Le Grand Jeu - Forum RPG Hentai

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Hypocras

Créature

Intrusion ! [Yan]

vendredi 07 septembre 2012, 19:52:30

L'abord sans peur, l'air penseur, le regard inquisiteur, Hypocras contemplait avec une perplexité amusée ce qui à ses sens s'offrait. Devant lui, rien de plus extraordinaire qu'un entrecroisement d'arbres amoureusement entremêlés, au sein d'un petit parc comme l'on en voit tant de par le Japon, où se situe l'action. Le temps est doux, et l'ambiance nocturne vespérale jette sur le tableau un rien de quelque chose de romantique qui envahit l'air et ne doit pas manquer de rendre quelques couples particulièrement câlins à cette heure avancée de la journée.

Mais baste, ce ne sont (pour une rare fois ?) point des amourettes frivoles qui attirent l'attention du vieux satyre, mais quelque chose qui taquine sa curiosité, et pourrait bien, si la nature l'avait doté de davantage de responsabilité, l'inquiéter. Car dans ce tableau banal, il n'y a rien moins qu'un portail ; un portail comme il s'en manifeste beaucoup chaque jour, plus ou moins à l'insu de la populace alentour ! Jusqu'ici, pas de quoi casser trois pattes à un canard, pour un vieux briscard. Oui mais voilà, ce portail, il résonne, fredonne, sonne, d'un timbre particulier qui ne manque pas de titiller ses perceptions exercées. Tout bon voyageur interplanaire (quel grand mot !) entre Terra et la Terre sait se familiariser avec les vibrations qu'émettent ces ponts et ainsi avoir une notion de leur destination. Et celle de ce goulet, notre ami la connaît, car ce n'est pas la première fois qu'il l'oit, et cela lui fait se demander : où cela va ?


Voici le propos de sa présence, de pied en cap vêtu avec la prestance de ceux sans prétention, à l'assurance éprouvée. Un borsalino de paille sur le crâne, un pardessus léger de couleur beige aux multiples et amples poches, une chemise blanche un peu défraîchie, un large pantalon de coton marron, et ses sempiternelles bottes brunes, voici son appareil d'exploration... sans omettre une large sacoche contenant divers produits de première nécessité tels que blague à tabac ou bouteille de  bonne vodka. Au premier abord, une sorte de  combinaison entre un humble professeur d'école et un archéologue de terrain. C'est justement le dernier objet mentionné qu'il réintègre à son bagage après une bonne goulée pour la route. L'allure insouciante et irréductible, le satyre lance un baiser aux étoiles pour la bonne fortune, puis, ne se laissant pas arrêter par quelque incertitude inopportune, s'avance crânement vers sa destination, laissant les curieuses sensations de la transition faire craqueler leurs vibrations. Un chuintement presqu'inaudible, une sarabande indicible, et en un instant, ce n'est plus le même environnement...

Et quel changement ! D'un parc bucolique, un souterrain horrifique ! Noirceur tous azimuts, mais, caprice de l'étrange nature de ces manifestations, le conduit qui vient de transporter notre compère éclaire les lieux d'une lueur iridescente, révélant un spectacle qu'on pourrait croire digne de Dante. Dans l'air flotte une odeur mi-putrescente ; relents de chair et d'ossements qui sinuent dans l'air, annonçant un hôte peu clément. Serait-ce l'antre d'un ogre, s'engraissant de chair ? Est-ce la cachette d'une cabale de cultistes fous ? De ci de là, ce sont des signes cabalistiques que l'on voit, des arcanes obscurs attirant peut-être à répétition ce portail, sans compter pinceaux, brosses, peintures et autres, traînant dans une couche de poussière révélant un esprit malsain, délétère... ou simplement célibataire, hé hé.

Et là ! L'odeur du métal se mêle à celle de la viande, s'élevant en une vile fétidité apte à faire tourner de l’œil les moins aguerris ; une senteur âcre et agressive que les narines du baroudeur reconnaissent comme étant celle des armes à feu, cette odieuse invention qui ont tendance à rendre leur possesseur si odieux ! Ces balles, qui sont la panacée des trous du même nom, remplissent à ras-bord de grosses caisses à moitié moisies, des cartouchières pareilles à des serpents replets perfides sinuant aux côtés de répugnants suppositoire de plomb. Fi, fait le faune devant cette félonie meurtrière, s'en détournant en grinçant des dents pour se concentrer sur le fond de la pièce, où trône un barrage imposant lui aussi peinturluré d'un charabia occulte indéchiffrable, un lourd panneau de métal qui semble darder un œil invisible en direction des intrus pénétrant dans cet antre secret, et sur le pourtour duquel on pourrait s'attendre à lire « Vous qui entrez ici, abandonnez toute espérance » ! Vers quels autres terriers de terreur passive cette porte massive conduit-elle ? De quoi faire défaillir les plus hardis !


Mais qu'on se le dise, Hypocras n'est pas une péronnelle poltronne, et ne perdra pas son peps pour si peu ! Reste que la situation n'est certainement pas rassurante, car qui sait qui rôde dans ces pénates peu accueillantes ? Sur l'air matois de l'homme mâtiné de bouc se dessine un air de défi, alors qu'il reste sans se mouvoir sur son point d'arrivée, observant, réfléchissant, se tâtant. Or ça, qu'à cela ne tienne, si le sort est contre lui, à sa chance, il confie sa vie ! C'est ainsi que le gaillard dégourdi, de la prudence faisant fi, se décide à s'attarder, pour voir ce qui se passe ici ! Car son imagination, ses expectations, s'embrasent, s'excitent, à la pensée de ce qui peut se découvrir dans cet endroit si pittoresque, digne de figurer dans un récit apte à faire trembler tout un cercle d'auditeurs attentifs, leurs visages transfigurés d'angoisse et d'attente, figés devant les lèvres narratrice d'un conteur loquace ! Que voilà un portrait qui a tôt fait de gonfler le cœur téméraire de cet incorrigible satyre d'une flamme attisée par son incurable curiosité !

Et comme grondant inaudiblement d'une approbation fatidique, l'ouverture derrière lui s'estompe, disparaissant telle une bulle de savon, laissant le hardi hidalgo dans l'obscurité désormais complète de cette grotte sordide, l'oreille tendue et l'allure alerte, tâtant le terrain avant de se décider à faire ses premiers pas sur ses ergots légers que l'habitude rend à peine encombrés par les godillots qu'il a enfilés. S'acheminant de la démarche sautillante qui lui est propre, c'est avec un délectable mélange d'appréhension et d'impatience qu'Hypocras traverse les lieux, prenant garde de ne rien heurter,  se mouvant en des pas qu'il serait excessif de comparer à ceux d'un loup, mais qui valent bien la furtivité d'un fugitif mouflet. Arrivé à la porte, le sort lui jette un gant sous la forme de ce frappant pentacle plaqué sur le portail permettant de partir de ce piège : qui sait quels cataclysmes il pourrait déchaîner ? Mais aux craintes, le satyre fait un sabot de nez, et sans sourciller active la poignée, faisant grincer sans cérémonie le lourd pan d'acier, et ouvrant vers une nouvelle scène qui à la précédente n'a rien à envier !

Car dans un léger mouvement d'air, le nez creux de l'explorateur est de nouveau assailli par le relent de chair crue qui racle contre ses narines, tandis que ses yeux lui révèlent un véritable garde-manger de prédateur : suspendus, pendouillant, pourrissants, des pièces de viande peuplent ce placard à peine réfrigéré ! Ne pouvant refréner un jugement impitoyable contre cette hygiène délabrée, c'est sans pitié que notre ami se fend d'un :

« Berk... »

Mais sitôt, il fait de nouveau silence, car dans un bruit de plume, dans un froufrou léger, soudain...
« Modifié: dimanche 09 septembre 2012, 00:37:01 par Hypocras »
Ah, les gars d'aujourd'hui ne savent plus faire la fête. Les Bacchanales d'avant, ça c'était le bon temps ! Maintenant, tout ça s'est perdu. Consternant.
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Yan

Terranide

Re : Intrusion ! [Yan]

Réponse 1 samedi 08 septembre 2012, 02:02:39

La vie de mercenaire, ce n'était pas de tout repos. Un employeur pressé pouvait faire appel à vous à n'importe quel moment de la journée, le moindre échec était durement sanctionné, et on ignorait si l'on allait revenir en un seul morceau d'une traque, d'une escorte. Yan aimait cette manière d'être, n'ayant jamais cessé très longtemps de travailler pour des truands toujours plus marginaux. Elle y était habituée, connaissait les risques, et savait les multiples façons d'éviter la casse. Pourtant, cette fois, elle avait bien failli y passer. Avec plusieurs associés, elle avait participé à l'attaque d'une planque investie de bandits, pour le compte d'un caïd pas plus respectable. Hélas, leur attaque parfaitement planifiée et exécutée avait été anticipée et défaite, sans doute, songea amèrement la terranide, à cause d'un taupe dans leur équipe. Surprise, comme ses camarades, elle avait à peine eu l'occasion de se défendre, avant que deux coups successifs lui déchirent la jambe puis la poitrine. Il s'en était fallu de peu qu'elle ne soit purement et simplement égorgée par la passe de taille. Elle s'était évanouie et avait été laissée pour morte.

Avec horreur, elle s'était réveillée au milieu d'un petit charnier, ensevelie sous le poids de deux dépouilles, deux de ses anciens partenaires. Elle se sentait étrange, frigorifiée, mais ne souffrait pas... Jusqu'à ce qu'elle tente de se dégager. La blessure de son poitrail se réveilla alors, la plaquant au sol. Elle redressa alors difficilement la tête et contempla son corps meurtri. Son haut était maculé de sang et barré d'une plaie béante d'environ quinze centimètres, légèrement courbe. Surmontant le mal, elle tendit ses muscles pour repousser les charognes des hommes de main, parvenant à les faire basculer sur le côté. Descendant de la pile de cadavres, elle fit un deuxième erreur en essayant de se tenir debout, et s'effondra. Elle se releva encore, à la force des bras, et parvint à prendre une posture vaguement quadrupède. Il était tard, trop tard pour que des humains y voient quelque chose dans ce quartier peu éclairé. Heureusement, l'obscurité ne résistait pas aux yeux des terranides, et malgré sa souffrance et sa vision brouillée par des larmes de douleur, elle se retrouva rapidement.

