Dans le lit, Nariko était un peu moins gênée qu’Alastyn, mais, pour autant, elle n’était pas parfaitement sereine. Dormir nue avec un homme, surtout quelqu’un qui était assez élégant, était une bonne expérience... Assez alléchante, même. Elle eut un léger sourire, et regarda le plafond, tandis que l’homme s’allongeait nerveusement à côté d’elle, et essayait de dormir, en se faisant tout petit. Au moins, il n’essayait pas de s’étaler, et la guerrière était plutôt amusée par la tournure des évènements. La scène était assez cocasse, en vérité, et elle s’humecta les lèvres, se retenant de pouffer. Cette situation lui rappelait une scène similaire qu’elle avait vécue il y a quelques années, quand elle avait dormi avec un garçon. Le pauvre était devenu cramoisi, n’osant même pas respirer sous la tente. Nariko, qui comptait initialement toucher son sexe par pure curiosité, était revenue sur son envie en voyant qu’il était presque sur le point de se faire dessus. Ce fut à ce moment, alors qu’elle réfléchissait à son passé, et que les lumières des bougies allaient en déclinant, qu’Alastyn posa une question :
« Au fait, on devrait peut-être faire des tours de garde au cas où le démon viendrait, non ? »
Nariko répondit après quelques secondes, en tournant la tête vers lui, puis une partie de son corps, se mettant sur le côté.
« Je ne vous ai pas invité dans mon lit pour rien... Kaï restera dans le lit simple, car, de cette manière, elle est plus proche de la fenêtre. Si quelqu’un s‘approche, elle le sentira... Inutile de vous embêter avec ça. »
Elle se retourna ensuite, se couchant sur le ventre, et soupira légèrement, avant de gigoter un peu, de manière à bien positionner ses seins, et commença à fermer les yeux. Elle dormait mieux sur le ventre, et n’était nullement inquiète. Kaï était parfaite pour espionner, et, si Nariko avait choisi de dormir avec Alastyn, plutôt qu’avec Kaï, c’était parce que la jeune femme dormait dans son petit lit, et préférait dormir près de la fenêtre, afin de pouvoir plus facilement surveiller la région. Nariko la connaissait accessoirement suffisamment pour savoir qu’elle prendrait mal de savoir que la guerrière avait offert son lit à un homme dont elle se méfiait. La confiance de Kaï était une chose difficile à obtenir. Pas impossible, mais ça prenait son temps. Alastyn y aurait droit, s’il continuait à être avec elles, et si Kaï voyait que Nariko lui faisait confiance.
Nariko commençait à rêvasser, la couverture du lit repliée à mi-hauteur de ses omoplates, laissant le bout de sa longue chevelure. Elle regardait sur la gauche, et souffla sur les bougies, plongeant la pièce dans la pénombre, et ferma les yeux. Cette journée-ci avait été longue, et elle avait encore tué. A force, elle finissait par n’en ressentir plus aucun remords... Elle avait ôté tant de vies que cela lui apparaissait presque comme naturel... Il n’en avait pas toujours été ainsi. Le premier homme que Nariko avait tué l’avait hanté dans ses cauchemars, car, comme toutes les premières fois, elle avait été assez difficile. L’homme s’était battu, avait offert une résistance exemplaire, et Nariko avait eu du mal. Maintenant, c’était bien différent, et elle commençait à se dire que la mort faisait partie naturelle de son existence... Quand on portait une épée, il fallait bien s’attendre à devoir donner la mort.
*J’ai accepté mon rôle depuis bien longtemps… Ceci ne fait pas de moi un monstre…*
Du moins, c’est ce qu’elle essayait de se dire... Mais elle savait très bien quelles étaient les pulsions qu’elle ressentait quand elle se battait avec Heavenly Sword, et qu’elle sentait l’adrénaline la gagner... Elle était comme une funambule marchant au-dessus d’un précipice. Un simple faux pas, un simple moment d’hésitation, et sa rage naturelle risquait de la consumer...