√ Identité :: Tetsuzaemon, Jûzô√ Alias :: Le Buffle
√ Sexe et sexualité :: Hétérosexuel expérimenté
√ Race :: Parfaitement humain
√ Occupation :: Oyabun du clan yakuza Tetsuzaemon, chef du Kyûryû-Kai
√ Situation familiale :: Marié sans enfant
√ Talents notables :: Ancien
rikishi ("homme fort"), pratiquant de sumo - ex yokozuna des lycées ('93)
√ Petit secret :: Collectionne les figurines ecchi de personnages féminins d'anime - possède officieusement la plus large collection de la région
• CORPS •
Juzô est un buffle et ne porte pas ce sobriquet par hasard.
La nature est ainsi faite : elle a doté ce récent (nous y reviendrons) oyabun mafieux d'un physique en parfait accord avec sa profession et l'allure qu'il présente au monde donne tout de suite le ton, sans laisser aucun mystère. L'habit de ne fait pas le moine, pensez vous ? Il va être temps de réviser votre jugement ! Pensez donc : le gominé affiche deux bons mètres cinq pour cent quatre-vingt kilos de muscles sculptés par la pratique du sport intensive du sumo lorsqu'il était plus jeune (car oui, il ne suffit pas d'être gros pour pratiquer le sumo et ce sont d'impressionnants muscles qui gisent sous la graisse). S'ils ne sont plus aussi marqués dans leur dessin aujourd’hui, ils restent toutefois de très beaux volumes particulièrement fonctionnels. En somme, Tetsuzaemon est bel et bien aussi fort qu'il en a l'air, sinon plus.
Il est tatoué dans l'ensemble du dos, sur les fesses et les bras. La pièce représente un Nue, créature apportant le malheur -ici, à ceux qui s'opposent à Jûzô et au gang.
Une gueule patibulaire balafrée ici et là au fil des réglements de comptes dans lesquels il a été impliqué pour le boss de l'époque et l'honneur du clan, des mains larges qu'on sait capables d'assommer un homme en une seule gifle. Une armure musculaire en guise de corps -portant également ici et là les vestiges des affrontements du passé, comme des tirs d'armes à feu et autres lacérations de lames de couteaux voire de katana... Jûzô est un guerrier médiéval à la face abrupte et sévère, sorte de gladiateur né quelques siècles trop tard.
Comme de bien entendu, fidèle à l'image de la brute épaisse dont la virilité exsude par tous les pores de la peau, le Buffle offre à la concupsicence dans laquelle il se vautre la faveur d'un tronc de viande dont les dimensions sont au diapason de ses autres mensurations.
A la vérité, on ne peut pas dire que Jûzô est beau. Son faciès est grossièrement taillé, ses traits très marqués et souligné de cicatrices. Son nez a déjà été cassé, ses yeux pue la malice malintentionnée et sa mâchoire semble lui donner la possibilité de bouffer des briques ou même des plaques de métal... Bref, rien qui ne soit à l'avenant du commun des mortels. Pourtant, Tetsuzaemon n'est absolument pas dépourvu d'un charme certain. Son allure lui offre un très puissant charisme animal qui colle étrangement bien au sentiment de menace qu'il dégage de par sa stature colossale. La séduction masculine dans son expression la plus brute, en vérité.
Qui plus est, Jûzô n'est pas exempt de goût : il est toujours vêtu de façon élégante, bien coiffé et parfumé. Et si son style semble sortir d'un manuel du parfait yakuza stéréotypé, force est de reconnaître qu'on a jamais porté aussi bien les cheveux gominés à l'arrière et les gros bijoux en or !
• MENTAL •
En apercevant Jûzô, sa carcasse imposante et sa gueule de molosse mal léché, vous seriez très facilement enclin à penser que l'oyabun est aussi bête que mauvais.
Ce serait céder bien trop aisément au cliché et à l'analyse facile, le Buffle se révélant une personnalité bien plus complexe qu'il n'y paraît.
