La démonisation de Sram... [Lady Rawhide]

Le sergent avait rappelé les gardes surveillant la cage, car il fallait s’occuper des réfugiés. En tendant l’oreille, Esperanza pouvait les entendre. Le caveau donnait sur des cryptes, mais elle était proche de l’escalier menant à la nef. Depuis cette pièce, un petit couloir menait vers une autre pièce, avec l’escalier qui se trouvait là. Esperanza était donc vigilante, tout en se rapprochant de la femme. Fatiguée et affaiblie, l’espèce de danseuse orientale demanda alors de l’aider. Lady Rawhide s’en mordilla les lèvres, bien consciente de la dangerosité de la situation. Si elle venait la libérer, elle risquait de se heurter aux gardes... Non, elle s’y heurterait avec certitude. Mais, d’un autre côté, Esperanza s’était toujours battue pour la justice, en estimant que, parfois, la loi ne protégeait pas le droit, mais déviait de ses objectifs initiaux, si tant est qu’on puisse considérer que la loi avait pour but de respecter ce qui était droit.

Ainsi, après quelques hésitations, Esperanza se rapprocha. La serrure était solide, avec un crochet, mais elle était une spécialiste du crochetage. Il fallait bien cela, quand on exerçait sa vie.

« Reprends des forces, je vais ouvrir la cellule... »

Au risque de déclencher une autre crise ? C’était bien le propre de l’Homme de réitérer les mêmes erreurs, mais Esperanza était sûre que quelque chose avait changé, et que cette femme avait été possédée. Mais, en attendant, il fallait vite la mettre à l’abri, avant que les gardes ne réveillent cette créature de cauchemar. Dehors, l’incendie était en train de se calmer, car plusieurs mages étaient finalement arrivés, et déclenchaient d’efficaces sorts d’Eau et d’Air pour étouffer l’incendie et disperser les flammes. Les dégâts, somme toute, furent plutôt limités, mais Esperanza n’avait plus le temps de tourner en rond et d’attendre.

Elle ouvrit donc la grille, tout en entendant des bruits de pas.

« Surveillez la prisonnière, je ne veux aucune surprise, surtout que l’autre femme a disparu ! » avait tonné la voix du sergent.

Esperanza se mordilla les lèvres.

*Merde... Dépêche-toi, ma vieille !*

Elle acheva d’ouvrir la porte, puis attrapa la femme, et sortit... Pour voir un garde face à elle, les yeux écarquillés.

« ÉVASION !! hurla-t-il. ALERTE ! ALERTE !! »

Esperanza se mordilla les lèvres, et s’empressa de fuir, filant dans les couloirs sinueux de la crypte.

Qu'est ce qu'elle était pathétique ! Toute molle, bougeant à peine. D'ailleurs, si elle n'avait pas les yeux entrouverts et les lèvres mollement articulées avec des bras se dressant sans trop savoir comment, Navlys avait carrément la tête d'un cadavre fraîchement tué. Elle faisait peine à voir et ça nous faisait presque de la peine de la voir ainsi.  Mais qu'elle se bouge le cul putain ! C'est pas comme si elle venait de se faire éclater ! Si ?... Ah... Elle est aussi faible que ça ? Quelle déception. On aurait cru qu'elle en avait plus dans le ventre que ça. Et l'autre qui vient encore la libérer.... Sérieusement ? Elle n'a pas autre chose à foutre de ses journées ? Comment ? Sauver des gens c'est ce qu'elle fait au quotidien ?... Oui bon ça va hein ! C'est pas écrit sur son...sa...poit.... humhum.. bref...

Elle crocheta la porte et rejoignit le cad... et rejoignit Navlys pour la secouer un peu en espérant qu'elle se réveille. Esperanza n'avait visiblement pas le temps et la souleva aussitôt en passant un des bras de la sram par dessus son épaule pour la guider vers la sortie. D'un autre côté, si elle avait pris le temps de raconter sa vie au légume pour attendre que la femme devienne plus énergique alors que des gardes rôdaient forcément dans un coin, ça aurait un foutu scandale ! Et quand on parle du loup, on en voit la queue...

Alors que l'héroïne quittait les lieux avec sa victime, elle fit face à un type qui se mit à beugler. Un peu plus et il se pissait dessus, on parie ? Non ? Vraiment ? Dommage. En tout cas, il cria si fort que la sram se senti menacer et, consciemment ou non, rendit invisible son corps et celui d'Esperanza avec sa magie. Cela ne prit qu'une fraction de seconde... Un nuage de fumé bleu sortant de nulle part et pouf ! Disparut ! Partie les deux femmes ! Comme par magAÏEEE !... Oui bon d'accord, c'était nul. Le garde cria de plus belle :

« DISPARU ! ELLES ONT DISPARU ! FAITES ATTENTION !! BLOQUEZ LES ISSUES ! »

C'était une église... Certes elle avait un cachot, mais de là à se transformer en prison carcéral, ça serait étonnant et plutôt comique ! Quoiqu'il en soit, cet élan magique semblait avoir revigoré légèrement Navlys qui murmura quand même difficilement :

« Sors-nous de là... Ils nous voient pas... Et.. merci... »

Esperanza, sur le coup, ne réalisa pas spécialement qu’elle était devenue invisible, parce qu’elle était occupée à partir. Le garde resta près de la cellule, hésitant à la poursuivre... Avant de choisir de rester prudemment en arrière, sans rien dire, en  attendant les renforts. Plutôt être fou, que de se lancer, seul, dans ce caveau sinueux. Esperanza s’avança donc avec la femme, qui semblait reprendre du poil de la bête, en se mettant à lui parler, d’une voix certes affaiblie, mais en prononçant plus de syllabes que tout à l’heure.

