Dans ce monde il existe des grands, qui mènent par leur parole des milliers de gens du commun. Ils sont puissants, sages et emplis d'autorité... Du moins sont ils sensé l'être et comme tout à chacun il leur arrive de commettre une erreur. Je suis le fruit d'une d'entre elle, né de l'union de l'héritier d'un trône et d'une servante d'un de ses futurs vassaux. Ce dernier était un seigneur puissant, issu d'une lignée ancienne et doté d'un grand honneur, qui ne tarda pas à se rendre compte de l'infamie commise par son futur roi, la possibilité d'un bâtard qui amènerait discorde et complot au sein d'un paisible royaume. Il fallait donc le faire... Disparaître... Non pas sous l'apparence d'un mariage avec un homme qui aurait pu se prétendre amant de la servante, mais d'une façon bien plus définitive, de telle sorte que même si la supercherie était par la suite découverte elle ne puisse plus nuire à personne. Après tout quelle revendication peut bien avoir le cadavre d'un nouveau né ?
Seulement... Il existe des lois, qu'on dit instaurées par les premiers rois ou même par les dieux, qui empêchaient son courroux de s'exercer. Il ne pouvait ainsi mettre à mort une femme dont le nourrisson était à naître, pas plus qu'il ne pouvait devant tous sanctionner un enfant pour les crimes de ses parents... Il enferma alors la jeune femme dans un cachot, le plus sombre et le plus reculé de la forteresse, où on la nourrit, dans un premier temps, assez pour que son enfant naisse entre ces quatre murs. Cet accouchement... Ce fut une épreuve face à laquelle nombre de femme auraient péri, que ce soit par le manque d'alimentation de la mère à venir ou l'absence de soin lors de son labeur, et encore plus d'enfants seraient alors morts. Seulement, le petit et la mère survécurent, tant à la naissance qu'aux infections qui s'ensuivirent... Mais on les délaissa peu après, la nourriture et l'eau ne vinrent plus, et cela pour que les dieux décident de leurs sorts.
Mais il ne moururent pas... Les cachots étaient emplis d'insectes et de rats, dont la chair et le sang furent suffisant pour les maintenir en vie, et la mer étant proche, la pluies dont l'eau ruisselait entre les barreaux les hydratait. Cela suffit... Pendant un temps... On ne peut vivre dans un tel milieu sans tomber malade, et cela fut un miracle que l'enfant y résista pendant huit ans, assez longtemps pour voir sa mère y succomber enfin.
Comment puis je savoir tout cela alors que je n'étais pas encore né ou au mieux un nourrisson ? Pour la simple raison que tous nous avaient oubliés, tous sauf un, un vieil homme, rongé par le remord, qui revenait régulièrement sur les lieux de son crime afin de s'expliquer encore, et encore, auprès de ses victimes, jour après jours, mois après mois, année après année. C'est ainsi que j'appris mes premiers mots, c'est ainsi que je sus qu'il y avait quelque chose au delà de nos quatre murs, c'est ainsi que je ne suis pas devenu fou après la mort de ma mère dont je n'ai pu qu'observer le corps se décomposer et empuantir la pièce, jusqu'à ce que les charognards achèvent de la dépecer, et même après... J'avais récupéré le vulgaire coutelas de pierre, façonné à partir d'un fragment de mur abîmée, afin de tuer désormais moi même les rats et me nourrir, je jetais moi même mes déchets par les barreaux, et j'étais désormais seul à entendre le seigneur s'excuser, des excuses qui ne me donnaient que davantage envie de sortir, de découvrir ce monde au dehors d'où il venait et que je pouvais maintenant voir par ma fenêtre... Et surtout qui entretenaient ma haine à son égard, une haine qui ne faisait que croître alors que je comprenais de mieux en mieux ce sentiment.
Durant quatre longues années il persista à revenir, toujours surpris de me voir vivant, tout comme il l'était avant à l'égard de ma mère...Puis brusquement il cessa de venir... Et la solitude dura alors assez longtemps pour que je crus devenir fou...Quelle ironie cela aurait été que de craquer de par la disparition du responsable de mes malheurs. Puis un jour, alors que je me nourrissais d'un nouveau rat, la porte s'ouvrit, et m'offrit la vision du premier visage dont je peux me souvenir en dehors de ceux de ma mère et du seigneur. Ce fut aussi la première fois que je vis une arme et une armure, sans avoir la moindre idée de leur fonction, mais leur apparence me fascina... Une fascination qui ne dura guère car le garde, c'en était un, me saisit brusquement le bras et me jeta pratiquement hors de la cellule, en me parlant sévèrement. Je ne compris pas tout ses mots sur le coup, mais ce que j'avais compris c'est que je n'avais plus à rester dans mon « monde ».
