C’était une structure onirique, une sorte d’épais losange qui entourait un château ancestral. Oui, un fort dans un losange... Des lignes magiques puissantes qui vibraient autour de la région... Une ville en ruines.
Centra. Elle reconnut les lieux, la ville abandonnée, sentit un pouvoir ancestral, puissant, prédateur, qui sommeillait dans cette structure. Un pouvoir très ancien qui venait d’émerger... Elle le sentait l’appeler. La magie vibrait, et son esprit tenta d’entrer... Les monstres ne l’impressionnaient pas sous cette forme, car c’était la magie qui l’amenait. Elle voyait les coursives, les escaliers en colimaçon, les statues sinistres, datant d’une époque ancienne, les inscriptions le long des murs, les protections magiques ancestrales qui s’étiolaient progressivement pour le laisser sortir. Était-ce le danger qu’elle sentait ? La peur, ou bien l’excitation ? Une joie fébrile à l’idée d’entrer là-dedans, de découvrir la bête qui s’y terrait ? Cette force... Ce ne pouvait être qu’une Chimère.
Edea sortit de sa méditation magique en sentant son esprit heurter celui de la Chimère. La créature avait senti une présence rôder, et réagit en conséquence, hérissant ses barrières mentales, chassant l’étranger qui s’insinuait dans son domaine. Le casque de méditation magique d’Edea s’ouvrit lentement, et la belle sorcière au teint d’albâtre rouvrit ses yeux oranges. Elle n’était pas seule, et, quand elle se redressa, son regard croisa celui de Lanea.
«
Vous l’avez senti, Mère, n’est-ce pas ? » s’enquit-elle.
Cette dernière ne répondit pas sur le coup. Cette concentration avait provoqué en elle une légère migraine, et elle ferma les yeux, un léger rictus venant traverser ses lèvres violettes.
«
Il n’est pas au sud de Galbadia, comme nous le pensions... Ce que nous avons senti ne devait être qu’un écho. Sa présence... Je l’ai senti à Centra. »
Lanea ne répondit rien, mais se pinça les lèvres, un geste qui était très éloquent. Cette information changeait pas mal de choses. Lanea savait très bien qu’Edea allait maintenant la supplanter, car elle n’avait manifestement pas le niveau. Il était même possible que la Reine décide d’y aller seule. Cette Chimère était très puissante, et Lanea l’avait senti... Mais pas de manière aussi palpable qu’Edea. La Reine était restée très silencieuse durant le repas, ce qui, en soi, n’était pas surprenant. De manière générale, Edea parlait peu, mais, même ici, elle était restée muette, plongée dans ses pensées. Un mauvais pressentiment la tracassait au sujet de cette Chimère, et, après le repas, elle s’était rendue dans sa salle de méditation, se plongeant dans les méandres de la magie, afin d’en savoir plus sur la Chimère.
«
J’aimerais que tu restes à l’université, Lanea. J’ai un pressentiment à l’égard de cette créature... -
Je comprends, Mère. »
Lanea savait que les sorcières étaient précieuses pour Edea. Elle ne voulait pas risquer inutilement la vie de sa protégée. C’était un choix qu’elle respectait. Edea se remettait peu à peu de ses émotions, et Lanea commença alors à percevoir chez la Sorcière une certaine fébrilité. Elle avait senti un puissant pouvoir magique, et, en tant que pure sorcière, sa puissance ne l’inquiétait pas. En réalité, elle se demandait plutôt comment réussir à contrôler une telle force, comment la soumettre à son autorité. Lanea connaissait trop bien Edea et sa soif dévorante de pouvoir pour ça.
«
Vous... Vous comptez y aller seule ? »
Cette idée la rendait nerveuse. Edea remuait lascivement ses doigts, puis lui répondit :
«
Je vais emmener Nastasia avec moi, son talent inné pour les Chimères peut être utile. -
Et... ? -
Squall viendra aussi. Sa puissance brute pourra être utile. »
Lanea hocha la tête. Elle n’avait pas besoin d’en savoir plus. Elle faisait entièrement confiance à sa mère. Cette dernière se rapprocha alors d’elle, et lui caressa les joues, avant de l’embrasser. Ce geste était aussi inattendu que délicat, et Lanea, en papillonnant des yeux, se surprit à rougir.
«
Maintenant, allons nous coucher. »
Edea avait ressenti l’inquiétude de Lanea à son égard. Elle ne lui en tiendrait pas rigueur, car cette créature avait effectivement l’air redoutable. Cependant, elle connaissait quelques sorts et quelques talents pour l’aider à se détendre.
Un vaisseau était affrété dès le lendemain matin, afin de conduire l’expédition à Centra. Le temple se trouvait au cœur de l’île, le long de la capitale de Centra, une ville ravagée et désolée.