Surnom : Princesse
Prénom : Séphora
Âge : 26 ans.
Bahra.
Séphora portait toujours un voile semi-transparent précieux qui couvrait le bas de son visage. Elle prenait soin d'accentuer la beauté de son regard par un maquillage soigné, du khôl en particuliers et de la poudre d'or ou d'argent. Son époux lui avait formellement interdit de retirer son voile en public. Peu importait sa tenue, c'était la seule partie de son corps qu'il désirait voir couverte: de ses pommettes à son menton.
Et lorsqu'il la dévoilait, le soir en rejoignant sa couche, il découvrait une figure resplendissante dont la seule tare était une cicatrice qui rayait les lèvres de sa compagne.
« -Coupée ?
-Arrachée. corrigea alors une courtisane.
-La pauvre... renchérit la première en fixant la silhouette de Séphora. «
Elles se turent à l'approche de la concernée qu'elles saluèrent d'une révérence courte. La voilée ne leur prêta guère d'attention et poursuivit son trajet à travers le harem du Sultan. C'était une large salle luxueuse dont la céramique était faite de pierres précieuses. En son centre, un grand bassin rectangulaire empli d'une eau claire et fraîche, que Séphora dut contourner d'un pas vif pour rejoindre l'estrade où trônait le souverain des Sables Blancs. Partout, des favorites se prélassaient, à moitié nues ou complètement, gardées par des eunuques à la peau noire. A la lueur des fanaux en cette soirée caniculaire, la frêle Séphora se présenta devant Darius, IIème du nom. Le roi l'avisa d'une œillade ennuyée et dut se résigner à chasser la courtisane agenouillée à ses pieds, qui activait ses lèvres pulpeuses sur sa queue bandée.
« -Si tu cherches ton époux, Princesse, il n'est pas là. »
Silence. Elle le toisait d'un regard bravache, comme si elle pouvait lire dans les pensées du souverain. Ses prunelles assombries par une sourde colère se contentèrent de lui envoyer un avertissement muet et elle fit demi-tour.
Cyrus était l'époux que cherchait Séphora cette nuit-là. L'un des commandants de l'Intifâr, frère cadet du Sultan. On lui reconnaissait une cruauté impitoyable lorsqu'il s'agissait des intérêts de son clan. Il avait été élevé à Ashnard, d'où il tenait toute sa connaissance martiale et son art du meurtre. Peu religieux, contrairement à son aîné, Cyrus demeurait une personnalité avide de pouvoir et de richesse. Lorsqu'on lui imposa d'épouser l'une des dernières descendantes de l'ancienne lignée des Sultans, il ne put qu'accepter amèrement le sacrifice. Séphora avait été retenue depuis sa naissance à Bahra, comme otage politique afin de dilapider les dernières prétentions de la dynastie vaincue. Éduquée comme une princesse, elle représentait pour Ashnard comme pour la famille régnante du désert, une valeur politique non négligeable et un symbole dangereux. Muselée dans la couche du Prince, elle lui vouait secrètement une rancœur tenace, mais ne se voyant pas vivre sans, subissait sa compagnie.
La Révolte.
« -Encore des insurgés.
-Ils menacent de prendre Ghibli ! S'énerva Darius furieux. »
Ses ministres reculèrent prudemment d'un pas. Seul Cyrus demeura appuyée nonchalamment à la table de réunion. A ses côtés, Séphora restait de marbre derrière son voile sombre. Il n'était pas rare qu'elle assiste aux réunions du cabinet. Son mari mettait un point d'honneur à l'avoir près de lui en tout temps, disait-on. La jalousie, la possessivité maladive : autant de facteurs qui transformaient le prince en un compagnon méfiant et protecteur. Quant au Sultan, il laissait passer ce caprice.
« -Tu iras, mon frère. Va, à Ghibli. Je veux voir toutes leurs têtes ornées les remparts de la cité. Femmes, enfants, peu m'importe. Quiconque sera surpris à leur apporter de l'aide. Tu auras tout un détachement de ma Garde, plus la garnison de Ghibli. Ne me déçois pas Cyrus.
-J'ai carte blanche ?
-Absolument. Je ne veux rien savoir de la manière dont tu géreras la crise. Je veux simplement des résultats. »
Le scribe tendit un papyrus de bonne facture à l'officier de l'Intifâr qui signa prestement son ordre de mission. Ainsi donc, son frère lui laissait la gouvernance temporaire de Ghibli.
