Matt arriva sur le pont de sécurité et se dirigea tout de suite vers la zone d'incarcération, là où se trouvaient les cellules d'interrogatoire. L'un des ponts qu'il aimait le moins de tout son appareil. À la base conçu comme vaisseau de démonstration, l'Hypérion disposait d'un pont carcéral à ceci près qu'il y avait un nombre conséquent de modifications par rapport aux standards de l'armée. L'ancienne propriétaire étant une esclavagiste reconnue, certaines cellules avaient été reconverties en "pièces de jeu" pour une personne ayant un goût prononcé pour les pratiques BDSM. Et malheureusement, encore maintenant elles étaient difficile à reconvertir. C'était l'un des endroits qui mettaient le plus mal à l'aise le commandant en second.
Mais pour le moment, celui-ci arborait son masque d'impassibilité en se présentant au poste de garde de la cellule d'interrogatoire. Un homme et une femme se trouvaient dans la pièce. L'homme se leva pour lui adresser un salut militaire sec que le commandant en second lui rendit. La femme continua à observer la nouvelle venue à travers la vitre, l'air complètement dans la lune.
L'homme était un humain ayant la trentaine, mal dégrossi avec un physique épais aux muscles saillants et une moitié du visage brûlée par l'acide d'un Formien. Il se nommait Jean Lexis, un Ashnardien exilé à Tekhos pour des raisons politiques qui avait rejoint les rebelles par la suite après des déboires avec la justice. Malgré son allure de brute épaisse, l'homme avait fait de la politique pendant longtemps dans son état d'origine et était plutôt doué pour interpréter le langage non-verbal des personnes à qui il avait affaire.
La femme était une Terranide-chien. La précédente propriétaire du vaisseau s'en était servie pour tester des implants crâniens dont certaines excroissances étaient visibles le long de son crâne et derrière ses oreilles poilues. L'un de ses yeux avait également été remplacé par un système très sophistiqués d'enregistreurs et de scanners. Grâce à cela, elle pouvait voir les choses sous un nombre de spectres optiques bien plus large et pouvait enregistrer en temps réels les réactions ainsi que les changements survenus dans le corps de ceux qu'elle observait. Malheureusement l'implant avait fait des dégâts à son cerveau, la rendant presque incapable de manifester la moindre émotion.
- Andrew, au rapport. Que pouvez-vous me dire sur notre invitée ? Questionna Matt tandis que le sergent Jonhson prenait congé de l'autre côté de la vitre blindée.
- Pas grand-chose, grogna Andrew en se tournant pour regarder la jeune fille. Elle a vraiment des réactions de gamine quand on parvient à la prendre par surprise, mais encore faut-il y parvenir. Elle a tendance à réaliser certaines choses avant qu'elle se passent, et à d'autre moment, ça lui prend six plombes pour réaliser un truc franchement basique. Je ne sais pas bien quoi dire. Dans l'absolu, je dirais qu'on a affaire à une personne possédent une capacité d'ubiquité partielle, ce qui lui permet d'anticiper les réactions des gens et d'éviter les gros ennuis, mais elle n'est pas infaillible pour autant. Ses failles sont juste très dures à exploiter. Elle a l'air d'avoir une putain de carapace mentale à ce niveau-là, ce qui n'est pas très étonnant si elle parvient à savoir certaines choses qu'elle n'est pas supposée savoir autour d'elle. Mais elle fissure elle-même son blindage quand elle est surprise.
- Je vois… Commenta Matt surtout pour donner le change car en réalité il n'y comprenait pas grand-chose.
Il se pencha ensuite pour poser délicatement sa main sur l'épaule de Lucie. Celle-ci tourna la tête dans sa direction. Son éternel air absent sur la figure.
- Lucie ? Tu as vu quelque chose d'anormal ? Lui demanda doucement Matt en lui souriant gentiment.
- Non… Commenta tout bas la Terranide. Activité biologique dans les normes… Aucunes traces d'activités sortant de la moyenne sur les autres spectres…
Matt hocha la tête avant de lui prendre le bras pour l'aider à se lever.
- C'est bien Lucie. Merci de ton aide, la remercia Matt en guidant la Terranide docile vers le marine qui l'attendait au fond de la salle, celui-ci portant le brassard des aides-soignants.
