Rahemar avait beaucoup de défauts, il était mauvais, pervers, tordu, menteur, traitre, trompeur, langue de vipère, pernicieux, vicieux, et toutes autres sortes de qualificatifs qui allaient dans le même sens général que ceux déjà cités. Oui, à lire cela vous avez compris : Rahemar n’était pas un brave homme – parce que l’on pouvait difficilement qualifier Rahemar de courageux, s’en prenant en général à plus faible que lui et ensuite parce qu’il n’était pas un homme mais un dieu – mais plutôt un salopard de la pire espèce. Oui, c’était un fait et la Divinité des trahisons, des apparences, de la duperie, de la duplicité, des complots et autres joyeusetés de ce genre n’était pas peu fière de cela, en fait, le Dieu en tirait même, d’une façon détournée, une forme d’orgueil… parce qu’il n’avait pas assez de défauts sans doute…
Bref, revenons-en à notre sujet, que faisait Rahemar ici au juste ? Et bien il était en train de faire exactement ce à quoi il était bon : il renégatait, il fomentait, il complotait. Il y avait ici un petit duché presque autonome et la prière d’un de ses suppliants, de l’une de ses ouailles avait été menée à son oreille. Son frère avait été pendu pour une raison injuste sur ordre du duc, pour un regard déplacé à la duchesse, non sans qu’on lui ai crevé les yeux en guise de leçon, au passage, bien sûr… oh, la sanction était un peu abusive, surtout qu’il avait été émasculé et forcé de manger ce qui lui avait, fut un temps, servi d’appareil génital ! Pour cette raison, le suppliant avait offert sang et vie pour que le dieu renverse et fasse choir le duché… et avant de décider s’il allait accepter de remplir cette tâche, d’exaucer cette prière, il voulait être sûr que s’il le faisait, le pays, ou le duché plutôt, de serait jamais que sang, larmes, et chaos pour les années à venir…
Pour le moment, Rahemar n’était pas sur… il voyait des choses intéressantes, certes, mais rien non plus de bien folichon, rien qui ne puisse mener à un chaos généralisé, à une anarchie complète, à un retour à l’instinct le plus prima l de l’homme… aussi hésitait-il… sous les traits d’un jeune marchand, il parcourais les lieux afin de se forger sa propre idée… et pour le moment… non, il n’était pas convaincu… le peuple ne mourrait pas de faim et l’armée n’était pas assez indisciplinée et trop bien entrainée pour ne pas mater une révolte en peu de temps. Il était presque déçu… non, en fait il était frustré, pour être honnête… à moins que… oh, oui, peut-être une prise de pouvoir de l’armée à des fins plus expansionnistes… ça pouvait peut-être bien fonctionner, le peuple n’en souffrirait pas directement, puis viendraient des conséquences intéressantes, augmentation exponentielle de la conscription obligatoire, augmentation des impôts pour payer et nourrir l’armée… si, si, il y avait bien des possibilités intéressantes…
Toujours à ses pensées il ne put néanmoins pas ne pas s’arrêter en voyant cette ferme, sur le bord du sentier : une ferme très isolée, à plusieurs lieues de toute habitation, qui tenait encore debout. Ça tenait du miracle ! et complètement en jachère, tout poussait, les mauvaises herbes avaient tout contaminé… il aimait les mauvaises herbes elles étaient insidieuses, un peu comme le lierre… on le laissait croitre sans y faire attention, et après… après commençaient les problèmes… bref, concernant la demeure, tout concordait avec un abandon, mais il n’était pas dupe : la fumée qui s’évacuait par la cheminé était un signe très clair : il y avait quelqu’un. Curieux, Rahemar prit sa forme de brume pour aller espionner tout cela et voir ce qu’il pouvait y avoir d’intéressant là-dessous…
S’infiltrant par la serrure, par les interstices des murs, il put ainsi observer. Il y avait une jeune femme, seule. Deux erreurs à ne pas faire sur terra : être une jeune et jolie jeune femme, d’abord, et ensuite voyager seul. C’était un combo mortel que de faire et d’être les deux en même temps ! Ayant eu une bonne vue de ce qu’elle était, il se retira et prit son apparence… sensations, images et souvenirs vinrent à lui directement et il ne put s’empêcher de se dire qu’il avait une chance colossale ! Et plus encore, comme toujours, elle donnait elle-même les instruments de sa défaite…
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Il faisait nuit noire quand Rahemar passa à l’action. Il avait pris l’apparence de celui qui semblait le plus approprié pour elle. Pour être honnête il avait hésité entre lui faire peur d’emblée ou la rassurer pour mieux la berner. Padraig ou Caelan. Finalement la deuxième option l’avait emporté ! Donc, disais-je, il faisait nuit noire quand on tambourina à la porte et qu’une voix masculine, celle de l’apparence qu’il avait choisie, le frère de la jolie rousse se faisait entendre.
« Y a-t-il quelqu’un ? S’il vous plait ! Je suis blessé ! »[/b][/color]
Il ne s’agissait pas de mensonge, bien au contraire, en effet, quand il avait pris l’apparence il avait profit de l’occasion pour amocher un peu son apparence. Une large entaille était présente sur toute la face droite de son visage et un bandage plein de sang et de boue « tait visible son bras qu’il laissait un peu pendre à son côté… il tambourina plusieurs fois jusqu’à ce que le loquet saute tout seul à cause de la vétusté du mécanisme et il entra, s’effondrant presque dans la pièce principale, voyant qui était là, il ne parvint qu’à souffler son prénom, gorge trop sèche pour parler, voix cassé à force d’avoir crié…