Overdose [Shenji]

Chacun essayait de tourner la conversation loin d’un sujet, mais apparemment Amélie y arrivait mieux que Shenji. Elle coupa court à l’évocation de ses origines avec une demi-réponse. L’adolescent se doutait qu’il n’obtiendrait rien d’autre, et il était trop bien élevé pour insister. De toute façon, ça ne le regardait pas vraiment.

Il essaya tout de même de passer en revue les pays qu’il connaissait près de l’Angleterre. Parce qu’il était certain qu’elle venait de ce coin-là, sa langue ressemblait à de l’anglais. Mais bon, difficile… Il connaissait l’Irlande, l’Allemagne, la France, et puis c’était tout. Et encore, il ne savait même pas lequel était où ! Ah, ou alors elle venait d’Amérique, puisqu’ils parlaient anglais là-bas aussi… Non, décidément, il ne trouvait pas, alors tant pis !

Alors qu’ils marchaient en direction de l’hôpital, croisant en chemin des gens plus ou moins louches, l’étrangère relança la conversation…en parlant du Livre. Shenji se mordit la lèvre et détourna le regard.

« Euh, c’est…c’est un peu compliqué… »

Comment allait-il se sortir de là ? Il sentait qu’il ne pouvait plus s’échapper, et étant très mauvais menteur il allait être forcé de lui dire la vérité. Pas de chance, mais quand on veut jouer les héros on assume. Il sortit donc le Livre de sous son manteau et le lui montra. Rien sur la couverture, ni sur la tranche. Que du bleu. Un beau bleu profond, que la mauvaise lumière des lampadaires rendait un peu orangé.

« Je suppose que je n’ai pas le choix… C’est un, euh…un livre de magie. [book of magic] C’est avec ça que j’ai fait partir les hommes plus tôt. [earlier, encore] »

Il gardait le Livre dans ses mains et ne l’approchait pas trop près d’elle. Il ne voulait surtout pas qu’elle le lui vole ou qu’elle l’abime.


[Hors RP : Non seulement je prends un mois à répondre, mais en plus j'écris rien. >< Toutes mes excuses !]

Parler de ses origines n’était pas une option. Une fugueuse n’en avait pas. Si elle avait fui son passé, ce n’était justement pas pour en reparler, et elle préférait user de sa curiosité, tombant sur n’importe quel subterfuge pour détourner le sens de la conversation... Et ce livre lui semblait être une bonne option. Bien que Seikusu soit une ville regorgeant de Portails dimensionnels et de magie, elle n’en avait encore jamais vu, et ne savait donc pas que ça existait. Pour elle, la magie appartenait au cinéma, au monde du Seigneur des Anneaux, et, quand Shenji lui avoua que c’était un livre de magie, elle crut à un truc de farces et attrapes... Un numéro de prestidigitateur, le mot dont tous les dyslexiques avaient horreur, spécialement inventé pour les faire hurler de rage, et impossible à traduire. Shenji lui avoua que c’était avec ce bouquin qu’il avait fait décamper les hommes qui l’avaient agressé.

« Tu leur as fait un tour de magie ? sourit Amélie. T’as fait sortir un lapin de ton chapeau ? »

Le ton était évidemment moqueur, plaisantin. Elle avait déjà assisté à un tel numéro chez elle, à Paris. Lors de l’anniversaire d’un camarade de classe, ses parents avaient réussi à obtenir un magicien, qui leur avait fait tout un tas de numéros impressionnants. Étant encore jeune, Amélie avait rigolé comme une idiote en applaudissant le magicien, ébahie devant ses tours. Et, si Amélie avait bien compris une chose, c’était qu’un magicien ne révélait jamais ses secrets. C’était presque une espèce de loi immuable et inviolable. S’il existait un Code déontologique des magiciens, alors Amélie pouvait deviner son article premier : « Tu ne divulgueras point nos secrets, sous peine d’être émasculé en public ». Elle comprenait donc pourquoi Shenji ne tenait pas particulièrement à en parler. C’était un secret.

Amélie souriait donc, amusée. Elle ne comprenait pas que la « magie » dont parlait Shenji était très différente de la « magie » qu’Amélie avait en tête. Il avait du utiliser un tour de passe-passe pour leur faire peur. Impressionnant.

« Ton père est magicien ? demanda-t-elle. Il fut un temps où je me voyais bien en magicienne, à faire sortir des lapins de mon chapeau... Mais le destin en a décidé autrement. »

Elle préférait se renseigner là-dessus, plutôt que d’évoquer son propre passé. Généralement, les magiciens étaient comme les agriculteurs et les forains, une profession héréditaire. Autant en savoir plus sur l’homme qui l’avait sorti du sacré pétrin dans lequel elle s’était fourrée, dans le fond.

« T’as fait sortir un lapin de ton chapeau ? »

Ouf ! Shenji sourit largement, soulagé qu’Amélie ait encore compris de travers.