Et le soir-même, le couple partait pour la vieille cité au cœur du désert. Séphora avait tenu à monter un étalon à la robe claire, plutôt que d'être transportée dans une caravane. Les soldats du sultan l'encadraient de près tandis qu'ils empruntèrent les routes principales, croisant pèlerins et marchands. Le voyage dura plusieurs semaines durant lesquelles, ils firent halte le long du fleuve.
A Ghibli, ils avaient été accueillis avec crainte. On leur avait ouvert les portes de l'ancien palais impérial où le prince et sa femme avaient pris place dans un luxe indécent. Des esclaves étaient arrivés par centaine du désert alentours : arrachés pour la plupart à leur tribu nomade, afin de servir activement les besoins de la nouvelle maison princière. Une officine de l'Intifâr avait également été mise sur pied et les espions-assassins s'activaient à faire tomber les têtes pensantes de la rébellion.
Un rideau de terreur venait de s'abattre sur la paisible Ghibli.
« -Quand me donneras-tu enfin un héritier, Princesse ? S'impatienta Cyrus. »
Ils profitaient d'un moment d'accalmie dans les jardins suspendus. Allongée sur un divan, la belle faisait la lecture d'un livre venu d'Ashnard. Elle prêtait peu l'oreille aux inquiétudes de son époux.
« -Séphora. » insista-t-il. »
Elle releva les yeux de son bouquin et barra ses propres lèvres d'un index lui signifiant qu'il devait se taire. Le prince se renfrogna soudainement.
« -Je me demande si en plus de t'arracher la langue, mon père ne t'avait pas arraché ce qui te sert de matrice. »
Il était de notoriété publique que Séphora avait reçu un châtiment cruel de la part du sultan Suleymah IV, son beau-père. Le souvenir douloureux rejaillit soudainement dans l'esprit de la princesse. Elle ressentait encore la souffrance et se remémorait ses cris d'enfant, ses pleurs, ses suppliques. La méthode barbare avait au passage lésé ses lippes charnues qui en gardaient une balafre disgracieuse. Cette difformité renforçait paradoxalement sa beauté sauvage et lui conférait un air farouche.
Le livre fut sèchement refermé. Elle le confia à une servante et se redressa pour quitter les lieux d'un pas vif et vexé.
« -Fait chier. Salope. » jura-t-il de colère, lorsqu'elle fut hors de portée.
A 23 ans pour elle, et à peine davantage pour lui, l'absence d'héritier mâle menaçait particulièrement son pouvoir et sa virilité. On attendait du prince Cyrus une vigoureuse descendance ; surtout après la perte de son neveu légitime et l'existence d'une tripotée de bâtards issus des harems de Bahra. Il avait discrètement fait signe à l'adresse d'une ombre tapie entre les palmiers de la terrasse. L'assassin de l'Intifâr sollicité s'était dépêché de se fondre dans les pas de la princesse. Elle ne les voyait jamais, mais devinait leur présence. Les hommes à la solde de son époux qui en dehors des gardes du corps officieux prenaient soin de noter chaque rencontre de Séphora et de vérifier l'identité des personnes à qui elle parlait : cela pour éviter au commandant la moindre infidélité, fut-elle d'esprit.
Lorsqu'elle devait se rendre au marché, la Garde bloquait les entrées de la place après l'avoir vidée. Si bien que les populations touchées par ces mesures commencèrent à crier à l'injustice. Auprès de l'opinion publique la princesse Séphora était un être détestable. Comment en aurait-il été autrement : mariée à l'un des dirigeants les plus cruels du pays. Pas un mot pour désavouer les tortures commises par son princier compagnon, pas un geste de charité, pas un sourire derrière ce voile honni. Depuis les balcons, les toits et les fenêtres, on apercevait sa silhouette altière montée sur un cheval aux riches ornements. Elle consultait les différentes étales, et se contentait la plupart du temps d'un mouvement de la main pour désigner à ses esclaves personnels ce qui l'intéressait. Un précepteur payait ensuite le marchand, et la belle poursuivait ses emplettes.
Ce jour-là, sous un soleil de plomb, un cri avait retenti à quelques mètres d'elle.
