Au moment où je me rendais compte qu’il me tendait les cartes et que je ferais mieux de les prendre, il les ramena vers lui. Oups, encore gaffé… Va vraiment falloir que j’apprenne à être moins con moi. En tout cas, l’idée d’invoquer des créatures ne l’enchantait pas vraiment. Il avait raison, d’un côté, on ne savait pas du tout si ces personnages allaient être dociles ou s’ils n’en feraient(1) qu’à leur tête. Dommage… En revanche je ne pus retenir un léger sourire et un élan de fierté quand il me complimenta sur mon don de détection de la magie. Enfin, il ne m’avait pas complimenté à proprement parler mais il avait bien dit que ça pouvait être utile, voire très utile, et ce n’était pas le genre de chose que j’entendais souvent, sur Terre, alors…
-On verra bien. En attendant, je propose de presser le pas, moins on passera de temps sur la route et mieux ce sera.
(1) : Le verbe savoir autorise l’emploi du conditionnel après un « si », j’en suis certaine. Vu que si j’écrivais au présent le verbe falloir serait au futur, ça m’a semblé être logique, mais n’hésitez pas à me réprimander s’il s’avère que je me suis trompée. Parce que je déteste faire ce genre d'erreurs et là je suis pas sûre de moi à 100%.
-Bon sang, mais qu’il est con ce type ! Eh duschnock, on est pas des bêtes sauvages, on est pas soumis à ta volonté mais on peut très bien discuter avec toi si t’as envie qu’on t’obéisse !
-Val, calme-toi, tu recommences avec tes jurons.
Il se baissa pour éviter une gifle. Cette dernière se calma juste après, mais resta bougonne. Elle croisa les bras.
-J’ai bien envie de sortir pour lui apprendre comment marche la magie des cartes, mais Karuta va vraiment pas aimer si j’enfreins la règle.
-Alors laisse tomber. Arrête de regarder la fenêtre, va jouer au chifoumi avec la gardienne ou n’importe quoi, mais arrête de t’énerver sur ce pauvre gars. C’est pas sa faute s’il a plus aucun souvenir de nous.
Il évita une deuxième fois la main de la fée, qui s’en alla d’un pas vexé dont il savait d’expérience qu’elle l’exagérait.
La matinée fut interminable. Vraiment. Marcher sans interruption vers un endroit qu’on ne pouvait pas voir, sur un chemin totalement désert parsemé de que dalle, l’air de rien c’était presque aussi éprouvant que de s’entraîner avec cette folle furieuse de Thalia. Brrr, j’en avais encore des frissons… Je n’avais pas réussi à la convaincre que ça ne servait à rien de me mettre une arme dans les mains, et j’avais eu des courbatures pendant deux jours. Et une phobie de cette fille, je crois bien.
Vers midi nous nous sommes arrêtés, déjà pour la fatigue que, chose rassurante, je n’étais pas le seul à ressentir, mais aussi pour manger un peu. Et alors que je grignotais un morceau de quelque chose que je ne voulais pas identifier (viande? Possible) j’eus une impression désagréable, comme si quelqu’un me regardait fixement. Seulement il n’y avait rien, cette zone était uniquement peuplée de cailloux et d’arbres morts pour la plupart trop fins pour se cacher derrière. Mais j’eus l’idée de sonder les environs, et une bribe de magie me parvint. C’était flou, ça ne ressemblait pas tout à fait à de la magie, mais ça s’en approchait suffisamment pour que je m’en préoccupe. Je tentai néanmoins de penser à autre chose en lançant une conversation, un peu hésitant :
-Ah, euh, au fait… Je préfère vous prévenir avant que les ennuis nous tombent dessus, je ne sais pas du tout me battre. Je n’ai jamais eu l’occasion d’apprendre avant très récemment.
Mais cette saleté d’impression persistait, et un frisson me prit quand je vis, à quelques mètres derrière Deisui…était-ce un bras qui bougeait tout seul ?! Mes yeux s’écarquillèrent de stupeur.
-D…derrière vous… Qu’est-ce que c’est ?
À peine avais-je fini ma question que d’autres bras solitaires apparurent, certains armés d’épées, de haches, de lances… L’un d’eux portait même un énorme marteau. Ils nous encerclèrent.
[Point de vue : Fantôme]
Vous savez ce qui est cool quand on est un fantôme ? C’est qu’on a beau être mort, on peut quand même continuer de faire chier son monde comme quand on était vivant ! Avec les potes, on a vite compris qu’on pouvait bien se marrer maintenant qu’on avait clamsé. Alors on a commencé à réfléchir à ce qu’on pouvait faire, et puis y en a un qu’a eu l’idée de récupérer un des bras de son ancien corps, qu’on lui avait arraché avant de le planter au bout d’une pique. Et là, surprise, ça a marché ! Ce con tenait réellement son bras dans sa main ! Alors évidemment, ça a été pire que la foire aux bestiaux au début, on s’est tous bagarrés pour avoir le bras et pouvoir jouer avec.
Les bastons se sont arrêtées quand on est tombés sur un champ de bataille. Y avait des cadavres partout, et tout un tas de membres découpés ou arrachés. C’était l’occasion de se faire plaiz’ ! On a tout ramassé des morceaux, et des armes pour compléter. Ouais, parce qu’en fait on peut bouger que les machins qu’ont été vivants un jour.
Et puis là, ça fait un moment qu’on forme notre petite armée, et v’là-t’y pas qu’on tombe sur deux clampins au milieu de nulle part ! Alors évidemment, nous, on les encercle, et puis on commence à pousser des rires déments pour les faire flipper leur mère. Ça va être drôle, y a le p’tit rouquin qu’est déjà mort de trouille quand il nous entend nous marrer.