Yan s'était péniblement traînée jusqu'à sa demeure, par chance assez proche. Elle avait déjà dépassé ses limites physiologiques. En outre, l'entaille de sa poitrine, en réponse à un déplacement qui avait tout du rampant, s'était déchirée un peu plus, créant une nouvelle hémorragie. L'adolescente à bout de souffle défit d'une main la ficelle qui piégeait l'entrée de la maison, pénétrant dans le vestibule. Elle progressa par à-coups jusqu'à ce qui avait jadis fait office de salon. Depuis qu'elle avait pris possession des lieux, l'endroit ne ressemblait plus à grand-chose. Des armes et des munitions étaient posées aux endroits les plus improbables, la crasse recouvrait le sol, un fauteuil était renversé, et le canapé était zébré de nombreuses griffures, vestiges d'un caprice. La terranide usa de ses dernières forces pour détacher un des drapés muraux ayant survécu à sa présence hostile et se cala au pied du sofa, incapable de s'y hisser.

Avec une grimace, elle arracha son bustier, avec lequel s'en alla un morceau de peau. Une vague de faiblesse glacée la traversa et elle manqua de s'évanouir de nouveau. Mais sa volonté tenait toujours et elle se contenta de régurgiter une bile acre, ne détournant cependant la tête que trop tard. Cela faisant, elle se rendit compte de la présence d'une bouteille de tord-boyaux à moitié-vide, qu'elle avait consommée la veille. Elle ne se souvenait pas de l'avoir laissée là, sans s'en plaindre. L'attrapant fébrilement, elle la porta à sa bouche, et ne cessa de boire que lorsque le manque d'oxygène fut trop fort. L'alcool endiguerait peu à peu la géhenne, pensa-t-elle avec un certain soulagement. Elle avait commencé à découper, à grand renfort de canine, le rideau dans le but de se constituer un bandage de fortune, lorsqu'un craquement l'interpella. Était-ce sa paranoïa, ou les effets de la boisson qui lui donnaient une impression aussi forte de ne pas être seule ?

-Cassez-vous, j'ai un flingue et je serai ravie de vous coller un trou de balle supplémentaire, hasarda-t-elle.

Elle était accoutumée à l'intimidation, et sa menace aurait été convaincante si sa voix n'avait pas déjà le ton d'une adolescente saoul. Yan regarda autour d'elle. L'arme à feu la plus proche était sur le canapé, à moins d'un demi-mètre. Presque inaccessible pour elle. Mais même mourante, elle n'avait pas l'intention de se laisser faire. Elle se jeta sur le revolver, prenant appui sur sa seule jambe valide. Cette dernière la lâcha à son tour pendant l'action, et la terranide poussa un cri de douleur. Elle se rattrapant au rebord du sofa, dos à cet agresseur fantasmé, sans avoir réussi à atteindre son dernier moyen de défense. Dans sa bouche, le goût du sang remplaça celui de ses tripes et du mauvais alcool.

Hypocras

Créature

Re : Intrusion ! [Yan]

Réponse 2 samedi 08 septembre 2012, 03:24:35

… soudain, déchirant l'air moite et empuanti, un cri perçant stridula soudain, possiblement à l'adresse de l'intrus interplanaire (très tonitruant ce terme décidément), lequel se tendit, rouages cérébraux en branle. Une voix de femme, manifestement, et jeune, de surcroît... maîtresse des lieux, molosse, squatteuse ? Tant de possibilités dont Hypocras ne s'embarrassa guère, cela ne faisant que peu de différence pour notre compère ; il restait dans le fond qu'il s'agissait de quelqu'un vouant un peu prometteur sort à tout arrivant. Diantre. Toutefois, ce qui n'échappa pas à notre gaillard, c'est aussi le timbre en trémolos de la demoiselle, lesquels indiquaient une posture plutôt défavorable, car signes d'un affaiblissement physique voire, si son ouïe exercée ne le trompait pas, d'un début d'éthylisme... tant d'éléments apte à en rendre perplexe plus d'un !

Mais si le poète n'était pas un grand homme d'action, il savait réfléchir vite, et se décida par conséquent, assez inspiré de savoir ce dont il retournait, à risquer un regard en direction de l'antre aux rugissements. Progressant toujours par petits bonds habiles, il se faufila furtivement vers le chambranle proche dans un chuintement de vêtements, et, précautionneusement, passa un œil rapide, prêt à se carapater en cas d'agression, le danger n'étant pas sa tasse de thé.

Et cet œil passé, il l'écarquilla aussitôt, tandis que sa bouche formait un muet « o », car jugez plutôt : sous son regard, une menue silhouette venait de s'élancer. Entreprise infortunée ! Car en effet, l'atterrissage fut des plus raté, se concrétisant par un rattrapage en catastrophe à un canapé. Ce meuble mité, lacéré, était par ailleurs, avec une sorte de fantôme de fauteuil affalé, un des seuls d'une grande pièce parsemée de joujoux de nature à ne pas laisser jouasse notre joyeux drille : cartouches, canons coupés ou dévissés, douilles, ceintures de munitions, fusils, et autres outils de mort qu'Hypocras avait en horreur, en quantités dignes de réjouir un cartel, le tout formant un sacré bordel.


Mais revenons-en à l'habitante.

Celle-ci, de par les oreilles félines saillant de son faciès, inspira aussitôt au baroudeur le terme de « Terranide », puisque c'était ainsi qu'avait été nommé un énième caprice d'Aphrodite ; des hommes-bêtes que notre chèvre-pied aurait été bien mal luné de répudier. Un examen instantané lui dévoila une figure gracile, pas bien grande, vêtue en tout et pour tout d'une sorte de treillis taché, aux os souvent saillants et à la silhouette musculeuse, montrant une tendance au sport et à l'action. Le corps recouvert d'une légère fourrure parsemée de pois rappelant ceux du léopard, elle en avait en bref l'allure athlétique et tendue. Et sachant ce qu'il savait, il supposa que cette tigresse, si elle s'y disposait, aurait su essuyer le sol avec sa personne de satyre !

Aurait, car pour l'heure, elle n'y paraissait que peu apte. On saura d'ailleurs s'étonner de ce que ce libidineux lambin n'eût pas prononcé de jugement sur l'apparence de ce splendide spécimen. De fait, sa coupe à la garçonne, son bâti menu presque maigre, son aspect dans l'ensemble sauvage et bestial, ne masquant pas une juvénilité probablement pleine d'ardeur et d'énergie, inspirèrent au séducteur des suggestions perverses. Celles-ci, cependant, se réprimèrent bien vite, devant.. tout ce sang ! La serviette improvisée dans laquelle la minette était enveloppée comme l'as de pique ne masquaient pas l'hémoglobine qui la maculait de triste manière. De dos qu'elle était, agrippée comme elle le pouvait au seul support qui se présentât, le sofa, sa posture ne se prêtait pas à un diagnostic détaillé, mais sa jambe pendante et les éclaboussures écarlates au niveau de son torse laissaient présager au moins deux blessures sévères !

On pourra s'avérer surpris de ce que cet hédoniste facilement paresseux s'avérât apte à de si justes perceptions, mais avec le temps, entre sales coups, conneries et calamités, un casse-cou comme le cornu avait développé une banque de données assez élaborée en matière de blessures... et aussi accessoirement de maladies, surtout infamantes. Se sauver l'embarras et les complications de contacter les soigneurs officiels valait bien de se donner la peine de se former, et cela, Hypocras ne se l'était pas épargné, ayant développé des connaissances somme toute basiques mais dignes d'un chirurgien militaire, mettant ses doigts de fée à bon usage.


Mais ne nous attardons pas à encenser notre satyre. Icelui, sentant le critique de la situation, et pressentant l'agitation du sot chaton, ne réfléchit pas longtemps, comme cela lui arrivait trop souvent, et, s'avançant sans atermoyer, inspira une bonne goulée, tandis que ses yeux s'écarquillaient d'un air fâché, le servant de Bacchus tonnant d'un timbre de stentor nimbé d'autorité :

« Mais ça va pas ou quoi !? Ménagez vous bon sang ! »

Sotte stupidité que celle de la jeunesse, qui allait s'envoyer dans on ne savait quelles rixes ! Se pressant d'un pas qui ne permettait pas de conteste, le courroucé aller pour se poster étourdiment aux côtés de sa désormais protégée, un déclic de prudence ne lui venant qu'en remarquant à quel point de tous ses pétard la petiote était proche. Cela refroidit sensiblement son élan paternaliste, et, se campant à une distance de sécurité, il annonça, d'un ton mesuré et ferme mais raisonnable qui se voulait convainquant :

« Bon, hé, écoute, j'suis pas là pour m'fritter. J'peux t'aider et t'rabibocher, mais il faut t'calmer, sinon tu risques d'clamser, et ça, on veut tous les deux l'éviter. » Un bref arrêt le temps pour la blessée de digérer les données, puis, toujours sans bredouiller. « Donc, j'peux m'approcher ? »

Pas très poétique, peut-être, mais pas de raison de passer son temps à rimailler quand la situation n'y sied ; un message bien senti, exprimé sans ciller, c'est assez ! Et d'ailleurs, pas de quoi critiquer : n'avez-vous remarqué toutes ces rimes en « é » ?
« Modifié: samedi 08 septembre 2012, 03:46:52 par Hypocras »
Ah, les gars d'aujourd'hui ne savent plus faire la fête. Les Bacchanales d'avant, ça c'était le bon temps ! Maintenant, tout ça s'est perdu. Consternant.
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Yan

Terranide

Re : Intrusion ! [Yan]

Réponse 3 samedi 08 septembre 2012, 18:02:18

Progressivement, la gnôle se rependait dans les veines de Yan, affaiblissant ses perceptions et surtout sa détermination. Une sensation de chaleur la pénétra, réduisant la douleur vive de ses blessures ouvertes, tout en la plongeant dans une torpeur malsaine. Physiquement, elle se sentait mieux, mais elle était toujours consciente de son état physique, et l'allégresse qu'elle savait artificielle de l'enivrement eut pour principal effet de l'angoisser plus encore. La combinaison de tous ces éléments, en somme, ne calmait pas de beaucoup son agressivité et sa peur, mais entamait tout de même sa volonté.