Commençons tout de même par les évidences : Tetsuzaemon est un yakuza, donc loin d'être un enfant de chœur. La violence fait partie de son quotidien et il ne rechigne pas sur les moyens d'obtenir ce qu'il veut. Intimidation, bastonnades, torture, règlement de comptes sanglants et autres coups fourrés ; Jûzô est aussi pourri qu'on peut l'imaginer en plus d'être à cheval sur certains principes d'un autre âge. Il tient l'honneur et le respect en haute estime et se flatte d'en reconnaître la valeur, quitte à devoir accepter de revenir sur ses positions le cas échéant. Néanmoins, il s'affranchira (ou contournera aisément) son propre code moral en fonction de ses propres besoins, n'appréciant pas d'être bridé par des éléments qui font pourtant partie de sa construction personnelle. Ainsi, le Buffle restera dangereux à tout moment. Ne prenez jamais pour acquis quelque chose venant de lui (mis à part ses preuves de respect sincères, aussi rares et discrètes que précieuses pour ceux voulant éviter de s'en faire un ennemi), puisqu'il trouvera toujours moyen de reprendre ce qu'il a déjà donné.
Ce qu'il faut bien comprendre avec Jûzô, c'est que c'est un homme particulièrement décidé et prêt à prendre ce qu'il estime devoir lui revenir. L'animal a faim de pouvoir et de reconnaissance tout en refusant que le clan dont il a prit récemment la direction retombe dans la déliquescence dont il se démène pour le tirer depuis trois ans. Ainsi donc, ses mouvements sont réfléchis pour ne pas que le plancher cède sous le poids de ses ambitions. Malin, rusé ? Oui. Beaucoup plus qu'on ne veut bien le croire où qu'il le laisse paraître. Le sous-estimer sur le plan serait une erreur déjà commise par certains, qui n'ont pas finit de s'en mordre les doigts jusqu'à l'os.
Le Buffle est tenace comme rancunier ; n'imaginez jamais que pour lui l'affaire est close.... Surtout qu'il est particulièrement mauvais joueur.
Alors, ce n'est que ça, Jûzô, un méchant type ? Pas tout à fait.
Sous l'influence de sa compagne, Tetsuzaemon s'est ouvert à la culture et n'a de cesse d'entretenir son esprit aussi correctement que son corps, avec toutefois moins d'implication. Déjà intelligent, il en est devenu aiguisé et redoutable, meilleur analyste de la nature humaine qu'il ne l'était auparavant. A l'origine du genre à foncer tête baissée, le gominé apprend la patience et le calcul tout en se libérant paradoxalement dans de grands accès de fureur et de passion -sexuelle le plus souvent, mais parfois plus anodine. Autant dire que ses colères font trembler les murs de la maison familiale...et la plupart de tous ceux qui s'y trouvent.
Vous le savez peut-être sûrement déjà, mais les yakuzas sont proches du peuple. Jûzô ne fait pas exception à la règle et participe particulièrement à la vie du petit quartier proche de la Toussaint où il a grandi. Il n'est pas rare de voir le clan chasser dealers et malfaiteurs, rendre même de menus services qui paraissent bien désuets... Comme de voir le Buffle se prêter lui-même à l'ouvrage et continuer de fréquenter des établissements ordinaires comme il le faisait du temps de sa jeunesse. Ainsi, on vous dira sûrement que Tetsuzaemon est un "bon garçon", qu'on apprécie plus qu'on ne redoute. Cela ne semble pas coller avec son image mais en fait pourtant partie.
Il gère dans la plus parfaite des légalités (il y tient particulièrement) l'"
Onimaru dojo", petite écurie de sumo dans laquelle il a lui-même lutté plus jeune. Plus qu'un hobby de facade, c'est une des activités qui l'occupe le plus et il n'est pas rare de le voir coacher quelques poulains prometteurs.
Un drôle d'animal, en somme, qu'il est encore préférable de découvrir par vous-même.
A vos risques et périls !
