Le gars qui s’approchait de lui était dans le pur style badboy. Presqu’un cliché : une démarche un peu lourde et décidée, des rangers (arme de destruction massive contre les testicules), un regard dur où se mêlait la pitié que lui inspirait Roka, une barbe de trois jours, une clope au bec (qu’il ne tarda pas à jeter par terre. OUI, PAR TERRE, sur la pelouse de SON gymnase !). Bref, le genre de mec que tu n’as pas vraiment envie de te mettre à dos.
Le professeur de sport ne compris pas tout de suite, tant il baignait dans un océan de félicité : confortablement allongé dans l’herbe, les rayons du soleil caressant son visage, la tête posée sur les cuisses moelleuses d’une jeune fille… Pourquoi cet homme venait troubler son répit ?
Peut être était-il un parent d’élève ? Non, bien trop jeune… Un grand frère alors ? Qui venait lui casser la gueule parce qu’il était en train d’abuser de sa jeune sœur ?
Un peu tendu, Roka se releva sur les coudes. L’homme écrasa son mégot.
« Et ben dites donc ! C'est cours de glandouille ou cours de sport ? Si même le prof n'en fout pas une rame, ça va mal se passer ! Manquerait plus que foutre des notes à la tête du client. Ça file la gerbe mine de rien ! »
Ok, peut être que c’était le frère d’une des élèves. Ce qu’il disait ressemblait beaucoup à une vengeance. Peut être qu’il avait refusé les avances de sa sœur, ou mal noté son frère, et que l’élève envoyait son frangin pour lui mettre une raclée ?
Les étudiantes s’étaient resserrées autour de Roka, comme s’il allait les protéger… Non mais oh, je vais pas me battre pour vous les gazelles ! Manquerait plus que ça… Quoique… Si je joue les héros… Je pourrais peut être me faire les quatre ?
« Excusez-moi, à qui ai-je l’honneur ? Vous êtes de la famille de l’un de mes élèves ? »
Roka avait commencé aimablement, en vouvoyant le rustre. Mais il se hissa sur ses pieds, tandis que les demoiselles reculaient un peu plus loin. Il y avait dans l’air une tension assez palpable…
« Dis le clown, je cherche un vrai prof ! J'en trouverai un où ? Je parle d'un prof sérieux, pas un branquignolle ! »
Le sang de Roka bouillonna. Certes, il n’était pas devenu prof à cause d’une vocation qui l’avait touché comme la grâce, et il n’était pas toujours des plus sérieux. Mais lorsqu’il donnait cours, il le faisait sérieusement. Son regard s’assombrit :
« Un vrai prof ? Mais qui t’es pour juger si je fais mal mon boulot ou pas ? En attendant y’en a un qui est sur son lieu de travail, et l’autre qui a rien d’autre à foutre que d’aller emmerder les autres. Mec, si tu cherches la merde casse-toi, je suis avec mes élèves là. »
Mais Roka n’était pas convaincu que ce dernier argument ferait le poids. Au pire, s’il devait se battre, il était prêt : quand on est prof de sport et qu’on s’est entraîné à tous les sports (y compris les sports de combat), on partait déjà avec un net avantage. D’un autre côté, il s’était rarement battu et ne savait pas trop ce qu’il valait en face d’un mec comme Gabriel, qui avait sûrement une expérience de bastonneur assez longue derrière lui…
Au pire, même si je me fais ramasser, les filles seront au petits soins pour moi. Dans les deux sens, je suis gagnant, j'ai rien à perdre ! (à part quelques dents, mais ça, il n'en est pas question...)