Elle entendait maintenant clairement quelqu'un approcher. Les pas de l'individu étaient espacés, dévoilant une démarche presque caprine, et résonnaient surtout sur le plancher avec une netteté qui n'avait rien de naturel. La terranide se mit à espérer qu'il s'agissait du claquement des talons d'une grande dame, mais du vite repousser cette hypothèse absurde. Les rares personnes qui s'offraient le luxe de marcher avec des souliers aussi peu pratiques étaient toutes issues de la haute société de Nexus. Les chances qu'une telle aristocrate se trouve à ce moment seule dans sa maison étaient pratiquement nulles. Elles auraient été pratiquement nulles à n'importe quel moment, d'ailleurs. Elle se trouvait donc dans le flou le plus total. De plus, l'intrus arrivait par la cuisine. La seule explication qui lui vint à l'esprit fut qu'il était déjà présent dans la maison avant elle, ce qui renforça encore sa méfiance.

Le pelage et la queue de l'adolescente se dressèrent aussitôt qu'elle eut entendu la voix masculine. Celle-ci était puissante et profonde, et elle lui évoqua aussitôt un homme grand, puissant, et sans doute assez imposant. Dans l'absolu, ni son ton ni ce qu'elle disait n'était pas particulièrement menaçant, mais sa seule virilité suffisait à la rendre désagréable aux oreilles de la fauve. Elle détestait les mâles de façon viscérale, depuis son enfance, les considérait comme un bétail méprisable dont on se passerait bien du rôle fécondateur. Ces dernières années, ses principes s'étaient assouplis, car elle n'avait pas eu d'autre choix que d'accepter de vivre parmi eux, et même de travailler avec eux. Mais elle n'était certainement pas prête à se laisser dominer par un homme, aussi mal en point fut-elle.

-J'veux pas de ton aide. Dégage ou jte jure que je trouve un moyen de te faire manger, lança-t-elle d'une voix cassante qui avait encore perdue en force et en conviction.

Le dernier mouvement avait été celui de trop. Elle était presque paralysée, inapte à mouvoir ses jambes comme son buste. Elle ne trouvait même pas la force de se retourner pour dévisager l'inconnu. Ou peut-être ne le voulait-elle pas. Yan se prit à espérer qu'il se contente de lui plonger une dague dans le flanc. Elle préférait un tel traitement à l'humiliation, certaine que ce serait mieux comme ça. Il n'aurait ainsi pas l'occasion de contempler avec sadisme sa figure humide, déformée par le douleur et rougie par l'alcool. La jeune terranide fut finalement prise d'un spasme, et commença à toussoter des gouttelettes écarlates, alors que sa plaie était encore davantage tourmentée par les petites convulsions incontrôlées.

-'chier, cracha-t-elle.

Hypocras

Créature

Re : Intrusion ! [Yan]

Réponse 4 samedi 08 septembre 2012, 18:54:22

Stupide ténacité téméraire de cette Terranide têtue ! Triturant bougonnement le bord de son borsalino, le baroudeur siffla avec désapprobation entre ses dents, pris d'un moment d'indécision et de consternation devant l'intransigeance acide de la rageuse enfant qui refusait si carrément un soutien dont elle avait cependant bien besoin. Pour autant, il devait bien le reconnaître, la méfiance avait sens : à Nexus, se laisser à la merci du premier venu revenait souvent à vivre peu longtemps... et pour l'occasion, son rôle d'intrus venu d'on ne sait où et on ne sait comment n'était pas forcément très rassurant. Et pourtant, que faire maintenant ? Un moment de dépit hargneux insinua sournoisement au satyre la suggestions de laisser tomber et de s'esquiver sans se retourner, quitte à la laisser expirer.

Ah, mais si Hypocras avait bien des défauts, et allait parfois jusqu'à se faire voleur, menteur, tricheur, bonimenteur, trompeur, il répugnait à être malfaiteur, et s'il clamait toujours avec ardeur que son foie était son organe le plus travailleur (ex-aequo avec un autre que l'on ne citera pas par pudeur), il ne manquait toutefois pas de cœur. Or, en l’occurrence, il s'apercevait bien que se désintéresser de cette tigresse aurait été l'envoyer ad patres, crime dont l'idée, irrésistiblement, lui retournait les entrailles.

« Hauts les cœurs ! » Maugréa-t-il pour lui-même.

Car la tâche lui était fort peu attirante : en temps normal, la perspective d'étreindre cette minette n'aurait pas été dénuée d'attrait, et il s'y serait dévoué avec tout l'enthousiasme du monde et avec une ardeur que n'aurait pas reniée Pan lui-même. Or, dans ce cas, non seulement le charcutage médical, surtout improvisé à ce point, le laissait surtout figue et pas du tout raisin, mais de surcroît, à voir la rage grondant chez la chatte, elle n'allait pas se laisser faire, et ce serait notre chèvre-pied qui en payerait les frais. Déjà il grimaçait en voyant ce que les griffes de la féline avaient fait au sofa, témoin tailladé de leur potentiel trancheur... mais l'alternative n'était pas une option, alors allons ! Une fois un plan rapidement préparé, il reprit ses pas, péremptoire et préparé : stiff upper lip !

Ses intentions se dessinaient ainsi : attraper promptement la petite, la porter allongée sur le canapé pour plus de commodité et surtout de chances de survie, et ensuite lui sortir l’alternative entre quatre yeux. Soit elle se laissait faire, soit elle refusait et se vouait ainsi à devenir exsangue ; et à ce moment, le satyre s'en laverait les mains, non mais. Parvenant à portée de la pauvrette, s'approchant sans s'en cacher, il scanda :

« Ne dis pas n'importe quoi : regarde toi, t'y survivras pas si tu restes comme ça ! »

Désormais tout près d'elle, ses pognes se disposèrent à la choper à la fois sous le fessier et au niveau de ses épaules, afin de lui donner suffisamment d'appui pour la soulever sans pour autant l'étirer et risquer d'encore plus aggraver ses blessures sanguinolentes. Les dents serrées, il restait à espérer pour l'heureusement robuste Hypocras qu'elle ne se déchaînerait pas trop. Décidément, et conformément à sa nature, le domaine de Mercure lui était bien moins destiné que celui de Bacchus !
« Modifié: dimanche 09 septembre 2012, 00:54:22 par Hypocras »
Ah, les gars d'aujourd'hui ne savent plus faire la fête. Les Bacchanales d'avant, ça c'était le bon temps ! Maintenant, tout ça s'est perdu. Consternant.
Fiche de personnage

Yan

Terranide

Re : Intrusion ! [Yan]

Réponse 5 samedi 08 septembre 2012, 22:28:39

Pourquoi avait-elle survécu à ses blessures lorsque que sa mission avait été anticipée ? Pourquoi avait-elle réussi à s'enfuir lorsque ses semblables avait été trahies ? Pourquoi avait-elle été capturée vivante lorsque sa tribu avait été décimée ? Tout aurait été tellement plus simple, si pendant n'importe lequel de ces trois épisodes, elle avait cessé d'être l'exception. Cependant son instinct de survie avait toujours été plus fort. Et c''était par la grâce de cet instinct de survie que Yan se retrouvait dans cette situation pitoyable. Soumise au bon vouloir d'un sinistre parasite. Trop faible pour pouvoir lui opposer une résistance minimale. Trop faible pour mourir dans l'honneur.

Le vil mâle s'était avancé, elle pouvait le sentir, à quelques centimètres d'elle. Raide, son appendice caudale était l'un des derniers qu'elle pouvait encore bouger sans intolérable élancement. Sa queue bougeait nerveusement de droite à gauche. On aurait pu croire qu'elle cherchait à faire barrage entre l'étranger et sa propriétaire. Sans succès, car bientôt, de larges et fortes paluches se saisirent des cuisses et des bras de la jeune terranide. Le contact sur sa peau nue frôlait l'intolérable, et elle tenta de lui envoyer un coup de pied, mais le muscle de sa jambe n'avait toujours pas récupéré. La botte ne brassa l'air que verticalement avec impotence.

-Putain, tu fais chier.

Elle était bien consciente de son état, et sa voix commençait à filtrer la résignation. L'intrus la souleva avec un certain soin, ce qui arracha néanmoins une nouvelle plainte à l'adolescente. Vidée de son énergie, elle se débattit à peine, se contentant, pour faire bonne mesure, de se contorsionner fébrilement dans les mains de l'inconnu. Finalement, il la déposa sur le canapé. Yan agrippa alors brusquement, avec toute la force qu'il lui restait, les épaules de l'homme, se hissant à hauteur de son visage. Elle ouvrit sèchement sa mâchoire garnie de dents effilées, bien décidée à la refermer sur sa gorge.

C'est à ce moment que la mercenaire réalisa qu'elle n'avait pas affaire avec un humain. Elle perdit de précieuses secondes à le dévisager : c'était un homme d'un âge médian, qui lui paraissait par conséquent incroyablement ancien. Malgré sa tenue aux tons simple, il dégageait quelque chose de subtilement bestial, de plutôt sympathique aussi, ce rendit son portrait aussi agréable que pouvait l'être aux yeux de l'adolescente celui d'un mâle. De toute façon, il était maintenant trop tard pour mordre. Elle retroussa les lèvres avec animosité, et lâcha prise.

