La calèche continuait à avancer, traversant les successions de corps de garde et de contrôles. La capitale était une véritable forteresse, et, quand le véhicule parvint à passer, Mélinda était rhabillée. Limma, de son côté, s’inquiétait, ce qui ne surprit qu’à moitié la vampire. Les démons étaient généralement très prétentieux, et ne supportaient pas qu’on les assiste, ou qu’on remette en cause leurs compétences. Chasser avec quelqu’un devait déplaire à Limma, mais elle allait devoir s’y habituer. Mélinda lui fit un léger sourire, et caressa ses cheveux.
« Au début, tu ne chasseras pas toute seule, petit trésor. Je devrais commencer par m’assurer que tu ne fais pas n’importe quoi, mais, si je vois que tu te comportes bien, alors je te ferais confiance. Quant à chasser dehors... »
La vampire haussa les épaules, comme si l’idée lui semblait saugrenue, mais précisa néanmoins le fond de sa pensée :
« Ce désert est particulièrement dangereux, ma puce. Il y a bien des créatures qui y rôdent, des vers géants, des loups, et de nombreuses patrouilles. Néanmoins... Et bien, si une patrouille disparaît, je suppose que l’enquête officielle considérera qu’ils ont été dévorés par un monstre... »
Il n’était pas difficile pour Limma de comprendre qu’elle était bien plus libre dehors que dans la ville. Pour autant, elle allait devoir être prudente, car les gardes de la capitale étaient tout de même plus dangereux que ceux des campagnes, et avaient tous reçu une formation, sommaire ou non, à la lutte contre les espèces surhumaines, incluant les démons. Leurs armures étaient solides, mais on trouvait de tout dans le désert. Outre les gardes, il y avait des fugitifs, des ermites, des nomades... Limma devrait aisément y trouver de quoi nourrir son estomac.
La calèche était désormais sur l’un des grands boulevards de la capitale. On voyait, au fond, l’arrogant palais impérial, centre du pouvoir de l’Empire. Le Palais était tout simplement immense, une ville à l’intérieur de la ville, un château-fort à l’intérieur du fort. D’immenses douves entouraient le massif palais, et le donjon était une véritable tour, abritant le siège de l’Empire : les quartiers personnels de l’Empereur, ainsi que le Conseil Impérial. La calèche s’y rapprochait, et il y avait des patrouilles de gardes partout, ainsi que de nombreux miradors et tours de guet. Mélinda continuait à câliner et à embrasser sa démone personnelle.
« Je t’offrirai des individus à dévorer, si tu veux... Une femme dans ma position a toujours des individus dont il faut se débarrasser. »
Le milieu de l’esclavage était un milieu impitoyable, après tout. Les enjeux étaient colossaux, et le harem de Mélinda commençait à acquérir une petite réputation au sein de la capitale, la forçant à négocier, à faire des transactions avec d’autres rivaux, et à supprimer certains gêneurs. La calèche continuait à avancer, jusqu’à arriver devant une tour, assez semblable aux autres tours. Mélinda la désigna en levant la tête.
« C’est ici, Limma. Mon antre, mon repaire. Mon harem.”
La calèche s’arrêta, non pas devant l’entrée des visiteurs, mais fit le tour du harem, filant dans une rue pour rentrer par l’arrière. Un mur d’enceinte entourait solidement le harem, et la calèche rentra par l’arrière, entrant dans une sorte de grande grange. Mélinda en profita alors pour mettre autour du cou de Limma son collier, puis la tint par la laisse. C’était un collier avec des pointes, comme celui qu’on mettait sur les chiens.
« Vous avez bien voyagé, Madame ? »
La question émanait de l’un des gardes, et Mélinda eut un léger sourire en descendant, Limma la suivant.
« Plutôt, même. J’ai même ramené un sourire. »
Le garde hocha la tête, et un autre alla chercher les affaires de Mélinda, qui ordonna qu’on les dépose dans ses quartiers. En compagnie de Limma, elle pénétra dans le harem, filant dans des couloirs soyeux et luxueux, chauds et décorés. Le harem ne dormait jamais, mais la vampire évita d’aller dans la partie du bâtiment où les clients s’amusaient, filant vers ses propres quartiers. Elle finit par s’arrêter dans sa chambre, une pièce immense. Le lit était massif, en forme de demi-cercle, et pouvait contenir au moins quatre ou cinq personnes. Il y avait de grandes fenêtres, un lustre, plusieurs tableaux, et, également, dans les recoins, une espèce de grille dorée montrant un conduit rempli d’eau.
« Je dispose d’une sirène, expliqua Mélinda. Elle utilise ces conduits d’eau propre pour se déplacer, et a réussi, sans que je ne sache trop comment, à trouver un moyen de sortir du harem pour rejoindre les lacs de la région. »
La sirène pouvait donc théoriquement s’enfuir, mais elle n’aurait aucun intérêt à le faire, car Mélinda la nourrissait, et lui offrait bien des choses qui lui avaient permis d’obtenir la loyauté d’une sirène. C’était l’une de ses plus belles fiertés. Elle s’avança vers le lit, qui comprenait plusieurs tapis autour.
« Alors, dis-moi, Limma, où préférerais-tu dormir ? Dans un lit... Ou à mes pieds ? »
Elle avait posé la question avec un léger sourire désinvolte sur le visage.