« Oui, c’est mon objectif... »

Lady Rawhide fila sur la droite, et descendit des marches, qui la conduisit vers une crypte cylindrique, avec de multiples tombes, où elle déposa alors la femme, soucieuse de lui laisser le temps de reprendre ses esprits. En tournant la tête vers le couloir, elle pouvait entendre des bruits de pas précipités. Esperanza venait de ruiner toutes ses chances de partir d’ici tranquillement. Retrouver André de Grand-Pré allait clairement devenir compliqué, maintenant, et elle se retourna vers la femme.

Visiblement, la femme aux vêtements bleus reprenait des forces, et Esperanza, tout en restant attentive aux bruits de pas venant de la crypte, se retourna vers elle.

« Alors, et si tu me disais toute l’histoire, hum ? Qu’est-ce que c’était que cette forme noirâtre qui nous a attaqué tout à l’heure ? Une malédiction, c’est ça ? »

Esperanza avait toujours accordé le bénéfice du doute aux gens, et, même maintenant, elle était convaincue que les évidences n’étaient pas aussi simples que ça, et que cette forme noirâtre était une sorte de possession, ou de malédiction.

Au moins, elles étaient sur la même longueur d'onde : partir d'ici rapidement. Toutefois, le petit tour et la fumée ne sembla pas avoir été remarqué par l'héroïne qui s'enfonça dans les cryptes... Mais bon, sortir devant tout le monde sans que personne ne bronche, ça aurait été trop simple ! En arrivant dans un espace plus vaste, Esperanza déposa Navlys pour lui poser des questions et, accessoirement, qu'elle se reprenne un peu plus. Franchement, la sram venait d'utiliser sa magie alors faire celle qui ne peut pas bouger... Faut arrêter cinq minutes de prendre les gens pour des bouftouts... Mais la jeune femme continuait ! Elle se frotta le front et avait le visage crispé de douleur quand elle articula :

« On pourrait... en parler plus tard ?... Quand on sera en sécurité... par exemple... Tout ce que je peux... te dire pour l'instant... c'est que c'est en rapport... avec les démons... Mon sort d'invisibilité... ne dure pas éternellement... Dépêchons-nous de sortir... »

Tant bien que mal, elle parvint à se relever. Pff, chiquer. Navlys se rapprocha de la rouquine pour terminer ses mots :

« Je pense pouvoir marcher... mais pas courir... Quelle est la sortie la plus... rapide ? »

Rhalala, et dire qu'elle a l'air sincère. On y croirait presque hein ? Comment ? Elle est vraiment mal en point ?... Soit vous voulez me faire passer pour un idiot, soit vous ne vous rendez pas à quel point Sram peut être perfide... Ah bah tiens ! Vous voyez, on a raison ! Pourquoi est-ce que Navlys prend discrètement l'une de ses dagues, hum ? Sournoise, déloyal, machiavélique, les avatars de Sram sont la traîtrise incarnée ! On l'avait bien dit ! Mais nan. "Oh regardez la pauvre qui a mal, elle a besoin d'aide, vite on va l'aider" ET BIM ! Un coup de dague dans... un rat ? La dague avait frôlé Esperanza et Navlys, l'air de rien, se dirigea vers sa victime pour récupérer son arme avant de se retourner :

« Alors ?... On y va ?... »

Va pour cette fois... Mais nous t'avons à l’œil.

Un sort d’invisibilité ? Surprise, Esperanza regarda autour d’elle, mais ne vit aucun miroir, seulement une flaque d’eau à proximité. Elle se rapprocha, et constata, avec surprise, qu’elle ne voyait pas son reflet dans l’eau. Prodigieux ! La magie... Elle était impressionnante, et la femme lui expliqua sommairement que cette histoire était liée à des démons, mais qu’elle n’avait pas envie d’en parler maintenant, préférant focaliser ses efforts sur la suite.

« Très bien... »

La femme lança soudain une dague qui frôla Lady Rawhide, et se planta dans un rat, surprenant cette dernière.

*Qu’est-ce que ça veut dire ?*

Est-ce qu’elle avait vraiment eu raison de libérer cette femme ? Ah, Esperanza et sa grande naïveté ! Son nom était vraiment bien choisi... Elle continuait toujours à avoir espoir dans les autres, même quand, comme en l’espèce, cet espoir était mal placé. Lady Rawhide se demandait donc si cet espoir n’avait pas été mal placé avec cette femme, qui lui indiqua alors d’y aller. Esperanza fronça les sourcils, restant silencieuse et inerte pendant quelques secondes, avant de s’avancer également, convaincue que, désormais, elle allait devoir jeter un œil méfiant sur elle.

Le duo retourna dans la crypte, une série de couloirs étroits reliés entre eux avec des pièces plus grandes, mais Esperanza mit la femme en garde, alors qu’on pouvait voir les torches des gardes qui brûlaient dans le couloir.

« Ils ont de l’obsidienne... Ton sort ne nous protègera pas à courte portée. Mieux vaut passer entre leurs lignes. »

Les soldats se déplaçaient prudemment, mais la crypte était relativement labyrinthique, ce qui amenait Esperanza à étouffer le bruit de ses pas, et à devoir marcher précautionneusement...

Vers la sortie...