Étendue sur le dos, elle offrait un piètre spectacle. La blanche fourrure de son sein dénudé était à la fois collante de sang de sang, tâchée d'un liquide plus clair en provenance directe de son estomac, et un peu d'alcool dégoulinait encore. La blessure, qui semblait être l’œuvre d'un boucher hargneux, incisait irrégulièrement la peau juste au-dessus de la pointe de sa poitrine modeste. Ses muscles pectoraux avaient certainement été tranchés de sale manière, mais la plaie n'était pas suffisamment profonde pour avoir atteint des organes vitaux.

-Jte le ferais payer, avisa-t-elle.
« Modifié: samedi 08 septembre 2012, 22:44:40 par Yan »

Hypocras

Créature

Re : Intrusion ! [Yan]

Réponse 6 samedi 08 septembre 2012, 23:32:56

Tendue, tel était le terme qui identifiait le plus adéquatement la situation : la tigresse farouche, si elle ne feulait point, couinait en contenant comme elle en était capable l'écrasement de la douleur, et son appendice caudal, méfiant et affolé, s’agitait sans cesser, compliquant encore les manipulations déjà peu aisées du visiteur surprise. Celui-ci même, n'étant pas être à faire face à la perspective d'affrontement, ou même de souffrance, sans sourciller, se voyait assez peu sûr de ce qu'il faisait, et n'affichait d'assurance que pour ne pas compliquer encore plus avant la situation déjà d'une instabilité peu seyante. Comme prévu, la patraque s'agita sous son toucher, se tortillant et tentant un tacle qui, tant à cause de l'état de la Terranide que de la vivacité du satyre, manqua fort heureusement de toucher au but. Et voilà qu'en prime, l'ingrate grognait, sifflant et crachant à son encontre, l'envoyant lui-même marmonner un vague :

« Je suis pas le seul... »

Point de loisir d'étendre cette complainte, la concentration d'Hypocras étant toute accordée à éviter un infortunée carambolage qui aurait certainement cassé quelque chose à la féline peu câline déjà assez cabossée. Boudiou, elle pesait son poids ! Derrière ce gabarit de souris, ces muscles qui saillaient le long de son corps avaient l'air de cacher une sacré densité qui la rendaient peu aisée à porter... enfin, la faute en revenait-elle au corps de la blessée, ou au manque de force du soigneur ? C'est qu'en terme d'immortel, le vieux Grec était un bien piètre exemple, n'ayant guère pris le temps de cultiver son physique ! Mais baste, en remerciement pour son dévouement, n'allons pas creuser ce questionnement.

Hissant, soufflant et jurant entre ses dents, maudissant de concert les enfants, les indisciplinés et le monde entier, portant de façon incongrue l'excitée à la manière d'une mariée, le peu athlétique pépère parvint avec un « Pouh ! » poussif à la poser de façon à peu près propre sur le canapé... mais tout juste le temps de se redresser qu'il se faisait choper ! A peine eut-il le temps de sursauter qu'il vit la bouche de la belle avancer, et pour quel baiser ! Plutôt du type à transpercer la chair et à perforer les tendons qu'à laisser l'impression d'un doux brandon.


Et pourtant, au grand soulagement du baroudeur veinard que venait une fois de plus de voir le sort l'épargner, la morsure ne vint pas. Pourquoi ? Si on le demande à Hypocras, il maintiendra, se fendant d'un sourire crâneur et fanfaronnant avec assurance « Un charme viscéral, apte à charmer même les plus bestiales ! » tandis qu'on son for intérieur, il remuera la question avec intérêt... peut-être quelque chose dans son odeur, dans son maintien bonhomme, dans son aspect inoffensif, dans son regard gaillard. Mystère et boule de gomme. Quoi qu'il en fût, la hargneuse et altière animale hésita, laissant au larron le loisir de toiser son joli minois. En vérité, si ce n'eut été l'air de colère dont elle était pénétrée, elle aurait eu une chienne d'allure que beaucoup auraient pu envier : regard de braise captivant, traits aigus frappants, museau attirant... tant de choses qui auraient pu être mignonnes, si elle n'avait pas été aussi grognonne, ah...

Qu'on le croie ou non, ce furent le gros des pensées qui passèrent dans la caboche du chèvre-pied, et qui lui auraient certainement valu d'être pour de bon dévoré si la demoiselle avait pu les décrypter. Pour l'heure, faisant toujours face au destin avec culot, il se contenta de la regarder sans sourciller, soutenant ses yeux sauvages de ses siens iris parsemés de malice, l'ombre d'un sourire complice à la bouche. Chance (encore!) ou résultat de sa prestance, la chatte lâcha prise, se renfrognant et grognant, autant de dépit que de douleur.


Soufflant cette fois pour de bon, le satyre déposa alors sa sacoche et se disposa à se défaire de son pardessus puis de sa chemise, examinant tout en ce faisant l'état de sa patiente : une vilaine blessure à la jambe, et une autre au ventre, manifestement aggravées par des mouvements trop précipités, mais heureusement rien de très profond ni de très compliqué. Les pertes de sang resteraient le problème le plus handicapant. Mais tandis que son vêtement de corps il empoignait, le déchirant afin d'en faire de la charpie, voilà qu'une fois de plus elle se plaignait ! Habitué à être souvent la cible de dépit, de colère ou de rancœur (justifiés ou non), Hypocras ne s'en formalisa cette fois pas, et, en empoignant dans son sac la bouteille de vodka, se contenta de répliquer recta :

« Si c'est ainsi que vous remerciez ceux qui veulent vous aider, je ne veux pas savoir comment vous vous comportez avec vos alliés. »

Mais désormais, fini de fanfaronner ou de fredonner. Retroussant les lèvres de tristesse devant un usage si bassement utilitaire d'une si bonne boisson, le secoureur improvisé trempa une manche déchirée et repliée de liqueur aromatisée ; de quoi désinfecter avant de panser avec ce qu'il restait du vêtement malmené. Sentencieux, professionnel (!), le plaisant polisson palpa avec précaution l'abdomen de la demoiselle, s'assurant de son diagnostic avant d'opérer pour essuyer et nettoyer, prévenant au préalable avec dignité :

« Va falloir t'accrocher, ça va piquer. »

Toujours cette manie de terminer en « é » ? On pourrait le critiquer, ou narquoisement s'en amuser, mais n'avez vous pas noté que même la partenaire de rp s'est prise à l'observer dans les répliques de la Terranide mal léchée ?
« Modifié: dimanche 09 septembre 2012, 01:09:49 par Hypocras »
Ah, les gars d'aujourd'hui ne savent plus faire la fête. Les Bacchanales d'avant, ça c'était le bon temps ! Maintenant, tout ça s'est perdu. Consternant.
Fiche de personnage

Yan

Terranide

Re : Intrusion ! [Yan]

Réponse 7 dimanche 09 septembre 2012, 03:11:37

Les fois où Yan avait vu le torse nu d'un homme étaient assez rares. Elle constata avec une certaine surprise la pilosité anarchique et drue qui parcourait la peau bronzée. Cela n'avait rien de la fourrure qu'elle-même portait, c'était beaucoup plus irrégulier, moins enveloppant, à peine éloignée du schéma de la barbe. Elle fit preuve d'une pudeur surprenante en faisant basculer sa tête du côté opposé à l'étranger. Impossible de savoir si elle cherchait à cacher son propre visage, ou à se détourner d'une vision qu'elle désapprouvait, qui la dérangeait.

-Ta gueule, murmura-t-elle, en guise de réponse au sarcasme, brisant sans ménagement la série en -é.

Car la terranide n'était toujours consentante au fait qu'un mâle lui prodigue un soin quelconque. Tout juste sa faiblesse l'avait-elle calmée. Elle feula de dégoût lorsqu'il passa une main sur ses côtes, se contracta, mais n'eut pas d'autres réactions violentes. Le corps de l'adolescente était bouillant, sa poitrine se soulevait sans constance, avec une amplitude minimale et une grande vitesse, anxieuse et cherchant son souffle. Pour autant, son état semblait peu à peu se stabiliser, alors que l'adrénaline, faute d'action, retombait. Son regard grenat s'obscurcit d'un voile blanc. L'énergie qui la maintenait lucide était en train de se dissiper.

-Je t'interdis de me touch...

Sa réponse, à peine plus sonore qu'un soupir, fut interrompue par la brûlure de l'alcool. La chaleur intolérable fit se soulever son abdomen de dix bons centimètres du sofa, avant de choir lourdement. Malgré ses dents serrées avec hargne, elle ne put étouffer un gémissement déchirant. De nouvelles larmes roulèrent le long de ses joues, heureusement préservées de l'inspection du médecin improvisé.

-Ça arrache, putain.

Son organisme dont les chairs venaient d'être creusées par la liqueur, ne pouvait supporter encore un traumatisme. Ne sentant plus de danger immédiat, il décida d'éteindre la conscience, devenue handicapante. Yan se sentit, sans pouvoir rien y faire, partir.

-Merde, grommela-t-elle avant que ses paupières se ferment.

Hypocras

Créature

Re : Intrusion ! [Yan]

Réponse 8 dimanche 09 septembre 2012, 04:21:43

En réponse à son avertissement, un grognement, toujours aussi peu avenant, essaya de le dissuader d'opérer sur les chairs lacérés qui déjà commençaient à s'enfler. Décidément, la demoiselle Terranide avait des tendances misandres, si ce n'étaient simplement sociopathiques, et l'espace d'un instant, Hypocras se demanda en souriant de façon grinçante en son for intérieur ce qui lui avait pris de venir mettre les pieds ici... quoique la réponse fût toute simple : lui, et son irrépressible instinct de découverte qui le faisait courir par monts et par pays, pour découvrir, conquérir, frémir ; en un mot, agir ! Et pour l'occasion, foin d'objections : pressant avec fermeté le tissu trempé, il essuya en s'efforçant de ne rien ménager, en regrettant une fois encore que la situation ne lui permît pas d'être plus tendre.

