Et sur les murs de Nexus, il abattait sa lame,
Un héros, ce héraut.
L'armure rougie par le sang, il torturait les âmes,
Un héraut, ce héros.
Quand il parcourt le champ de bataille,
Que son arme il défouraille,
Se jetant tête baissée,
Dans le bain de sang de la mêlée!
Notre héros notre héraut!
Pourfend Nexus et ses félons
Aussi puissant qu'un bataillon.
…
A Ashnard, c'est encore ainsi qu'on chante ses louanges dans les tavernes. Tadeus Severus Palathéus est un vétéran, un véritable héros de guerre. Pourtant, en seize années de service, il n'est jamais monté en grade. On lui avait proposé bien des promotions, mais il ne s'était jamais senti meneur d'hommes. Il fut et demeura toute sa carrière un soldat d'infanterie première ligne, alors même que certains hauts gradés le traitaient avec une grande considération. La guerre était son gagne-pain, et il avait su mériter sa solde. On l'avait nommé l'Homme au Sang Abondant, car aucune blessure aussi violente soit-elle n'avait pu freiner sa charge. Il était admiré de toute l'armée ashnardienne, et sa fiabilité avait été reconnue par l'Empereur lui-même. Lorsqu'il quitta l'armée, beaucoup furent déçus, mais il méritait ce repos qu'il s'offrait. Certaines mauvaises langues prétendent qu'il aurait tout arrêté à cause de sa femme. C'est vrai, il avait arrêté pour sa femme.
Titus, lui, était un habitué de la taverne. Il était assis sur le comptoir, les jambes balançant au rythme des tambours des ménestrels, sur cette chanson qu'il adorait. Il avait à peine plus de dix ans, mais il venait enfant avec son père, et revenait régulièrement voir les troubadours devant un verre de lait frais. Il était toujours pieds nus, avec des vêtements de petit noble qu'il portait de façon assez négligée. Il participait aux conversations comme un adulte, fort instruit qu'il était, et considérait les piliers de comptoirs et autres habitués comme des amis de longue date. C'étaient des gens qui l'avaient accueilli avec une grimace souriante dès la première fois qu'il avait mis les pieds ici, sept ans auparavant, pendu à la main de son père, les yeux brillants de timidité.
Lorsque venait l'heure de rentrer, Titus était toujours accompagné d'un ou deux poivrots, qui ne marchaient pas droit et chantaient très fort dans la rue. C'était soi-disant pour assurer sa sécurité, ou pour le transporter s'il était endormi. Pour beaucoup ce genre de fréquentations aurait fait grimacer, mais Titus savait que jamais on ne lui trouverait meilleurs camarades.
Il arrivait devant les grandes portes de sa demeure. C'était une villa à la romaine, en plein quartier noble, possédant une cour intérieure devant l'entrée pour les écuries, et une autre cour derrière la maison. Une femme, grande et pâle, lui ouvrait et le faisait entrer, les yeux soumis et empreints de respect. Comme d'habitude, son père veillait dans l'atrium en attendant son retour, et l'amenait à sa chambre après une accolade.
Agé de trente-neuf ans, son père était un homme musculeux, au corps couvert de cicatrices souvent très imposantes. Son visage commençait à se creuser par le temps, mais son regard avait toujours cet éclat qui avait animé ses jeunes années. Il fermait constamment son œil droit, séquelle d'une ancienne maladie qui avait rendu sa rétine bien trop sensible à la lumière. Sa mâchoire carrée et puissante faisait ressortir son apparence de guerrier qui lui allait si bien, lui qui n'était autre que Tadeus Palathéus en personne. Il avait une voix grave et portante, qui allait de pair avec le coffre imposant que lui faisaient son torse et ses épaules larges. Ses cheveux noir corbeau se hérissaient naturellement sur sa tête comme s'il avait été une incarnation d'Asura en personne, et son nez était barré par une vieille entaille au niveau de l'arête.
Il entretenait son corps avec ardeur et le préservait de toute pilosité, ce qu'il trouvait disgracieux. Selon Tadeus, le secret de la jeunesse résidait dans l'effort. Garder une constitution solide était une chose primordiale, et il aimait à partager ses heures d'entraînement. On lui avait prédit dès le berceau une virilité incontestable, et absolument toutes les parties de son corps le prouvent, tant son éminence de chair que ses fesses fermes et rondes.
Même s'il était une véritable tête brûlée sur le champ de bataille, Tadeus était un homme bon et compréhensif. Il ne raillait pas n'importe qui n'importe quand, et savait se montrer aussi sage et juste que violent. Il était conscient de son manque de culture et de savoir-vivre, mais prônait son penchant à ne pas se soumettre aux codes de conduite qui auraient fait de lui un homme comme les autres. Tadeus n'était pas comme les autres. Et il chérissait cette idée.