Strike ! Touché ! But ! Panier ! En plein dans le mile ! Un rat de moins, un ! Qu'est ce qu'elle détestait ces rongeurs ! Un tempérament bien étrange pour un avatar de Sram : ces ombres avaient pourtant l'habitude des égouts et de leur faune si dégoûtante. Peut-être était-ce dû à sa nature unique ? Quoiqu'il en soit, l'animal n'était plus un problème et Navlys pouvait maintenant se concentrer sur ses vrais ennuis : les gardes. Accompagnée de sa camarade de fortune, la sram retourna sur ses pas jusqu'à ce que celle-ci lui parle d'obsidienne. Elle ne comprenait pas le rapport entre ce minéral inoffensif dans son monde et son sort, ce qui lui fit froncer les sourcils, songeuses. Toutefois, Esperanza lui avait sauvé la vie et était en train de l'aider à s'échapper... Comment douter d'elle ? Les deux femmes poursuivirent donc en aillant ce facteur en tête, se déplaçant telles des félines approchant de leurs proies. Tout à coup, Navlys saisit le bras de la rousse et lui fit signe de ne pas faire de bruit. La disciple avait eu une idée et se concentra pour un nouveau sort qu'elle expliqua avant de lancer :

« Attend un peu... Je vais faire un double... Et les attirer... Ils seront moins nombreux comme ça... »

La sram se mit aussitôt à la tâche en liant ses mains devant sa poitrine et en fermant les yeux. Gardant les mains ainsi, elle posa les pousse dans le creux de ses seins et aplatit lentement ses paumes sur son corps, ses mains dégageant une légère lueur magique. Navlys appuya visiblement très fort sur son torse, levant sa poitrine qui tomba lorsque ses mains longèrent ses côtes. Une fois arrivée aux hanches, ses bras se levèrent brusquement et un double totalement identique à elle apparut dans un faible nuage de fumée blanchâtre. En un signe, l'invocatrice se fit comprendre et sa création s'éloigna discrètement.

« On repart... dans dix secondes. »

Navlys semblait sûre d'elle mais ce nouvel effort la fatigua : elle haletait. On pouvait clairement voir que ça la gênait. Crispée, frustrée, Navlys bouillonnait intérieurement : comment rester discrète avec une chienne en chaleur ?! Plus elle y pensait et plus son souffle était saccadée, ça ne présageait rien de bon. La jeune femme déglutit, ferma les yeux et tenta de se reprendre pendant les quelques secondes qu'elle avait imposé. Dix secondes. Dix secondes qui lui parurent aussi longues que dix minutes. Sa respiration redevenait plus calme et son bras vint se poser sur l'épaule d'Esperanza. Son regard brûlait d'envie de lui dire, de lui demander une faveur. Mais il était sûrement trop tôt... Comment réagirait une personne normale à qui on demanderait de vous assommer si on fait trop de bruit pour pouvoir s'échapper plus facilement ? Cette question lui traversant l'esprit, la sram se contenta de faire un signe de tête vers un couloir.

« Par là ? »

Au même moment, on entendit raisonner plus loin :

« LÀ ! LA PRISONIÈRE ! Aaah ! Je t'aurais ! Venez par-ici les gars ! »

Le double semblait faire son effet et la précipitation résonnait dans la crypte. Le calme plat avait cédé aux attroupements massifs de gardes, les bruits s'éloignant clairement des deux jeunes femmes. Très proche pour certains, on aurait dit que le sol tremblait ! Comment ça on exagère ?... Tiens, même Navlys eut la trouille et tira sur le bras d'Esperanza pour l’aplatir dans un enfoncement, se serrant contre elle alors que des gardes passaient devant leur couloir sans les voir. Inattention, manque d'obsidienne, excellente réaction de la sram ? Tout ce qui importait, c'est qu'elles n'étaient pas détectées.... et qu'elles étaient très collées serrées. La disciple n'y prêtait pourtant pas attention, guettant les mouvements de leurs poursuivants en regardant dans la direction des bruits. Ses yeux se posèrent ensuite sur la rousse, lui sourit et s'écarta pour la tirer de ce trou inconfortable.

« Désolé, je t'ai pas fait mal ? »

Même si elle aurait aimé prendre le temps d'avoir la réponse, Navlys reprit vers la sortie d'un pas de velours, veillant à ce qu'Esperanza la suive... pour qu'elle passe devant et lui indique la route !

La diversion... Une technique très efficace pour s’évader, surtout avec la magie. Le caveau se composait d’une série de couloirs parallèles et de pièces en forme cylindrique. Il y avait de multiples endroits où se cacher, mais aussi de multiples endroits où se faire repérer. Et Esperanza ne voulait pas tuer d’innocents. Ces gardes étaient nerveux et idiots, mais ils ne méritaient pas la mort. Dans leur malheur, les deux femmes avaient la chance que les murs du caveau soient bien solides, empêchant ainsi les goules de s’y infiltrer. C’est ainsi que, alors que Lady Rawhide réfléchissait à un moyen de s’enfuir, que sa partenaire lui exposa une stratégie alternative, en créant, magiquement, un double d’elle-même, et s’en servit pour disperser les gardes.

« Bonne idée ! »

Est-ce qu’elle pouvait lui faire confiance, finalement ? La question continuait à la tarauder. Elle ignorait qui était cette femme, et elle n’avait pas oublié cette dague, qui avait filé très près d’elle... Bien trop près. Et, plus le temps passait, et plus elle se demandait si le caractère mystérieux de Navlys ne dissimulait pas une forme de schizophrénie latente. C’était une magicienne, et Esperanza avait des préjugés sur la magie, estimant que la magie avait des effets négatifs sur la stabilité mentale de leurs utilisateurs.

Le duo fila ainsi vers la sortie, mais des bruits de pas se firent entendre, et, sans pouvoir réagir, Esperanza sentit Navlys l’attraper, et la plaquer dans un renfoncement. La femme heurta le mur, et sentit la jeune Navlys se blottir contre elle, tandis que les gardes passèrent rapidement, probablement attirés par les bruits.

« Non, grogna ensuite Rawhide quand Navlys l’aida à sortir, y a pas de mal... »

Le duo s’avança ensuite, jusqu’à rejoindre l’entrée qu’Esperanza avait emprunté, mais cette dernière était bloquée par des gardes en hauteur.