Et la résultat ne se fit pas attendre : tel un mécanisme chaotique, la tigresse se tendit de tout son long, son torse se tordant raidement en une prouesse digne d'un gymnaste qui fit craindre au médecin de fortune que les blessures ne s'aggravassent. De fait, poussé par la tension, le sang ruissela une fois de plus, souillant encore davantage le duvet déjà dégueulasse. Se contenant par un effort de concentration, le satyre fronça les sourcils et, sans laisser le temps s'écouler, continua d'éponger, la manche déchirée se retrouvant bientôt coloré d'un riche carmin. Pendant ce temps, chez le chaton vint une réaction à laquelle le larron s'était attendu, et qu'il s'était étonné de ne pas observer plus tôt : cessant de s'accrocher, sa conscience céda, l'expédient dans un sommeil assommé.


Pas fâché de se voir le champ plus libre, mais redoutant quelque ruse guerrière de la part de la terreur, le docteur releva une paupière avec précaution, puis, relativement rassuré de voir une orbite révulsée, laissa l’œil se refermer et, pouvant désormais opérer avec plus de tranquillité, se mit à fredonner, comme il le lui arrivait souvent dès que son esprit se mettait un tant soit peu à vagabonder :

« En ce temps-là, je vivais dans la lune
Les bonheurs d'ici-bas m'étaient tous défendus
Je semais des violettes et chantais pour des prunes
Et tendais la patte aux chats perdus... »


 *       *      *
 *      *       *      *

Plus tard, quiconque aurait risqué un œil dans l'antique masure serait tombé sur une scène peu commune, même dans un univers aussi unique que la métropole de Nexus. Tout d'abord, il aurait été possible d’ouïr le doux fredonnement d'un instrument de musique ; plus précisément celui d'une flûte de pan, qui laissait entendre ses chuintement chuchotants en une mélopée mi-berceuse mi-aubade. L'instrument était, comme on s'en sera douté, utilisé par Hypocras, lequel avait ôté son chapeau par commodité dans ce lieu humide et mité, son hôte ayant de toute manière vraisemblablement bien peu de chances de se formaliser de la présence de ses cornes arquées. Quitte à se relaxer, ses chaussures il les avait aussi retirées, laissant ses pattes d'ongulé se délasser comme l'occasion leur en était trop peu souvent donnée. Cependant, il avait gardé son bas, suspectant que se présenter en tenue d'Adam n'aurait pas impressionné la demoiselle favorablement.

Bref, donc, tenant l'outil à vent entre ses mains lavées sommairement du sang, il y soufflait suavement et le déplaçait dextrement, diffusant doucement cette musique qui, paraît-il, adoucit les mœurs, un atout dont le trouvère aurait tout besoin à l'encontre de la terrible tigresse. Pourquoi de la musique ? L'activité rassérénait le satyre et il ne s'en lassait jamais, or dans sa situation, à attendre le réveil d'une inconnue nerveuse dans un nid nauséabond, cela n'était pas négligeable ! Et pourquoi une flûte de pan ? Pourquoi pas ? C'était là un bon moyen d'honorer l'esprit du Grand Faune sous la bénédiction d'outre-tombe duquel le soudard ancien se plaçait, à l'occasion se cet énième voyage.

Aux côtés du troubadour, qui trônait sur l'accoudoir lacéré du meuble malmené, était toujours étendue la Terranide, cette pauvrette désormais en posture plus confortable : étendue aussi bien à son aise que possible, recouverte du grand pardessus du sauveteur qui lui faisait couverture du bout du menton jusqu'à l'extrémité des talons. Sous l'étoffe élimée, il y avait désormais un tissu bien attaché ; jadis un vêtement et maintenant un pansement, exécuté par les doigts agiles du vieux joueur, qui s'y connaissait bien en nœuds, pour des raisons plus ou moins défendables. De quoi maintenir fermée cette vilaine plaie, qui ne se rouvrirait pas à moins de bouger comme un yéyé, ce qui risquait hélas d'arriver connaissant l'agitée. Plus bas, le trou dans l'étoffe qu'avait pratiqué la lame assassine en lacérant la féline avait été agrandi pour laisser la place à une compresse maison de la même provenance que celle sur son bedon, le soigneur ayant décidé plus sage de ne pas ôter tout le pantalon. Si tentante que fût l'option, cela aurait sûrement signé son arrêt de mort par le féroce chaton.


Terminant son morceau, Hypocras s'humecta les lèvres et lança un regard rêveur à la farouche rageuse, écartant de deux doigts une mèche rebelle sur ce front précédemment essuyé par ses soins. Oui, décidément, un bien joli minois, combiné à un corps au courbes et aux angles secs, mais à l'ensemble non dénué d'une grâce martiale qui donnait envie de l'étreindre et d'être étreint par lui en retour... sauf que la calamité colérique l'aurait certainement carrément câliné pour lui casser tout les os du corps...

Toutefois, l'obstiné séducteur ne se laissait pas stopper par si peu, et ne laisserait pas sortir de son esprit la possibilité de calmer cette boule de nerfs, dusse cela lui prendre toute une ère ! Ne cachons rien, c'étaient bien entendu en partie des volontés libidineuses qui motivaient cette détermination chez notre polisson, mais au-delà de ces pulsions, il y avait ce désir, bien plus pur et inhérent à sa nature de satyre, de voir les autres se décoincer, apprécier, profiter... en un mot, s'amuser. Comme en un geste de prière, le délicat docteur d'occasion traça délicatement le contour du front duveteux de la donzelle de ses doigts, et murmura aimablement :

« Tu sais, tout ce que je veux, c'est qu'au moins, on puisse se parler un peu. »

Et, soupirant solennellement, il se remit à cajoler son instrument, partant dans une nouvelle mélodie aux trilles ondulants, fredonnant patiemment.
« Modifié: dimanche 09 septembre 2012, 17:13:52 par Hypocras »
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Yan

Terranide

Re : Intrusion ! [Yan]

Réponse 9 dimanche 09 septembre 2012, 23:55:51

Bien étrange fut le réveil de l'adolescente. Moins pénible qu'elle n'avait eu le temps de l'imaginer. Avant même d'ouvrir les yeux, ses oreilles s'étaient remises à capter les sons environnants, sans que son cerveau ne soit tout à fait capable de les recevoir. Elle fut plongée, pendant une durée qu'elle ne pouvait estimer, dans un état intermédiaire, où les éléments réels se mélangeaient sans rigueur au bouillonnement de son inconscient. Les grandes plaines de son enfance, tantôt nues, tantôt recouvertes par des herbes sèches et blondes, lui revinrent, balayées par les vents d'une musique aérienne. Sa terre natale, les arbres torturés aux feuilles trop rares, le visage de sa mère ne formèrent plus que le tout d'un tableau vaporeux. Elle ne parvenait pas à en distinguer les contours, n'en voyait que les lumières et les ombres projetées par le soleil de plomb. Rien qui ne l'inquiétait ; comme si elle avait toujours parcouru ce monde de brume chaude.

Délicatement, le paysage s'assombrit, alors que le son ambiant augmentait d'intensité. Les hallucinations hypnagogiques perdaient en en couleur ce qu'elle gagnaient en volume. Une bourrasque vint caresser le front de la terranide, soufflant ses cheveux défaits. Sa génitrice, revenue d'outre-tombe, vint lui glisser un conseil délicat à l'oreille, mais ne parvint pas à être entendue de sa fille. La guerrière se volatilisa alors brusquement, vexée. Elle fut très vite remplacée par le tableau d'un homme grossier, beuglant de sa voix porcine des insultes qui apparurent à Yan les pires qui soient, sans qu'elle ne comprenne leur sens pour autant. Accablée, elle ferma les yeux pour ne plus les entendre.

Tout devint noir, et la douce musique reprit son cours. Le terrifiant faquin avait disparu. L'adolescente tenta alors de dissiper l'obscurité. Mais ses paupières refusaient de libérer son regard, les cils, tels des crochets, agrippés à son visage. Elle se débâtie, attrapant la peau et la tirant vers le haut. Elle sortit ses griffes, et commença à gratter frénétiquement la membrane, faisant s'ajouter au plan noir des stries rouges. Dans un effort final, elle parvint, enfin, à dégager ses globes occulaires.

Un grand vertige la prit lorsque Yan reconnu le plafond de sa planque : d'un doré sale auquel pendait un chandelier dont elle ne s'était jamais servie. Heureusement, elle n'était pas en position de tomber, quoiqu'elle en eut un instant l'impression. Son équilibre se rétabli lentement, alors qu'elle reprenait ses repères, orientation horizontale, donc. Quand bien même la lumière la brûlait, elle n'osa pas cligner des yeux, de peur de devoir se confronter une nouvelle fois à son propre corps, l'un des pires ennemis qu'elle pouvait avoir la malchance de rencontrer. Puis ce fut la mémoire qui refit surface, ses souvenirs les plus récents succédant, à reculons, à ceux plus anciens. La chasseuse grimaça quand elle aperçut que son sauveur était toujours là. Elle ne surprit que la silhouette, et s'en détourna aussitôt, ne voulant surtout pas croisé son regard.

-'foiré, dégorgea-t-elle, la bouche pâteuse.

L'art était assez exceptionnel dans la culture Msalj'Qwlatta, mais la pratique, plutôt primitive, des instruments à vent, s'était répandu assez vite parmi les guerrières. La légende voulait qu'elle leur avait été apprise par un mâle capturé pour servir de reproducteur. Les femmes avaient alors été si charmées que celui-ci avait été libéré plutôt que dévoré vif. Cependant, la musique de la tribu n'avait rien à voir en subtilité avec la mélodie joyeuse de l'homme maintenant au chevet de Yan. Cette dernière soupira, étrangement pensive, emportée par une mélopée lui faisant l'effet d'un morceau de virtuose.