• PARCOURS •
Ce fut le moine bouddhiste qui fut parmi les derniers à quitter la pièce, après avoir récité un ultime sutra afin d'éloigner les mauvais esprits du corps qui gisait là, vêtu du traditionnel shinishōzoku et prêt à entamer son voyage vers les portes de la réincarnation. Lorsque l'officiant religieux abandonna les lieux, il ne restait plus dans le salon transformé en chambre funéraire que la masse colossale d'un homme qui s'approcha lentement de la table dressée tout à côté de l'honoré. Tirant de l'intérieur de sa veste une pudique enveloppe blanche ceinte d'un ruban noir et contenant l'obole symbolique, il la déposa dans la panière où gisaient d'autres dons identiques avant de se saisir de poudre s'encens qu'il frotta dans ses larges mains tout en priant silencieusement. Son accompagnement funéraire accompli, l'homme à la silhouette de buffle laissa tomber la poudre sur le brûleur, achevant son shōkō un peu maladroit.
Jûzô n'avait jamais été un grand pratiquant, ni même réellement croyant. Mais le défunt qu'il honorait dans la douleur du deuil méritait que l'on s'applique à la tâche.
Bien qu'il était tenu de partir à son tour maintenant que l'hommage était rendu, l'homme ne parvint pas à s'y résoudre et resta agenouillé de longues minutes devant le cercueil, front révérencieusement baissé et plaqué sur le sol. Sa contrition imposée n'était rythmée que par le bruit paisible de la pluie qui s'abattait à l'extérieur, frappant contre la maison et son jardin. On l’apercevait depuis la chambre de la veillée, d'ailleurs : les portes coulissantes étaient ouvertes en grand, donnant sur cette cour que le défunt aimait tant. Ses proches avaient souhaité que son âme puisse d'y rendre une dernière fois avant d'entamer son long voyage.
Finalement, Jûzô se redressa. Son visage abîmé, aux angles marqués et à l'air patibulaire, était plus effondré qu'à l'ordinaire. Oh, bien sûr, le colosse affectait de ne rien laisser paraître. Cela était pourtant fortuit ; en cet instant, ceux qui le connaissaient savaient qu'il était déchiré par la peine qui le torturait.
Il alla pour se redresser lorsqu'une voix, douce et tranquille, l'interpella.
- Non, reste.
Le balafré aux cheveux gominés tourna la tête. Sur le patio de bois qui ceignait le jardin, à l'orée de la pièce ou reposait le corps, une forme s'accordait à la délicatesse du ton qui venait de lui intimer de ne pas bouger. S'il ne pouvait voir qu'un dos dans un mofuku sobre et une nuque sur laquelle reposait un chignon tiré avec le plus grand des soins, l'homme n'ignorait pas l'identité de son interlocutrice pour autant.
Chize Tetsuzaemon, femme du défunt et, par la force des choses, actuelle maîtresse du Clan dont elle portait le nom et l'honneur.
Jûzô la fixa, imaginant le regard acéré de Chize baignant dans la mélancolie alors qu'il vagabondait dans le jardin où elle appréciait de prendre le thé. Chize, dont la beauté froide et scandaleuse s'était ternie à la mort de son mari.
- Tu étais son fils préféré, fit-elle. Je n'ai jamais compris pourquoi. Jusqu'à ces derniers jours.
La femme du chef ne se mêlait pas au clan, si ce n'était pour les activités "officielles" devant se contenter d'assumer sa position sans tout savoir de ce qui se tramait dans les affaires de son mari, l'Oyabun. Chize était plus jeune que son mari, plus jeune même que Jûzô. Pour le monde, elle n'était qu'un bibelot à la plastique avantageuse qu'exhibait le Père afin de traduire une parcelle de sa puissance et de la chance que lui avait accordé le ciel. Jûzô ne lui avait jamais accordé davantage d'importance jusque là non plus, tout en la traitant avec le respect qui lui était dû. Aujourd'hui, cette poupée racée et réservée se devait d'assurer la pérénnité d'un clan mordibond.
A cette pensée, un étau de pessimisme froid enserra le coeur du balafré.
- Ta fidélité envers ton Père et le clan est sans égale. Comme l'est ta douleur en ces jours de misère. La plupart des conseillers de ton Père ont déjà essayé de m'évincer, ou on quitté le clan vers de meilleurs horizons. Toi, tu as aidé à organiser ces obsèques avant de te soucier du reste. Et je sais que tu resteras à mes côtés quoi qu'il arrive, parce que c'est ton rôle.
- Je te servirai comme j'ai servi Père, Noble Mère.Il ne put le voir de là où il se trouvait, mais les lèvres fines de Chize s'ornèrent d'un très léger sourire qui disparu presque aussitôt.
