Il la vit fouiller un tiroir, avant d’en sortir un journal. Haussant un sourcil alors qu’elle le posait sur la table, il inclina légèrement la tête de côté, reconnaissant la photo qui faisait la Une. Une vieille édition du Bugle. Pas terrible, cette photo, c’était le début, bon, mais ça n’excuse pas tout. Elle lui rendit son salut, ce à quoi il ne réagit que d’un sourire délicat, avant de l’observer poser son sandwich, puis ses questions. Même s’il ne l’aurait jamais avoué, il était un peu intimidé. La réputation de cette femme la précédait, et il savait que de nombreux journalistes avaient du respect pour elle. Certains se damneraient même pour avoir la chance de travailler en sa compagnie, ou vendraient père et mère pour ne serait-ce que la croiser au détour d’une conversation. Lui, il s’en fichait allègrement. Il était là uniquement pour gagner de l’argent, et la photographie n’avait toujours été qu’un moyen d’arrondir les fins de mois, pas vraiment une passion en soi. Il était doué, c’est vrai, mais à chaque fois qu’il décidait de faire quelque chose, il arrivait toujours à en faire quelque chose de correct. Une sorte de perfectionnisme. Elle finit par lui demander ce qu’il pensait d’une photo de son dernier photographe. Celui qu’elle a dû renvoyer, en fait. Et je la comprends, ce cliché est... Il n’y a pas de mot. Il allait répondre quand il croisa son regard. Elle était attentive à ce qu’il pourrait dire, mais avant qu’il ne puisse prendre la parole, elle rajouta une phrase. Une affirmation non négociable, en fait.
Il lui adressa un nouveau sourire, avant de se redresser sur son fauteuil, tendant une main pour rapprocher encore un peu l’horrible cliché qu’elle lui avait montré. Il l’étudia deux secondes, avant de froncer les sourcils, relevant la tête pour retrouver son regard. Tapotant la photo de l’index, il finit par demander :
«- Votre photographe, là, c’était un gosse de cinq ans, non ? »
Il lâcha un léger rire. Regardez-moi ça, franchement...
«- Une photo mal cadrée, flou, digne du premier appareil jetable. Ceux qu’on trouve aux supermarchés, dans un pauvre emballage en carton et en plastique. C’était pour une interview, non ? Parce que là, c’est vraiment une honte. Vous n’aurez pas ce genre de déchets, avec moi. »
Il sourit de nouveau, repoussant le cliché sur le bureau. Point positif, elle n’avait pas connaissance de son secret. Spiderman était sauf, et lui disposait de plus d’arguments pour se vendre que si elle avait su qui il était. Il réfléchit quelques secondes aux questions précédentes, avant de hocher la tête.
«- Comme vous l’avez dit, je viens de New York. L’Amérique, c’est très surfait, surtout ces derniers temps. Une envie de changer d’air, et comme je suis arrivé ici il y a peu de temps, j’ai besoin d’argent. Ne serait-ce que pour me trouver un endroit décent où vivre. Et comme je connais le milieu, votre annonce m’a paru assez... providentielle. »
Il sourit à nouveau, avant de s’adosser à nouveau au dossier de son fauteuil. Posant la main sur son menton, l’enserrant de ses doigts pour réfléchir à la suite, il enchaîna après de nouvelles secondes.
«- Ce qui me différencie des autres... J’ai bossé pour le pire emmerdeur que la terre ait jamais porté... »
Enfin, le pire sans compter les super vilains qui m’ont pourri la vie et celle des habitants de New York. Entre Electro, Le Vautour, Le Lézard, ou ce foutu Bouffon Vert... Au moment où le nom lui traversa l’esprit, il avait machinalement posé l’index sur la cicatrice qui lui barrait l’oeil. Revenant sur terre, il continua, naturellement.
«- ... Donc, je connais le milieu, je peux supporter les pires inconvénients, je sais prendre des photos que personne ne peut prendre, et je n’abandonne pas. Par contre, je peux être excessivement chiant si on accorde pas à mes photos le prix qu’elles méritent. Se faire marcher sur les pieds, ce n’est plus pour moi. Quant à ma disponibilité, elle est totale. Si vous m’appelez, quelque soit l’heure, je répondrais présent sans aucune hésitation. »
Il hocha la tête, avant d’écarter un pan de sa veste pour y glisser une main. Cherchant un instant dans la doublure, il en ressortit des clichés qu’il étudia un instant. Les photos que j’ai prise hier en costume. Elles sont vraiment pas mal du tout, je n’ai pas perdu la main. Et ça me fait un premier scoop, en plus. Bon, si l’édition du journal fait le tour du monde, je risque de me retrouver avec le S.H.I.E.L.D sur les bras, les Thunderbolts, ou autre... Mais je ne pense pas. Le Daily Planet de Seikusu, c’est pas celui de New York. Ils ont assez de news là-bas pour ne pas faire attention à une édition japonaise.
Il lança habilement les photos sur le bureau, les montrant ainsi à la jeune femme. Bien cadrée, montrant l’Homme-Araignée en pleine action, tirant sa toile entre les bâtiments de la ville, de près. Des photos parfaites, en un sens. Il sourit.
«- Je viens avec des photos, et aussi un scoop. Spiderman est ici. Ca peut vous faire vendre, ça, hein ? »
Satisfait de sa prestation, il croisa à nouveau les bras sur la poitrine, laissant Loïs examiner ses oeuvres.
«- J’ai été son photographe officiel, et je le connais un peu. Ca aussi, ça me différencie des autres. »