« ’Chier... Okay, on progresse... »

Esperanza s’avança lentement, jusqu’à entendre des bruits de pas en approchant d’une grande pièce cylindrique. Il y avait un garde, seul, un hallebardier. Rapidement, Lady Rawhide posa un doigt sur ses lèvres, intimant à Navlys de rester silencieuse, puis s’approcha de l’homme. Furtive et discrète, elle s’approcha... Puis le frappa à la tête avec un caillou. Son heaume le sauva d’un violent traumatisme crânien, mais l’homme s’écroula malgré tout lourdement sur le sol.

« Il y a une sortie par là où il est venu... »

Elle marcha par là, et grimpa des marches en pierre qui l’amenèrent au cimetière à l’arrière de l’église. La forêt était accessible, et Lady Rawhide entreprit de s’y rendre, espérant chèrement avoir ainsi semé ces maudits gardes...

Lady Rawhide répondit que ce n'était rien avant de reprendre la tête du duo. Elles étaient toute proche de la sortie maintenant mais quand Esperanza reconnu l'entrée qu'elle avait prise, ce sont surtout les gardes postés devant qui retinrent son attention ! Il était donc impossible de passer par là, surtout avec le sort d'invisibilité qui commençait à disparaître. Les deux femmes auraient pu tenter d'y aller si la magie persistait en pariant sur le nombre insuffisant d'obsidienne pour que chaque garde en soit équipé, mais là... Il n'y avait pas d'autre alternative que de trouver un autre passage pour ne pas se faire repérer.

Très vite, la paire arriva dans une nouvelle pièce sécurisée cette fois-ci par un unique soldat. Navlys prit une dague en main lorsqu'elle vit sa collègue lui demander le silence par la gestuelle. Sa main relâcha donc l'arme et la jeune femme se mit à couvert tout en l'observant se charger de la situation. L'action de l'héroïne fut brève et en deux temps, trois mouvements, le garde était inconscient, étalé au sol. La sram fut très satisfaite mais loin d'être surprise : ce n'était peut-être pas elle lors des péripéties en surface, mais Navlys avait assisté à tout, totalement impuissante. Elle avait donc tout naturellement une totale confiance en Esperanza et visualisait plus ou moins ses capacités. Cette broutille mise de côté, cette dernière remarqua qu'il y avait très certainement une sortie dans cette direction.

« Je l'espère... »

La fatigue commençait à la décourager. C'était étrange. Son état, aussi bien physique que mental, semblait varier à chaque instant. En ce moment, la jeune femme respirait de nouveau difficilement et des gouttes de sueur ruisselaient sur son visage : se reposer lui ferait surement le plus grand bien. Et alors que l'héroïne continuait, le duo sortit enfin des cryptes et repéra une forêt où se réfugier pour échapper définitivement aux gardes. Pour l'heure, se sentir en sécurité était une priorité absolue ! Néanmoins, la forêt n'inspirait pas confiance à la sram... Trop de mauvais souvenirs dans cet environnement lui forgea une profonde méfiance envers la nature. En vérité, il n'y en avait qu'un seul, mais il était de taille : c'est le lieu de rencontre qui scella son destin avec celui du Shushu. Navlys se manifesta donc d'une voix tremblante en espérant que l'aventurière pourrait lui proposer une autre alternative.

« A-Attend... Je préférerais éviter la forêt... Si possible... Elle... Ce lieu... Il ne m'inspire pas confiance... Et j'aimerais pas redevenir comme ce que tu as dû affronter toute à l'heure... »

Elle laissa planer un certain silence avant de reprendre.

« Je t'ai dit que mon état qui a fait tant de dégâts était lié aux démons... Pour être plus exacte, c'était un Shushu... Des démons liés à des objets qui prennent possession du corps de leur utilisateur... Je n'ai jamais rien voulu de tout ça... Mais... Il y a maintenant plusieurs mois... Je n'étais pas ainsi... J'étais encore différente... Je ne sais pas ce qui m'arrive mais... Non, on verra ça plus tard, la forêt... Il y a plusieurs mois donc... J'étais dans une forêt, similaire ou non, cela n'a pas d'importance à mes yeux.... C'était un foyer provisoire et, un matin, des hommes sont venus. Un en particulier. Ils me cherchaient, moi, alors que je venais d'arriver. Je n'avais créer aucun lien avec des gens, je m'étais simplement réfugier dans cette forêt ou j'avais pris plaisir à vivre... Mais ils étaient venus pour moi. Nous nous sommes battus... J'ai perdu... Ils m'ont enlevé... Ils m'ont... »

La jeune femme se crispa avant de poursuivre :

 « fait des choses... ça m'a transformé et... ce Shushu est apparu également... Et s'est très vite approprié mon corps... »

Sa voix s'accéléra, paniquée :

« Je ne comprend toujours pas comment, ni pourquoi... Je ne comprend même plus qui je suis vraiment... mais... Je n'ai jamais rien voulu de tout ça et je ne veux pas que ça recommence... S'il te plait... évitons la forêt... Ce lieux est maudit.... »

Sa respiration saccadée s'était aggravée par l'angoisse, ses sueurs se multiplièrent et des larmes commençaient à perler sous ses yeux rouges chargés d'émotions. Navlys avait peur, elle était terrorisée à l'idée de retrouver ces plantes et ces arbres. La jeune fille n'arrivait plus à tenir les barrières émotionnelles imposées par Sram et retournait dans son tempérament si enfantin sans que cela ne change son apparence. Elle avait besoin de quelqu'un pour la réconforter alors que ses jambes la lâchèrent, tombant ainsi assise par terre alors que ses mains venaient tenir son visage larmoyant.