« Oui et non. C’était plus un feu qu’un lapin, en fait. »

Il n’y avait pas de mots pour décrire son soulagement. Pour rien au monde il n’aurait voulu dévoiler son secret à une parfaite inconnue de la Terre, alors il était particulièrement content qu’elle se soit plantée.
Le délire du Code déontologique qui menaçait les magiciens d’émasculation n’était pas si éloigné de la vérité si on parlait de vraie magie : toute personne utilisant la magie sur Terre était irrémédiablement condamné à être disséqué par des savants fous avides de connaissances…et d’argent. Aussi Shenji n’avait-il vraiment pas envie de parler trop en détail du Livre et de ce qu’il pouvait faire avec.

« Ton père est magicien ? »

« Non, pas lui. Seulement moi. »

Shenji se prit à rire un peu. Combien de fois avait-il imaginé que son père était un magicien capable de faire réellement ce qu’il écrivait… C’était justement de là qu’était partie son idée de faire le récit de ses propres aventures.

« Il fut un temps où je me voyais bien en magicienne, à faire sortir des lapins de mon chapeau... Mais le destin en a décidé autrement. »

L’adolescent secoua la tête. Bien sûr, le destin est toujours le plus fort. Même lui ne pouvait y échapper, c’était ainsi.

« Nous avons tous de magnifiques, euh…projets. Mais tout le monde n’arrive pas à les faire devenir vrais. »

Il reporta son regard devant lui. L’hôpital n’était plus loin, encore deux virages et ils le verraient.

« Nous avons tous de magnifiques, euh…projets. Mais tout le monde n’arrive pas à les faire devenir vrais. »

Amélie acquiesça silencieusement, sans rien dire. Pour le coup, Shenji tapait dans le mille. Tous les projets d’Amélie, tous ses rêves, s’étaient écroulés le jour où sa famille avait décidé de la réduire en miettes, de la briser. Elle ne dit rien, jusqu’à ce que le duo finisse par se rapprocher de l’hôpital... Et qu’Amélie prenne soudainement conscience qu’elle ne pouvait PAS aller dans l’hôpital ! Elle n’avait aucun papier d’identité, et, si elle allait voir les médecins, elle était convaincue qu’ils appelleraient la police, et que ces derniers la renverraient à Paris, en apprenant d’où elles venaient. Amélie, cependant, était intelligente, et savait que, si elle disait à Shenji ce qu’elle voulait faire, à savoir ne pas y aller, il insisterait. Il avait une allure de boy scout, le genre de chevalier servant venant à la rescousse des belles princesses en détresse... Mais Amélie n’avait pas grand-chose de princier.

Elle se retourna vers lui, et lui sourit.

« Je pense que je devrais m’en sortir toute seule d’ici là... »

La jeune Française ne comptait clairement pas la folle... Prendre le bus, puis retourner voir Zetsu, et oublier ce quartier. Elle avait bien failli mourir, et, pour elle, sa survie ne tenait qu’à un incroyable coup de pot, un miracle inattendu et inespéré. Amélie ne savait pas que la magie existait... Pas celle des goûters d’anniversaire, mais la vraie magie, avec les sortilèges, les invocations, les sorcières... La Française sourit à Shenji, et, pour le remercier, l’embrassa sur la joue.

« Merci beaucoup, Shenji, mais je ne vais pas prendre plus de ton temps... »

Amélie espérait aussi qu’il en profiterait pour partir, afin qu’elle puisse s’éclipser. Pour elle, il était totalement exclu de rentrer dans cet hôpital.

Totalement.

Tout le monde a un rêve. Ne serait-ce que celui d’en avoir un, un jour. Mais la plupart ne le réalisaient jamais, que ce soit parce qu’ils n’en avaient pas les moyens ou parce qu’ils n’étaient pas assez motivés. Shenji le savait parfaitement. Il se doutait donc de la signification qu’avait le silence d’Amélie. Elle aussi avait dû renoncer à un rêve… C’était malheureux mais c’était ainsi.

Quand les deux jeunes gens arrivèrent en vue de l’hôpital, leur destination, l’étrangère voulut se séparer de son compagnon de route. Pour quelle raison ? Il ne le savait pas. Et il s’en moquait bien. Elle était capable de se débrouiller seule, oui, il restait à peine une cinquantaine de mètres à parcourir et ce coin-là n’était pas fréquenté par des types comme ceux de tout à l’heure. C’est donc rassuré et la conscience tranquille que Shenji hocha la tête en souriant, un peu rouge à cause du bisou. (bah oui, ça reste un ado…)

« D’accord ! Normalement ça devrait être bien [be fine], il n’y a pas de risque de se faire attaquer ici. Bonne nuit donc ! »

Sans se douter qu’elle allait en profiter pour s’échapper immédiatement, il la salua de la main et lui tourna le dos. Direction l’objectif premier de sa sortie nocturne, maintenant ! Il avait perdu suffisamment de temps comme ça à jouer les héros. Quoique… Est-ce vraiment du temps perdu ?


[HRP : Le pire post de fin de l'univers je pense. Si tu veux que je le refasse tu me le dis.]