La police ne resta pas trop longtemps à la poissonnerie. Le propriétaire des lieux n’avait pas envie de porter plainte, invoquant une fuite de gaz. Il était le premier à ne pas y croire, tout en affirmant qu’il n’y avait pas eu d’«
individus costumés ». Le chauffeur de bus ne s’était pas mêlé de ces histoires, ayant préféré se conforter à la version du restaurateur. Une fuite de gaz avait envoyé valdinguer une partie du mur contre le bus, qui roulait bien trop près du trottoir. Le chauffeur assumerait le prix de réparation du bus, ne voulant surtout pas d’ennuis avec les Triades. Être chauffeur de bus, c’était un métier particulièrement risqué, car les lignes passaient par la Toussaint, par des quartiers dangereux où il fallait savoir se concentrer uniquement sur la route. La police laissa donc là la situation, retournant à ses activités normales. Les policiers savaient également qu’il ne fallait pas trop chercher les Triades, et laisser tout cela à des brigades plus importantes : la criminelle, ou la brigande antigangs. De simples flics de patrouille en service, qui s’occupaient de violences conjugales, n’avaient pas le cran nécessaire pour embêter la puissante mafia chinoise.
Après le départ des flics, le vieux magicien, Wung, ordonna à ses lieutenants de venir à la poissonnerie pour une réunion extraordinaire. Félicia et Spider-Man, pendant ce temps, se déplaçaient de toit en toit pour revenir chez elle. On ne disait pas non à la Tête de Dragon. Wung était originaire de Hong Kong, et était un très vieux criminel. Il ne se considérait d’ailleurs pas comme un criminel. Comment aurait-il pu le faire, alors que son propre gouvernement lui avait décerné des médailles, et qu’il était ami avec plusieurs pointures du Parti communiste ? Il faisait partie des «
bons », pour reprendre le terme de Deng Xiaoping en 1982, des «
patriotes », selon Tao Siju. Mais le «
patriote » avait un problème sur les bras. Une femme costumée comme une pute occidentale, et un clown en pyjama. Or, Wung n’était pas venu chez les Japonais, dans cette île qu’il détestait, pour que des échappés de l’asile viennent, non seulement le narguer, mais également atteindre son repaire. A cause d’eux, son interrogatoire d’un Yakuza avait échoué.
Wung n’était donc pas content, et demanda à ses lieutenants qui étaient ces deux comiques. L’
Éventail de papier blanc n’en avait jamais entendu parler, et se contenta d’hausser les épaules. Le
Bâton rouge, prudent, n’osa pas dire ce qu’il pensait, à savoir que ces deux imbéciles n’étaient pas une menace prioritaire. Il savait que Wung l’aurait laissé entre les mains des deux Genkyô s’il s’amusait à dire une telle stupidité. La
Sandale de paille, qui avait en charge les affaires extérieures de la mafia, indiqua qu’il s’agissait de super-héros venant des États-Unis.
«
Un super-héros ? s’étonna Wung.
-
Un genre de policier privé précisa le lieutenant.
-
Je puis vous assurer, Messieurs, que Spider-Man ne collabore nullement avec la police. En revanche, en ce qui concerne sa partenaire... Elle a toujours été plus insaisissable. »
La voix avait jailli dans le dos de Wung, forçant les différents lieutenants réunis autour de la table à se tourner. Wung, de son côté, serra ses longs doigts, ne tenant pas compte des regards impressionnés des individus en voyant des espèces de tentacules métalliques sortir de l’ombre. Les Genkyô n’avaient nullement bronché. Wung fit la moue.
«
Vous êtes en retard, Docteur. Je veux bien vous pardonner votre retard si vous avez des informations intéressantes à me communiquer. »
Le docteur Otto Octavius, plus connu pour être le Docteur Octopus, s’aventura hors de l’ombre. Qu’est-ce qu’Octopus fichait avec l’une des familles du 14K, c’était une grande question, mais la réponse ne viendrait pas tout de suite. Il se contenta d’un léger sourire. Octopus savait où vivait Félicia Hardy, et il savait que l’Homme-Araignée s’y trouverait aussi.
«
Je peux les tuer dès ce soir, Monsieur Wung... »
Le Chinois hocha lentement la tête.