Aujourd'hui, je sais que j'ai été libéré car le vieux seigneur était finalement mort de vieillesse, et qu'avec l'accession au pouvoir de son fils il avait ordonné un édit de clémence pour que tout les habitants de ses geôles soient relâchés, exception faite des coupables de crimes de sang et des traîtres... Et j'eus tout simplement la chance que le garde décide d'ouvrir toutes les portes derrière laquelle il était certain qu'il n'y avait pas de meurtrier, même celles derrière lesquelles il ne devait y avoir personne. Cependant ce que je sais aussi c'est que je 'ai pas survécu car les ideux en ont décidé ainsi, mais car j'ai tout fait pour.
Mais cela fut loin d'être la fin de mes peines... Lorsque je fus mené avec les autres repris de justice je pus tout d'abord constater leur stupeur. Tait ce à cause de mon jeune âge ? De mes pupilles dilatées, habituées à devoir scruter la pénombre ? Ou encore de par ma peau, plus pâle que celle de n'importe lequel d'entre eux, caractéristiques de celui qui n'a presque jamais connu les rayons du soleil... Ce soleil d'ailleurs... Je crus bien devenir aveugle la première fois que je le vis ! Ce fut un vrai supplice que de me traîner au premier coin d'ombre venue, d'apaiser la souffrance de mes yeux, qui persista des jours durant, avant d'enfin m'accoutumer à ce soleil... Des jours douloureux, car je ne savais comment me nourrir dans ces grandes allées. Il y avait bien plus d'espace qu'entre mes 4 murs, mais bien moins de rats, qui avaient qui plus est bien plus d'espace pour courir, sans compter que je n'étais pas le seul à essayer de les attraper. Ce fut ainsi que je découvrais pour la premièe fois la douleur physique causé par un autre être humain, en même temps que je les découvrais et m'émerveillait de leur diversité. Ce fut aussi alors que je regrettais l'abri de mes quatre murs, quand je ne pouvais dormir au mieux qu'entre deux ruelles où le vent sifflait et dans laquelle la pluie s'abattait. Je crus bien y mourir, bien plus assurément que dans mon cachot. Je n'avais rien si ce n'est un nom, un nom, et un titre, Lois III, roi de Melinka, mon père.
Et c'est à ce nom que je me raccrochais pour survivre, assez pour que je comprenne qu'il ne fallait pas que je compte sur mes seules ressources pour subsister au milieu de tant de personnes, mais aussi sur celles d'autrui, avec leur accord, ou non. Ainsi, tout en en apprenant plus sur la capitale et sur mon père je commençais à voler, et à mendier les jours où j'étais moins chanceux... Puis je me suis lassé de me cacher, encore. Je n'étais pas le seul enfant des rues, et je n'étais pas le plus jeune, or au fil du temps je m'étais accoutumé à cet environnement, alors j'ai commencé à extorquer, à arracher à d'autres le fruit de leur journée. Un monstre vous me direz... Mais il y en a de bien pires, au moins ne les frappais je pas plus que nécessaire... Et je faisais d'ailleurs bien attention à ne pas attaquer les protégés de ces « monstres », une erreur commise une fois, et qui m'avait coûté un doigt, l'auriculaire de ma main droite. Les choses à vrai dire se passèrent tant et si bien qu'au bout d'un moment je n'avais plus à courir après les autres pour leur prendre leur bien, ils venaient d'eux même me l'offrir. Cela ne dura pas cependant, parmi les rats affamés, les plus grands mangent les plus petits, et il fut ainsi aisé pour des adultes des bas fonds de se soustraire à moi, mais je m'en moquais... Je n'avais cure du sort des autres enfants et j'avais amassé assez d'argent et de nourriture pour atteindre mon objectif, la capitale, en trois ans d'errance dans les rues j'avais eu le temps de me renseigner.
J'aurai pu partir depuis longtemps en payant une caravane pour en faire partie, mais je ne faisais confiance à personne d'autre que moi même. Après tout qu'est ce qui me disait qu'il n'y avait pas une personne qui savait pour le petit bâtard du roi et qui le pensait simplement mort ? Improbable qu'il me reconnaisse, oui, mais en même temps... Je devais bien ressembler d'une quelconque façon à mon père... En même temps il est vrai que j'aurai aussi pu partir par moi même bien avant, mais... Il faut croire que j'appréciais ce petit pouvoir que j'avais acquis, c'était la première fois que je possédais quelque chose... Mais en même temps sa perte ne m'a pas meurtri outre mesure. L'habitude de ne rien posséder persistait visiblement.