- Je ne jouis d'aucune autorité sur le clan, malgré ma position. Il s'effondrera vite de l'intérieur, puisque je ne suis pas à-même d'en consolider les fondations. N'est-ce pas ?
Jûzô ne se risqua pas à répondre, mais savait très bien que Chize avait raison. S'il n'était pas inédit qu'une femme de chef reprenne les rênes laissées par un mari décédé ou en prison pour un temps, la situation de la veuve dont il contemplait le dos était plus délicate. L'Oyabun n'avait jamais mis en avant sa femme, ne l'avait jamais formée à prendre une éventuelle succession. La légitimité qui devait asseoir sa position et ses prises de décision, Chize n'en bénéficiait pas. Comble de malheur, la plupart des membres du clan lui manquait déjà de respect en parlant d'elle comme une traînée tout juste bonne à rapporter quelques yens en ouvrant les cuisses.
En un mot comme en cent, la situation était catastrophique et aucun d'entre eux ne l'ignorait. Pourtant, elle était la seule à le dire à voix haute.
- Un homme comme toi conviendrait mieux. Toi qui connait les rouages et les alliances, les affaires et les ennemis. Toi qui avait la faveur du Père mais pas l'éducation nécessaire pour devenir son successeur. Tu as la légitimité mais pas le statut.
Le colosse n'osa pas bouger, préférant garder le silence. Il était toutefois vrai qu'il jouissait d'une autorité certaine sur les hommes du clan. De par son allure qui ne permettait ni protestation ou refus, déjà, mais aussi et surtout parce qu'il avait gravi tous les échelons possibles et avait plongé à pieds joints dans le monde de la pègre depuis sa plus tendre enfance. Jûzô s'était imposé par la force et le respect de la stricte parole de son Père, finissant par briller à très juste titre aux yeux de ce dernier. Les ficelles du métier, le gominé les connaissaient toutes.
Mais son manque de positionnement hiérarchique réel l'avait empêché d'éviter le délitement du clan à la mort récente de l'oyabun, malgré tous ses efforts. Jûzô avait vu les amis fuir comme des rats, des alliés leur fermer les portes, leurs affaires se faire absorber. Alors que sa tête mourait, le clan suivait le même chemin à vitesse accélérée, laissant à penser que les organes en était déjà bien viciées. Le colosse aurait refusé de le voir quand bien même on lui en aurait présenté toutes les preuves, mais son Père avait fait de son clan un lambeau à la gloire passée qui ne tenait plus que grâce à quelques vestiges d'anciens faits d'armes. Des mauvais choix accumulés, un train de vie délétère, une implication de moins en moins pertinente... L'oyabun avait entraîné son héritage dans la même tombe que lui.
- Nous allons nous marier, Jûzô.
- ...Noble mère ?Il manqua d'hoqueter de surprise et se prépara à s'insurger, mais la main levée de Chize lui intima le silence. Docile, Jûzô obtempéra, abasourdi, condamné à écouter.
C'était toujours un spectacle intéressant que de voir ce molosse patibulaire et son armure de muscles nerveux se faire intimer le silence. Particulièrement par une femme bien plus frêle que lui, qui paraissait assez fragile et délicate pour qu'il puisse la broyer d'une seule main.
Toutefois, en cet instant, Jûzô réalisait aussi que Chize dégageait une autorité naturelle qu'il ne lui avait pas connu jusque là.
- Je vais te donner les pouvoirs qui te font défaut. Le nom nécéssaire. Les rênes du clan. En échange, tu me donneras ce que je te réclame.
- Et... et que réclames tu, noble mère ? - La vengeance.
Chize se tourna vers lui, déposant son regard acéré dans le sien. Jûzô y vit l'acier d'une lame effilée prête à tout trancher et compris soudainement que sa Noble Mère était un sabre, un katana qui n'avait jamais été correctement brandi. Cette femme pouvait fendre en deux tout ce qui lui barrait la route, pour peu qu'elle fut maniée avec dextérité.