«
Faites-le... Et vous aurez à disposition cette augmentation de votre budget que vous me réclamez tant. »
Otto hocha lentement la tête, en signe d’acquiescement, et partit sans plus tarder, laissant les murmures entre les différents lieutenants. Les Triades ne faisaient guère confiance aux Occidentaux, et Wung comprit que son autorité était en train de vaciller, qu’on allait remettre en cause ses décisions, qu’on allait le critiquer, le considérer comme sénile, et fomenter une rébellion. La paranoïa, dans ce genre de milieu, était souvent un très bon allié. Ce dernier leva la main, et tendit un doigt. Un rayon enflammé en jaillit, fendant l’air, et transperça le cœur d’un de ses lieutenants. Il avait choisi au hasard, ils étaient tous mauvais de toute façon. Le
Maître des Encens de sa mafia se tortilla sur son siège, et mourut assez rapidement, son corps se calcinant de l’intérieur. Sa peau se déchiqueta, se fendit, le feu le dévorant, mais sans se répandre. Sa tête livide, rouge, épluchée comme une espèce de grotesque orange, tomba sur la table.
Wung venait de reconquérir le respect de sa mafia, et espérait que ces deux gêneurs allaient vite mourir. Il avait d’autres priorités, et bien d’autres problèmes en tête. Quant à Octopus, il avait également d’autres priorités, mais l’opportunité de se venger de cet arrogant Peter était trop tentante pour qu’il ne la saisisse pas. Octavius avait beau être un scientifique, il était aussi un homme. Et il avait vu en Peter le fils qu’il n’avait jamais eu, et était sûr que Peter, un jour, aurait pu voir en lui ce père qu’il n’avait jamais eu. Il avait fallu que Peter choisisse de devenir un super-héros bariolé, négligeant ainsi sa carrière scientifique. Et portant atteinte à sa famille déjà meurtrie. Si Peter aurait été son fils, Octavius n’aurait vu en lui qu’un gâchis. Un gâchis qui avait coûté la mort de May Parker... May... A cette seule pensée, le cœur d’Octavius se serra, renforçant sa détermination. Elle était morte par sa faute. Elle... May Parker, l’incarnation de la douceur et de la tendresse, une perle rare qu’Octopus avait juré de protéger. Il avait échoué. Et il allait la venger. Il savait où vivait Félicia. Un pur hasard. Les deux étaient affiliés à la même banque. Au Japon, Octavius n’était pas considéré comme un criminel. A dire vrai, il n’était plus considéré comme un criminel depuis qu’il avait rejoint les Thunderbolts. Officiellement, il était sous les ordres de Luke Cage, mais le S.H.I.E.L.D. était dans un tel état, après les agissements de Norman Osborn, qu’il était très indépendant. Quand il avait remarqué que Félicia vivait à Seikusu, il était remonté dans les bases de données personnelles de Luke Cage, et avait ainsi appris que Félicia faisait l’objet d’un programme de protection des témoins, et avait été placée dans un studio minable de Seikusu. Les fiches de Cage n’étaient plus à jour, et, en enquêtant, Octopus avait trouvé la nouvelle, adresse de cette petite chatte qu’il avait un jour manqué tuer. Il se rendait précisément vers cette nouvelle adresse.
*
Une erreur que je compte rectifier... Prépare-toi, Peter, car ce sera, cette fois, bien différent... Je ne suis plus le même...*
De son côté, Peter avait la tête plongée dans les seins de Félicia, qui en vibrait de plaisir. Aoki l’avait souvent comparé à un «
sex toy grandeur nature », en raison de ses vibrations. Il s’agissait de ronronnements, un attribut félin assez typique. Malgré tout le respect qu’elle était censée devoir à Mary Jane (mais Félicia ne l’avait jamais aimé), Félicia était follement heureuse que Peter soit revenu vers elle. Elle ne pouvait plus lui offrir son amour, car elle l’avait confié à quelqu’un d’autre, une femme (les hommes et leur lâcheté l’avaient bien trop déçu)... Mais elle pouvait toujours lui offrir son affection. Il s’attaquait à ses tétons, et elle ferma les yeux, soupirant de plaisir... Lorsque Peter releva la tête. Ce fut comme si on arracha Félicia à un rêve brutal. Elle vit le regard de l’Homme-Araignée se durcir, et fronça les sourcils.
«
Qu... ? »
Il la poussa alors, refermant sa fermeture Éclair, tandis que tout se mit à exploser autour d’elle. Le mur sur lequel Peter se tenait s’ouvrit en deux, révélant une espèce de truc en argent avec des crochets. Les baies vitrées explosèrent alors, et Félicia se retrouva sur le sol. Elle tourna la tête, ne comprenant rien, et vit la silhouette d’Octopus... Dans sa situation, elle se revit alors dans le repaire du Hibou, au cœur d’une sanglante guerre entre les hommes d’Otto et les hommes du Hibou. A cette époque, le Docteur Octopus rêvait de devenir le chef de la pègre new-yorkaise. Il avait déjà fait plusieurs tentatives pour y arriver, mais avait toujours échoué. Il s’était heurté à bien des ennemis, comme Hammerhead, et, en ce jour fatidique, s’était heurté au Hibou. Félicia Hardy était alors avec Spider-Man pour tenter de calmer le jeu, et avait failli mourir. Difficile d’oublier ça... La douleur avait été terrifiante, l’envoyant dans le coma.