Il se voyait avant tout comme un mentor, car il aimait à partager sa vision et ses expériences pour que les autres puissent s'en servir de bases. Il voulait laisser un héritage derrière lui, et rappeler au monde qu'il n'y avait pas besoin de savoir combien faisait la racine de trois mille huit cent deux pour prouver son intelligence. Pour Tadeus, la valeur ne tenait pas du talent qu'on pouvait posséder, mais de comment on l'employait.
Parce qu'il avait pris des vies, il avait appris à profiter de chaque instant de la sienne, et c'est aussi pour cela qu'il avait quitté l'armée. Tadeus aimait à boire, rire et chanter, et regardait toujours sa femme avec des yeux aimants. Peu importe qui passerait dans sa couche, il savait très bien qu'il n'en aimerait jamais aucune autre.
Rares sont ceux qui peuvent se targuer de connaître la vie de Tadeus, avant qu'il ne se démarque de la bleusaille dont il faisait partie, arme au poing. Et sur cette partie de son existence, il y a peu à raconter de toute façon. Tadeus est et restera à jamais un enfant d'Ashnard, qui est né et a grandi dans la cité. Il avait des amis, allait à l'école, connaissait chaque recoin de la ville, et, comme tous les enfants de classe moyenne, il n'était pas un ange immaculé. Il avait dès son plus jeune âge ressenti un attrait pour la force physique, et surtout sur la majesté naturelle qu'elle apportait. Pas besoin de vêtements soyeux et colorés, de dentelles et de bijoux. Avoir un corps beau et fort était à la portée de qui s'en donnait les moyens.
Alors, parce que c'est dans la nature des hommes, il se battait. Il se mesurait à ceux qui se prétendaient plus forts que lui, et on venait se mesurer à lui. Il n'était pas le meilleur, cependant, et il lui arrivait de rentrer chez lui, un grand sourire étiré sur une gueule cassée. Sa famille et ses amis s’inquiétaient de son sort, de voir ses joues enflées, ses hématomes sur les côtes, ses petites dents de lait qu'il tenait en morceaux au creux de ses mains. Il se battait de façon parfaitement innocente, sans autre but que de se sentir meilleur, dans le respect de ses adversaires. Ses amis joignaient leurs poings aux siens, et comme de jeunes pré-adolescents belliqueux qu'ils étaient, ils se battaient entre eux pour un oui ou pour un non.
Un jour, ce qui devait arriver arriva. Il avait quinze ans quand il a frappé la mauvaise personne. Il avait une bonne raison pourtant, le type extorquait l'argent de poche d'un de ses amis tous les deux jours. Mais ce gars-là avait la vingtaine, et une bande de copains, des paumés sans histoire eux non plus, sans un rond, qui vivaient du racket et de leur simple méchanceté. Ça s'est terminé en un conflit ouvert, à quatre contre quatorze, et personne ne s'est relevé, à la fin. Tadeus était allongé par terre, une arcade éclatée, la lèvre en sang. A ce moment-là, il ignorait qu'un de ses trois compagnons était mort d'un coup de couteau dans le buffet.
Il ne l'apprit qu'un mois plus tard, le temps de se remettre de la rixe, et d'être consigné chez lui par ses parents aussi énervés que paniqués. Il découvrait la mort, la perte définitive d'un être qu'il appréciait. Persuadé que tout était de sa faute, accablé par la culpabilité, il coupa les ponts avec le monde extérieur, et resta cloîtré chez lui pendant deux ans. Plus tard, on découvrait la bande de vauriens tabassés à mort dans une ruelle. C'était son secret. Son petit pêché honteux. Gagné par la colère et l'amertume, il s'était laissé aller à la vengeance sale et sanglante.
Il sortait déjà du lot le jour où il s'engagea dans l'armée. Il était le plus massif parmi les recrues, le plus fervent à l'entraînement, le plus attentif aux ordres. Durant cette période, beaucoup le prirent pour un simple d'esprit, qui s'était retrouvé là pour crever, pour que la famille soit débarrassée. Il était loin d'être sot, mais il était bel et bien là pour mourir.
Sa toute première bataille restera à jamais gravée dans sa mémoire, dans le moindre détail. Alors que l'armée ennemie les submergeait par le nombre, il avait rompu les rangs et s'était jeté à corps perdu dans la masse hurlante et assoiffée de combat. Il attendait de voir à quel moment il tomberait, mais aucune épée ni aucune lance ne le fit osciller un seul instant. Il était inflexible, et son avancée phénoménale permit à ses troupes de reprendre le dessus. Sa vie prit un sens nouveau. Il était à sa place là plus que n'importe où ailleurs. L'armée devint sa nouvelle famille, l'Empereur devenait son père, le fil de sa lame était alors le sens même de son existence.