Se hissant sur le rebord du sofa derrière elle, elle adopta une position légèrement relevée, entre l'assis et l'allongé, découvrant sa poitrine blessée. Pendant ce déplacement, sa jambe et son thorax, qu'elles avaient senties engourdies, l’élancèrent vivement. Elle avait néanmoins reprit des forces, et, s'y attendant, parvint sans mal à cacher sa douleur. Elle soupira, le regard dans vide et le ton las, mais sûr :

-Quand je serai capable de marcher, j'irai buter quelqu'un pour toi. Ça te va ?

Hypocras

Créature

Re : Intrusion ! [Yan]

Réponse 10 lundi 10 septembre 2012, 00:52:22

Ah, tiens ! Triturant à tâtons ses alentours en des tentatives tremblantes de s'extirper du sommeil pour se tirer vers le réveil, la Terranide terrassée émergea, marmonna, maugréant et gémissant. Se doutant que se précipiter à son chevet n'aurait fait qu'exacerber son irritation au réveil, Hypocras se contenta de rester à son poste de veille, se réorientant simplement pour suivre les soubresauts entrecoupés de grognements de l'enfant, jusqu'à ce qu'enfin, ses paupières se soulèvent, révélant ces superbes iris sanguins qui bientôt se dardèrent dans sa direction avant de s'en éloigner aussitôt, l'ingrate saluant et le réveil et son sauveur d'une nouvelle injure. Qu'à cela ne tînt ; le satyre avait le cuir dur, et se faisait de toute façon fort de bientôt aboutir à des causeries plus calmes et plus cordiales... qui savait, peut-être même que si un miracle s'accomplissait, elle le remercierait ?

Pour l'heure, ricanant d'un air railleur mais seulement dan sa barbe pour ne pas s'attirer les foudres de la barbare, il poursuivit son air de flûte, croyant remarquer que, conformément aux vertus qu'on lui impute, la musique avait effectivement l'air de radoucir le caractère de cette boule de colère. De plus, principe inviolable, il se devait de continuer tant qu'il n'avait pas terminé son morceau, ou bien il ne vaudrait pas mieux qu'un vulgaire godelureau ; qu'un inculte pourceau !


Surveillant ce faisant du coin de l’œil la minette malhonnête, il vit qu'elle ne se formalisait nullement de son apparence caprine, faisant supputer au vieux singe qu'elle en avait sûrement vu d'autres dans Nexus, ou qu'elle le prenait simplement pour un autre Terranide, comme cela lui était souvent arrivé par le passé. Quoi qu'il en fût, elle ne tiqua pas dessus, pas plus qu'elle ne parut dégoûtée d'être recouverte de son pardessus ; « Considérons cela comme des premiers succès ! » se dit en son for intérieur Hypocras, tandis qu'elle se redressait laborieusement, luttant pour se mettre plus commodément tout en cachant ses douloureux élancements.

Mais soudain, la pendarde le prit par surprise, et sans qu'il s'y fût attendu, le fit pouffer de rire d'une manière qui le força fâcheusement à enfreindre son principe de finir sa représentation, et expédia chaotiquement de petits élans d'air qui firent pousser à l'instrument de Pan malmené des « PfuUt ! » indignés. Quant au joueur, désormais destitué de son rôle de musicien d'agrément, il se permit sans vergogne de rigoler carrément, répondant aussitôt en se tournant vers la tueuse alitée :

« Buter ? Mais je veux la mort de personne ! »

Ah, c'est que la vendetta, en dehors des contes et légendes qu'il narrait parfois avec un entrain diabolique, avait pour lui autant d'attrait qu'un plein mois de sobriété, tant il était désapprobateur, voire dégoûté, lorsqu'il s'agissait de toujours étriper, tuer, molester, comme y étaient enclins tant de guerriers. Non, lui s'était rarement laissé aller à plus que de simples échauffourées, et bien plus souvent dans le but de se défouler que de blesser ; et même quand il sentait la moutarde lui monter au nez, il s'en sortait avec quelques piques bien acérées, ou un coup de sabot bien placé, ces expédients suffisant à le soulager. Illustrant en l'occurrence son propos, il reprit superbement :

« Ce qu'il me plaît d'entendre, c'est ce genre de sons... » ce faisant, il souffla une courte cadence staccato dans son flûtiau, le faisant chantonner avec virtuosité, avant de se diriger en deux bonds vers un des pistolets qui avaient été laissés à traîner « … pas le bruit des canons ! »

Et vlan, impitoyablement, le satyre décocha un coup d'ergot amer dans la margoulette d'un mortel magnum qui partit dans un bruit sec buter contre un mur proche, sous l’œil désapprobateur de son expéditeur. Appuyant ses propos d'un loquace silence, il se campa, les mains sur les hanches, sa flûte dans sa main gauche, laquelle alla comme automatiquement tapoter en rythme le bas du dos du baladin. Posté ainsi, il paraissait un sage ancestral prêt à déclarer une sentence, et après à peine quelques secondes à tripoter pensivement les poils de sa barbe, il demanda d'un ton mi-désinvolte mi-suggestif, tournant vers l'attirante Terranide un œil neutre et pourtant toujours envahi de cette étincelle de vivacité perpétuelle :

« Tu ne fais rien d'autre dans ta vie que tuer et bouffer tous les pauvres bougres sur lesquels tu peux tomber ? »
« Modifié: mercredi 12 septembre 2012, 01:27:11 par Hypocras »
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Yan

Terranide

Re : Intrusion ! [Yan]

Réponse 11 lundi 10 septembre 2012, 02:13:03

Le regard de Yan se fit de suite plus sévère, dès lors qu'elle comprit la cause du trouble dans le récital du musicien. Elle détestait qu'on se moque d'elle, et si elle n'avait pas conscience de sa blessure, elle aurait bondi vers le pistolet le plus proche et aurait constellé la carcasse de l'hilare d'une dizaine de trous. Mais son piètre état n'expliquait pas tout. Elle était un peu exsangue, avait de la fièvre, une jambe en moins et une poitrine qui la faisait souffrir au moindre mouvement, bref, rien de taille à l'empêcher de réduire au silence un impudent désarmé. Si elle n'essayait plus de se battre contre le mâle, c'était qu'elle considérait qu'il était trop tard pour ça. Elle n'avait pas réussi à le repousser, à l'empêcher de lui venir en aide, de lui sauver la vie. Cela l’écœurait, elle qui n'avait d'habitude aucun scrupule à mentir, à voler et à tuer, et qui n'en dormait pas plus mal. Il en était autre chose lorsqu'il s'agissait de sa propre existence ; ce qui lui restait d'honneur l'empêchait de passer outre.

Effort qu'elle n'avait pas fait depuis longtemps, la terranide refoula sa colère, se contentant de faire claquer sa mâchoire nerveusement. Elle ne pensait alors plus qu'à une chose, faire disparaître la dette qu'elle venait de contracter. Elle avait sincèrement pensé, lorsqu'elle avait proposé de servir d'assassin, recevoir une réponse favorable. De l'expérience qu'elle avait, tout le monde, même les gens de bien, avait quelqu'un qu'il détestait, qu'il jalousait, qu'il avait rêvé de voir mort. Que sa suggestion provoque le rire la surprenait presque autant que la situation provoquait son courroux. La tirade de son sauveur eut à côté un effet moindre, et ne suscita que de l’incompréhension. L'adolescente ignorait pourquoi le bonhomme avait des préoccupations aussi futiles, et sentait bien qu'ils n'étaient pas du même monde. Elle ne pensait pas une seconde être capable de saisir ses motivations, et resta donc concentrée sur son objectif.

Le fracas d'une arme expédiée avec violence la força toutefois à relever la tête vers le mâle. C'est alors, et seulement alors, qu'elle se rendit compte de sa véritable nature. Deux cornes recourbées ornait son crâne généreusement chevelu, alors que des pattes caprines terminaient ses jambes. Évidemment, Yan, en manque de référence, pensa immédiatement à une espèce caprine de terranide. Elle n'en n'avait jamais rencontré jusqu'ici, et y était pour tout dire plutôt indifférente. En un sens, elle préférait cela à la présence d'un véritable humain : les hybrides étrangers à son espèce n'avaient absolument aucune valeur spirituelle à ses yeux. Ils n'étaient rien de plus que des animaux sans importance, presque des objets, aussi naturels que le vent et l'eau... et elle n'avait pas pour coutume de haïr les éléments aussi neutres.

L'adolescente passa sur l'affront que représentait le dommage à une arme fonctionnelle, une des siennes qui plus est, qui dans de nombreux autres cas, aurait eu une issue punitive et violente. Puis elle répondit sans honte, avec une insolence certaine, à la question du chèvre-pied.

-Nan. Je mange que ceux que j'arrive pas à vendre. Ou ceux qui me font chier. Parfois ceux qui sont gras, aussi.

Elle lorgna le cornu avec un air carnivore. Il n'était pas bien grand et imposant, mais sa semi-nudité laissait voir qu'il n'était pas si mal enrobé. Pour sûr, malgré son âge avancé (la viande avait tendance à devenir plus élastique à mesure que le garde-manger vieillissait, et les jeunes enfants avaient une saveur inégalable) il ferait un morceau de choix. Profitant qu'on pense enfin à lui, son estomac émit une protestation sonore. Yan ne s'était pas sustentée depuis presque une journée, et les efforts qu'elle avaient fournis ses dernières heures avaient eu raison de ses rares réserves adipeuses. Elle ignora l’évènement et prit un ton cassant.

-D'accord chevrette, j'ai compris, t'es une jolie colombe bien pure. Mais moi j'ai une dette envers toi, et aucune envie de me trimbaler avec longtemps. Alors fais fonctionner ton cerveau de pécore et dis moi ce que tu veux.

