- Qui êtes-vous ?
Ah oui, avant de demandez qui vous êtes, je devrais me présenter. Eh bien je m'appelle Motohiro Masumi, j'ai dix-sept ans mais je vous en prie, vous pouvez m'appeler Moto comme le font les membres de la famille qu'il me reste. Actuellement, j'étudie à la maison, dans ma chambre, mon handicap m'empêche de suivre les cours comme la plupart des autres jeunes de mon âge.
Je suis aveugle de naissance, je n'ai jamais vu la moindre forme, la moindre couleur. Je vis dans un monde d'obscurité, de sons, d'odeurs, de sensations.Est-ce que cela me dérange ? Non, j'ai cette habitude de la vie. D'ailleurs, si ça me dérangeait je ne sourirais certainement pas tout le temps. Ce que j'aime dans la vie, ce sont les découvertes. Je sais que je ne serais pas un bon archéologue, un bon scientifique ou quoi que ce soit comme métier nécessitant absolument la vue mais ça ne me dérange pas, mes autres sens sont plus développés que la moyenne. Je le sais, comment ? Eh bien quand on entend les bruits de pas de quelqu'un qui ne s'entend pas lui-même, on peut se dire que notre ouïe est plus développée. Les odeurs aussi je les capte mieux que les autres... D'ailleurs le votre est sauvage et discret. Ça doit faire quelques heures que vous le portez, une marque relativement peu connue ni très chère. Tant mieux, ce sont, à mon avis, les meilleurs du marché. Ce que je préfère dans mes sens, c'est le goût. Cette explosion de saveurs qui vous inonde les papilles lorsque vous croquez dans quelque chose de succulent me ravit à chaque fois. J'adore manger.
Mes passe-temps sont la cuisine, la musique ainsi que les échecs. Oui, je suis aveugle mais je joue aux échecs par un procédé assez simple. Nous disons chaque déplacement effectué et je les enregistre dans ma mémoire. Au départ, cet exercice est assez difficile mais à force de le pratiquer, ça en devient une habitude, comme pour tout le reste.
Pour ce qui est de mon apparence, je ne peux pas vraiment vous dire avec certitude à quoi je ressemble donc je vais me baser sur ce que ma famille me dit. Il paraît que j'ai un visage fin, de très beaux yeux mais pour les voir, il faut que je les ouvre. Je sens toujours mes paupières fermées sauf à de très rares occasions, lors d'un choc émotionnel par exemple. Des yeux blancs, profonds, qui attirent le regard des autres... Enfin, ça c'est qu'on dit dans la famille. En plus de ça, j'aurais les cheveux blonds, mi longs. Aussi, il paraît que je suis petit, plus que la moyenne ne le voudrait, je n’atteins même pas le mètre 70. Un mètre soixante et un pour cinquante-trois kilos. Rien de bien imposant mais au moins, j'atteins la moyenne cette fois. Mes cheveux sont toujours en bataille, c'est difficile de se coiffer sans rien voir. Essayez un jour, fermez les yeux et tentez de vous coiffer sans jamais regarder, vous n'aurez pas cette petite frange que vous vouliez ou que sais-je encore. Je ne me plains pas, j'aime cette situation et puis ma tante m'a dit que la plupart des filles se retournaient à mon passage donc je dirais que ça me va bien.
Mon oncle m'appelle gueule d'ange... Bien que je n'aie jamais vu d'ange, j'imagine que ce doit être un compliment. Quoiqu'il en soit, ils s'arrangent toujours pour m'offrir des vêtements de qualité, je le sens en les prenant en main. Leur prix ? Aucune idée et je ne veux pas le savoir. Ce qui est important, c'est qu'ils sont gentils avec moi et qu'ils tentent de me faire vivre une vie normale malgré mes yeux clos. Des chemises, des costumes taillés mais, moi, ce que je préfère, ce sont les tenues plus relax. Un tee-shirt ample, un pantalon un peu trop grand et des baskets. Je trouve que c'est mieux, on est plus libres de nos mouvements là-dedans que dans les costumes hyper chers et qui craquent au moindre étirement.
