continue d'avancer, car si on s'arrête on risque d'être ensevelis sous la neige et ça c'est la mort, même avec nos tenues."

Deisui avait dû mal interpréter ma remarque, puisqu’il répliqua avec une moquerie et un rire. Bah ! Ça n’avait de toute façon aucune espèce d’importance. Tant que nous pouvions marcher tous les deux, peu importait que nous soyons sérieux ou non. Je ris avec lui, mais moins fort.

Son aveu de faiblesse ne me surprit pas. J’avais accepté de me battre parce que je me doutais du handicap humain/Terranide fatal. Il n’aurait pas eu la moindre chance contre mon adversaire. Moi-même je m’estimais très chanceuse, presque miraculée, de m’en être sortie indemne.

-Il fait plus froid ou c’est moi qui délire ?

En effet, le froid se faisait un peu plus mordant, et les paroles de mon ami le confirmèrent : le vent nous apportait une tempête de neige. Il fallait rester en mouvement. Une grimace se dessina sur mes lèvres. Marcher sous un blizzard, je ne pensais pas que ce soit dans mes cordes. Mais de toute façon c’était ça ou mourir, alors pourquoi pas !

Et ainsi, la route continua. Le blizzard ne nous surprit pas, mais il déferla d’un coup, sans prévenir. On n’y voyait plus rien. Deux mètres de champ de vision, et encore. Tout était blanc, je peinais à distinguer la silhouette de Deisui à côté de moi. Mais, étrangement, ça m’amusait.

-Dis, tu crois qu’on va croiser d’autres gens ici ? Ce serait vraiment bizarre, avec toute cette neige, mais on ne sait jamais.

Même si je m'avais refusé à le croire dans un premier temps, Linda avait raison. Malgré nos tenues thermiques nous pouvions sentir la température baisser, et cela n'était pas un bon signe. Cela signifiait que nos tenus étaient aux limites de nos capacités et que si la température diminuait encore nous risquions fort d'en souffrir grandement. Qui plus est, bien que nos protection nous préservaient du contact de la neige et de la glace sur notre peau, le vent nous fouettait avec hargne en devenant presque douloureux, gênant notre progression et diminuant notre champ de vision. Par ailleurs je me retournais fréquemment pour m'assurer que Linda était à mes côtés car en de pareilles circonstances on avait tôt fait de se perdre de vue. C'est alors que je scrutais le voile blanc, à la recherche de la moindre menace que Linda posa une question assez incongrue.

"Je ne pense pas. De base les terranides forment déjà une protection assez conséquente contre les intrus. Secondement la chance pour qu'on croise une personne qui à la même lubie que toi et l'assouvit en même temps est vraiment des plus faibles... Non, décidément je ne pense pas qu'il y ait des gens ici hormis nous."

Alors le sol se mit à trembler, faiblement, mais de manière perceptible et bien particulière. Un juron m'échappa alors. Ça ressemblait  à une bestiole que j'avais déjà rencontré en des contrées plus chaleureuses.. Des sortes de vers géants dotés d'une large gueule et qui avait la faucheuse manie de dévorer leur proies en jaillissant juste de dessous leur pieds... J'espérais me tromper , mais en soit c'était cohérent. Si nul vie ne pouvait subsister à la surface de ce territoire cela était peut être le cas sous le sol... Quoi qu'il en soit il fallait encore avancer, traverser le sol demander à ces créatures un certain temps et changer de direction leur était difficile, de fait en se mouvant on évitait le risque de devenir leur proie, bien que cela ne suffisait pas des fois... Ou peut être était c tout simplement le froid et le blizzard qui jouait avec mes nerfs. Je me tournais alors brièvement vers Linda, lui adressant à nouveau la parole.

"Ceci dit il n'est pas impossible que nous croisions certaines bêtes, des bêtes plus habituées que nous au blizzard. De fait ne t'éloigne pas de moi et surtout ne t'arrêtes pas sans me prévenir !"

Comme je le pensais, Deisui répondit par la négative. Toutefois le mot « lubie » ne me plaisait pas. Ce n’était pas une lubie, c’était une idée folle qui m’était passée par la tête lors d’une conversation avec une amie. Mais comme il n’était pas censé le savoir, je ne dis rien. Ça ne servait à rien de m’énerver pour ça.

Et de toute façon, avant que j’aie eu le temps d’ouvrir la bouche il s’était déjà passé quelque chose. Le sol s’était mis trembler. Qu’est-ce qui pouvait bien provoquer ça ?

"Est-ce qu’on est dans une zone sismique ? Ou alors c’est un idiot qui a abusé sur la dose en lançant un sort ? Ou une créature locale ? Ah non, il a dit qu’il n’y avait personne."