La forêt était leur seule échappatoire pour Lady Rawhide. Il n’y avait tout simplement pas d’autres options. La ville avait partiellement brûlé, et il y avait des gardes partout, sans compter que toute la garnison locale devait maintenant les rechercher, et, quand ils comprendraient que la crypte était vide, ils étendraient rapidement leurs recherches au périmètre entourant l’église. Navlys lui avait expliqué qu’elle avait peur de retourner dans la forêt, parce que c’était là qu’elle avait été capturée. Les explications de la femme n’étaient pas très claires, relativement confuses, mais Esperanza en déduisit une chose essentielle : le problème ne venait pas de la forêt en elle-même, amis des gens qui lui étaient tombés dessus.

« Une forêt n’est pas plus maudite qu’une crypte, ou qu’autre chose. »

Il existait des forêts maléfiques, mais le maléfice venait souvent de sorcières, ou de créatures rôdant à l’intérieur. En l’état actuel des choses, cette forêt n’était pas hantée.

« Et nous n’avons pas d’autres solutions. Tout le village en a après nous. Si on reste ici, ils vont venir et nous prendre, et on ne peut pas fuir par les routes non plus. »

En réalité, toutes leurs options semblaient, en ce moment, être compromises… Sauf fuir par la forêt. Ainsi, et peu importe par quel côté on tournait les choses, la fuite en forêt était, pour Lady Rawhide, la seule chose à accomplir. Néanmoins, avant de faire cela, elle avait le sentiment que Navlys avait besoin d’être rassurée. Néanmoins, il était difficile de dire, en l’état,  si elle était sérieuse, ou si ce n’était une sorte de jeu bizarre, et incompréhensible pour l’aventurière.

Fléchissant les genoux, elle posa ainsi une main réconfortante sur son épaule :

« Écoute, tu n’as pas eu de chance, mais, si on reste là, ils vont te capturer… Tu n’as pas à t’en faire, je te protègerai dans cette forêt. Tu peux me faire confiance, non ? »

Le temps, néanmoins, leur était compté, car, plus elles discuteraient ici, et plus les gardes risquaient de débarquer, et de se mettre à fouiller ce cimetière…

Cette main réconfortante la fit relever la tête. Toute cette pression lui donnait une sale mine mais en voyant l'assurance d'Esperanza, Navlys renifla et se reprit tout doucement. La rousse dû se contenter d'un hochement de tête comme réponse et la jeune femme demanda son aide pour se relever. Son regard se tourna vers la crypte et le village avant de fixer la forêt. Elle ne voulait vraiment pas y aller... Mais cette fois, elle n'était pas seule. Sa salive avalée, l'avatar de Sram se dirigea avec sa sauveuse vers la forêt.

Celle-ci n'avait rien de particulier en apparence, et probablement aussi en réalité mais, bon, on ne sait jamais ce qui peut arriver... Des arbres, des buissons, de la mousse, pour l'instant, tout était parfaitement normal. Le silence n'y régnait pas pour autant, bien au contraire : les feuillages étaient bercés par le vent, les oiseaux chantaient, des écureuils glapissaient et des branches craquaient. Normal, deux femmes marchent en forêt et même en faisant attention, il était difficile de ne pas marcher par inadvertance sur une brindille ou quelque chose de plus gros. Sauf qu'à un moment, le bruit ne venait pas de sous leurs pieds. Le premier réflexe de Navlys fut de saisir sa dague mais à peine en main, le craquement se transforma en brouhaha se rapprochant dangereusement. Quelque chose était en train de charger vers elles !

Regardant rapidement autour d'elle, l'avatar de Sram chercha un endroit où surprendre peu importe ce qui allait arriver. Cependant, alors qu'elle allait se mettre derrière un arbre, la chose sortit des fourrés : un sanglier ! Il n'avait pas l'air content du tout mais en voyant que le danger n'était pas si impressionnant que cela, Navlys se chargea de l'animal en une fraction de seconde. Il courrait en ligne droite, rien de plus simple à esquiver. La jeune femme le fit en tournant sur sa droite dans un mouvement proche de la danse. Ses vêtements légers cachèrent brièvement la vision du sanglier en passant devant ses yeux, mais il était déjà trop tard : une dague se planta en pleine nuque du mammifère alors que la disciple se mettait à genoux. En se relevant, elle retira son arme d'un coup sec et essuya la lame sur la fourrure avant de se tourner vers Lady Rawhilde.

« Tu avais raison mais... Pourquoi nous a-t-il chargé dessus ? C'est étrange, nan ? »

Une fois le sang retiré de sa dague, Navlys la rangea et se rapprocha de son amie en enjambant l'animal. La présence d'Esperanza la rassurait, mais cette événement l'inquiétait tout de même. Elle avait besoin de savoir la suite, ce que la rousse avait en tête maintenant.

« On va s'enfoncer encore ? C'est quoi ton plan ? Je te dois la vie et je t'en suis très reconnaissante mais... Je n'aime pas avancer dans le noir. »

Elle termina sa phrase en grimaçant et en se grattant la nuque. La jeune femme semblait tellement innocente malgré ses capacités meurtrières qu'elle avait montré à plusieurs reprises. Son état changeait du tout au tout. Un danger ? C'était l'excellente assassin et tueuse. Une accalmie ? Cette fois, la fillette se manifestait.