Je suis donc parti pour la capitale... Le froid des nuits, les rations qui pourrissent et la méfiance à chaque individu que l'on croise sur la route, parfois à raison...Voilà qui ne me changeait pas vraiment de mon quotidien, et après ces difficultés je parvins finalement sous les murs de la capitale et pour être tout à fait honnête je fus impressionné. J'ai certes vécu dans une grande ville depuis ma sortie du cachot, mais ce n'était en rien comparable à cela. Toutes les rues resplendissaient de vie, et si comme partout ailleurs il y avait son lot de pauvre et de malheureux au moins étaient ils des personnes qui semblaient prendre soin d'eux... Mais je ne m'y attardais guère, mon regard fixé vers le palais qui se voyait au bout de la longue rue principale. L'atteindre fut aisé mais une fois devant, comment entrer ? Les portes étaient ouvertes oui, et des individus, riches comme pauvre, s'amassaient pour parler au roi, mais il y avait des gardes, et quand je voulus entrer ils m'abordèrent.
Quel est ton nom ? Voilà quelle fut leur question, celle qui me hanta durant de longue années. William, fut certes ma réponse, mais cela ne leur suffisait pas, l'homme à la lance me répondant, William quoi ? … William rien était la réponse. Je ne savais même pas à vrai dire alors ce qu'était un nom de famille, et étant incapable de me présenter correctement, il va sans me dire qu'on me repoussa avec diligence. Je ne sais pas pourquoi, mais à l'époque je fus assez intelligent pour ne pas me prétendre du sang du roi, la vérité oui, mais cela ne m'aurait sans doute valu que des ennuis.
Toujours était il qu'il ne m'en fallait pas moins approcher le roi... Mais j'avais mis 12 ans à sortir de mon cachot, et trois autres pour rejoindre la capitale... Combien m'en faudrait il ne serait ce que pour le voir ? Je l'ignorais, alors j'attendis, près du palais, guettant les gens qui en sortaient afin de savoir pourquoi eux avaient pu y entrer, mais pas moi. J'y vis des serviteurs, des gardes, des artisans, et surtout des nobles, peut être que j'étais fasciné par leurs riches vêtements, à moins que ça soit leur probable lien avec mon geôlier... Et je ne croyais pas si bien dire car soudainement, l'un d'entre eux, la quarantaine sans doute, se mit à me fixer en retour, à me dévisager... Et avant que je ne puisse réagir il fit un signe aux deux hommes l'accompagnant, et à les voir courir vers moi, je compris rapidement qu'il ne valait mieux pas qu'ils me rattrapent.
Or, s'ils avaient de plus grandes jambes que moi, j'étais plus leste et rapide, de telle façon que je n'eus pas grand peine à les semer dans les ruelles... Seulement ils étaient bien plus nombreux que deux, et les taverniers parlent facilement. Quelques questions dans la bonne auberge, aussi miteuse fut elle, et je me réveillais avec trois piques pointées sur mon torse... Dire que j'avais juste souhaité passer au moins une nuit confortablement...
Je fus ainsi amené, entrave au pied, dans une aile du palais, dans une suite qui avait été offerte à un noble, le même que celui que j'avais aperçu et qui m'avait dévisagé, seigneur qui congédia ses gardes et me saisit la mâchoire, me forçant à relever la tête, alors qu'il scrutait mon cou... avant de me relâcher et de m'inviter à m'asseoir... Je ne savais que penser, mais je le fis, et c'est ainsi que commença la conversation la plus importante de ma vie.
"Ainsi c'est toi... Celui auquel mon père faisais des excuses dans sa lettre, dis moi petit... Sais tu ce que tu es ?"
Tout en parlant celui qui s'avérait être le fils de mon geôlier s'était servi une coupe de vin, qu'il but d'une traite, mais sans parler de nouveau, il attendait ma réponse...
"William... Le bâtard du roi."
Il grimaça, semblant ennuyé par la chose.
"Ainsi donc tu le sais, voilà qui est... Fâcheux. Je n'attends pas d'un morveux qui a vécu 8 ans dans des cachots qu'il sache en quoi cela peut être, mais tu sais ce que je devrai faire de toi ?"
Je n'aimais pas son intonation...Et la façon qu'il avait de me parler ne me rappelait que trop les propos de son père, quand il venait s'excuser. Ainsi je me tus, et face à mon silence il reprit la parole.
"Si j'avais lu la lettre de mon père avant d'exercer ma clémence, tu n'aurais sans doute pas été libéré. Te ramener à ta place ou t'éliminer de suite, voilà ce que je devrai faire. Cependant, je suis un homme curieux, et je me demande comment un bâtard, sans famille, sans relation, sans bien et surtout sans rien savoir a pu voyager jusqu'à la capitale."