Il réalisa que la poigne nécessaire à l'épanouissement de cette épée pouvait être la sienne. DEVAIT l'être. Ce n'était pas de la prétention non... Plutôt une sorte d'évidence viscérale, qu'il ne comprenait pas encore.
Peut-être ne s'agissait-il là que de l'instinct, comme ceux que peuvent posséder les animaux.
- Vengeance pour le clan. Les traîtres, les faux-amis, le temps perdu à végéter stérilement, laissant la pourriture nous ronger. Vengeance pour cette lente déchéance. Que le clan reprenne sa place. Et plus encore.
Elle ne parlait même pas de venger son mari, premier des arguments qu'elle aurait pourtant dû avancer. L'Oyabun avait probablement été assassiné, mais Chize pensait à venger le clan dans son ensemble. On avait laissé mourir la famille et le Père en avait été responsable. Jûzô n'eut aucun mal à comprendre qu'elle lui en voulait.
Dans le fond, ne partageait-il pas son avis ? Si... si, assurément. Sa fidélité et son respect profondément gravé l'empêchaient de l'exprimer jusque là, ou même de simplement y penser. Aujourd'hui, les choses changeaient. Comme si lui, le buffle des Tetsuzaemon, était également autorisé à quitter son enclos devenu étouffant.
Et Chize, depuis combien de temps vivait-elle avec cette rage chevillée au corps, cette faim de reconnaissance ? Depuis toujours ? Ou était-ce la mort de son mari qui l'avait forcée à adopter une position qui ne tolérerait aucun effondrement ? Chize se révelait être une femme fière, une femme forte, loin de l'image de petite catin magnifique que son défunt mari avait ciselé avec soin pour se pavaner. Jûzô était témoin d'une renaissance. Lui qui pensait qu'elle n'était qu'un faible chaton, voilà que sa Mère se révélait tigre aux crocs acérés.
Il sourit et, avant même de s'en rendre compte, hocha la tête pour donner son assentiment tout en s'inclinant révérencieusement.
- C'est la dernière fois que tu t'inclines, Jûzô. Lorsque tu relèveras la tête, ce sera pour rétablir le clan par tous les moyens possibles. Dans un an, tu seras le Père.
Il en avait conscience, prenait lentement la mesure de cette conversation et de tout ce qu'elle impliquait. Père était mort, la déliquescence du clan avec lui. Il pleurerait l'homme qui lui avait donné sa chance autre fois, comme il pleurerait tout ce qui avait été et qui serait enterré avec le cercueil qui occupait l'espace.
Mais, lorsqu'il se relèverait, le Buffle abandonnerait le passé pour l'écraser de toute sa masse. Un nouveau temps était venu, celui de la revanche et de la renaissance.
- Je suis prêt. Il laissa passer un ange, puis compléta.
...Chize. Et par cette audace de la nommer, le pacte fut scellé.
* * *
C'est ainsi que débuta, il y a trois ans, l'ascension de Jûzô à la tête du clan.
Pour autant, ce n'était pas le destin auquel il se destinait. Le Buffle avait toujours été un suiveur, fidèle porte-flingue de son prédécesseur à qui il vouait un respect confinant presque à l'adoration dérangée. Chize, au jour des funérailles, changea radicalement sa destinée.
Enfant ordinaire d'ouvriers sans histoire ni envergure, Jûzô (à l'époque Taka) n'avait jamais eu pour lui que son physique déjà hors-normes et une adoration certaine pour le sumo, dernier vestige palpable selon lui des longues traditions ancestrales de l'archipel. C'était donc tout naturellement que cet élève médiocre s'était inscrit au plus tôt à l'Onimaru Dojo, la seule écurie accessible au budget limité de ses modestes parents.
La vie au sein du dojo et l'enseignement des valeurs de respect de l'autre et de dépassement de soi s'avérèrent convenir parfaitement au turbulent Jûzô, qui monta vite les échelons une fois son caractère tumultueux apaisé sur le sable du dohyō (plateforme dédiée à la pratique du sumo) jusqu'à arriver à un niveau respectable lui permettant de se faire un petit nom dans le cercle du sumo scolaire. Son ambition de l'époque était simple : devenir professionnel et briller assez fort pour obtenir le titre de yokozuna -tout bonnement le plus élevé de la discipline.