À vrai dire, pour Esperanza, la question ne se posait même pas. Si les gardes leur mettaient le grappin dessus, ce serait le cachot assuré ! La forêt était donc le seul moyen de fuite possible, en sachant que, vu que Navlys avait tué, les gardes ne les laisseraient pas partir si facilement. Il fallait donc se hâter, et, fort heureusement, l’énigmatique femme sembla revenir à la raison, puis le duo fila dans la forêt. Esperanza menait la marche, et s’avança le long de sentiers. La forêt n’était pas très dangereuse. Oh, il y avait bien des animaux sauvages, mais fort peu. L’incendie avait, de plus, dû faire fuir la plupart des bêtes. Le duo vit quelques arbres noircis, mais les mages avaient bien fait leur travail, étouffant le brasier avant qu’il ne devienne un incontrôlable feu de forêt. Le duo s’avança donc, longeant des rochers élevés, jusqu’à entendre des bruits de sabots. Esperanza s’arrêta sur place, saisissant les Colts accrochés dans son dos, à hauteur de sa ceinture (donc, de ses fesses, en réalité), mais Navlys réagit plus rapidement, et se rua vers le sanglier, avant de le tuer à l’aide d’un mouvement d’esquive rapide, qui n’était pas sans rappeler celui des toréadors... Puis elle planta sa dague dans sa nuque, et, à la surprise de Rawhide, qui connaissait la férocité de ces monstres, vit le sanglier s’écrouler sur le sol.

Les deux femmes se regardèrent ensuite brièvement, Navlys exprimant sa curiosité à l’idée que cette bête les attaque.

« Le sanglier est un prédateur. La Nature n’a besoin d’aucune autre explication pour prendre la vie. Mais je pense que l’incendie a dû le paniquer, il a dû nous prendre pour des ennemis... »

Difficile à savoir, car Esperanza ne parlait pas le sanglier, et elle entendit des bruits de voix et de pas.

« Ils nous poursuivent... »

Entre-temps, Navlys lui avait demandé quel était son plan, et Esperanza la regarda silencieusement. Le soleil commençait à se coucher, et les gardes étaient repérables par leurs torches, qui brillaient dans l’obscurité.

« Mon plan ? Mon plan, c’est de partir d’ici, et de les semer... Tu crois que j’ai eu le temps de réfléchir à autre chose ? J’ignore tout de cette région, ou presque. »

Esperanza reprit ensuite sa route, plus rapidement, n’ayant guère envie de discuter, en se disant que le hurlement mourant du sanglier avait dû attirer les gardes. Et, effectivement, quelques instants après cette scène, les gardes se rapprochèrent, inspectant le cadavre de la bête.

« La plaie est récente... Elles ne peuvent pas être loin, nota un soldat en s’agenouillant.
 -  Poursuivez la battue ! Ne laissez pas ces sauvages s’échapper !! »

Quand les soldats se déplacèrent, Esperanza et Navlys s’enfonçaient dans la forêt, jusqu’à atteindre le lit d’une rivière, qu’Esperanza se mit à suivre. Arriveraient-elles à s’enfuir ?

Ou allaient-elles de Charybde en Scylla ?

L'héroïne avait répondu plutôt sèchement à la jeune fille avant de se hâter dans leur fuite. Navlys avait-elle dit ou fait quelque chose qui le lui plaisait pas ? La disciple ne sût quoi répondre et baissa la tête en la suivant. C'était la faute du Shushu, pas la sienne. Cette pensée tournait dans tous les sens, tentant de se convaincre de son innocence. Jamais elle n'aurait fait cela d'elle même, jamais elle n'aurait tué pour le plaisir, déclencher ce feu pour voir ces visages paniqués... Ce n'était pas si mal tout qu'on de fait ? Si... si... ça l'était... En êtes-vous sûr ? Ces gens étaient des esclavagistes... Ils emprisonnent, maltraitent et tuent des personnes pour leur simple confort. Ce ne sont pas des bienfaiteurs mais des bourreaux. Les exterminer revient à écraser les cafards d'un grenier : rudimentaire mais efficace.... Cela reste pourtant un meurtre.

Plus que ses propres pensées, Navlys était prise dans un conflit interne où Sram tentait de s'imposer dans ce corps si fragile. Le démon qui avait permis la création du Shushu fit beaucoup plus de dégâts à sa pauvre âme qu'on aurait pu le croire. En effet, le dieu de la mort et de la tromperie était rarement soutenu par le reste des Douzien. Toutefois, sa liaison avec le Shushu instaura le doute au plus profond de son esprit. Ses différents caractères n'étaient sûrs de rien... Il était vrai que ces gens n'étaient pas la bonté incarnée mais le châtiment fût bien trop sévère et impulsif. Et cette confusion profitait évidemment à Sram.

Suivant en silence, s'attardant parfois en se perdant dans ses réflexions, Navlys suivait Esperanza. Cette dernière était trop occupée à chercher une échappatoire pour remarquer le tourment de l'avatar. Assez rapidement, le duo arriva à une rivière et la rousse se mit à la longer mais pas la disciple qui resta fixe face à cette eau. Elle réfléchissait, se retourna vers la ville puis regarda lady Rawhide. Sa bouche s'ouvrit, mais leur dernière conversation la dissuada de parler à nouveau. Navlys hésita à refaire un double pour troubler les pistes mais elle se ravisa et se pressa pour rattraper son retard sur la rousse.

Plus loin, une petite cabane en bois au bord de la rivière attendait notre duo. Visiblement déserte, elle pouvait très bien être utilisé par les bûcherons de la ville... ou par une sorcière. L'atmosphère entourant cet endroit était très particulier dans le sens où l'illusion et la réalité se trouvait sur une frontière difficilement détectable. Voyaient-elles des bûches ou des jarres ? Des copeaux de bois ou des potions ? Ce qui était sûr, c'est qu'il n'y avait personne. Pour l'instant...

Le ton d’Esperanza était effectivement sec, mais ce n’était pas spécialement à l’encontre de Navlys, plutôt à cause du fait que les deux femmes étaient actuellement dans une drôle de position. L’armée les traquait, et Esperanza était donc sous tension. De plus, elle aidait une femme dont elle n’était toujours pas sûre de la loyauté, ayant encore, en tête, l’épisode de la crypte, où la femme avait manqué de peu de la poignarder. Plus globalement, Lady Rawhide avait des questions en suspens, et, tant qu’elle n’en aurait pas les réponses, elle serait donc... Nerveuse. Elles remontaient donc le lit de la rivière, quand Esperanza, en tendant l’oreille, entendit les aboiements de chiens.