Je n'avais pas fais tout cela pour retourner dans ce cachot, maintenant que j'en étais sorti, j'avais trop vu le soleil pour m'en voir privé, et cela se vit, par mon corps qui se tendait... Mais je finis tout de même par lui répondre.
"J'ai appris... Rapidement, et vite, comment survivre, comment éviter les gens qui pouvaient me nuire et comment obtenir ce que je voulais de ceux qui me craignait. J'ai volé, frappé, fui... Et me voilà."
"Voilà... un récit intéressant, court, imprécis, mais intéressant. Il faut une sacrée force de volonté pour survivre comme tu l'as fait, mais justement à quoi était dédiée ta volonté, que veux tu ?"
Être reconnu par le roi ? Non... Si je disais cela je savais que je mourrai, mais en même temps, mentir n'était pas alors un de mes forts... Et je dis donc la vérité, celle qui m'avait assailli lorsque le garde m'avait interrogé devant le palais.
"Un nom... Je veux un nom."
"Tiens donc, pourtant tu en as déjà un, tu me l'as donné."
"Pas celui là, l'autre, que tout le monde possède également."
Il sembla de nouveau fâché... Mais finit par répondre avec un sourire.
"Tout le monde, sauf les bâtards, et c'est ce que tu es, et tu n'auras jamais celui de la famille royale Ë-Kabaria. Cependant... Je suis aussi sot que mon père, mais moins paniqué. Donc, voilà ce que je te propose, sert moi, et tu obtiendras ton nom."
Servir... L'idée ne me plaisait guère, surtout pour une récompense aussi gâtée, mais j'étais curieux.
"Pourquoi me garder ? Vous avez dit vous même que j'étais une menace pour la stabilité du royaume."
Il eut un sourire en coin et se servit de nouveau une coupe... Avant de me la tendre.
"Il est bon parfois d'avoir une arme prête à servir contre l'homme que l'on sert."
Bien sûr je ne compris pas sur le coup que je servirai de moyen de dissuasion si jamais le roi se décidait à nuire à sa famille. Après tout quel seigneur serait prêt à voir un bâtard dévoilé aux yeux de tous ? Ainsi, je servis ce seigneur, Edwan, de la famille Aeslash, d'abord en tant que page, mais ce n'était là qu'une excuse pour entrer avec lui au palais. A vrai dire je n'ai à aucun moment réellement servi de page, je servais à écouter, à regarder... Et regarder cela je le fis, lorsque je vis pour la première fois le roi et sa famille. Un spectacle, qui m'énerva alors plus qu'aucun... J'éprouvais de la rancœur à l'encontre de cet homme qui jamais ne m'avait connu, du mépris à l'égard de cette femme, assise là où aurait dû être ma mère de la jalousie à l'égard de mon demi-frère, prince légitime du trône, et de ma demi-sœur que je ne vis pas mais dont j'entendis parler, tout deux nés de la bonne mère... Et de la haine, une haine profonde et intense à l'égard de cet autre enfant, de 8 ans mon cadet, qui se voyait accueilli au sein de la famille royale, sans avoir la moindre goutte de sang en commun avec eux, qui se voyait offert tout ce que j'aurai pu avoir de par la « bonté » du roi...
Cependant je ne pouvais rien faire, et je sus alors... Je sus que je devrai me contenter des miettes, quand même j'acquérais un nom ça ne serait pas celui auquel j'aspirerai... Mais c'était mieux que rien, au moins... Existerai je. Edwan finit par quitter la capitale, mais j'y restais, sous prétexte d'être formé avec d'autres pages... Seulement je n'avais pas reçu leur éducation, je ne savais pas me battre avec des armes et j'étais moins fort et endurant qu'eux, sans parler du fait que je ne savais ni lire ni écrire... Seulement, j'étais rapide, je connaissais des astuces et j'apprenais vite. Ma vitesse répondit à leur force, du sable dans les yeux riposta face à leur moulinet et pour compenser leur éducation j'appris par moi même. Chaque moi je faisais un rapport à Edwan, d'abord par l'entremise d'un intermédiaire, puis par oiseau quand je sus écrire, bien que mal. Je ne parlais alors pas de moi, mais des autres, lui dire quel fils de noble avait couché avec quelle fille d'écurie, lui communiquer quel comte était attiré par les enfants, oue ncore lui apprendre les dessins du roi.