Ce fut alors que la dernière année de compétition scolaire s'engageait pour Jûzô (il avait alors 17 ans) que sa mère tomba malade. L'inquiétude pour vis-à-vis de son état et les soins de plus en plus compliqués à payer firent dégringoler les résultats du jeune buffle, qui manqua bien de ne pas passer les qualifications.
C'est alors que Boss Iwambô, l'oyabun du clan Tetsuzaemon, vint le voir. Le yakuza s'était toqué de sumo et suivait les progrès de l'adolescent, se désolant de la médiocrité nouvelle du jeune espoir. Venant au dojo, Iwambô s'entretint avec Jûzô qui lui expliqua tout. Et le Père lui fit une proposition qu'il ne pouvait pas refuser : "
remonte tes résultats et le clan s'occupera des frais d'hospitalisation. En échange, tu me serviras en tant que kobun."
Jûzô fut sacré yokozuna des lycées cette année là, atteignant la plus haute distinction amateure à laquelle il pouvait prétendre avant d'entamer une carrière professionelle.
Mais boss Iwambô lui rappela bien vite son engagement, gardant à ses côtés la massive jeune pousse plutôt que de l'autoriser à continuer une vie sportive tout à fait prometteuse. Jûzô représentait une force à ne pas négliger pour cet homme qui ambitionnait de diriger tout Seikusu et d'en déloger les autres mafias qui s'y installaient lentement. Alors le gamin prêta serment lors du rituel du sakazuki et se retrouva embrigadé dans les troupes du Noble Père, bien décidé à prouver ses valeurs et à faire respecter la parole de la famille et à étendre son influence.
Et Jûzô ne ménagea pas ses efforts ! Désireux de montrer sa reconnaissance à son oyabun qui avait contribué à sauver sa mère, il plongea à pieds joints dans ce monde obscur et violent où sa stature des plus remarquables et sa prédisposition à la brutalité -jusque là jugulée par les règles strictes du sumo- firent merveille. Le Buffle y gagna son surnom et continua à croître en taille et en poids, obtenant en première récompense notable le droit de changer de prénom de façon définitive, abandonnant son Taka d'origine pour adopter le patronyme qu'on lui connait aujourd'hui.
Pour la famille et le clan, fit des merveilles. D'une fidélité exemplaire et d'une résignation effrayante, il se pliait aux ordres sans le moindre état d'âme et menait au nom de l'oyabun une guerre sévère et sanglante aux factions adverses. A travers les rues de Seikusu rôdait l'implacable Buffle du Kyûryû-kaï, trempé dans tout ce que le gang proposait de sordide. Jeux et paris, combats truqués et autres recouvrements de dettes en passant par l'industrie du sexe : Jûzô apprit tout ce qui pouvait l'être et devint le kobun préféré et le plus fiable du boss, n'asseyant cette position qu'à force d'efforts et d'implication dans la vie de son quartier -une valeur antique chère à l'homme que le rikishi était finalement devenu avec le temps.
Ce fut à cette période qu'arriva Chize, un peu après que le clan eut à déplorer la première épouse de l'oyabun dans un accident de la route qui s'avéra être commandité par un clan adverse. Iwambô commença à perdre tout intérêt pour ses guerres d'antan à partir de ce moment, abandonnant progressivement les affaires jusque là défendues avec acharnement pour ne se consacrer à ses obligations qu'en dilettante, préférant s'afficher avec sa jeune et jolie poupée qu'il maria un jour de mai.
Sans la main ferme de l'oyabun et malgré toute la volonté de ses fils, il s'avéra impossible de faire conserver au Kyûryû-kaï le lustre d'antan. Lentement mais sûrement se mirent à péricliter les intérêts de la famille et du clan, ce qui amena à un effondrement de la crédibilité des Tetsuzaemon dont l'activité ne resta réelle que dans l'ancien quartier de Jûzô. Il ne pouvait faire que ça, lui : veiller sur ce qui lui importait et tenter de conserver les lambeaux de la gloire de la famille jusqu'à ce que ses doigts ne puissent plus rien retenir.