Ne parvenant pas à comprendre ce que le Doc fichait ici, Félicia mit un temps à relancer son cerveau, et, pendant ce temps, l’un des tentacules d’Octopus vint se serrer contre sa taille, la soulevant du sol, serrant à lui en briser les reins. La douleur réveilla Félicia, qui serra les dents, et laissa le mégalomane parler. De son côté, elle se contenta de regarder les murs, et vit ce qu’elle craignait. Les détecteurs d’alarme émettaient de petits voyants rouges. Félicia était sous liberté surveillée, en ce sens qu’elle faisait toujours partie d’un programme de protection géré par le S.H.I.E.L.D. Quand elle avait du quitter son studio, elle avait été voir Norman, son agent de liaison, et lui avait demandé si elle pouvait déménager. Norman avait accepté, mais sous quelques conditions. Étant donné qu’elles étaient plutôt avantageuses pour la Chatte, cette dernière n’avait pas refusé. Octopus avait ravagé son salon, mais elle ne s’en faisait pas vraiment pour lui. C’était Peter qui l’inquiétait, car elle savait qu’il allait vouloir jouer au chevalier servant, alors qu’il devrait s’enfuir. La cavalerie arrivait, et le S.H.I.E.LD. recherchait toujours l’Homme-Araignée.
Elle tenta de se débattre, et vit les autres tentacules se rapprocher. Ce fut à ce moment que Spider-Man intervint, parvenant à libérer Félicia. Il empêcha un autre tentacule de la perforer, et lui suggéra d’aller mettre ses chats à l’abri... Ces dernier savaient déjà foutu le camp. Elle secoua la tête.
«
Pe... »
Félicia ne put en dire plus, car un tentacule fondit sur elle. Elle bondit en arrière, et ce dernier pulvérisa sa table basse.
*
Enfoiré d’enculé de merde, mon appartement !*
Elle secoua la tête, incrédule. Ce dernier était ravagé.
«
Tu ne la tueras pas, Oc’ ! C’est pour moi que tu es venu ! Je ne te laisserais pas lui faire du mal ! Plus maintenant ! »
Spidey était résolu, et parvint à envoyer Doc Ock sur la terrasse, avant de l’aveugler avec sa toile. Octopus grogna en tentant de tirer sur la toile qui lui obstruait la vue. Surpris, Octopus se reçut de la part de Spider-Man un uppercut qui le fit trébucher, manquant le faire tomber.
«
T’as pris du bide depuis la dernière fois, gros lard. Ca se ressent sur ta rapidité ! »
Octopus répliqua à l’aide d’un tentacule, qui frappa Spider-Man au ventre, le faisant décoller du sol. Ce dernier s’envola sur la terrasse supérieure, là où il y avait la piscine. Félicia jaillit alors, et vit un tentacule filer sur sa gauche. Elle bondit, s’appuyant dessus avec l’une de ses mains, et s’envola dans les airs. Elle fondit sur Octopus, mais savait qu’un tentacule viendrait le protéger. Elle rebondit donc sur ce tentacule, et en vit un jaillir sur sa droite. Le troisième tentacule la loupa de peu, et elle atterrit derrière le docteur, qui tenta de se retourner...
«
Trop lent, mon vieux ! »
Félicia fléchit les genoux, évitant un tentacule, et s’appuya sur ses bras pour renverser Octopus, se servant de ses jambes. Le Docteur tomba sur le sol, et elle bondit sur lui, se mettant à califourchon sur son ventre, et le frappa au visage.
«
Ça, c’est pour mon appartement ! »
Elle le frappa à nouveau, l’empêchant d’utiliser ses tentacules, sachant qu’il les utilisait mentalement. Elle frappait sur sa joue gauche.
«
Ça, c’est pour m’avoir envoyé dans le coma ! »
Elle arma à nouveau le poing, et frappa, fissurant les lunettes noires d’Octopus.
«
Ça, c’est pour gâcher mes retrouvailles ! »
Un nouveau coup de poing jaillit, accentuant les fissures sur les lunettes d’Otto. Ce dernier cracha du sang, et tourna son visage vers elle, avant de lui offrir un sourire rougi, rougi par le sang qui s’échappait de ses dents.