Remarquant la nature de sa couverture, et l'associant aussitôt à un habit qu'aurait pu porter son sauveur, la terranide la jeta sur le côté avec brutalité. Inutile de s'associer encore plus à lui, c'était assez !

Hypocras

Créature

Re : Intrusion ! [Yan]

Réponse 12 lundi 10 septembre 2012, 03:33:16

Cassante, colérique et acrimonieuse, la convalescente ne se départissait pas de ses sombres instincts qui ourlaient chacun de ses actes et qu'elle ne délaissait probablement jamais. Ah, quel tristesse pour Hypocras, qui s'épanouissait dans la splendeur, la satisfaction et la bonne boisson, de voir si grognonne gamine, guindée de grondements guerriers et galvanisée uniquement pour le combat, à l'exclusion de tout ce qui était bon, beau, bienfaisant ! Du haut de son imagination, le narrateur averti se faisait déjà une idée de sa vie : élevée par des esclavagistes de bout en bout, d'où son attitude si pessimiste et nihiliste, émancipée probablement en faisant des mains et des pieds, et ne pouvant désormais se préserver qu'en faisant usage de ses talents pour traquer et éliminer. Et bé !

De toute évidence, le satyre allait avoir du fil à retordre pour orienter la Terranide vers des perspectives moins piètres, mais peste, il s'était promis de persévérer pour percer ses protections et la projeter vers des émotions d'un naturel moins démon. Pas gagné, étant donné que pour commencer, au contraire du poète qui aimait avec les mots jouer, s'amuser, virevolter, l'assassine s'en servait pour menacer, pester et blesser, comme elle en avait manifestement l'attention en répondant à sa question d'un fort peu amène ton. Rien toutefois de nature à ébranler notre chèvre-pied, qui s'était déjà vu asséner des traits bien plus sévères et acérés.

Ce qui l'inquiétait, en revanche, c'était cette tendance marquée (et précédemment vérifiée!) à se délecter de chair fraîchement dépecée, appréciation malsaine de l'avis du voyageur qui l'avait lui-même expérimentée. Et oui ! Dans son éclectisme impérissable, il s'était un jour laissé convaincre par un margoulin qui avait manifestement une case en moins de tester un mets aussi sinistre... il en avait fini malade comme un chien, et avait rayé ce concept de sa liste aussitôt.


Intérieurement, le gaillard grimaça : bigre, il partait de bien bas avec cette furie guerrière ; toute son éducation était à refaire ! Il lui faudrait agir avec habileté, trouver un angle par lequel attaquer, pour la rediriger vers un esprit moins mal tourné, et progressivement l'amadouer... car malgré la répugnance qu'elle affichait présentement sans s'en cacher, il ne désespérait pas de parvenir un jour à intimement l'approcher. Ah, vous me direz, il existait pour cela un expédient bien moins compliqué : la jolie tigresse paraissait habitée d'un tel sens des responsabilités qu'il aurait été aisé de l'obliger en remboursement à le laisser la posséder...

Mais ça, pas question! Se résoudre au viol était une option qui inspirait autant le satyre que la perspective de se taper un bout de jambon, et le sexe par la coercition ne serait certainement pas sa solution, ça non ! Mature, matois, malin, il trouverait bien un moyen, et tandis que déjà elle se plaisait à dénigrer jusqu'à ses plus infimes côtés, il conçut une idée, un plan par lequel il allait opérer : pour commencer, puisqu'il lui faudrait du temps pour laisser le loisir à son charme d'opérer, il allait en marchander ! Faisant écho à la chute de son vêtement rudement jeté sur le côté par la chatte mal léchée, il fit claquer ses ergots sur le plancher, montrant qu'il s'était décidé.

Ainsi, jusqu'ici observant les alentours de l'air détaché d'un vieux matou rusé, il se tourna vers elle pour darder sur les prunelles irascibles un regard envahi d'un feu de détermination invincible. Il avait cette attitude dans ses temps d'enthousiasme terrible, cette posture tout autant tranquille qu'impitoyable, transfiguré d'une telle manière par une décisive visée que l'on voyait en lui un fragment de la majesté du sauvage Pan s'incarner. Posant la flûte éponyme qu'il avait jusqu'ici gardée, il s'empara à nouveau de sa bouteille proprement rebouchée, et pour ponctuer ses paroles, habilement la fit jongler, la lançant et rattrapant sans tremblement, sans cesser de s'avancer ou de parler :

« Très bien, jeune effrontée ! » Gronda-t-il gaillardement en préambule. « Tu veux un marché, je vais te proposer un marché : je vais rester à tes côtés et t'aider à te remettre sur pied, le temps pour tes blessures de cicatriser. » S'attendant déjà à une objection à ce stade, le jovial ajouta, pointant du doigt une des carcasses pourries dans la cuisine là-bas. « A moins que tu ne souhaites voir tes blessures se putréfier comme un de ces misérables moisis. » Enchaînant avec chaleur, il conclut catégoriquement. « En contrepartie, tu devras m'écouter. Je te garantis que nous aurons tout le loisir de discuter, et une fois pleinement soignée, libre à toi de m'envoyer promener... ou même de me tuer, s'il n'y a que ça pour te soulager. »

Audacieux Hypocras ! Prêt à parier sa vie sur le succès d'une entreprise décidée à la volée, énonçant un tel traité sans sourciller, n'hésitant pas à s'estimer vainqueur avant même d'avoir commencé, signe là de sa témérité rehaussée, il faut bien le dire, par sa vanité. Mais allez, n'allons rien cacher sur les intentions de ce coquin fieffé ; si les choses finissaient par trop chauffer, il n'avait pas l'intention de s'attarder, et envisageait dans le pire des cas de se carapater. Lâcheté ? A n'en pas douter, mais le satyre savait pertinemment qu'à se montrer trop vaillant, on ne vit pas longtemps !

Pour l'heure, la tirade était terminée ; les termes étaient énoncés, et pour les appuyer, le buveur rattrapa une ultime fois le contenant de liqueur pour s'en offrir une rasade avec cœur, laissant l'intensité au doux arôme de fleur d'oranger cascader dans sa gorge douloureusement asséchée. Puis, poussant un soupir appréciateur, il tendit hardiment le récipient désormais vidé de moitié, invitant la Terranide à le partager, manière conciliante de sceller ce pacte qu'il venait de lui proposer, puisqu'elle répugnerait certainement à le toucher.
« Modifié: mercredi 12 septembre 2012, 01:35:12 par Hypocras »
Ah, les gars d'aujourd'hui ne savent plus faire la fête. Les Bacchanales d'avant, ça c'était le bon temps ! Maintenant, tout ça s'est perdu. Consternant.
Fiche de personnage

Yan

Terranide

Re : Intrusion ! [Yan]

Réponse 13 mardi 11 septembre 2012, 00:53:04

Le chèvre-pied avait cessé de jouer et posé son instrument. Dommage, songea l'adolescente, qui préférait amplement le son neutre, voire féminin, de la flûte de pan, à sa voix virile. Cependant, la déception repassa le flambeau à l'étonnement. Encore une idée saugrenue du loufoque personnage. La suggestion qu'il lui faisait était plus étrange encore que le refus de ce qui lui était initialement proposé. Il souhaitait utiliser sa dette pour rester à ses côtés ? Que voulait-il vraiment, un toit ? Il était vrai que malgré le désordre ambiant, la maison qu'occupait la jeune terranide isolait bien du froid et de l'humidité, tout en procurant, par ses entrées fermées et les pièges qu'elle avait posés, une sécurité relative. Pour autant, s'il avait un peu l'accoutrement d'un vagabond, sa tenue, qu'il avait à présent ôtée, n'était pas suffisamment négligée pour faire de lui un sans-abri crédible. De ce qu'il lui avait avoué, il n'appréciait pas davantage la seule nourriture qu'elle consommait. Alors quoi ? Son ventre se laissa aller à un gargouillis supplémentaire.

Pour elle, le tribut n'avait aucune valeur. Il ne s'agissait pas d'un fait d'arme, d'une demande de protection ou même de rémunération ; rien qui ne puisse s'acheter. L'étranger lui demandait juste de faire une entorse dans ses principes de vie, pour le tolérer au près d'elle pendant un temps qui pouvait s'avérer long. Mais si elle-même considérait qu'accepter sa présence était un insigne honneur, elle ne comprenait pas comment lui en avait conscience. Elle savait que la culture de Nexus était très différente de la sienne, et que la plupart des femmes se laissaient approcher sans mal. Surtout quand l'individu lui procurait un service supplémentaire, comme des soins. De quelle tradition alors, possiblement proche de la sienne, pouvait bien être issu le bonhomme ? Dans le doute, elle décida de donner une réponse positive. Si elle pouvait s'en tirer comme ça, alors les choses ne lui paraissaient pas si terribles.

-Mouais, fit-elle en croisant les bras, prenant un air profondément renfrogné, boudeur.

L’expulsion de sa couette de fortune avait mis en évidence sa blessure à la jambe, que malgré la douleur qu'elle lui envoyait régulièrement, au rythme des battements de son cœur, Yan avait presque oubliée. Pendant que l'hybride-bouc parlait, s'exclamait, s'enflammait, elle ne trouva rien de plus digne que de la fixer, comme s'il s'agissait d'un tableau particulièrement préoccupant. Elle se demandait combien de temps allait durer son rétablissement ; sachant que pour elle, dans cette situation, ce mot signifiait simplement être capable de courir sans souffrir le martyr. Il était clair que face à l'inépuisable bagout de son sauveur, toute son acrimonie, son cynisme et sa sécheresse ne lui donneraient pas la victoire. La plupart des gens à qui elles s'adressaient ainsi prenaient la mouche, mais chez lui, au contraire, cela semblait stimuler encore son envie de parler. La terranide se mordit la lèvre inférieure. Le supporter toute une semaine, tout compte fait, n'était pas une chose si inconséquente. L'exploit valait bien une vie, et même deux. Elle saisit immédiatement la bouteille offerte, en dédommagement.