*Merde, ils vont pister nos odeurs...*

Elle n’avait pas vu Navlys tenter de lui proposer quelque chose, étant, en l’état actuel des choses, trop occupée par s’assurer qu’aucun archer ne débarquerait pour les occire. Elles s’avançaient donc, et finirent par rejoindre une sorte de petit cabanon le long de la forêt. Un endroit abandonné, et qui avait commencé à pourrir. Inutile d’espérer se cacher là-dedans, mais, en se rapprochant, Esperanza put voir qu’il ressemblait à une sorte de hutte de chasseur.

« Hum... Remontons par là. »

S’il y avait une structure ici, c’est que, peut-être, il y avait autre chose plus loin ? En suivant cette idée, Lady Rawhide se mit à avancer le long des arbres, adoptant une démarche rapide, tout en essayant, autant que faire se peut, de masquer ses traces. Cependant, la femme avait plus l’habitude du désert que d’étouffantes forêts, de grands espaces chauds, plutôt que ces endroits clos où des branches d’arbres venaient continuellement vous fouetter le visage.

Lady Rawhide finit par grimper une colline, avec un dénivelé de plus en plus élevé, jusqu’à réussir à contourner cette butte, pour voir, au-delà des arbres, un ancien manoir abandonné.

« Et ben ça... »

C’était une structure en pierre partiellement détruite, clairement abandonnée, avec de la végétation qui poussait dedans. Esperanza vit que l’entrée principale était inaccessible à cause d’un éboulement, et, après avoir fait le tour de la propriété, nota la présence d’une poutre en hauteur. Avisant cette dernière, elle lança son fouet, et ce dernier alla s’enrouler autour de cette dernière. Tirant un peu dessus, elle constata que la poutre était solide.

« Okay... On va se cacher là... J’espère que les chiens ne nous pisteront pas. Je vais grimper d’abord. Si ça supporte mon poids, ça supportera aussi le tien, Navlys. »

Esperanza se mit donc à grimper, et constata, au grand bonheur, que la poutre tint bon. Après un peu d’escalade, elle se hissa sur la poutre, puis invita Navlys à la rejoindre.

L’avantage de ce manoir, c’est qu’ils avaient un point de vue dégagé sur toute la région.

Sans trop de surprise, c'est l'héroïne qui brisa le silence du duo en arrivant près du cabanon. Elle n'y jeta qu'un rapide coup d’œil et préféra l'ignorer pour indiquer qu'il valait mieux continuer, surement une sage décision. Navlys se contentait de suivre sans broncher. Tout ce qu'elle avait entreprit d'elle-même depuis maintenant plusieurs mois c'était toujours soldé par des échecs ou des conclusions malheureuses. Confier son destin à une parfaite inconnue lui semblait être la meilleure option pour arranger ça... Mais bon, ne soyons pas mauvaise langue ! Celle-ci s'était montrée extrêmement généreuse depuis leur première rencontre et il y avait peu de chance que cela change. Sauf que c'était un avatar de Sram à présent et, par conséquent, le simple concept de la confiance... n'existe pas. Même s'appuyer sur leur dieu était quelque chose d'absurde à leurs yeux. Certes ils le vénéraient et utilisaient son pouvoir, mais lui demander de se charger d'un problème ? Autant demander à Enutrof de partager ses kamas ! La complicité devait être ce qui se rapprochait le plus de la confiance mais pour ça, il fallait des intérêts communs et, pour le moment, Navlys n'avait pas la moindre idée des intérêts d'Esperanza. La jeune disciple, en bonne sram qu'elle était, se méfiait donc à présent. Le dieu de la mort et de la fourberie l'emportait sans le moindre problème sur les onze autres dans son corps frêle et instable.

Durant cette réflexion pour le moins obscur, Lady Rawhilde s'était aventurée au sommet d'une colline que Navlys surmonta peu de temps après. Elles y virent cet imposant manoir de pierre, à moitié en ruine. Ce lieux émerveilla le cœur de l'avatar ! Quoi de mieux que pour un sram que de se dissimuler dans une vieille bâtisse dégradée ? Probablement le cimetière que les deux femmes avaient abandonné, mais ce dernier était compromis et ce manoir convenait parfaitement à la situation ! Le duo s'y approcha sans la moindre hésitation, nous évitant ainsi une longue et terrible description de l'endroit. Aaah, quel plaisir !* Plus sérieusement, l'entrée obstruée poussa Esperanza à utiliser son fouet pour grimper vers un accès plus en hauteur. Avant d'entamer l'escalade, l'héroïne signala son inquiétude au sujet des chiens qu'elles entendirent plus tôt.

« Il y a peu de chance qu'ils aient une piste. Je ne me souviens pas avoir vu un chien sentir mon odeur et, à moins que tu aies fait tomber quelque chose, ils n'ont aucune chance de.... »

À cet instant, elle se souvenu de la bague, celle qui était à l'origine de tout ceci, celle qui l'avait transformé en Shushu. Navlys serra le poing et ne put s'empêcher de l'abattre contre le mur en pierre le plus proche en laissant échapper un juron. Sa colère absorbait la douleur du choc mais elle fit tout de même danser ses doigts pour calmer ses articulations. Ils avaient au moins son odeur et c'était amplement suffisant pour les traquer, à moins que ce ne soit l'odeur de la Shushu ? La sram ne le savait pas à cet instant mais, du fait de son déséquilibre corporel, chacune de ses formes avaient belles et biens chacune des caractéristiques différentes. Ainsi, même si la Shushu s'était greffé sur l'avatar de Sram, ce n'était pas le corps de la disciple mais celui de la démone ! Par conséquent, les chiens ne sentaient pas ce que les gardes aimeraient retrouver et, s'ils avaient une piste, leurs meilleures amies allaient les conduire totalement à l'opposé des deux jeunes femmes ! Mais ça, elle ne pouvait en avoir conscience.