Lucie était hélas incapable de prendre soins d'elle-même depuis la mise en place de ses implants et elle nécessitait une prise en main constante même pour se laver ou aller aux toilettes. C'était la raison qui avait fait que sa précédente propriétaire avait déclaré que c'était un échec et l'avait laissée à croupir dans une cellule jusqu'à ce que les rebelles la trouvent et l'en sortent. Les rebelle n'avaient pu se résoudre à la laisser se débrouiller dans son état et la confier à une communauté aurait été un fardeau pour eux. Ils l'avaient gardée et espéraient pouvoir trouver un moyen de lui rendre ce qu'elle avait perdu un jour. Avec la magie, il ne fallait jamais désespérer.
Jonhson entra et poussa un long soupir en sortant ses allumettes.
- Polie, aimable, pas méchante pour deux sous, rieuse, une logique un peu étrange et une répartie à tout épreuve, fin du rapport, commenta-t-il en grattant une allumette contre le montant de la porte avant d'allumer son cigare. Elle est tout à vous cap'taine.
Andrew grimaça en regardant le sergent émettre un nuage de fumée épaisse et malodorante.
Horner hocha la tête. Clair et concis, comme toujours de la part du sergent.
- Merci et bon travail. Je prends le relais.
- Comme vous voulez. Si vous arrivez à faire focntionner vot' charme légendaire pour lui tirer plus que moi, j'me f'rai un plaisir d'jeter un coup d'œil sur vot' rapport à vous, commenta le sergent en s'écartant de la porte.
- J'y penserais, répondit Matt en le dépassant pour se présenter devant la porte du sas de la salle d'interrogatoire.
Il se soumit au contrôle comme n'importe qui et finit par entrer dans la pièce, le dos droit, le torse bombé, raide comme la justice.
La jeune fille le devança cependant et l'accueilli en lui faisant une élégante révérence.
- Bonjour. Je suis ravie de vous rencontrer, commandant Horner, lui dit-elle avec un grand sourire.
Matt resta choqué trois longues secondes d'être reconnu avant de s'être présenté. Contrairement à James Raynor qui était la figure de proue emblématique de la rébellion, lui-même n'était que très peu connu en-dehors des rebelles eux-mêmes et des services de renseignements Tekhans et des autres nations.
Ce qui faisait quand même beaucoup de monde malgré tout en fait…
Mais le capitaine se reprit très vite. Puisque visiblement chacun connaissait l'autre, autant éviter de perdre trop de temps avec des présentations trop longues.
Il s'avança de deux pas et arbora un sourire poli avant de capturer délicatement la main de son interlocutrice pour l'effleurer du bout des lèvres en un baisemain très protocolaire.
- Tout le plaisir est pour moi mademoiselle Nille. Lui répondit-il en observant sa réaction. Bienvenue à bord de l'Hypérion. Veuillez pardonner la manière cavalière dont vous avez été accueillie à bord, votre arrivée ne figurait dans aucun agenda sur lequel nous ayons pu mettre la main, s'excusa-t-il poliment. Puis-je vous offrir un rafraîchissement ? Du café ? Du thé ? Une boisson gazeuse ? De l'eau ?
Il écouta la réponse de la jeune fille pour ensuite demander un thé pour lui-même en direction de la vitre. Puis il tira une chaise qu'il lui présenta.
- Si vous voulez vous donner la peine ? Proposa-t-il.
Après qu'elle ait fait son choix. Il en tira une autre pour lui et s'accouda à la table.
- Mademoiselle Nille, je n'irais pas par quatre chemins. Votre présence à mon bord dans des circonstances aussi… "Spécifiques"… Soulève de très nombreuses questions. Je ne tiens pas à être désagréable avec vous et je suis persuadé que nous pouvons trouver un terrain d'entente mutuelle. Vous avez dit avoir eu envie de visiter notre appareil. C'est honneur d'avoir suscité la curiosité d'une personne telle que vous et je serais tout à fait enchanté de vous faire visiter ce vaisseau. Mais vous savez, nous avons quelques soucis en ce moment avec les autorités l'ayant construit et il nous serait des plus dommageable qu'ils viennent à nous retrouver. Pourrais-je, s'il vous agréé bien entendu, vous demander si vous seriez prête à nous donner une garantie quelconque que cette visite ne se retournera pas contre nous ?
Sur ce, les boissons arrivèrent et Horner piocha sa tasse su sa soucoupe et se mit à touiller le liquide ambré en attendant la réponse de son interlocutrice.