Mon dernier message lui fut transmis neuf mois après le premier, où je lui apprenais la disparition du prince Jim, car peu après avoir envoyé l'oiseau je fus saisi, comme tant d'autres parmi les suspects. Un sort terrible nous attendait... Mais les informations que je connaissais me furent utiles, car je compris rapidement que certaines d'entre elles avaient à voir avec la disparition du prince, pourquoi tel homme d'arme discutait avec une étrange personne, pourquoi quel page jouait aussi souvent avec Jim alors qu'il en était avant distant, tout ça pour un plan parfaitement élaboré... On crut bien sûr qu'au vu des informations en ma possession j'y étais impliqué... Seulement les autres ne me connaissaient pas, ne savaient pas qui je suis, alors qu'ils s'accusèrent mutuellement, ce qui me laissa le bénéfice du doute.
Mais comment avais je tout de même obtenu ces informations ? Voilà qui avait interessé le roi, qui vint lui même me voir. Il ne me connaissait pas, ne m'avait jamais vu avec personne... Et toujours la même question, et toujours la même réponse, incomplète. Ainsi, il sut que j'étais un bâtard, mais ignorait que j'étais de lui, et il comprit ma volonté d'acquérir un nom, et me fit la même offre qu'Edwan, de le servir, en particulier pour retrouver son fils bien aimé, ayant déjà contribué à l'arrestation de certains responsables... Et je compris rapidement que les miettes offertes par un roi seraient plus grosses que celles offertes par un de ses vassaux... Et tôt ou tard il n'aurait pas le choix de faire face à la vérité.
Ainsi on me laissa repartir malgré mon jeune âge, mit quelques moyens à ma disposition et... Commença à servir le roi. Bien sûr Edwan continua à me contacter, et je continua à lui offrir ce qu'il voulait. Je grandis, et avec ma taille le firent mes talents, maîtrisant petit à petit l'épée, le couteau et l'arbalète, achevant d'apprendre à écrire, à lire, à compter, et à parler aussi bien en Melian qu'en Kryen ou en commun. Puis, de par mes talents je dus m'acquitter d'autres taches, tel le « nettoyage » quand ce dernier posait trop de problèmes pour être fait de façon officiel, quant à mes paiements... Je savais qu'une seule tâche ne suffirait pas pour valoir ce que je souhaitais, alors je m'acquittais de celle qu'on m'ordonnait, sans rechigner, tout en bénéficiant des ressources nécessaires à cela... Mais pourquoi continuer à servir Edwan alors que le roi pouvait m'offrir plus que lui ? Tout simplement parce que ce ne serait pas un nom que je demanderai de lui le moment venu, mais la lettre écrite par son père qui prouvait ma descendance.
Seulement les choses prirent un tour inattendu il y a de cela trois ans quand j'eus la certitude qu'Edwan s'adonnait au trafic d'esclave, une pratique interdite sur nos terres et dont j'avais éliminé un certain nombre de partisan. La chose aurait encore pu être ignoré comme tant de travers des nobles, seulement le nombre d'esclave était trop important et Edwan avait commis une erreur dans son calcul... Je n'étais pas un âne devant lequel il suffisait d'agiter une carotte pour qu'il obéisse, j'étais peut être un outil, mais je choisissais la main que je servais. Or... Il s'avérait que mes propres souffrances passées m'amenaient à ne pas être aussi cruel qu'on voulait me le concéder, du moins quand ce n'est pas nécessaire... Je livrais les informations au roi et la mission me fut donné de m'occuper d'Edwan, descendant d'une lignée bien trop prestigieuse pour être jugé publiquement. Qui plus est, il semblait savoir pertinemment quelle confiance m'accordait Edwan, et de par cette dernière il me fut aisé de m'approcher de lui et de l'éliminer d'un simple coup de couteau dans la gorge, lui laissant comme dernière parole de sanglants gargouillis.
Est ce que je regrette aujourd'hui d'avoir tué celui qui m'avait épargné alors qu'il aurait dû me tuer ? Grâce auquel je suis devenu celui que je suis aujourd'hui ? Non... Je ne regrette rien et sûrement pas lui. Je n'oublie pas les crimes de son père, ni les siens et enfin, il m'avait dupé et manipulé de son côté. La lettre n'existait plus, il l'avait brûlé après l'avoir lu, ce qu'une servante présente lors de la mort de son père m'avait confirmé peu avant que j'accomplisse ma besogne. Une besogne faite proprement et promptement, mais cela n'avait pas tout à fait suffit. Un noble aussi prestigieux ne disparaît pas sans qu'on s'intéresse de très près à son meurtrier et à ses pupilles... Et heureusement on me considéra comme faisant partie de la seconde catégorie, et ainsi les nobles commencèrent à me courtiser pour que je les serve à leur tour, connaissant mes talents, et mon prix... Je n'en choisis aucun, et tous à la fois, ce qui ne fit que renforcer mon succès. Après tout je présentais tout les avantage du mercenaire, à savoir qu'on ne savait jamais au nom de qui je frappais, tout en en écartant les inconvénients, l'or ne me convainquant guère, pas plus que des promesses que les gens étaient bien moins à même de tenir que le roi... Et c'est davantage pour cette raison que par un amour inexistant pour mon père que je veillais bien à ce que, quelque soit la tâche qui me soit donné , je n'entache les intérêts de la couronne.