Navlys cherchait une alternative mais, il n'y en avait pas dans l'absolue. Elle se retourna alors vers Esperanza sans terminer sa phrase. La réalité la rattrapant, sa main intacte se mit à masser celle endolorie par son énervement tandis que son regard se posa inévitablement sur le fessier musclé et bien en forme de l'héroïne. Ses rondeurs et sa tenue affriolante captivait totalement la jeune sram qui ne s'humecta les lèvres malgré elle. Envoûté quelques secondes, la disciple secoua la tête pour se reprendre lorsque Lady Rawhilde atteignit son but. C'était son tour à présent. Navlys ne perdit pas plus de temps en pensées obscènes et attrapât le fouet pour conclure cette escalade. Toutefois, elle gardait à l'esprit cette vue généreuse en oubliant son inquiétude vis-à-vis de la bague de Shushu.

Une fois toutes deux en haut, le duo put constater l'état assez déplorable de l'endroit. Extrêmement poussiéreux et rempli de toiles d'araignées, il y avait au sol un tapis qui devait être rouge avant d'être recouvert des cendres et des saletés qui volèrent pendant plusieurs dizaines voire centaine d'années autour de ce manoir. En suivant du regard ce tissu délabré, leurs regards pouvaient se poser sur quelques meubles luxueux en chêne, certains encore intacts et seulement sales mais majoritairement endommagés. Les deux femmes se trouvaient dans un long couloir qui menait à l'aile Est du bâtiment. En se positionnant vers là où elles étaient grimpées, ces deux partenaires d'infortunes avaient derrière elle un autre couloir, plus difficile d'accès à cause du trou béant par lequel elles avaient pu arriver ici. Rien d'insurmontable mais il fallait tout de même sauter avec un peu d'élan pour arriver de l'autre côté, l'éboulement en contrebas ne permettant pas d'escalader et bouchant simplement la pièce sous cet autre couloir. La voie naturelle était donc de se diriger vers l'Est du manoir via ce couloir où elle se trouvait à l'extrémité. Navlys laissait une nouvelle fois sa sauveuse prendre l'initiative en se contentant d'observer le lieux, évitant autant que possible de poser son regard sur la cowgirl. Se faire charmer aussi facilement était indigne de Sram mais... La disciple était incapable de chasser cette image de sa tête et s'efforçait de ne pas y penser en portant une attention très particulière, presque troublante, pour les toiles d'araignées.


* Je tiens à préciser que c'est simplement une blague !  J'adore faire des descriptions même si j'ai parfois un peu de mal à les lire (et aussi à les construire D: )

Indifférente aux œillades de Navlys sur sa croupe (et il était vrai qu’Esperanza avait un fessier des plus magnifiques), Lady Rawhide l’aida à grimper, puis elles se mirent à marcher, inspectant ce manoir abandonné. Le temps l’avait érodé, faisant s’effondrer plusieurs parties de couloirs, ou des morceaux de murs. Esperanza menait la marche, toujours sans savoir que Navlys en profitait pour se rincer l’œil, et elles enjambèrent un trou dans le sol, puis continuèrent à marcher.

Les poutres en bois avaient été attaquées par des insectes nuisibles, termites, charançons… Il se dégageait ainsi de certaines pièces une forte odeur de moisissure. Esperanza s’approchait d’un escalier à l’est, et constata vite qu’il était effondré vers le bas.

« Bon… On grimpe, alors. »

Grimper, ça semblait être la meilleure option, ce qui les amena près d’une porte grinçante et défoncée à coups de haches. Esperanza la poussa, et vit une ancienne chambre, qui semblait visiblement être la pièce la mieux en état… Mais également vide. Il restait quelques commodes, et on avait balancé les tiroirs sur le sol, prenant manifestement tout ce qui avait de la valeur, ne laissant plus qu’une pièce vide, avec un plancher qui grinçait nerveusement sous leurs pas. Néanmoins, depuis les fenêtres, Esperanza avait une bonne vue sur la région, et, alors qu’elle observait, elle serra les dents en voyant une patrouille qui se rapprochait.

« Merde, ils sont là… »

Elle s’abrita instinctivement, comme si les gardes pouvaient la voir depuis le sol. Un chien était avec eux. La patrouille observa silencieusement lez manoir, avant que d’autres soldats n’approchent, et ne commencent à faire le tour. Ils parlaient à voix forte, mais Esperanza avait du mal à les entendre.

« … ‘Pas… ‘Er… Ruine…
 -  ’Gereux… »

Ils firent encore le tour, puis repartirent, tandis que les chiens aboyaient et grognaient. Lady Rawhide en avait même retenu son souffle, mais, en les voyant s’écarter, un soupir de soulagement s’échappa de ses lèvres. Visiblement, ils avaient estimé le manoir trop dangereux pour se risquer à s’y aventurer. Cependant, ce que les gardes savaient, et non Lady Rawhide, c’est que ce manoir abritait aussi, sur son toit, un nid… Et la cocatrix qui y avait posé ses œufs, et qui était actuellement en train de chasser, n’aimait guère les visiteurs imprévus.

Mais ça, Esperanza l’ignorait, et elle se retourna vers Navlys.

« Bon… Je crois qu’on est tranquilles pendant un petit moment. On va pouvoir discuter, toi et moi… »