Le Prince resta ainsi sous la pluie, à attendre qu'un page ou un portier ne vienne l'ouvrir. Personne ne vint. Était-ce vraiment l'épicentre de la noblesse terrane, le lieu qui avait accueilli des ducs, des marquis, des rois, des empereurs, et même des Dieux tels qu’Hadès lui-même? Et il devait ouvrir la porte lui-même? Rien qu'à cette idée, Melancholy maugréa en posant sa main à plat sur la porte, qui contrairement à ses attentes n'était pas rugueuse et froide, mais lisse et chaleureuse. Plutôt intéressant, et rassurant: cet endroit était définitivement le légendaire Palais d'Ivoire. Il se calma en se disant que sa venue était improviste, et que le personnel ne pouvait s'attendre à une visite avec un temps pareil. Et puis, peut-être que la demeure renfermait alors d'autres invités de marque? Il sourit et poussa la porte.
Parce que, bien évidemment, l'héritier du trône infernal, et accessoirement chef d'un clan de féroces yakuzas n'était pas venu jusque là dans la simple idée de visiter les locaux: comme il l'avait poliment annoncé aux gardes, il était ici dans un but diplomatique. Le Prince Reaper était venu pour se trouver une prétendante, une Princesse, une véritable Dame qui selon lui serait digne de devenir sienne, et ainsi régner sur les Enfers à ses côtés. Ouais, rien que ça. Il n'allait tout de même pas chercher la femme de sa vie auprès des gueux n'est-ce pas? L'idée de se marier et de vivre auprès d'une malpropre sans le sou lui donnait des vertiges.
Il découvrait l'endroit avec ravissement: des colonnes finement gravées comme à la maison, mais en blanc, et sans démons agonisants représentés. Et puis un grand tapis de velours, brodé d'arabesques d'or, qui filait droit vers un grand escalier large et tape-à-l’œil. Et il n'y avait pas un seul larbin ici. Remarquez, voir des sous-fifres s'activer dès votre entrée dans un endroit aussi luxueux, c'est un crime. La maîtresse en ces lieux savait vraiment recevoir.
Aussi, il replia son parapluie et le posa au sol tel une canne, puis referma la porte derrière lui. Séparé ainsi du bruit des gouttes et de l'ambiance triste des rues, il ne put qu'entendre le profond soupir de Miss Powder, découvrant ainsi qu'il n'était pas seul en cette pièce. Il s'avança discrètement vers la colonne derrière laquelle elle était dissimulée, puis se montra à elle.
Au vu de sa tenue plutôt inhabituelle, elle ne faisait pas partie du personnel, c'était déjà ça. La femme était un peu plus grande que lui, fort peu vêtue, et semblait harassée. Elle était en plus de ça fort séduisante, et avait eu la bienséance de se retirer pour cacher son épuisement. Sa présence ici témoignait d'un haut rang, et sa poitrine était aussi énorme que l'égo de Mel. Une demoiselle très plaisante, donc. Il se présenta avec toute sa courtoisie habituelle.
Pardonnez-moi de vous déranger. Mon nom est Melancholy, fils aîné du Dieu Hadès et héritier du Royaume des Enfers. En quoi puis-je vous être agréable, ma Dame?
Il souriait gentiment. Aussi, il réfrénait son envie de planter quelques lames dans le mur, sans aucune raison. Il avait envie de lancer ses couteaux, même si ça ne se faisait pas ici. Peut-être que c'était surtout parce que ça ne se faisait pas.