L'annonce parue ce matin là dans le journal attira l'oeil de Mizu Moritoshi. Cette scientifique de 25 années de vie venait probablement de trouver le boulot qu'elle voulait. Chercheuse au centre scientifique de Seikusu. Elle sourit et nota le numéro d'appel pour proposer sa candidature. Assurée qu'ils ne cherchaient qu'une seule personne, elle se répéta sans cesse que c'était à elle que revenait le boulot, que c'était elle qui le méritait et personne d'autre. C'était sa façon de se motiver, même si elle était sûre d'elle, il fallait toujours qu'elle se motive pour parvenir à ses fins.
Après avoir été assez motivée, elle décrocha le combiné et composa le numéro. Une femme à la voix douce et, apparemment, assez jeune décrocha.
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Bureau de recrutement du centre de recherche bonjour.-
Bonjour madame, je vous appelle pour l'offre parue dans le journal de ce matin. Mon nom est Mizu Moritoshi.-
D'accord et que puis-je faire pour vous ?-
Je voudrais savoir quand votre chef serait disponible pour un entretien.Le bruit de quelques pages tournées parvint aux oreilles de la candidate avant que la voix au bout du fil ne reprenne.
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Monsieur pourra vous recevoir lundi à 9h45. Cela vous convient-il ?-
C'est parfait. Merci et au revoir.-
Au revoir, passez une bonne journée.Lundi, cela lui laissait du temps pour se préparer, trois jours exactement. Après avoir jeté un coup d'oeil au miroir, Mizu hésita à se faire une teinture pour paraître plus normale mais abandonna vite cette idée. Elle était comme elle voulait être et ce n'était pas un potentiel patron qui allait la faire changer. Il faut dire qu'elle n'avait pas vraiment
l'apparence d'une scientifique comme on en a l'habitude d'en voir.
De courts cheveux blancs garnis d'une mèche noire s'arrêtaient un peu avant ses épaules. Elle essaya quand même d'arranger un peu sa coupe de façon à ce qu'elle cache son tatouage frontale représentant un oval. Elle avait beau essayer de savoir pourquoi elle l'avait fait, elle ne revenait pas dessus mais peu lui importait, elle n'était pas du genre à regretter ses actes. Malgré ce détail, son visage était neutre, comme si elle se foutait de ce qu'il pouvait se passer tout autour d'elle. Sa peau était clair, passant peu de temps au soleil (disons même à l'extérieur tout simplement), elle n'a pas eu l'occasion de beaucoup bronzer. Le reste de son corps n'a rien à envier aux autres femmes, des courbes généreuses, une peau douce et délicate, des doigts fins dont les ongles vernis de noir terminent des mains très féminines et des jambes on ne peut plus normales. Mizu était une femme sexy, attirante même. Ses tenues n'aidant pas à repousser les prétendants.
En haut, elle se contente de quelque chose de léger dans de sombres couleurs, ouvert sur son décolleté généreux et ne cachant pas son bas ventre. Pour le bas, généralement elle ne porte que de petits shorts clairs par dessus des bas eux aussi clairs avec de petites bottes blanches à talons. Il faut dire que son mètre 58 la dérange, elle se trouve trop petite au milieu d'une foule. Pour parfaire le tout, elle porte toujours un manteau blanc au col en fourrure.
Il suffit de la regarder pour savoir plus ou moins comment elle est intérieurement. La pâleur de sa peau trahit son habitude de rester à l'intérieur, cloîtrée pour ses recherches scientifiques. C'est une jeune femme sûre d'elle, qui sait ce qu'elle veut mais qui est également très fainéante. Elle a besoin de s'encourager, de se motiver pour faire quelque chose sinon elle sait très bien que si elle a le temps elle ne fera rien avant la dernière minute. Ainsi elle est souvent partagée entre le fait de se motiver à faire quelque chose ou bien rester assise dans son fauteuil à regarder la télévision ou lire le journal... Quand elle se décide à lire. Autrement, elle est aussi très insouciante de savoir ce qu'il se passe autour d'elle, il suffit de regarder son air je-m’en-foutiste pour le comprendre. La vie des autres ne vaut pas la sienne ni la peine de s'inquiéter pour eux ? Vivons au jour le jour et voyons ce que l'avenir nous réserve pourrait être sa philosophie. Enfin, après la chimie et la biologie. Ces deux sciences l'ont fait travailler sur un projet qui aurait pu lui offrir un prix nobel si ça avait été stable et connu de quelqu'un d'autre qu'elle.