La suite de sa carrière fut impressionnante et parsemée d'exploits. L'Homme au Sang Abondant était un atout indiscutable pour l'armée d'Ashnard, et le seul nom de Tadeus Severus Palathéus suffisait à faire reculer des garnisons entières. Il avait trouvé sa voie sur le champ de bataille. Il avait donné son âme et son corps à l'empire et à ses frères d'armes.
C'est au cours d'une permission qu'il rencontra Alera. S'il eut tout de suite le coup de foudre, ce ne fut pas réciproque. Le considérant comme une machine à tuer écervelée, elle l'avait rejeté comme un malpropre, froide et condescendante. Ils étaient issus du même milieu, mais elle avait quelque chose de distingué, des bonnes manières qu'il n'avait pas. Le temps les fit se connaître davantage. Il était capable de la faire rire, et d'avoir des discussions profondes et passionnées avec lui. Elle, devenait capable d'accepter sa noirceur, et partageait ses opinions, son sens aigu de l'honneur. Ils se sont aimés comme on pouvait s'aimer. C'était passionnel, fusionnel, charnel, mais aussi magique. Ils avaient une vie modeste, mais elle ne ressentait aucune crainte lorsqu'elle le voyait partir pour le front, armure sur le dos, épée à la main. Il lui disait toujours qu'il reviendrait. Et blessé ou pas, il finissait par revenir, le visage enluminé par un sourire comme il n'en faisait qu'à elle seule. Alera mit au monde un enfant, Titus Tadeus Palathéus. A partir de là, l'appel du foyer l'emporta de plus en plus sur l'appel des armes qui s'entrechoquent et du sang qui coule à flot.
Il fit parvenir une requête personnelle à l'Empereur en personne, lui demandant de quitter l'armée après des années de bons et loyaux services. Personne n'aurait imaginé que cette requête eût été entendue ni même acceptée, mais il fut convoqué pour une audience. Là, l''Empereur lui accorda le repos, et en récompense de ses exploits et de l'humilité dont il avait fait preuve tout au long de sa carrière, il obtint le titre de Prior Sanguinem, réservé à ceux qui ont fait couler le plus de sang au nom d'Ashnard, ainsi qu'un domaine dans les hauts quartiers de la cité.
Par la suite, il trouva le moyen de concilier son amour du combat, sa vie de famille et la prospérité de sa fortune. Accompagné de Creedo, le premier de ses esclaves, il commença à acheter et à former des gladiateurs. Très vite, le nom de Palathéus finit par être associé à toute une génération de combattants d'exception, et l'on venait de loin pour voir ses poulains combattre dans les arènes d''Ashnard. Au début, il formait personnellement ses esclaves au combat, raison pour laquelle on vint à lui en louer en tant que mercenaires. Les hommes de Tadeus devinrent rapidement des hommes d'arène et des hommes d'armes de renom, si bien qu'il arrivait qu'on les loue pour des services bien plus spéciaux. Tadeus est maintenant maître d'une bonne cinquantaine de gladiateurs.
Alera"Où que vous alliez Monseigneur, je ne vous suivrai pas. Je m'assurerai juste que vous ayez toujours un endroit où rentrer." Elle n'est autre que la femme de Tadeus, de cinq ans plus jeune que son époux. Née d'une famille modeste, c'est une femme dévouée et aimante qui sait faire montre d'une grande autorité sur son domaine, mais éprouve toujours une grande gêne dans les lieux où elle n'a pas ses aises. Son sens de l'hospitalité n'a d'égal que sa beauté, et elle sait se montrer bien plus débrouillarde que n'importe quelle autre femme de son rang, du fait de ses origines. Elle est bien plus maniérée et cultivée que Tadeus, mais ne se permettra jamais aucune critique à son égard. Tolérante, elle éprouve peu de difficultés à s'adapter à ses interlocuteurs, ce qui lui permet de participer aux mondanités tout en conservant sa propre intégrité. Alera est un véritable cordon bleu, une mère attentive, et ne le cachons pas, une véritable reine du devoir conjugal.
Creedo"Tu as épargné ma vie, et maintenant elle est à toi. Fais ce que tu veux de moi, je ne tomberai pas sans ton accord."Creedo est le premier gladiateur de Tadeus, et également son Champion. Il croisa jadis le fer avec Tadeus au cours d'une escarmouche, mais ce dernier épargna son adversaire en reconnaissant sa valeur au combat. Touché, Creedo le remercia et lui offrit sa vie et son dévouement, devenant ainsi esclave et trésor de guerre. Il considère son maître comme son ami sans jamais oublier quelle est sa place, et prend soin de Titus comme un grand frère bienveillant. Creedo accueille généralement les nouveaux esclaves en leur montrant que même un chien fidèle sait mordre comme une bête féroce. Il possède un palmarès plus qu'impressionnant, et un physique à la fois charmeur et exotique qui ravit ces dames. Il est souvent loué en tant que mercenaire, et parfois par les femmes qui y mettent le prix pour assister à ses performances. Autrefois adepte de l'épée courte, il a appris à diversifier son usage des armes, pour renforcer le côté spectaculaire qui attire les foules.