Puis Iwambô fut assassiné. C'est du moins ce qu'on supposa personne n'ayant de preuves en fait de l'acte et beaucoup se dépêchant d'accuser sous cape la désirable mais lointaine Chize avant de quitter le navire. L'effondrement des affaires du Kyûryû-kaï n'ayant échappé à personne et le clan n'ayant pas de successeurs désignés, les désertions furent nombreuses avant même les funérailles et encore plus après.
Lorsque Chize et Jûzô se marièrent très officiellement et que le Buffle devint bel et bien Oyabun à son tour, le gang et ses activités étaient réduites à un rien.
Mais la réssurection débuta. Chize, avisée et bien plus aiguisée qu'elle ne l'avait jamais laissé entendre, entreprit de former son nouveau mari sur tous les points qui lui faisaient jusque là défaut. Elle contribua à nourrir son esprit et lui enseigna les bonnes manières, les ficelles pour mener des affaires légales et nouer de nouvelles alliances. Lui en retour lui apprit tout ce qu'une femme d'oyabun se devait de savoir et maîtriser : les affaires et les méthodes des yakuza n'eurent plus aucun secret pour Chize, qui put conjuguer ces nouvelles connaissances à celles déjà possédées pour continuer de faire progresser Jûzô qui, en parallèle, se mit à oeuvre patiemment mais intensivement à la renaissance du Kyûryû-kaï.
Alors que trois années se sont écoulées, il est maintenant temps pour les Tetsuzaemon de rappeler à la ville
qui mérite de la tenir en laisse...
- LE GANG, LA FAMILLE -
Le gang a été fondé en 1972 par Iwambô Tetsuzaemon et a connu son heure de gloire durant les années 80 et le début des 90 avant d'entamer un long déclin amorcé par de mauvais choix en termes d’investissements fonciers.
Actuellement, le Kyûryû-kaï (le gang de yakuza à proprement parler) n'a plus pour lui que deux choses réellement utiles : Jûzô et son passé bien établi ainsi que le quartier où a grandi le buffle et que le 9D (pour les intimes et pour faire plus court, en rapport avec les "neuf dragons" -Kyûryû) du nom) maîtrise totalement. Seulement voilà : ce quartier est modeste, génère peu d'argent et s'avère ridicule en terme d'influence. De plus, il est situé à proximité de la Toussaint, où évoluent de bien plus gros poissons que le 9D.
Et ce n'est pas tout ! Le gang ne compte plus qu'environ 40 membres, ce qui est relativement peu au vu de la scène sur laquelle Jûzô compte s'imposer -soit toute la ville. Deux affaires uniquement pour l'heure :
-
Little Heaven Club, discothèque et maison de passe en perte de vitesse depuis un moment car sans apport régulier de nouvelles filles mais possédant un sérail fiable capable de retenir le client pour peu qu'il vienne une fois
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Go go go Pachinko!!!, salle de jeux à l'activité très correcte située non loin de la première rue du quartier de la Toussaint
Il faut ajouter également l'
Onimaru Dojo, qui est une affaire parfaitement légale toutefois.
Le Clan Tetsuzaemon est, lui, l'un des plus anciens de la région. Le nom est largement terni aujourd'hui (par une Chize jugée indigne d'en avoir hérité à la mort de son époux principalement) et ne fait plus effet qu'auprès des civils. Les Tetsuzaemon possèdent toutefois une fortune personnelle assez confortables destinée à être réinjectée dans la relance du 9D. En revanche, les très rares appuis restants sont fiables malgré des bases parfois malsaines ; la plastique de Chize s'avérant un moteur suffisant pour attiser les appétits et les fausses sympathies.
- LES FIGURES IMPORTANTES -
TETSUZAEMON, CHIZE :: Femme au passé obscur mariée à Jûzô depuis trois ans maintenant, elle a offert au Buffle les rênes du clan et du gang en échange d'une revanche. Son but ? Porter le 9D à la domination de la ville et ce par tous les moyens. Créature au physique divin, c'est surtout une femme particulièrement intelligente et volontaire qu'il n'est jamais bon de sous-estimer. Éduquée, racée, polie mais glaciale, Chize attise bien des convoitises et des rumeurs. Bien qu'il ne s'agisse pas entre les époux d'un mariage d'amour, elle est d'une fidélité exemplaire -probablement pour faire mentir les mauvaises langues qui la considèrent comme une dépravée aux mœurs douteuses.