Ce fut à partir de ce moment à être quelque peu connu dans les coulisses du palais, ayant toujours agi jusqu'alors avec une relative discrétion tant pour Edward que pour le roi, c'en était fini comme nombre de noble me connaissaient désormais. Non pas que j'étais toujours incapable d'agir dans le secret, mais on savait qui j'étais... Et ce que j'étais... Or si je m'étais en théorie élevée dans ma position, je n'étais pas heureux, en particulier parce que cette popularité me vit affublé de nombre d’appellations. « William » Pour les plus courtois et les gardes, mais dont l'intonation moqueuse trahissait le fait que je n'avais pas de nom, « Bâtard », qui me rappelait ma condition, mais qui était encore le moins blessant pour moi, car c'était un fait, puis venait après le florilège d'appellation moqueuses et me rabaissant « le serpent », car sans nom je suis plus bas que terre, « l'outil » car m'utiliser était la seule chose qu'on pouvait attendre de moi...
Mais tout cela je le supportais, afin d'obtenir finalement mon dû ! Cependant il n'y avait toujours rien deux ans après la mort d'Edwan... Cela faisait déjà onze ans que je servais le roi et ses nobles, et que je n'avais toujours pas reçu mon paiement. Croyait il que j'avais oublié ? Croyait il que je m'étais accoutumé, que j'étais en effet devenu un simple outil qu'on pourrait jeter après ? J'avais bien l'intention de leur montrer que non...
Mais alors même que je planifiais une action de grande envergure par moi même, dont je pourrai seul me targuer, une information me vint d'un jeune homme à Krayos arborant une cape aux couleurs de Melinka... mais surtout se battant à deux armes, une façon de se battre que seul la famille royale de Melinka était autorisé à apprendre sur nos terres et qui était inconnu à Krayos. On me parlait parfois du « garde fantôme » ou de « l'épéiste masquée », mais des description qui m'en étaient faites je déduisais qu'il s'agissait d'une seule et même personne... Peut être s'agissait il d'un étranger venu d'Ashnard ou de Nexus, mais cela n'était pas sans me rappeler un incident vieux de onze ans... La disparition du prince Jim... Dont le retour pourrait avoir de nombreuses conséquences !
J'informais donc le roi, mon père, de ma supposition quant à ce fils adoptif qui avait prit la place qui me revenait... et je le vis clairement oscillé entre la joie de l'espoir et la hargne qu'il ressentait d'avance si jamais je me trompais ! La joie finit cependant par l'emporter et il m'alloua des ressources conséquentes pour m'exécuter et je partais peu après pour Krayos...
Une fois arrivée là-bas trouver « l'épéiste masquée » fut une chose aisée, il suffisait de suivre les troupes de brigands et d'attendre qu'il intervienne ! Ce fut ainsi que je l'abordais, un sourire aux lèvres et commença à m'adresser à lui l'interrogeant sur comment il avait appris à se battre ainsi et où il avait trouvé cette cape, n'y récoltant que des réponses évasives, avant de lui signifier les raisons possibles pour lesquels il les possédait. Il nia bien sûr mes propos et s'éloigna rapidement de ma personne... Mais il me fut aisée de le retrouver, payer quelques voyous pour qu'il fasse du grabuge, et l'épéiste arrivera à la rescousse ! Bien sûr, il n'apprécia guère mes méthodes, mais il apprécia encore moins mon ultimatum, à savoir qu'il avait un mois pour répondre à mes questions, sans quoi je m'en prendrai à la princesse, chose face à laquelle sa réaction me confirma le fait que ce fameux « garde fantôme » et « l'épéiste masquée » étaient la même personne.