***Lundi 9h45***
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Mademoiselle Moritoshi ?-
Oui, me voilà.-
Installez-vous, nous allons commencer. Bien, avant toute chose, pourquoi avoir choisi notre institution ?-
Eh bien c'est simple, la réputation de votre centre de recherche m'est parvenue et j'aimerais pouvoir vous apporter mes connaissances et talents pour faire progresser la recherche sur les formes de vie aquatique. C'est un challenge pour moi et j'aimerais pouvoir le relever avec une équipe compétente et déterminée.-
Je vois dans votre dossier que vous êtes passionnée par les formes de vie passées. Alors pourquoi voudriez-vous également vous embêter à étudier les forme de vie actuelle ?-
J'ai dans l'idée de faire une chronologie entre les anciennes formes de vie et les récentes afin de croiser les différentes données. Je suis certaine de pouvoir arriver à recréer les anciennes formes de vie si on m'en laisse l'occasion et, si j'y arrive, tout le mérite ira au centre qui m'aura acceptée.-
Pourquoi ne pas garder la gloire pour vous alors ?-
Je ne suis pas faite pour être reconnue, je préfère que ce soit un centre de recherches, je n'aurais pas travaillé seule sur ce projet.Une demi-heure plus tard, Mizu sorti du bureau du directeur et repartit chez elle, certaine d'avoir le poste convoité. En réalité, elle se fichait de la gloire que ses travaux pourraient engendrer, elle voulait stabiliser son S-25 pour quelque chose de plus grand que rendre la vie aux dinosaures ou autres mammouths... Son S-25, à chaque fois qu'elle y repensait, elle revoyait son passé, cherchant ce qui avait foiré lors de sa conception. Ses travaux étaient justes, ses calculs aussi mais quelque chose avait raté, l'avait rendu instable et maintenant, elle avait presque peur de reprendre sa seringue. Une fois dans son laboratoire privé, elle s'installa sur une chaise, croisa les bras sur le bureau et laissa son regard se perdre dans le liquide rougeâtre. Les bulles montaient dans l'éprouvette et éclataient à la surface. Au final, elle se perdit une fois de plus dans le passé.
***Lycée Mishima, cours de chimie***
Mizu était au premier rang, prenait des notes de tout ce que disait son professeur sans se tromper jusqu'à ce qu'une petite erreur vienne s'infiltrer dans ses calculs de cours. Rapidement, elle avait barré d'un simple trait le mauvais chiffre et l'avait remplacé par un autre, l'original. A partir de là, toute la concentration dont elle avait fait preuve s'évapora pour ne laisser la place qu'à un doute qui la submergea. Si cette erreur ouvrait de nouveau horizons, et si un autre chiffre avait été à la place de ce 35 logique ? Mizu avait soigneusement gardé cette erreur et se pencha à nouveau dessus dans sa chambre après sa journée de cours. Elle était jeune mais déjà très curieuse et intelligente. Ce soir là, elle prit une autre feuille, recopia la formule en y remplaçant le 35 par 86 comme lors de son erreur en cours et commença à travailler cette nouvelle formule. Les résultats devenaient tellement différents de ce qu'elle voyait en cours qu'elle se pencha activement sur cette nouveauté. Les années passèrent, elle ne parlait à personne de son projet en cours mais semblait de plus en plus distante par rapport aux autres. Elle n'avait jamais vraiment eu d'amis, juste des connaissances de passages qui ne lui apportaient rien et avec qui elle ne partageait rien. Elle était même secrète par rapport à sa famille mais on lui pardonnait car elle avait de bons résultats scolaires.