Jûzô entretiennent une étrange relation basée sur le respect et un but commun qu'ils se savent ne pouvoir accomplir que l'un avec l'autre. Tigre et Dragon associés, en somme. Ils sont liés par leurs affaires principalement, la réelle nature de leur intérêt mutuel restant très nébuleuse.
Elle vit avec Jûzô dans la maison familiale et traditionnelle des Tetsuzaemon et est la figure publique de la famille.
SOO, YEUNG :: Saiki-komon (responsable de l'administration) pour le clan et le 9D, ce coréen d'origine a la confiance de Chize et donc, celle de Jûzô. C'est un homme fantasque qui apprécie l'humour et la compagnie des hommes et déteste par-dessus tout les démonstrations de force. Bien qu'il ne s'entende que peu avec son oyabun, il est loyal et date de l'époque où Boss Iwambô était encore en vie. Aussi est-il fiable, partageant avec le Buffle un passé commun qui consolide leurs liens. De plus, c'est un homme d'une aide précieuse, qui possède d'intéressants liens avec les officiels de la ville.
FUJITA, GOTO :: Wagashira (premier lieutenant) du gang. Entré dans le 9D grâce à Jûzô à l'époque où ce dernier n'était qu'un homme de main, il est le plus sûr appui de ce dernier dans les rues. Ils partagent tous deux nombre de valeurs morales qui ont poussé depuis bien longtemps l'oyabun à se fier à lui.
Goto est un homme à poigne à qui son Père peut confier sans hésitation les plus basses besognes ; il se salira les mains avec joie si cela peut contribuer à la renaissance de la famille. Natif de Seikusu et ancienne victime de mafias étrangères, Fujita une dent contre les gaïjns et entend bien leur faire savoir.
Artiste martial complet, c'est une brute redoutable qui peut déployer une extrême violence.
KABUKI, GO GO :: Sateigashira (second lieutenant) du 9D, elle est une preuve de la volonté du gang de sacrifier aux conventions pour émerger une nouvelle fois. Une femme à un poste si important dans une organisation de yakusa ? Pour beaucoup, c'est plus qu'une insulte. Go Go a toutefois fait ses preuves dans la rue et montré à Jûzô qu'elle était particulièrement capable. Redoutable et délurée, cette ancienne prostituée cherche à composer une unité exclusivement féminine au sein du 9D et compte bien tout faire pour prouver qu'elle mérite qu'on lui ouvre cette voie.
Go Go apprécie particulièrement Chize, qu'elle considère comme "l'image même de la femme forte"... Ce qui, pour elle, est une qualification des plus honorifiques.
A toutes fins utiles, j'ajoute ici un petit glossaire pour clarifier certains mots utilisés ça et là :
*
Shinishōzoku - ("habit pour le voyage vers l’éternité"). Tenue traditionnelle des défunts.
*
Shōkō - Rite funéraire constituant à prendre de la poudre d’encens dans les mains, les lever à hauteur des yeux, refermer les doigts et prier puis d'ensuite laisser tomber l’encens dans le brûleur. Le nombre de shōkō peut aller de 1 à 3, selon les écoles bouddhiques.
*
Mofuku - Kimono de deuil porté par les hommes comme par les femmes. Réservé à la famille et aux proches. (
img.)
*
Oyabun - ("personnage du père"). Chef de clan yakuza. On peut le comparer à un parrain criminel occidental.
*
Kobun - ("rôle d'enfant"). Utilisé en liaison avec Oyabun pour désigner la relation familiale qui existe à l’intérieur de la plupart des gangs yakuzas.
*
Sakazuki - rituel d'admission au sein d'un clan, scellant l'allégeance du
kobun à son
oyabun. Il s'agit -grossièrement- d'un échange de coupes de sake entre le futur père et le futur fils, le sake symbolisant ici les liens du sang. C'est bien évidemment une cérémonie autrement plus complète que cela, très symbolique. A noter que la coupe du kobun (
oyako Sakazuki) est le symbole de sa fidélité, qu'il se doit de conserver. En la rendant à son oyabun, il rompt les liens avec la famille.