«
Et ça, sale enfoiré, c’est pour ta sale gu... ! »
Octopus tendit alors l’une de ses mains, et un éclair en jaillit. Félicia poussa un hurlement de surprise et de douleur, et fut propulsée en arrière. Elle s’écrasa sur un transat, le pulvérisant sous son poids. De la fumée s’échappa de son corps, et elle bondit par réflexe sur la gauche, évitant un autre éclair. Ce ne fut qu’à ce moment que Félicia remarqua que quelque chose avait changé chez le Docteur. Outre ses tentacules, deux espèces de tubes longeaient ses bras, partant de son épiderme jusqu’à ses mains. Sentant Spider-Man approcher de lui, il envoya une décharge électrique supplémentaire, touchant le Tisseur, l’envoyant s’écraser au sol, et ne laissa pas le temps à Peter de se ressaisir. Un tentacule vint s’écraser lourdement sur son dos, et un autre l’attrapa à la gorge, le soulevant du sol.
«
J’accomplirai ma vengeance, Peter ! »
Il poussa un rire de dément, et Félicia dansa alors sur sa terrasse, tentant d’éviter les tentacules... Mais échoua. Un tentacule l’atteignit à l’estomac, l’envoyant rouler sur le sol. Son corps fut arrêté par le garde-fou, et un tentacule l’attrapa à la jambe, la soulevant, la tête vers le bas.
«
J’ai été faire des emplettes, expliqua Octopus.
Cette ville est fascinante, Peter, et donne accès à des ressources technologiques infinies. J’ai pu me confectionner un générateur bien plus puissant pour mes tentacules, si puissant que j’ai pu me doter de quelques éléments supplémentaires. »
Octopus rit à nouveau, et serra son tentacule autour de la gorge de Peter, l’étouffant.
«
Je vais te tuer, Peter, mais, avant cela, je vais la faire souffrir... Regarde bien... »
Le tentacule qui retenait Félicia s’éleva en l’air, et cette dernière se protégea le visage avec les bras. Il la souleva en l’air, et l’envoya avec violence s’écraser sur le sol. Félicia sentit ses bras craquer, et une douleur fulgurante résonna dans tout son corps. Le sang jaillit de sa tenue déchirée, de plaies nombreuses aux bras et sur le visage. Un bout d’os ressortait de l’un de ses bras. Octopus lui avait brisé la moitié du corps, et elle était comateuse, revivant un vieux cauchemar.
«
C’est dommage, Peter... Tu aurais pu être tellement mieux... Spider-Man n’a fait que te faire échouer. Il est temps d’oublier ta vie passée. Je vais t’aider. »
Félicia se sentit à nouveau soulevée. Des points noirs grossissaient sur ses yeux, et elle sentait des frissons parcourir tout son corps. Chacun des tentacules d’Octopus pouvait soulever jusqu’à huit tonnes. Il aurait pu broyer la gorge de Peter instantanément, s’il l’avait voulu.
Ce fut à ce moment que Félicia vit des lumières et entendit des vrombissements puissants. Un vent violent se leva, et de puissants projecteurs vinrent les englober. Derrière eux, un petit vaisseau aérien venait de débarquer, éclairant à l’aide de puissants projecteurs la terrasse.
«
Vous êtes en état d’arrestation ! Veuillez vous rendre immédiatement, ou nous serons obligés d’ouvrir le feu ! »
Le vaisseau était trop stable pour être un hélicoptère de police. Octopus tourna la tête, guère impressionné par ce gêneur, et envoya un tentacule vers le projecteur, le pulvérisant, tout en s’accrochant au vaisseau. Huit tonnes... Il se mit à tirer, déstabilisant le vaisseau. Il était noir, et un logo apparaissait sur le nez de l’appareil, juste sous le cockpit noirâtre :
C’était l’aigle doré du S.H.I.E.L.D. Les renforts de Félicia. Après l’attaque d’Octopus, le vaisseau réagit instantanément, faisant pointer deux tourelles de défense sous son ventre. C’était un vaisseau de transport, et des balles spéciales jaillirent. Les tirs atteignirent Octopus, qui perdit alors l’usage de ses tentacules. Des éclairs fusèrent sur son harnais, et Félicia se sentit libérer. Elle s’écrasa mollement sur la terrasse, tremblant, pâle et livide.
«
Qu’est-ce que... ?! »
Le vaisseau se déplaça au-dessus de la terrasse, et des cordes jaillirent, laissant tomber des soldats armés en rappel. Félicia se retrouva rapidement avec Peter, et tourna la tête vers lui, soufflant :
«
Va... Va-t-en, Peter... Ils... Ils vont essayer de t’arrêter... »
Pour l’instant, les agents se focalisaient surtout sur Octopus, tirant sur lui des balles spéciales, des balles IEM qui court-circuitaient son système électrique. Ce dernier pesta, et entreprit alors de s’enfuir, ses facultés mentales lui permettant encore de diriger les tentacules.
«
Po... Pose-moi un... Un traceur, et... Et je l’activerai quand... Quand... »
Félicia cracha un peu de sang.
«
A-allez... Fous le camp ! »