Et puis vint l'époque de l'université et avec ça, les premières instabilités. Pour oublier ça, elle partit avec d'autres étudiants dans des soirées où elle buvait jusqu'à tout oublier, elle se réveillait souvent chez une autre fille sans savoir comment ni pourquoi mais cette solution semblait simple pour elles. Mizu se découvrit alors une attirance pour les filles ainsi que les garçons, allant dormir chez l'un ou l'autre sans jamais rien faire même si elle le désirait sur l'instant. Elle se mit à oublier son S-25 jusqu'à ce qu'elle aperçoive un gecko dans la nature. Elle passa plusieurs jours à essayer d'en attraper un et y arriva enfin après deux mois. Elle le disséqua, l'étudia, passa des jours et des jours sur son ordinateur à chercher ce qui la ferait à nouveau progresser pour enfin arriver en dernière année. Lors d'un cours de biologie, elle comprit ce qui lui manquait et alla corriger le tout. Après avoir vérifié, re vérifier et re re vérifié, il lui fallait maintenant quelqu'un d'assez courageux pour se prêter à une expérience à priori sans danger.
Personne ne voulait l'aider, personne ne croyait qu'elle pouvait avoir fait une découverte sensationnelle alors elle se décida à passer pour le cobaye. Seule dans son laboratoire, elle prit une seringue, la remplit de son liquide rougeâtre, inspira profondément et s'injecta son produit. Au début, il ne se passa rien. Elle ne se sentait pas bizarre, ne sentait aucun changement et commença à penser que toutes ces années furent gâchées. Déçue, elle s'assit et posa son front contre le bois de la table. Elle resta ainsi deux minutes jusqu'à ce qu'une secousse la sorte de sa torpeur. Bientôt vint une autre et ainsi de suite jusqu'à ce que son bras gauche devienne rouge et se recouvre d'écailles. Ses ongles devinrent des griffes et le reste de son corps suivi la transformation. Les épines dorsales déchirèrent ses vêtements et Mizu devint une salamandre tout à fait consciente. Elle s'observa dans le miroir attaché au mur, ses yeux étaient jaunes, elle était nue et toute recouverte d'écailles, ses griffes avaient laissé des traces profondes sur le bureau. Tout ce qui lui restait de son apparence humaine étaient ses cheveux blancs et noirs. Pour tester une nouvelle chose, elle posa sa main sur une flamme et ne sentit pas la chaleur, elle ne fut pas brûlée non plus. L'expérience était un succès. Folle de joie, elle reprit sa forme humaine et fonça chez son voisin de palier sans prendre la peine de se rhabiller. Elle frappa énergiquement et lorsque le jeune homme ouvrit, elle cria simplement.
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J'ai réussi !Avant de lui sauter au cou et de l'embrasser fougueusement. Surpris mais pas mécontent, l'étudiant se laissa aller et bientôt, ils e retrouvèrent tous les deux dans le lit du jeune homme. Alors qu'ils étaient en train de passer une folle nuit d'amour, Mizu remarqua que sa main gauche redevint une patte de salamandre, suivi du reste de son corps. Le lendemain, on ne retrouva qu'une chambre pleine de sang. Mizu culpabilisa, s'isola du reste du monde et travailla à nouveau sur une stabilisation de son produit. Chaque probabilité fut étudiée et chacune donna un produit d'une autre couleur. Elle en avait un bleu, un vert et un jaune mais n'osa pas se les injecter, de peur de ne pas pouvoir les contrôler. Pour une fois, elle n'était pas sûre d'elle.
***Seikusu, appartement de Mizu***
Une sonnerie tira la scientifique de son sommeil, elle ne pouvait dire combien de temps cela avait duré mais s'empressa de décrocher.
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Mademoiselle Moritoshi ? C'est le bureau de recherches, vous êtes prise et vous commencerez demain matin, 8h.