-Et puisque t'es là pour longtemps, va me chercher un morceau, ronchonna-t-elle en pointant du doigt son garde-manger adjacent. Une manière presque subtile de lui faire comprendre qu'elle n'était pas capable de se lever.
« Modifié: mardi 11 septembre 2012, 01:55:26 par Yan »

Hypocras

Créature

Re : Intrusion ! [Yan]

Réponse 14 mardi 11 septembre 2012, 23:28:55

Une fois encore, la verve du satyre bavard avait vaincu, repoussant les objections et les difficultés qu'on lui avait dressées pour obstinément s'immiscer et se faire accepter, prêt à remonter la pente de bout en bout sans jamais lâcher. Car si d'un bouc Hypocras avait les cornes et les sabots, il en avait aussi de son propre aveu le caractère entêté, uniquement prêt à renoncer (et encore !) lorsque sa vie était menacée, et repartant toujours à l'attaque à la charge, animé de réserves d'une infinie opiniâtreté. Il en était conscient, pour l'instant, seul le premier pas était franchi, mais il se faisait fort de conquérir la jeune boudeuse dans le temps qu'il s'était imparti, toujours aussi crânement confiant dans ses capacités à susciter la camaraderie, l'affection, la passion.

Saluant la réponse de la tigresse revêche d'une belle risette, se congratulant mentalement de ses talents de persuasion, il lui abandonna de bonne grâce son lot de liqueur. L'idée lui vint un instant de la titiller en lui faisant remarquer qu'elle allait toucher de ses lèvres un endroit que sa propre bouche avait goulûment embrassé, mais il mit de côté la puérilité, se faisant la réflexion qu'il faudrait un peu attendre pour ce genre de familiarités.

Et maintenant ? Lui préparer à déjeuner ? Soit, pourquoi pas ! Le larron était passé par des situations autrement plus dures et dégradantes que de se faire cuistot, aussi accepta-t-il la tâche de bonne grâce, lui-même n'étant pas contre de manger un morceau. Car oui, comme il l'a déjà été mentionné, la moralité du bougre, déjà pas bien solide dans ses vertes années, s'était franchement assouplie au cours de ses siècles d'existence, et faire d'une personne morte sa pitance ne lui était pas une épreuve insurmontable. Cependant, hors de question de festoyer de viande non cuisinée à la manière d'un animal inéduqué, et, toujours tout de panache, il déclama alors qu'il s'en allait dans la direction indiquée :

« Un morceau ? D'accord, mais de choix : attends un moment, et tu ne le regretteras pas ! »

Que le destin avait été curieusement joueur de faire se rencontrer deux êtres aussi opposés ; peut-être un caprice d'Aphrodite, qui voulait voir comment l'un de ses infimes protégés allait pouvoir se débrouiller dans une situation si mal engagée ? Hasard ou sort prédéterminé, il était en tout cas désormais trop tard pour reculer : les dés étaient jetés !

*       *      *
 *      *       *      *

Et comment se passa cette première journée ? Bien, fort bien, de l'avis de notre satyre enjoué, qui commença par faire en sorte d'initier sa protégée aux raffinements et aux plaisirs d'une nourriture préparée. Voyant à sa grande satisfaction que les recoins de la maison étaient pourvus d'ustensiles culinaires à profusion, il se fit un plaisir de faire parler sa fibre de cuisinier, mettant sa créativité autant que son habileté au service de son obligée, envahissant une pièce longtemps laissée inutilisée d'airs qu'il se plaisait à fredonner, tournant et retournant la chair pour à point la chauffer : filet de cuisse de jouvencelle braisée à la mode chèvre-pied !

Notre Terranide mal léchée aura-t-elle apprécié ce mets avec attention apprêté ? Allons, nous ne lisons pas dans les pensées, et si c'est à Hypocras qu'il fallait nous référer, il irait s'empresser de déclarer que sous un masque de méfiance et de fierté, elle s'en sera délecté de la première à la dernière bouchée, n'ayant jamais aussi bien mangé. Tenons-nous-en donc aux faits, qui furent que la féline prit son repas de bon appétit, poussant le contentement jusqu'à à peu près supporter la jactance du baroudeur qui, pour plaisant qu'il pût être, n'avait pas l'air de trop susciter l'enthousiasme de la tigresse d'habitude certainement solitaire.

Toujours fut-il que, mêlant piques plus ou moins déguisées, répliques bien senties et paroles plaisantes, le tout avec plus ou moins d'efficacité, et en faisant en sorte d'opportunément s'avancer ou se rétracter selon l'attitude de l'alitée, il put un peu mieux la cerner. Pour commencer, les patronymes furent échangés, et il apprit ainsi qu'en une simple syllabe consistait son identité, tandis que de son côté, il fit foin d'Hypolite Crasier, divulguant directement son nom empreint d'antiquité.

Mais quant au reste de la conversation, que de disparités ! Les deux gaillards étaient manifestement issus de cultures si diamétralement opposées que c'en étaient carrément deux langages différents qu'ils paraissaient parler, et plusieurs fois, le satyre pourtant obstiné se retrouva dans une impasse si impossible à creuser qu'il dut dresser le drapeau blanc sous peine de prêcher aussi longuement que vainement. Pour exemple, la simple idée de la non nécessité d'être toujours le premier à être prêt à attaquer la laissait à tout moins perplexe, et clairement cynique : « Nécessité ! » arguait-t-elle sans en démordre là où lui répondait « Brutalité ! », le ton se mettant plusieurs fois à monter... sans jamais heureusement en arriver aux mains, malgré les menacent qui volèrent bas...


Du reste, durant la journée, niveau dialogue, à ce point Yan se montra-t-elle renfrognée que ce fut quasiment toujours le chèvre-pied qui dut les initier. La seule fois où elle prit la peine de commencer fut quand, après un moment passé à atermoyer, elle finit par déclarer avec tout le lyrisme qui l'avait jusque ici qualifiée : « Hé, j'dois pisser. ».

Et oui, comme vous le voyez, le rôle de notre si généreux gentilhomme ne se cantonna pas à celui de marmiton ; il dut en plus se faire infirmier, et en l'occurrence lui passer quelque chose dans lequel se soulager. A cette occasion, il put se rendre compte que si elle semblait aussi disposée à se faire toucher par lui qu'à se faire une cure de cyanure, elle se déculotta par contraste sans lui prêter attention. Étrange mélange d'indifférente impudeur et d'inépuisable rancœur, qui laissait voir que décidément, la demoiselle avait vécu à la dure, et devait estimer avoir une dette à faire payer à la gent masculine toute entière. Ah, il était vrai que Nexus n'était pas une maîtresse clémente pour les Terranides, et que les esclavagistes qui y régnaient se plaisaient à les tourmenter avec un sadisme particulier...


Un autre sujet abordé fut celui de la musicalité, et de ce côté, immédiatement, elle se mit à se braquer, affirmant n'avoir pour ces frivolités qu'un profond désintérêt, tout en montrant un détachement un peu trop prononcé pour notre coquin fieffé. Ainsi, terminant la conversation sans apparemment aucune arrière-pensée, il fit mine de vaquer à ses activités, pour soudain dégainer par surprise le second compagnon artistique qu'il avait emmené, à cordes celui-là puisqu'il ne s'agissait de nulle autre qu'une lyre, son chouchou avoué depuis l'Antiquité.

Ainsi, il se remit à jouer, et, sa voix paraissant irriter la jeune femme plus que la captiver, il se consacra tout entier à cajoler sa maîtresse la plus privilégiée, gardant les yeux fermés alors que, d'un air inspiré, il se plaisait à caresser son corps souple et bien galbé, la faisant gémir d'un plaisir cristallin qui se répercuta clairement dans le manoir délabré. Portrait particulier que celui de cet homme rêveur, à son art corps et âme dévoué, faisant courir ses doigts avec une douceur et une agilité presque impossibles, un doux sourire sur son visage. Sur lui, il put sentir le regard de Yan, qu'il devinait inquisiteur, à la fois empreint d'un reste de mépris et envahi d'une irrésistible curiosité devant ce prodige de sonorités.

Cela encouragea encore le ménestrel à redoubler de virtuosité, et, laissant ses gestes prendre un rythme mille et mille fois familier, il continua de danser, danser, évoquant tour à tour des images de landes désertées, de mers ensoleillées, de bois enténébrés, de palais de cristal taillé, de monts enneigés... et de mille autre paysages de fantasmagorie qui se virent convoqués dans l'enceinte du domicile cloîtré. Éphémère et pourtant investie d'une puissance immortelle et immuable, la musique jaillissait des mains de son maître et serviteur, chevauchait l'air, courait sur le plancher, et venait frôler suavement les oreilles de la tigresse, paraissant tisser un pont d'entente, de similarité, entre les deux êtres pourtant si différenciés.


Pendant de longues, longues minutes, Hypocras se laissa aller, son inspiration, son attention et son imagination s'exprimant en un chant fait de notes, dénué de paroles, qui prit fin presque à la manière d'un rêve, perdant peu à peu en intensité pour expirer dans un chuintement mélodieux puis dans un silence soyeux. Alors le tisseur de songes, la brillance des étoiles encore et toujours dans les yeux, releva ses paupières, et, un demi-sourire de complicité se dessinant le long de son faciès buriné, fixa son unique et privilégiée auditrice d'un air non pas empreint d'un triomphe mesquin, mais d'une affabilité conciliatrice, avec peut-être juste un brin de quelque chose d'un petit malin.
« Modifié: mercredi 12 septembre 2012, 02:17:03 par Hypocras »
Ah, les gars d'aujourd'hui ne savent plus faire la fête. Les Bacchanales d'avant, ça c'était le bon temps ! Maintenant, tout ça s'est perdu. Consternant.
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