Perditia"Apprends où est ta place. Nous sommes ses objets, plutôt s'y soumettre que se rebeller et mourir."Perditia a une fonction double: elle est à la fois la tutrice de Titus, mais également la redresseuse de torts. C'est elle qui est chargée de châtier les esclaves qui se rebiffent, et de torturer toutes les personnes qui en voudraient à la vie de son maître. Elle est une adepte de la violence gratuite, et une dominatrice au sadisme incommensurable. Malgré son statut de femme, elle n'a aucun problème à mater les gladiateurs les plus coriaces, grâce à sa taille imposante, sa voix dure et son regard sec. Par contraste, elle est totalement soumise à ses maîtres et leur adresse un regard servile accompagné d'une voix mielleuse. Elle sert de défouloir sexuel à Tadeus comme à Alera, rares moments où on peut voir la dresseuse et bourreau à quatre pattes, couinant comme une jeune vierge. Elle est secrètement amoureuse de Creedo, mais se garde bien de le montrer à cause de son travail.
Ignaël"Je suis né enchaîné. Dominus m'a donné du vin et des femmes. Si jamais je devais être affranchi, je resterais à ses côtés."Ignaël est l'un des rares descendants d'un peuple nomade qui fut vaincu par l'Empire et réduit à l'esclavage. Ce peuple était autrefois constitué de pugilistes exceptionnels, et son père était un gladiateur mort dans l'arène peu avant sa naissance. Ignaël est né et a vécu marchandise, survivant comme il le pouvait dans les charrettes qui le transportaient de-ci de-là, couvert de chaînes, à vivre d'eau croupie et de quignons de pain dont sa mère se privait pour le voir grandir. Il fut finalement acheté et entrainé par Tadeus, qui le remit d'aplomb en l'espace de quelques mois et lui offrit une vie meilleure que tout ce à quoi il s'attendait. Ignaël n'est certes pas le meilleur des gladiateurs de Tadeus, il en reste cependant le favori de la foule, grâce à son comportement enfantin qui se mêle étrangement à ses talents redoutables au combat à mains nues. Son charisme lui a valu d'être épargné de l'exécution à plusieurs reprises dans l'arène, le public refusant de voir tomber le héros sympathique qu'il représentait. En tant que mercenaire, on ne lui a jamais confié de missions à hauts risques, mais il est le plus demandé pour satisfaire les envies de ces dames. Ignaël se peint toujours le corps de symboles tribaux avant de prendre part à un combat.
Lexa"Ma Dame, si j'étais incapable de tenir ma langue, je l'aurais coupée il y a longtemps."La seule esclave qui n'appartient pas directement à Tadeus est Lexa. Elle est la suivante d'Alera, sa confidente et la plus dévouée à la maîtresse de maison. Elle lui obéit au doigt et à l’œil et la suit comme son ombre, discrète mais bien présente en cas de besoin. Lexa faisait partie d'un clan d'assassins constitué uniquement de femmes avant d'avoir été capturée par l'armée de Nexus, pour enfin finir sur les marchés. Autrefois rebelle, elle s'est éprise de sa maîtresse et lui donnerait corps et âme pour un demi-sourire. Lexa est une E.S.Per capable d'annuler son poids et celui de tout ce qu'elle touche, lui permettant une agilité surhumaine, ainsi que la capacité de soulever n'importe quoi sans effort. Elle se charge d'éliminer dans l'ombre tous les ennemis de Tadeus, car les affaires autour des arènes ne sont pas toujours simples et honnêtes.
Teutatès"Je ne suis qu'un jouet, une attraction. Moi qui ait été au sommet, je patauge maintenant dans la boue."Ni plus ni moins que le Dieu gaulois Teutatès en personne. Oublié de tous, il a fini dans la déchéance et la solitude, et il n'a à présent que peu de gens qui croient en sa divinité. Pour Tadeus, il n'est qu'un Dieu païen, un paria dont l'existence et dénuée de sens. Teutatès est à présent bien inférieur à la plupart des divinités, mais reste néanmoins un homme fort et robuste, raison pour laquelle il est un gladiateur reconnu. Pour lui, la gloire et les honneurs de l'arène demeurent la meilleure manière de raviver son culte et son pouvoir, et il est vrai que curieusement, sa renommée le rend plus fort. Cependant, parce que Tadeus et Perditia s'en méfient, il n'est pas autorisé à quitter le domaine, sauf pour aller aux arènes.