Et je commença à tenir parole, commençant à tisser un réseau à travers le pays, afin de frapper fort pour menacer la princesse... Certes je ne comptais pas la tuer, ce serait fâcheux pour Melinka, mais il fallait que la menace soit suffisamment concrète, et importante, pour que le « garde fantôme » ne puisse pas protéger la princesse par son seul entêtement. Se faisant je m'étais établi dans un petit village, d'où j'envoyais mes ordres et indications auxquels on obéissait contre pièces sonnantes et trébuchantes, et qui devaient être exécutés si aucun contre ordre n'était reçu, et donc même si je mourrais... Et le hasard voulut que je croisas un spectacle..Fâcheux, un groupe de jeune homme s'en prenant à un autre isolé, à terre, le bourrant de coup de pieds... Une attitude que je comprenais quand il s'agissait de se nourrir, ou même de se venger, mais j'avias déjà du mal quant au fait qu'ils étaient si nombreux pour un homme seul, et surtout qu'ils agissaient visiblement par pur plaisir. Par trop énervé par ce spectacle, j'intervenais et quelques coups bien placés mirent les voyous en déroute, mais aussi leur victime, une victime qui m'était étrangement familière. Il me fut aisé de savoir où il habitait, après avoir interrogé un des voyous, à savoir chez un homme, d'origine Melian, un guérisseur... Et ce depuis seulement trois ans, tout en s'appelant Jim.
Les pièces du puzzle se mettaient en place et elles s'imbriquèrent les unes dans les autres après une visite de courtoisie au guérisseur, qui me raconta comment il avait sauvé l'adolescent et prit soin de lui, son amnésie, ses haillons qu'il portait, et plus encore quand je rencontra de nouveau l'adolescent, l'arrêtant cette fois sans qu'il puisse courir. Cela me laissa tout loisir pour l'observer... Il avait la même stature que « l'épéiste masqué », mais il n'était ans doute pas le seul à l'avoir... Par contre il avait les mêmes cheveux, et les mêmes yeux que cet enfant de huit ans que je haïssais tant... Mais il avait peut être changé cet enfant. Cependant il me confirma être l'épéiste masqué et je précisais alors ma menace, à l'issue des quinze jours qui restaient je ne m'en prendrai pas seulement à la princesse, mais aussi à son père, et un homme seul ne peut pas protéger deux choses à la fois, bien pour cela que je n'en avais aucune à défendre ! Quoi qu'il en soit il sembla comprendre ma menace, mais repoussa encore mon offre.
Il me fallait donc me faire plus pressant...Et c'est ainsi que le lendemain une petite frappe mit le feu à sa maison. Je m'étais assuré que son « père » n'y était pas, mais que lui oui, sachant qu'il n'aurait aucun mal à en sortir. J'observais pour ma part la scène depuis la fenêtre de ma chambre à l'auberge, et en le voyant s'asseoir dans les flammes je crus bien qu'il allait se laisser mourir ! Seulement... Il n'en fut rien et ce furent les flammes qui moururent d'elle même comme par … Magie... J'avais entendu parler des talents du prince, du fait que tout ses ennuis semblaient s'arranger mystérieusement, jusqu'au jour de sa naissance, et que je sois maudit si le problème de ce jeune homme ne s'était pas arrangé mystérieusement !
Pour autant... Ma menace fit mouche, et je fus approché par l'épéiste masquée qui, après lui avoir expliqué que ma mort ne changerait rien au plan que j'avais amorcé, au contraire même, accepta de me suivre pour protéger les siens. Ainsi je repartais en compagnie de cet étrange personnage, à la fois gamin apeuré et combattant redouté, chose dont il s'expliquait en se prétendant être deux personnes, et nous marchions en direction de Melinka. Notre voyage fut l'objet de quelques péripéties, de quelques brigands qu'il mit sans peine en déroute, et des efforts effectués pour se cacher en Melinka, afin d'éviter qui préférait ne pas revoir le prince, pour peu que j'avais raison... Soyons honnête ce ne fut pas le grand amour entre nous, quand bien même aucun bandit ne me fit la moindre estafilade grâce à lui il me tenait rigueur de mes menaces et quand il eut trouvé ce qui me faisait mal, à savoir l'évocation de ma bâtardise sous quelque forme que ce soit, il ne s'en priva pas.
Et finalement nous arrivâmes à la capitale, on me laissa entrer au palais avec mon invité, et après avoir fait comprendre au chambellan que ce que j'apportais au roi était plus importantes que les langues des courtisans qui lui léchaient ses bottes, ce fut les retrouvailles.
