Quand le seigneur des apparences, le maitre de la tromperie, le roi du complot, l’empereur de la métamorphose, le dieu de la trahison, faisait le tour du propriétaire au travers des mondes, il faisait exactement ce qu’il savait faire de mieux< : des royaumes s’effondraient, des dictateurs s’élevaient, des guerres civiles éclataient, des empires étaient disloqués ! Au final, voilà comment fonctionnaient les choses. Certes, cela ne passait jamais inaperçu, mais ses serviteurs se révélaient tellement plein de zèle devant leur maitre que même des dynasties millénaires étaient capables de disparaitre en quelques heures tant il gangrenait les mondes ! Et le bruit de l’entropie qui s’enchaîne ! Il avait un frisson qui lui parcourait l’échine à chaque fois qu’une nouvelle tête couronnée passait suer le billot, à chaque fois qu’un époux était trahi par sa femme, une sœur par son frère…. Vous ne sauriez comprendre le pouvoir qui recelait en tout cela ! Vous ne le comprendriez pas même si vous vous y intéressiez, car jamais vous ne pourrez en être la source comme il l’était !
Il finit par arriver sur les lieux d’une autre visite à faire… il se souvenait parfaitement de l’outil dont il allait se serv… euh… dont il allait vérifier l’état et le fonctionnement. Rien qu’à repenser à tout ce qui avait conduit à sa création, il avait été sacrément inspiré en agissant de la sorte. C’était il y avait combien de temps déjà ? presque 700 ans, non ? Oh comme il s’était amusé ce jour là ! Il se souvenait de tout dans presque tous les détails de la scène ! Il avait été là, le jour où l’incendie s’était déclaré, il avait mené une fausse révolte d’un groupe de domestiques, qui, à l’aide d’alcool, et d’huile, avaient mis feu au château, ces mêmes domestiques qui se mirent à prévenir du feu !
Il se souvenait très bien que la jeune femme qui voulait retourner cherche des chiards avait été retenue par son mai, il l’avait plus ou moins encouragé, et dès lors, le dieu avait continué à semer la haine dans le cœur de la jeune femme, il avait tout fait pour que celle-ci concentre et cristallise sa haine vis-à-vis de son mari… un type bien pourtant… quel dommage. Il était responsable de tout ce qui s’aggravait dans cette relation, et ce, jusqu’à la fuite… il se souvenait très bien d’un détail tout bête : lorsque l’épouse avait voulu dire à son mari qu’elle était enceinte, il était tellement ivre qu’il était presque évanoui, il l’avait remplacé au pied levé, et mieux encore, il avait dit tout ce qu’il fallait pour la pousser au bord du gouffre, jusqu’à ce qu’elle fuit. Et là, il mit fin à la fabrication d’objet, il se souvenait comme si c’était hier de ces propos :
« Je peux t'offrir bien mieux que la mort, Roxane de Vissec. Une vie où tu auras l'éternité et le pouvoir de te venger, de manipuler... une vie mêlée d'horreur... et de plaisir. »
Se venger contre qui déjà ? Ah oui, ceux qui l’avaient manipulé, d’inverser les rôles…. Ou du moins, le laisser croire. Elle n’avait pas cessé d’être son outil, à aucun moment, du début, jusqu’à sa fin, si elle en avait une, elle, elle l’avait presque supplié d’agir de la sorte. Alors pourquoi s’en priver ? Il lui avait donné ce qu’elle voulait ou croyait vouloir ! Il lui avait donné le pouvoir, et l’avait enfermée dans son besoin. Il lui avait offert la beauté, la luxure, l’envie, le plaisir, mais il lui avait aussi offert cette faim dévorante qui jamais ne serait tarie et en même temps, jamais elle ne pourrait sortir d’ici, ou du moins, il essayait de faire en sorte qu’elle n’en ait pas envie…
Ses visites s’étaient comptées sur les doigts d’une main en sept cents ans, ; mais d’une manière ou d’une autre, il savait se rappeler à la « jeune » femme quand le temps était venu ou qu’il sentait qu’elle relâchait sa dévotion. C’était impressionnant comme il pouvait se sentir connecté à ses dévôts sujets, à ses loyaux fidèles, quelque soit la forme de la vénération, qu’elle passe juste par un sentiment d’obligation ou par une admiration sans bornes.
Prenant la forme d’une fumée noire, aussi ténébreuse que la nuit, il s’introduisit par un interstice très mince entre le mur et un carreau, entrant dans la pièce lentement pour faire lentement passer cette brume à la noirceur infinie. Qui provoqua un léger courant d’air dans la chambre de la jeune femme, toujours aussi belle alors qu’elle se tenait devant sa coiffeuse, faisant ce que fait une femme devant sa coiffeuse. Pas se laver bien sur, mais arranger sa coiffure.
La brume prit une forme humaine, celle d’un homme à la peau d’acajou, de grand jeux rouges, des dents acérées comme des poignards, vêtu d’or, d’argent, de diamants, bref, somptueux et magnifique, une longue toge qui lui descendait aux mollets avec élégance. Comme si il ne touchait pas le sol il glissa sur la pierre et les tapis avec un silence absolu, jusqu’à apparaitre d’un coup, brusquement, dans le reflet du miroir.
« Petite chose… devine qui vient te voir dans cette tour aussi isolée ? »
Il eut un rire de gorge qui ressemblait à un grincement de portes dont les gonds n’avaient jamais été huilés, et sa main se glissa sous le menton de la jeune femme pour laisser glisser des ongles légèrement griffus sur sa gorge.
« Cela fait si longtemps… »