« -A BAS DARIUS ! «
Une agitation suivait le cri de ralliement. A l'une des entrées du marché, la Garde avait été débordée par un mouvement de foule. Des morts furent à déplorer d'un côté comme de l'autre. Le temps de maîtriser la bride de sa monture afin de faire face à une autre entrée et Séphora découvrait que la révolte avait gagné progressivement toutes les artères de la cité menant à la place. Les soldats de l'Intifar s'étaient ébroués dans l'espoir d'endiguer ce sursaut de violence, tout comme les militaires. Les serviteurs avaient déjà fui de toute part, effrayés et les insurgés se rapprochaient dangereusement.
Adroite, elle lança avec fureur le cheval au galop pour fendre la masse compacte, sans prendre garde à qui elle percutait. Un feu venait de partir côté sud, elle retourna donc vers le Nord, calme et attentive. L'un des guerriers du Sultan, eut la présence d'esprit de lui libérer un passage à travers les révoltés. Il le paya de sa vie dès qu'elle put fuir à travers les ruelles. Elle ne pouvait renier cette peur qui tordait ses entrailles et s'apaisa qu'une fois aux abords des fortifications de la citadelle impériale qui surplombait la ville.
La Tyrannie de Cyrus.
Environ trois mois après les incidents survenus, alors que la garnison de Ghibli avait réussi à mater la rébellion, le prince avait renforcé les lois martiales faisant de la cité une autocratie sanglante. Les têtes des présumés assaillants du marché ornaient lugubrement les murailles dentelées de la ville. Chaque marchand, chaque pèlerins, visiteur ou habitant pouvait admirer le spectacle de ces crânes qui nourrissaient la charogne alentour.
On disait que le commandant Cyrus avait été fou de rage en apprenant ce qui était arrivé à sa douce. Sa colère avait duré trente nuits durant lesquelles, Séphora avait été enfermée dans la plus haute tour du Palais, à l'abri des regards. Il avait reporté sur elle toute sa fureur, sans la blesser, il l'avait fait prisonnière. Gardée systématiquement par ses meilleurs assassins. Il n'existait pas une ombre qui ne guettait pas les moindre mouvements de la belle captive dont le sort la laissait amère. Au terme de ce mois d'ire, elle put à nouveau déambuler dans le palais. Les jardins lui furent toutefois interdits.
« -Votre Altesse, » s'exprimait une esclave âgée, aux côtés de la princesse. Elle s'adressait à Cyrus avec respect. « Séphora apprécierait se promener dans les jardins.
-Non, Princesse. »
Lui était affalé sur son trône comme un pacha. On lui apportait des papyrus qu'il signait du bout de son calame en or. Des actes de condamnations à mort. Une flopée. Il lisait à peine le jugement et déclarait la mise à mort viable par un seul tracé. Séphora envoya un regard insistant à sa servante.
« -Elle dit que ce serait mieux pour le bébé. Un peu d'air frais»
Blanc. Cyrus repoussa sèchement un document qu'on lui tendait.
« -Répète ?!
-La princesse attend un enfant, Votre Altesse. Le vôtre. »
Et la nouvelle se répandit comme une traînée de poudre. Bientôt, un nouveau prince verrait le jour. Éligible au trône du Sultanat. Néanmoins, sitôt permise de flâner dans les jardins suspendus, la belle se mit à s'inquiéter. Son stratagème ne durerait pas. Bientôt, Cyrus se rendrait compte que sa grossesse est inexistante. Elle devait trouver un moyen de fuir, rapidement.
Sa panthère noire sur les talons, elle longeait les palmiers qui bordaient les limites de ces haut-jardins. Le félin, docile, traçait ses pas avec loyauté. La demoiselle avait conscience des soldats de l'Intifâr qui veillaient sur elle, protégés par les ombres et les subterfuges. Même dans sa chambre ils étaient là. Ils la voyaient se déshabiller, se parer d'or et de diamants. Leurs yeux dévoraient sa peau nue, et ils tâchaient de contenir leur érection tant bien que mal. Pourtant, elle espérait qu'un jour, l'un d'eux soit assez faible pour succomber.
