Couper l’eau n’était pas compliqué. Tourner un robinet ne demandait, ni une préparation mentale forte, ni un entraînement physique régulier. Et l’eau, à vrai dire, commençait à bien monter. Elle lui était indifférente, et son unique centre d’intérêt, à vrai dire, se résumait à cette femme qui était à moitié habillée, et qui jouait avec la Mort. Une nécromancienne. Qui aurait pu croire qu’il s’en taperait une ? Les nécromanciens, disait-on, sentaient la Mort. Mais son corps, pour ce qu’il en voyait, ne sentait rien de tout ça. Curieusement, il respirait de vie, de cette vie qui vous donnait envie de la croquer à pleines dents. Elle était chaude, désirable, ardente. Il était dans ce paradoxe que c’était elle qui lui rappelait les plus simples, mais aussi les plus exquises, joies de vivre. En d’autres temps, il s’en serait damné, au nom de sa fierté. Mais, en ce moment, il se contentait de subir, et la laisser agir à sa guise, la laisser le chevaucher. Lui, le guerrier, le fort, le puissant. Il lui avait suffi de tomber sur une nécromancienne pour voir toute la nullité de son jeu, et se plier. Elle l’avait rencontré dans les cachots, et il avait eu envie de lui tordre son joli petit cou. Maintenant, il n’avait qu’une envie : le baiser. Il n’y avait qu’une femme pour vous donner de telles envies, d’un extrême à l’autre.
Dressée sur lui, elle le dominait, le chevauchait, et lui sentait tout son corps fondre dans une eau merveilleusement chaude, leurs corps se scellant sous la surface de l’eau, une surface qui continuait à grossir, les remplissant, semblant conforter cette idée qu’ils étaient noyés dans une bulle de douceur et, dans une certaine mesure, de sauvagerie. Vu le trou pourri dans lequel ils se trouvaient, cet instant volé était à saisir, et à en profiter pleinement. N’ayant plus grand-chose à faire, Cahir se contentait de subir, et, surtout, de tenir. A chaque rebond de cette femme, à chaque fois que son corps glissait sur son sexe, il sentait des frissons le parcourir, comme des messages électriques remontant le long de son corps pour filer dans son cerveau, lui intimant de se décharger, de se vider. Et lui devait tenir tête, devait empêcher son corps de répondre au message de souffrance que la tuyauterie émettait. Le plombier devait continuer à prendre son café. Il se forçait à ouvrir les yeux, à observer cette femme, la trouvant, sous le voile du sexe, aussi belle qu’une diva. Une créature délicieuse pour laquelle il aurait pu se damner.
Ses mains s’étaient rapidement posées sur un endroit qui, en étant attirant, ne dérangerait pas la femme dans sa danse. Son bassin, et, de là, ses fesses, qu’il pressait. L’originalité de cette femme allait de pair avec sa beauté. Elle était rentrée dans le bain avec ses collants, et continuait avec eux. Il les sentait contre ses jambes, et ce simple détail, sans qu’il ne puisse vraiment se l’expliquer (mais, à vrai dire, il y avait beaucoup de choses que Cahir ne s’expliquait pas dans ce château, jusqu’à l’existence même de cette grange poussiéreuse), suffisait à l’exciter. Il la tenait contre lui, et soupirait parfois lourdement, sans excès, voulant surtout se régaler des soupirs de la jeune femme. Pour le coup, il n’avait pas à se demander si elle était heureuse ou non. La manière dont elle avait pris les devants en témoignait. L’eau, quant à elle, commençait à déborder, s’étalant sur le sol, chaque secousse d’Eclipse la renversant. Mais lui aussi n’en avait cure. Il se contentait de la caresser, à hauteur de son postérieur, de l’observer, de la contempler, admirant chaque détail, chaque ligne, chaque courbe. Une nécromancienne... Peut-être n’était-il pas si borné que ça, finalement ?
L’eau remontant à hauteur de son cou, titillant ses cheveux, Cahir était placé entre un choix cornélien : délaisser de ses doigts cette superbe pièce, ou s’y cramponner. L’hésitation fut de courte durée, et, se servant du postérieur de la jeune femme comme appui, crispant du coup ses doigts sur elle, il se redressa légèrement, faisant remuer l’eau, provoquant de petites vaguelettes, et en balançant une bonne partie sur le sol, afin de porter son visage à hauteur des seins de la femme. Il en attrapa un, remontant l’une de ses mains vers le milieu du dos pour favoriser son appui. Il y a longtemps, il aurait sans doute déjà joui. Mais ça faisait longtemps que l’apatride n’avait pas eu la chance de goûter au corps d’une femme. Et c’était une nécromancienne. Deux bonnes raisons de prolonger le plaisir.