Le rire de Dolan sonnait un peu trop flatteur pour pour être sincère, et si c'était bien évidemment une petite plaisanterie, Jessica s'était attendue à ce qu'elle le fasse sourire tout au plus. De la à rire... Soit l'avocat avait la rate qui se dilatait aisément, soit elle se découvrait des talents de comique. Ce qui serait peut-être une veine à exploiter s'il s'avérait qu'elle possédait bel et bien ces talents. Elle en doutait énormément cependant. Donc... Est-ce que William cherchait à être excessivement poli ou bien cherchait-il autre chose?
Quoique soit cette "autre chose" hypothétique, Jessica ne semblait pas prédisposée à faire don de quoique ce soit. Et puis au-delà de ça, l'avocat se fourvoyait du tout au tout. La chanteuse n'était pas en colère, elle était excédée, déçue et agacer. Sa colère se serait exprimée d'une façon beaucoup plus violente, Jessica étant une femme extrêmement passionnée et passionnelle. Si elle avait été en colère, comme le présumait Dolan, elle n'aurait pas fait montre d'une telle patiente. Elle se serait débrouillée par des moyens beaucoup plus détournés et beaucoup plus rapide d'obtenir ce qu'elle voulait, à savoir l'adresse privée d'Hatori, sans avoir recours à l'avocat pour aller exprimer le fond de sa pensée au yakuza dans les plus bref délais et lui coller une balle entre les deux yeux. Et oui, elle était ainsi. Sous ses dessous de femme du monde, Jessica Hale était parfaitement capable d'abattre un homme l'ayant contrariée de sang froid. Sans doute le fait qu'elle soit américaine, allez savoir. Et encore une fois, ses aptitudes de tir n'étaient pas à négliger. A l'instar de cette héroïne de série télévisée à succès, Bree Van de Kamp, Miss Hale savait viser. Juste. De ce fait, n'importe qui connaissant un peu Jessica saurait que la colère n'était pas un état émotionnel à provoquer chez elle. Quant à la maladresse de ses propos, elle n'en avait cure puisque ce n'était point de la maladresse mais des insultes délibérées. "Dolan" n'étant pas un nom japonais, elle ne prenait que peu de risques de l'offenser et ce peuple aux coutumes si extrémistes venait de lui faire vivre des instants particulièrement pénibles. De ce fait, elle se réservait le droit de les insulter, eux et leurs envies suicidaires déplacées.
On lui apporta sa commande, interrompant le regard scrutateur que portait la chanteuse sur l'avocat, après la très juste question qu'il venait de lui poser. Elle remercia le serveur bien sûr et s'humecta les lèvres avant de répondre.
"Pour être honnête, je ne me serai même pas posé la question. Le fait que vous soyez venu me prévenir la veille au soir dans le but de me mettre en garde contre les tentatives d'Hatori m'a laissé supposer, sans doute à tort vu la question que vous me posez, que vous étiez un homme avec certains principes. Je sais ce que vous faites, je ne vous en blâme pas, vous faîtes votre travail, mais ça ne vous a pas empêché de venir me trouver hier jusqu'à ma loge et je doute vraiment que vous soyez venu uniquement pour mes beaux yeux. De plus, je ne voyais pas vraiment votre coopération comme une trahison, du moins pas plus que votre mise en garde de la veille, puisque je ne comptais pas vous impliquer dans ma démarche au-delà de quelques renseignements. Donc pour répondre à votre question, ce que je pense de vous, c'est que vous êtes un homme pragmatique et intelligent, mais avec une conscience dont les limites sont connues de vous seul. C'est ce que je pense maintenant et ce que je penserai ce soir, quoiqu'il puisse arriver. De ce fait, j'espère que vous ne me tiendrez pas rigueur d'essayer de deviner où se trouvent ces limites."
La chanteuse lui adressa un petit sourire en coin, plutôt charmeur, et prit une gorgée de Mojito. Il passait plutôt bien, Jessica adorait les cocktails. De plus, William s'était aussi trompé concernant les motivations de la jeune femme, quant à ses motivations pour abréger leur tête à tête. Elle n'avait parlé de séparation prématurée uniquement parce qu'elle supposait que l'avocat était un homme très occupé et qu'une fois qu'elle lui aurait exposé les raisons de sa venue dans cet endroit, il préfèrerait s'en aller plutôt que de déjeuner avec elle. De ce fait, ça n'était en aucun cas un ultimatum. Jessica n'avait pas recours à ce genre de pratique.