La confusion chez les autres amusait toujours un peu le terranide, peut-être était-il arrogant à force de ne plus être surpris de rien mais là n'était pas un problème, juste une chance que les humains avaient et que lui non. Une belle histoire à raconter à ceux qui savaient écouter, une histoire fait d'ombre, de lumière et de toile vieille comme le Temps lui-même. Une histoire qu'on racontait aux petits dans la région natale de l'homme qui pensait qu'il était préférable de la découvrir sur les lieux même. Comme beaucoup de chose, reproduire ne servait que peu, il fallait créer à partir de rien.
Ici, de rien était né simplement une discussion et apparemment, vu le regard de la belle platine, elle pensait pouvoir dormir ici et le forgeron hésitait en silence, son œil se plissant en envisageant la chose. Le bâtiment était grand, limite il pouvait se trouver des amis pour accueillir Sayana le temps d'une nuit et ça, ça valait mieux qu'une auberge avec ses coupes gorges... C'était bête à dire, mais c'était dans ce genre de moment où on préférait ne pas être dans l'esprit du forgeron, les souvenirs de la crainte des humains face à sa forme véritable le rendait rancunier bien que ses préceptes lui interdisaient ce genre de comportement. Mais très bien, si elle lui demandait, il lui permettrait d'économiser quelques pièces qui allaient de toute manière finir dans sa poche après la fabrication de son arme.
La cliente avait une bonne petite bouille, jolie, semblant même gentille sans être manipulatrice. C'était rare et ça plaisait au monstre qui souriait bien entendu lorsqu'elle lui tournait le dos, comme pouvant entendre les pensées de cette dernière. Avec un peu d'observation après tout, ce n'était pas dur de deviner ce qui l'énervait et il dévisageait sa forge, se demandant si finalement il n'allait pas juste l'éteindre ou s'en servir pour avoir une lumière tamisée, le temps de prendre commande pour que Sayana soit plus à l'aise. Toujours ménager le client, la voix des anciens qui lui avaient apprit ça raisonnait encore dans sa tête. Ces drôles de bonhomme qui pensaient tout savoir sur tout...
Et si quelqu'un semblait tout savoir, c'était bien l'étrangère devant l'homme aux bras épais. C'était surprenant la taille qu'elle annonçait mais il fixait le critère dans sa tête, voyant bien à quoi l'arme correspondait auprès de sa future propriétaire. Oui, trop long mais avec un bon jeu d'équilibre, ça devait pouvoir le faire et sûrement qu'il avait fait été plus longue, bien que ceux-ci étaient là pour tuer des ennemis armés de lance ou bien descendre des cavaliers. Que pouvait-elle bien vouloir faire avec une arme si extravagante qui allait de toute manière requérir le meilleur acier pour être solide avec ses dimensions ?
« - Drôle de dimension mais si vous le désirez, je pourrai le faire. Oui. »
Bientôt, elle finissait son dessin et affichait un grand sourire, juste proche de lui alors qu'il détaillait d'abord le dessin puis la fille aux cheveux de platine. Son charme exotique le forçait à sourire, elle ressemblait à une enfant et ça lui plaisait, sans arrière pensée dégoûtante bien sûr. Amser s'était transformé en sorte de Père Noël avec quelques échanges de mot et rien ne pouvait plus le combler, son regard et ses lèvres disaient simplement que son bonheur venait de celui de la demoiselle. Si elle était contente, lui aussi ! Et qu'est-ce qui faisait sourire les enfants ? La magie, un excellent moyen de vendre sa marchandise à Sayana et pour aborder le sujet. Il joignait donc ses mains, la couleur de l'une contrastant avec la couleur de l'autre depuis des années mais l'image était toujours aussi frappante, sans être dégoûtante. Même sans être initié, on devait pouvoir sentir l'aura de magie transpirant à travers les craquelures de sa peau, car oui, la seule chose qui pouvait blesser le titan semblait être une magie particulière qui lui avait quasiment dévoré un bras par le passé. Et Sayana, qu'est-ce qui pouvait avoir raison d'elle ? Sa peau était intacte au point qu'on pouvait douter qu'elle soit une brave guerrière.