Je suis donc Motohiro, jeune étudiant aveugle. Ma mère était chef cuisinière, j'ai toujours adoré ses plats. C'est elle qui m'a apprit à cuisiner étant petit. Mon père était ébéniste, son travail était apparemment apprécié car nous ne manquions de rien, nous étions une famille heureuse. En ce temps-là, j'appréciais le moindre moment de vie passé avec eux mais un jour tout changea. Ils me laissèrent à la maison avec ma tante et mon oncle alors qu'ils devaient se faire une sortie pour fêter leurs vingt ans de mariage. Ce soir là, j'étais donc à la maison en train de jouer aux échecs avec mon oncle quand le téléphone sonna, ma tante décrocha et c'est là que j'appris ce qu'il s'était passé. J'étais encore jeune, j'avais à peine dix ans. J'entendis tout ce que le type disait dans le téléphone, cette conversation me perturba tellement que j'en avais oublié la partie d'échecs. Je restais sans bouger, je venais d'entendre le policier dire à ma tante que mes parents étaient morts lors d'un accident de la route. Je sentis des larmes couler le long de mes joues, mes yeux étaient alors ouverts et mon oncle avait du le remarquer car sa respiration était plus courte, plus rapide. Il l'avait même retenue pendant une demi seconde, elle me parut une éternité.
Ce jour là, j'étais au plus mal, je m'isolais dans ma chambre et m'endormit, les genoux au sol, la tête posée sur mes avant bras croisés sur le lit. Mes parents, c'étaient tout ce que j'avais pour me raccrocher à quelque chose, pour ne pas sombrer dans la dépression. Ils m'avaient tout appris et je venais de les perdre. Peu de temps après, un arrangement pour ma garde fut trouvé et j'atterris chez mon oncle et ma tante qui furent très gentils. Je ne manquais de rien et ils évitaient soigneusement le sujet des parents pendant plus de deux ans. Ils m'avaient vus les yeux ouverts, le sourire disparu et pourtant ce n'était pas dans mes habitudes.
Au cours de ces deux années, le malheur s'abattit encore un peu plus sur notre famille et mes grands-parents décédèrent presque en même temps que ma cousine et son mari. J'avais perdu tout espoir et mon oncle vint alors me voir, me forçant à sourire. Il disait que ça m'aiderait à passer les mauvaises épreuves, que ça me rendrait plus joyeux de vivre mais j'entendais au son de sa voix qu'il était aussi abattu que moi à ce moment là. L'argument qui me choqua, c'était qu'il voulait que je sourie pour que les gens n'aie pas à s'inquiéter de moi, qu'ils voient que tout va bien. En réalité, il voulait juste me voir heureux pour qu'il puisse tenir le coup. Ainsi, je suivais sa volonté. Ils furent alors plus heureux, je sortais de ma chambre, je partageais des moments de franche rigolade avec eux jusqu'à ce que je demande quelque chose. Je ne leur avait jamais rien demandé mais cette fois là, j'allais le faire.
Je leur demandais donc de me laisser sortir, seul. Je rentrerais quand le soir tomberait. Pour les rassurer, je leur dis que dès que le temps se rafraîchirait, je serais devant la porte et je sonnerais deux fois. Ils n'étaient pas rassurés, me laisser, moi, l'aveugle de service aller seul dans la rue. Cette rue pleine de danger qui avait eu raison de personnes proches. Je l'appréhendais, j'en avais peur, mais je devais sortir, seul. Cette étape me semblait nécessaire pour pouvoir avancer et ne pas faire semblant. Rester dans ma chambre ne m'avait pas aidé, je le savais, j'en étais conscient, je devais sortir, sentir le monde. A ce moment là, j'avais seize années de vie. Depuis, je sors, seul mais il me manque encore quelque chose pour compléter cette existence à moitié perdue, des amis.
Autres :
Comme vous aurez pu le deviner à l'histoire, il n'a encore eu aucune relation avec qui que ce soit et ne s'en est jamais préoccupé. Connaître ses orientations est donc impossible.
Connu le forum par le biais d'un ami et aucun moyen de le faire connaître sinon éventuellement en parler.
Il n'a plus peur de la rue mais ne montera pas dans une voiture, un bus, un camion ou autre véhicule roulant.