Ce jour-là, il apparut dans le reflet du miroir, tandis qu'elle se parfumait avant de rejoindre sa couche. Depuis l'annonce de l'enfant à venir, Cyrus ne partageait plus son lit., préférant ses maîtresses et esclaves. L'assassin s'était dévoilé à la lueur des fanaux colorés ; il était d'un âge mûr et possédait des airs hirsutes. Sa barbe était mal taillée et ses cheveux désordonnés. Seul à veiller sur la sécurité de la noble cette soirée-là, il n'avait su réprimer l'envie de s'en approcher. Déesse dénudée, assise avec grâce sur un trône de peaux de bêtes rares, devant sa coiffeuse.
« -Princesse. »
A côté de ses cosmétiques, la concernée s'empara d'un calame qu'elle trempa dans son pot de khôl pour rédiger une note à même le tissu du meuble.
« -Je t'attendais. »
Elle ignorait le nom de l'audacieux. Lentement, elle rabattit sa longue chevelure d'ébène dans son dos et découvrit ses seins modestes mais galbés. L'homme la mirait avec insistance. Il avait lu le mot, l'avait pris comme un accord et allié à ce geste sensuel, il perdit sa raison. Ses mains d'assassin capturèrent les frêles épaules de la perle d'Orient, les malaxèrent avec fermeté. D'une poigne tremblante, déconcentrée par l'excitation que lui procurait ce contact grossier, elle écrivit une nouvelle fois.
« -Délivre-moi. Et je m'offrirai à toi. »
En trente minutes, il lui avait trouvé un uniforme de l'Intifâr. Elle s'en était drapée et il l'avait conduite par les voies de services à travers le palais. Reste près de moi, garde les yeux bas. Telles avaient été les recommandations de son supposé sauveur.
Une heure plus tard, elle goûtait à la liberté, débouchant sur une ruelle où les domestiques jetaient les déchets. Séphora aurait voulu partir, immédiatement. Mais une main autoritaire l'avait retenue par le bras.
« -Honore tes promesses, Princesse. »
Muette, elle s'était laissée faire. Retournée face au mur, elle n'avait émis que des gémissements étouffés alors que l'assassin s'affairait à la posséder brutalement, sans considération pour son rang. Il n'était qu'une bête qui assouvissait ses instincts, pénétrant avec hargne l'intimité qu'il convoitait depuis des semaines. L'étroitesse de ces chairs brûlants manqua de le faire jouir, mais il s'efforça de profiter longuement. Elle se surprit à crier quand il échangea le confort de sa chatte pour l'entrée de sa croupe qu'il abusa en plaquant la belle contre le mur. Le tout n'avait duré que quelques minutes, à peine. Et elle y avait consenti, s'estimant pleinement remplie. L'inconnu était plus vif que Cyrus, plus fougueux, plus possessif. Il la transperçait avec désir, se l'appropriait comme l'on s'appropriait une putain. Elle n'était plus précieuse, plus princesse. Elle payait sa liberté. Et le foutre qu'il finit par envoyer dans ses entrailles lui parut être un coût agréable. Séphora en souriait, manquait de jouir à son tour.
Elle était libre.
Yeskarra
Séphora l'avait achetée sur un marché d'esclave à Hout, des semaines après sa fuite. Elle avait précieusement économisé les diamants de la parure qu'elle portait ce soir-là. Les trois premières pierres lui permirent de payer sa place dans une caravane marchande en direction de Hout. La quatrième lui avait permis d'acquérir des vêtements et un étalon. Enfin, la cinquième fut largement suffisante pour acquérir la dénommée Yeskarra. Dans la quarantaine, cette femme robuste avait une peau sombre, trop sombre, marquée par de nombreuses cicatrices. Elle n'était pas très gracieuse, quoiqu'on aurait pu lui trouver un charme certain dans sa prime jeunesse. Son corps était couvert d'un simple pagne et ses seins à l'air libre pendaient faiblement.
Ce qui intéressa Séphora chez cette esclave fut son don de télépathie. Elle ne venait pas d'acheter une servante, mais une langue. Qui parlerait pour elle. Il était rare dans le Sultanat que des femmes et des hommes naissent avec ces dons particuliers. La sorcellerie et la magie se pratiquaient dans certaines sphères, mais les pouvoirs innés demeuraient choses rares. Aussi, elle partageait désormais son sort et les routes avec cette femme noire qui savait lire dans ses pensées, mais surtout, qui savait parler.
Situation de départ : Vier....non je plaisante.
Autres : RAS.
Comment avez vous connu le forum : TC, triple-compte, biatches.