« - Je vous invite à inspecter encore un peu le carnet, je n'en aurai besoin qu'à la fin pour le dessin. Si vous voulez une arme enchantée, je peux vous le faire bien entendu mais sachez juste ceci : ce ne sera pas des sortilèges permanents. Ma magie est liée à ma vie, donc si jamais je meurs et bien... Kaput. »
Exposé ainsi, le problème faisait encore rire l'idiot qui passait à côté de la demoiselle pour se rendre près de la forge, regardant les flammes dont il nettoyait le lit à l'aide d'une broche, se retenant de déjà monter la température pour forger. Pouvait-il tenir ? Non ! Sa main sombre repassait dans le feu, l'élevant avec violence juste l'histoire d'avoir la température pour commencer son travail, les pas du forgeron se faisant rapides alors qu'il ramenait des petites roches argentées pleines de petits trous qu'il logeait dans un bol posé enfin judicieusement au nid du jeu de flammes.
« - Vous êtes pressée sinon ? Parce qu'une arme comme ça prend un certain temps pour être forgée à cause des couches successifs de métal. Et sinon, ne vous inquiétez pas pour ça, l'acier béni, comme l'appellent les forgerons qui me l'ont enseignés, est bien solide. »
Ce n'était pas le moment de vanter la valeur de cette merde, juste mille fois supérieure à celle de l'acier anodin et cela sans exagérer sur les mots. Le centre d'attention devait être la couleur du feu et de cet acier qui fondait tranquillement, mordu dans tous les sens par la forge d'Amser qui souriait en voyant déjà la transformation s'opérer. Malgré le spectacle, il se redressait d'un air inquiet en regardant la porte donnant dehors et la dame, que pouvait-il bien faire ?
« - Vous pouvez aller à l'arrière boutique bien sûr. Je ne tiens pas à vous voire fondre. Ça vous permettra de vous reposez et consultez les livres que vous le désirez. Et pour le cochon grillé... Prenez en un peu si vous aimez bien la viande ! Que voulez-vous que je vous dise ? »
L'arrière boutique était aussi large que la pièce qui contenait la forge et les outils de l'habitant, elle était juste plus longue pour pouvoir accueillir des choses supplémentaires comme des coffres contenant des tissus, voire même des jouets qu'il donnait aux enfants d'un orphelinat pas loin et des bibliothèques contenant des livres sur tout. Des sujets simples ou complexes, dans beaucoup de langues et aussi dans un peu près tous les domaines, du plus pures au plus lubriques, beaucoup concernaient les religions des différents pays ou encore les magies, même les plus sombres alors que les ouvrages concernés étaient supposés être brûlés par les 'gentils'. C'était dur de déterminer qui était le monstre en inspectant les lieux, entre ange et démon, la moyenne voulait qu'il soit juste un gars normal alors que comme les livres, le contenu était bien plus complexe qu'il n'y paraissait.
Au second étage se trouvait diverses pièces, dont une à la porte ouverte donnait sur une salle de bain rudimentaire avec de l'eau fraîche, un peu trop peut-être, alors que ses bouteilles de sel ou de savon se trouvaient autour pour colorer le liquide et lui donner mille senteurs selon les goûts. L'autre pièce principal était la chambre, l'unique, qui contenait un grand lit, normal pour une grande personne, un bureau où une lettre était à moitié rédigée et encore des bibliothèques, la grande majorité étant des légendes ou tout bonnement des contes pour enfant. Sans être surprenant, il y avait des fenêtres en nombre, pour virer la fumée de la forge si elle entrait dans la zone résidentielle du bâtiment et cela empêchait aussi l'odeur de cochon, qui était presque entier avec la pomme dans la bouche, sur la table du rez-de-chaussé, un couteau aiguisé et forgé ici même enfoncé dans la fesse grasse de l'animal. On était pas chez les gaulois, mais on pouvait hésiter !