L’espace exigu du placard amplifiait chaque sensation, chaque souffle, chaque frisson parcourant l’échine de Brittany. Le contrôle de la situation lui échappait lentement, glissant entre ses doigts comme du sable. Son corps répondait malgré elle aux assauts qu’on lui imposait, à cette chaleur oppressante qui la consumait de l’intérieur. Bien entendu, Malfée était en grande partie responsable de ce dérapage bien au-delà des attentes de Shun et Brittany.
Un vertige la prit lorsque Shun resserra sa prise sur ses cheveux, l’amenant un peu plus loin qu’elle ne l’aurait voulu. C’était grisant et perturbant à la fois, un jeu dangereux sur une corde raide entre l’excitation et l’hésitation. Son esprit s’embrumait, tiraillé entre le plaisir trouble qui l’envahissait et cette alarme lointaine qui lui soufflait que tout cela allait trop vite. Elle n'avait pas protesté quand Shun avait mis son sexe dans sa bouche en passant outre les préliminaires, et elle ne protesta pas plus lorsqu'il tenta de passer la barrière de son oesophage. Et toute la volonté du monde ne fut pas suffisante pour étouffer le bruit de gargoullis humides alors qu'elle essayait vainement de respirer entre les à-coups avides de Shun.
Puis soudain, un bruit. Un frôlement à l’extérieur du placard.
Tout bascula en une fraction de seconde.
La poignée tourna brutalement, laissant un flot de lumière crue s’engouffrer dans l’étroit réduit, arrachant Brittany à l’intimité oppressante de l’obscurité. Un souffle choqué résonna, suivi d’un silence tendu.
Elle leva les yeux, le cœur battant à tout rompre, et croisa les regards stupéfaits de deux élèves figés sur le seuil. L’un d’eux, un garçon, ouvrit la bouche sans parvenir à articuler quoi que ce soit, tandis que la fille à ses côtés plaquait une main devant ses lèvres, rouge pivoine.
Le choc, la panique, l’humiliation la percutèrent de plein fouet.
Son corps réagit avant même que son cerveau ne prenne une décision. D’un mouvement brusque, elle se dégagea de l’emprise de Shun, recula si vite qu’elle manqua de trébucher contre les balais entassés dans un coin. Son souffle court, elle porta une main tremblante à ses lèvres, comme si elle réalisait soudain ce qui venait de se passer. Elle ressera son chemisier pour couvrir sa poitrine.
Son regard se fit fuyant, la honte et la colère s’y mêlant en un tumulte incontrôlable.
"Oh. Putain."
La voix du garçon qui les avait surpris n’était qu’un souffle, à peine audible sous le bourdonnement dans la tête de Brittany.
Puis, sans laisser le temps à quiconque de réagir, elle s’élança hors du placard, bousculant le garçon sur son passage. Ses talons résonnèrent violemment sur le sol du couloir alors qu’elle fuyait, incapable de supporter une seconde de plus cette situation cauchemardesque.
Elle ne voulait pas entendre ce que Shun allait dire. Elle ne voulait pas voir leurs regards accusateurs ou moqueurs. Elle ne voulait pas affronter la moindre conséquence de ce qui venait de se produire.
Tout ce qu’elle voulait, c’était disparaître.
L’air frais du soir la giffla lorsqu’elle quitta le bâtiment, mais elle continua de courir, son cœur battant à tout rompre. Elle ignorait où elle allait. Loin. C’était tout ce qui comptait.
Elle ne se rappelait pas comment elle avait pu arriver là. Elle ne se rappellait pas non plus de ce qu'elle avait pu raconter au directeur assis derrière son bureau.
Malfée, sous une apparence autrement plus respectable que celle qu'il aimait arborer d'habitude s'approcha de la jeune fille:
"Bon, je vais gérer la situation, ne t'en fais pas. J'ai appellé ton chauffeur, il va bientôt passer te prendre. Ne t'en fait pas pour le reste, je m'occupe de Shun et de tes camarades, personne n'en saura rien, je te le promet."
La porte de la salle de classe venait de s’ouvrir avec une lenteur délibérée. Une ombre s’y dessina, plus large, plus imposante qu’un simple professeur.
Malfée entra sans un bruit, mais sa seule présence fit chuter la température ambiante. Un sourire vague effleura ses lèvres, sans chaleur. Ses yeux, eux, racontaient une toute autre histoire : quelque chose d’ancien, de prédateur, comme un fauve qui vient de flairer une proie hésitante.
"Il semblerait," déclara-t-il d’un ton étrangement calme, "que vous ayez vu quelque chose que vous n’auriez pas dû voir."
Les deux élèves se figèrent, la gorge nouée. La jeune fille aux joues rougies baissa immédiatement les yeux, évitant son regard.
"Je suis certain que vous êtes assez intelligents pour comprendre que ce genre de... méprise... n’a pas besoin de quitter cette pièce."
Le garçon voulut protester, peut-être se défendre, mais un simple mouvement du directeur suffit à l’en dissuader. Il n’avait pas haussé la voix, ni même montré une once de colère. Mais dans sa posture, dans ce regard insondable qui pesait sur eux, il y avait une certitude absolue.
S’ils parlaient, ils étaient finis.
"Vous allez partir," ordonna-t-il, "et oublier ce que vous avez vu. Définitivement."
Un silence pesant tomba dans la pièce. Puis, lentement, les deux élèves hochèrent la tête et quittèrent précipitamment la salle, sans un mot.
Malfée attendit que leurs pas s’éloignent avant de refermer la porte derrière eux.
Puis, son regard se posa sur Shun.
"Assieds-toi."
Ce n’était pas une demande.
"Brittany va porter plainte pour viol."