Mais ce ne fut pas de tendre embrassade et d'émouvantes paroles criées et pleurées. Non... Tout d'abord ce fut les soupçon, l'incrédulité, était il un imposteur ? C'était une possibilité après tout... mai il y avait trop de preuves et au final Jim, s'avéra en effet être le prince disparu, comme quoi j'avais eu raison. Cependant ce même Jim souligna les menaces dont il avait été victimes, le risque qu'i lavait couru dans les flammes, et alors que je réclamais ma récompense, le roi annonça que c'était à lui de décider de mon sort, je crus voir l’œuvre de ma vie s'effondrer. Je n'avais pas pensé un instant qu'il puisse me tenir rancœur pour simplement avoir accompli ma tâche, mais alors qu'il me fixait ardemment je crus bien que j'allais échouer, mais pas de la façon dont je l'avais pensé... Puis finalement, après qu'on lui a dit qu ma récompense était un nom, il demanda simplement à le choisir... Dun-ë-Vae... dans la même langue que tout les noms nobles, une langue que je ne comprenais pas, mais alors je m'en moquais... Quand bien même ce n'était que des miettes de ce que j'aurai dû être, j'avais enfin un nom...C'en était fini de l'outil, du serviteur... J'étais enfin quelqu'un, autre chose qu'un « bâtard ». Suite à cela on m’anoblit et me confia même des terres, une partie de celles appartenant à Edwan, une de celle à la frontière d'Ashnard, et qui demanderait une grande vigilance face au trafic d'esclave !
Mais l'histoire à ce jour ne s'arrête pas là, pas tout à faire, après un banquet pour célébrer le retour du princ,e auquel je fus convié et où je lui offris un livre, la suite de celui qu'il lisait dans son village, je me vis assigné la tâche de l'escorter dans son retour à Krayos, une idée surprenante au vu de nos inimités... Ou plutôt de celle qu'il avait à mon égard, car pour ma part après avoir accompli ma tâche je n'avais aucune raison de lui en vouloir, ayant même surmonté ma jalousie à son encontre, et j'appréciais même le brave garçon qu'il était devenu ! Cependant cela s'expliquait simplement. Je n'avais aucun intérêt à ce qu'il disparaisse de nouveau, j'étais le seul à l'avoir un tant soit peu côtoyé ces dernières années, et puis... je n'étais pas tout à fait près à abandonner l'action et les missions ! Ainsi j'accompagne depuis lors Jim dans la plupart de ses déplacements m'amenant à côtoyer aussi bien la famille de Krayos que celle de Melinka, et ce en dépit de ma position de petit anoblis qui amenaient nombre de nobles à me regarder de haut, ce dont je me moque éperdument quant ils le font de leur tour alors que je chevauche au côté de mon ami être deux arrêts en ma demeure pour administrer mes terres !
Pour autant... je n'oubliais pas... un mensonge subsistait... Et il faudrait bien qu'un jour il soit dévoilé.
Voilà ce qu'il en est de mon histoire, quant à qui je suis ? Et bien je suis âgé de 27 ans, si je m'en réfère à ce que disait le père d'Edwan, et j'ai conservé de mon séjour au cachot pas mal de cicatrices, des morsures des rats à celles laissées par les maladies, auxquels se sont ajoutés lors celle causées par les lames et les coups... Néanmoins la pâleur que j'avais en sortant de ma geôle s'est effacée depuis lors et les voyages m'ont donné un teint légèrement mat. Sur mon visage j'arbore une courte barbe noire, de la même couleur que mes cheveux, et mes yeux sont de couleur verte, héritée de mon père. Quant à ma carrure... j'ai beau faire partie des nobles qui combattent, je n'ai rien à voir avec un lourdaud en armure, je suis bien plus effilé ! Et par dessus mon corps j'arbore souvent des vêtements de cuir et d'étoffe robuste, parfait pour le voyage ou le combat de rue. Ah et j'y pense enfin, j'arbore une tâche de naissance sur le coup, celle par laquelle Edwan m'a reconnu et que je n'avais pas remarqué avant ce jour là !
Quant à ma psychologie... Je suis de ceux pour qui la fin justifie les moyens. J'ai menacé, torturé, tué, parfois des femmes et des enfants, et je ne le regrette pas et serait prêt à le refaire, pour certaines ordures j'y prend même plaisir. Cependant faire cela par plaisir ou sans réelle motivation est une chose que je désapprouve, et qui est un des motifs pour laquelle je peux pour ma part faire cela. Je hais également l'esclavage, et la privation de libertés, sans grande surprise vu mon passé... Pour cette même raison je juge toujours un homme à l'aune de sa valeur et non de par sa lignée. Enfin je sais apprécier les plaisir de la vie, l'alcool, la bonne chair et les femmes, tout en profitant largement de ceux que décline mon ami Jim !
Je ne prétends pas être quelqu'un de bien, c'est faux, pour trouver cela faut aller voir Jim, mais disons que si je suis le salopard nécessaire quand il faut faire une sale besogne pour la bonne cause, cela ne m'empêche pas de protéger ce qui doit l'être...