Et pourtant… Il y avait d’autres bestioles. Mon compagnon était inquiet, il devait les connaître et les savoir dangereuses. Comme il me demandait de rester près de lui, je fis la première chose qui me vint à l’esprit : je lui pris la main. Ça me semblait être la meilleure idée.

-Comme ça, c’est bon ? Si je ne te lâche pas je ne risque pas de m’éloigner.

J’étais inquiète, moi aussi. Si cette bestiole qui faisait hypothétiquement trembler le sol était dangereuse pour nous, combien de temps avions-nous avant d’être attaqués ? Et surtout, comment pouvions-nous réagir ? Il était hors de question pour moi d’enlever à nouveau mes vêtements, ça aurait été du suicide.

-Et d’ailleurs, c’est quel genre de bestiole qui peut faire trembler le sol comme ça ?

Sentir sa main dans la mienne me rassura. Je n'avais pas osé la lui prendre spontanément afin d'éviter de l'offusquer, mais si elle le faisait d'elle même cela ne posait pas de problèmes. Ainsi en réponse à sa remarque je hochais vivement la tête. En effet, on ne risquais pas de se perdre ainsi, même si cela nous gênerait au cas où il faudrait agir... Mais à vrai dire au vu de l'ennemi que nous aurions à affronter si mes craintes se réalisaient la seule option était la fuite, et cela je je le lui expliquais rapidement alors qu'elle m'interrogea sur la bestiole qui pourrait nous menacer.

"Tu vois les vers de terre ? Et bien imagine toi une bestiole avec un corps dans le même genre, sans bras ni jambes, juste une longue colonne vertébrale segmenté. Chacun de ces fragments recouvertes d'une chitine, et enfin une gueule  que dissimulent quatre énorme crocs et qui pourrait d'un seul coup engloutir des individus trois fois plus large que toi, pour les plus petit spécimens. Un ver géant et diablement plus dangereux. A vrai dire on a pas les moyens de l’affronter surtout dans ces conditions. Ceci dit leur nature fait que leur mouvement à la surface sont limités . une fois qu'ils jaillissent de terre leur champs d'action sel imitent à la longueur de la partie du corps qu'ils ont sortis et se déplacer à nouveau sou le sol leur prend du temps. Bien sûr ils peuvent sortir entièrement du sol, mais leur vitesse est alors tellement réduite qu'ils ne sont guère une menace."

Je finissais mes dires qu'un nouveau tremblement se fit entendre, l'épicentre était juste en face de nous...et brusquement je me jetais en arrière, entraînant Linda avec moi. L'instant d'après une silhouette semblable à celle que j'avais décrite jaillit du sol, avec une gueule si large qu'elle nous aurait avalé si nous n’avions pas reculé. La saleté avait tenté de prévoir notre position en fonction de notre déplacement linéaire...  Et maintenant qu'elle avait raté elle ouvrit en grand sa gueule, laissant voir le trou béant qui nous aurait englouti et poussa un cri strident en étant tourné vers nous. Sa chitine était d'un bleu terne, contrairement avec la couleur rosâtre de sa gueule, mais je ne m'attardais pas à la contempler. Comme je l’avais dit leur périmètre d'action se limitait à leur taille...Et celui là était sacrément grand !

"COURS !"

Ce fut ma seule invective alors que sans relâcher sa main j’entraînais Linda dans la direction opposée à la créature, mais cette dernière n'escomptait pas nous laisser ainsi nous enfuir. je n'avais jamais compris ces bestioles nous étions bien trop petit pour pouvoir les sustenter, alors pourquoi s'acharner ainsi ?! Enfin, quoi qu'il en soit sa gueule essaya de nous attraper de nouveau, mais nous manqua de quelques mètres. Néanmoins l'impact qu'elle provoqua secoua le sol et je fus ainsi projeté, forcé de lâcher la main de Linda alors que des échardes de glaces volaient autour de moi. Le temps que je me redresse, constatant avec soulagement que je n'avais subi nulle blessure, la créature, que je pouvais percevoir malgré le blizzard s'était redressé, mais j’avais perdu de vue Linda... J'aurai alors pu reprendre ma fuite, juste en espérant la retrouver ensuite, mais dans le blizzard et avec cette créature cela n'aurait été qu'une illusion...et alors je tentais de profiter de notre liaison radio pour entrer en contact avec elle.

"Linda, réponds moi Linda, où es tu ?"

Question un peu ridicule, comment pouvions nous nous repérer dans cette étendue fouettée par le vent  ? Mais en même temps je n'avais nul autre espoir que celui qu'elle me réponde, et cela valait mieux que ne rien faire...