C'est un Dolan plutôt maussade qui marchait dans les rues boueuses et puantes de corruption. Il était encadré de deux armoires à glace qui scrutaient les ombres à la recherche de quelques malfrats téméraires qui tenteraient de leurs chercher querelles. Le ciel semblait d'aussi bonne humeur que William, car il lâchait des torrents d'eau sur les trois hommes. Bien entendu, les caprices de quelques nuages n'atteignaient pas l'avocat qui était protégé par un parapluie, tenu par l'un de ses fidèles gardes du corps.
Soudain, William avisa enfin sa destination. Une sorte de bar qui servait de point de rendez-vous. D'habitude se sont plutôt les clients qui viennent dans son cabinet. Les avocats à domicile, ça n'existe pas. Cependant, William aurait été mal avisé de faire un excès de fierté, car son client est très influent dans le milieu du banditisme. Il avait donc ravalé son orgueil et accepté l'invitation.
William sentit une goutte d'eau s'écraser sur sa joue. Il jeta un coup d'œil irrité vers l'imbécile qui ne savait pas refermer un parapluie correctement, mais ne fit aucun commentaire. Il était enfin arrivé. Le bar se voulait branché mais William le trouvait plutôt classique. Un comptoir, quelques tables collées contre les murs pour permettre aux danseurs d'exprimer leur talent inexistant et ce qui ressemble à un carré V.I.P. C'était là que son client l'attendait. Un grand Yakusa d'une trentaine d'années complètement chauve et pourvu d'un regard cruel. William avait appris à ne pas avoir peur de ce genre de type, car il représente son salut contre les griffes de la justice. En effet, l'homme était accusé de proxénétisme. Une de ses catins l'avait dénoncée et s'était présentée à la police avec nombre de preuves accablantes. Sans Dolan, ce type serait condamné.
-Vous avez quartier libre jusqu'à ce que j'en ai fini, annonça Dolan à ses hommes de main.
Les deux armoires à glace se regardèrent un temps, jusqu'à ce qu'ils se décident à aller s'asseoir à une table. Enfin seul, William se dirigea vers l'espace réservé où il fut accueillit avec un enthousiasme qu'il jugea excessif. Venant d'un Yakusa, cela voulait dire qu'il avait vraiment besoin des services de Dolan. Ce fut donc avec un petit sourire en coin qu'il prit place à la table des négociations.
* * *
-Ce sera tout pour aujourd'hui monsieur Dolan, annonça le Yakusa d'une voix ferme.
Les négociations ne s'étaient pas passées comme prévu. Dolan est avocat, il n'est pas magicien et ça son interlocuteur semblait ne pas le comprendre. Cet homme était dans la mouise et il ne le réalisait pas. Cette affaire était beaucoup plus grave que Dolan le pensait. La prostituée avait réuni trop de preuves et en plus les flics s'en étaient mêlés en fourrant leur nez dans les trafics du Yakusa.
Dolan ne pouvait rien pour ce pauvre bougre, si ce n'est alléger sa peine. Et il semblerait que ce compromis n'est pas plus à tout le monde.
-Je vous laisse réfléchir à ce que je vous ai dit, fit Dolan en se levant de sa chaise. Appelez-moi si vous avez besoin de mes services.
-J'y réfléchirait, en effet, rétorqua le mafieux d'une voix plus posée. Profitez de mon établissement, maitre. C'est moi qui offre.
L'homme fit un signe au barman qui acquiesça en silence. William le remercia d'un signe de tête et quitta le carré V.I.P. Il n'avait aucun envie de s'attarder dans ce bar mais ça aurait été très impoli de refuser.
L'avocat prit donc place sur un tabouret et s'accouda au comptoir. Le serveur s'enquit de sa commande et revint un instant plus tard avec une bière brune que William sirota avec une lenteur délibérée.